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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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la dernière révolte à fleury : 5 mai 1971
Intolérable, n°2, Décembre 1971, p. 34-35.
Article mis en ligne le 3 avril 2014
dernière modification le 10 janvier 2024

par ArchivesAutonomies

"Plus on nous enfermera, plus nous nous révolterons."

Tous les articles parus dans la presse bourgeoise ont présenté Fleury au public comme une prison qui n’a même plus de barreaux.
Dans la brochure éditée par le Ministère de la Justice, on lit que "grâce à l’emploi de verre infranchissable, le barreaudage des fenêtres a pu être partiellement supprimé". Effectivement, chaque cellule a une façade vitrée dans laquelle s’encastre une fenêtre de 70 sur 67 centimètres, seule la fenêtre s’ouvre et est garnie de barreaux. Le texte suivant nous est parvenu de l’intérieur de la prison :

"La prison sans barreaux est en voie de dispari­tion. Depuis le mois de novembre, jour après jour, les barreaux réapparaissent. D’abord au rez-de-chaussée dans certains bureaux où vien­nent travailler les détenus, puis dans des salles d’attente. On a vu ensuite apparaître des gril­lages serrés aux fenêtres des cellules du troisième étage (étage où les détenus sont en cellule 23 heures sur 24). Pourquoi des grillages à la seule fenêtre qui s’ouvre ? Pour éviter que les détenus ne jettent du pain aux oiseaux, car ça ne fait pas propre.
"Dans certaines cellules ainsi aménagées, l’atmo­sphère est étouffante. Avant, la petite fenêtre permettait d’avoir un peu d’air, maintenant plus rien, le grillage est trop serré.
"Aujourd’hui, les grilles sont placées au rez-de-chaussée, demain elles le seront au deuxième, dans l’aile milieu et puis l’aile droite et puis partout.
"Le 5 mai 1971, huit détenus du dèuxième étage qui appartiennent au groupe scolaire 2A se révoltent. Ils découpent du papier, beaucoup de papier, et balançent tout ça par la fenêtre, car c’est le seul moyen de.se faire entendre dans la prison. Le sol est complètement recouvert de papier. Sur certains d’entre eux on peut lire des inscriptions : "NOUS NE SOMMES PAS DES BESTIAUX, NOUS SOMMES DES HOMMES", ou bien : "PLUS ON NOUS ENFERMERA, PLUS NOUS NOUS REVOLTERONS."
"Mais les matons sont déjà là, et il est difficile de continuer le mouvement. Sur les huit, quatre continuent, il s’agit de Lebarre, Pesce (qui est en détention préventive depuis 37 mois), Baum et Philippe. Ils demandent aux surveillants de pou­voir parlementer avec le surveillant-chef de l’étage. Les surveillants refusent, ils ne veulent pas qu’on passe sur leur tête, ils veulent se donner de l’importance.
"Les surveillants font des rapports. Les rapports arrivent à la direction. Le sous-directeur M. Rousseau prend la décision de mettre les quatre détenus en cellule de punition, c’est-à-dire au mitard à titre préventif avant qu’ils passent en prétoire. Le 6 au matin, ils sont isolés et ne peuvent donc plus suivre leurs cours. (Ils prépa­rent tous les quatre le B.E.P.C. qui est dans un mois.)
"En principe, ils vont être placés dans d’autres bâtiments où le régime est plus sévère, car ici on a peur des "meneurs".
"On en profite alors pour fouiller leurs cellules. Ce sont des éducateurs qui en sont chargés. Qu’y trouvent-ils ? Des livres, ce qui est apparemment normal pour des gens qui suivent des études. A leur goût, il y en a trop. C’est pas normal d’avoir autant de livres (pour un détenu), comme c’est pas normal d’être nourri correctement. Un détenu, c’est pas un homme à part entière.
"Tous les livres sont raflés, livres appartenant aux détenus et non pas à l’administration, livres autorisés par l’administration, autorisés par ceux qui les récupèrent. Ici ces éducateurs sont des flics, ils sont pires que des matons."

Prison de Fleury, le 7 mai 1971.