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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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histoire d’un jeune
Intolérable, n°2, Décembre 1971, p. 38-39.
Article mis en ligne le 3 avril 2014
dernière modification le 10 janvier 2024

par ArchivesAutonomies

A douze ans et demi, je suis allé à l’Assistance Publique. Donc, là, je n’avais pas à avoir de papiers puisque je n’avais pas à me déplacer. Après, je suis allé en maison de correction. J’en ai fait deux. En sortant, j’ai voulu avoir mes papiers. Il a fallu me nommer un tuteur plus ou moins légalement. Ça a été ma grand-mère. Ma grand-mère est morte pendant que j’étais en prison à Fleury et je n’ai pas" eu de tuteur subrogé. Là-dessus, je suis allé voir le juge fin septembre, pour avoir des papiers. Je me suis heurté à une muraille. Nous sommes allés voir un juge qui normalement s’occupe de ça. Là, ils m’ont dit : "Il faut vous faire émanciper, il faut réunir un conseil de famille." Je n’ai pas de famille...
Après, il a condescendu à accepter un conseil d’avis majeurs. A l’entendre dire, ça allait demander un mois et demi. D’ici là j’aurai atteint ma majorité. Voilà.
Lorsque je me fais arrêter dans la rue et que je vais au poste, je ne peux pas prouver mon identité autrement qu’en passant 24 ou 48 heures au poste. Je dois me faire arrêter sans arrêt.
A ma majorité, j’espère que j’aurai mes papiers.

Telle est donc la prison que, sur le conseil de Pleven, Jean Ferniot alla visiter, comme il le relate dans France-Soir du 13 mars 1971 (voir ci-après).
Mais plutôt telle est la prison qu’il n’a pas pu voir.
Pour Jean Ferniot, comme pour la récente Commission Pleven pour les droits politiques, comme pour tous les visiteurs à qui on doit montrer un petit peu plus que deux ou trois cellules vides et l’interphone, le scénario se déroule de la façon suivante :
Pour faire nombre, on réunit les quatorze éduca­teurs de Fleury au D2 et on montre ainsi l’excellent encadrement dés jeunes détenus. On tapisse de panneaux indicatifs, d’affiches gaies les salles de travail. On fait passer très vite les visiteurs dociles, on les laisse s’arrêter aux endroits prévus, interroger ici ou là des surveil­lants qui font bonne figure et qui savent, convaincus ou non, tenir des propos rassurants sur la rareté des punitions et sur la réinsertion sociale du détenu On montre ensuite un atelier un peu actif, une activité sportive un peu vivante.
On laisse ensuite au visiteur content le soin de généraliser dans sa tête, de penser que ce qu’il a vu, c’est ce qui se passe tous les jours et dans toute la prison.
La propreté des locaux, les systèmes perfection­nés du verrouillage ou de l’interphone font le reste.
Le journaliste fera ensuite son métier. Il arrivera même que ceux qui lui ont montré le décor trouvent son article trop romancé.