par ArchivesAutonomies
En mai, à cause des événements, il y a eu un manque de tabac et de pain en prison. On n’a droit qu’au tabac brun, pas au blond. Or le tabac brun était en pénurie. On ne pouvait plus en avoir à Fleury. Pour un type qui fume, qui est seul en prison et qui n’a rien à fumer, c’est pire qu’un calvaire. A l’époque il y avait à peu près 3 à 500 détenus et ils descendaient en deux groupes. Dans un des groupes, les détenus ont dit : "Ça suffit comme ça, on n’a plus de tabac, on n’a plus de pain, ça va pas, faut pas remonter. On reste en bas. Faut qu’on gueule. On peut pas remonter dans ces conditions-là. Pas de pain, pas de tabac, c’est infernal. On reste en bas, on refuse de monter, on tape, ça pète s’il le faut. Mais on remonte pas, les gars, faut pas se laisser faire comme ça." Tout le monde tombe d’accord. Tous les types se cassent dans un coin du terrain de sport. Tout le monde discute. Il y avait des matons particulièrement emmerdants qui étaient là. Ils ont été chahutés. Les types les ont mis au milieu d’eux et leur ont dit : "Tu te vantes plus, tu te sens plus en joie - ça va, d’abord la ramène pas."
Il y a même des matons qui pleuraient. C’est tout juste s’ils ne se sont pas mis à genoux. Les casquettes volaient. Ils prenaient des coups de pied au cul. Les détenus ne cherchaient pas à les frapper mais à les avilir. Ils se rattrapaient sur les matons. Ils ont des occasions tellement rares. On a pu voiries surveillants sous leur véritable forme devant un danger quelconque, quand ils ne sont pas sûrs d’être les maîtres, de véritables larves acceptant les coups. Là, le nommé Grouille n’aurait jamais osé sortir pour faire remonter les détenus qui scandaient "du pain, du tabac" sur le terrain de sport. Un autre galon d’or qui arrivait tout frais émoulu de Versailles est sorti, s’est mis directement au milieu des détenus, a dit : "Bon les gars, qu’est-ce qu’il y a ?" Les détenus sont restés soufflés de voir ce type se mettre comme ça au milieu d’eux, leur disant : "Je vous promets. Je vais faire tout ce qu’il faut pour que vous ayez du tabac ce soir." Effectivement, le soir, tous les types ont eu des blondes, parce qu’il n’y avait plus de tabac brun à l’extérieur, et du pain.