Fresnes le 10.9.72
Chère A.,
F. fait la sieste aussi je profite de ce moment de tranquillité pour t’écrire un petit mot.
Hier soir j’ai eu une heureuse surprise : une lettre de R. ! Je n’y croyais plus. Je pensais qu’il m’aurait laissé tombé comme les autres fois. Enfin j’ai été super-heureux de lire sa lettre. Il me promet de m’écrire régulièrement, enfin à suivre...
F. devient plus cool. Il commence à ce faire une raison à cette triste réalité. On ne peut pas lutter contre des moulins à vent comme don Quichotte !
Aujourd’hui dimanche c’est le jour le plus long : pas de courrier, pas de mouvement. C’est pour ça que F. roupille car il hait les Dimanches. Moi je ne peux pas dormir je suis trop conditionné par les somnifères et eux seuls peuvent me donner le sommeil.
Je ne t’en veux absolument pas pour les mandats je sais que pour toi la vie est dure. De toute façon je suis provisoirement dépané car mon infirmière m’a envoyé 100 Fr. Je ne t’en veux pas plus pour ce qui c’est passé avec les flics, ils t’ont fait un travail et toi tu n’es qu’une petite fille et tu as marché sans te rendre compte des conséquences de tes paroles. Tu sais B. que j’aime beaucoup (et c’est peu dire !) a aussi été victime de ce genre de chantage et il a aussi marché. Quand je l’ai appris je n’ai pas voulu y croire. Mais quand j’ai été libéré et que je lui ai fais avouer la vérité je n’ai pas pu lui en vouloir.
Ne t’angoisse pas F. aussi t’aime et depuis que je le connais je ne l’ai jamais vu aussi accroché à une fille qu’à toi.
Surtout prends soin de toi si tu veux donner à F. un beau bébé. Tu sais ce future gosse il m’en parle comme si il était déjà né. Il me disait encore hier que son gosse ne manquerait de rien ce qui prouve qu’il veut reprendre un bon départ dans la vie. D’ailleurs il veut se ranger et c’est vraiment sérieux. Mais pour cela tu devras l’aider car (quoiqu’il dise) il est très faible et se laisse souvent prendre à son propre jeu ou au rôle qu’il joue vis à vis de son entourage. Nous ne sommes plus à l’époque où la femme était l’esclave de l’homme. Aujourd’hui la femme est l’égale de son épous et pour faire un ménage heureux il faut parfois que la femme prenne ses propres responsabilités. Enfin ceci n’est pas mon problème et je t’en parle comme un ami qui voudrait vous voir heureux tous les deux. Comme dit Lennon : « Dream is over yesterday. » Quand il sortira j’espère que vous reprendrez une vie nouvelle. Mais pour entrevoir celle-ci il vous faut rompre avec tout votre passé. J’en sais quelque chose, ça fait cinq ans que j’essaie de quitter le millieu junky avec T. Mais pour T. c’est impossible ! Enfin je vais quitter de maintenant en te demandant d’être courageuse et d’attendre. Lui aussi attend et crois moi son attente est bien plus angoissante.
Amicalement
H.