Bandeau
Fragments d’Histoire de la gauche radicale
Slogan du site
Descriptif du site
E) Les femmes
Les ouvriers contre l’état, p. 96-100
Article mis en ligne le 12 juin 2013

par ArchivesAutonomies

Pourquoi faire aux femmes une place à part ? Et pourquoi en parler à propos de la nouvelle clas­se ? Il ne s’agit pas d’un appendice pour "coller à l’actualité", en dépit de tous ceux qui rejetterai­ent volontiers en annexe un mouvement qui, s’il voit maintenant admise sa signification politique, ne devrait d’exister de façon autonome, pour beaucoup, qu’à ses positions encore réactionnaires, pe­tites-bourgeoises. Nous voulons critiquer les deux analyses avec lesquelles l’extrême-gauche comptabi­lise le potentiel que représentent les femmes : ou bien la femme n’a pas accès aux lieux de production directe, et se trouve à un niveau qualifié par suite d’infra-politique, sans "conscience révolutionnai­re" ; ou bien elle y a accès, et dans ce cas sa lutte doit perdre toute spécificité et autonomie, il ne lui reste qu’à se rallier à la pensée marxiste et à la lutte des classes. Vision largement partagée, hélas, par les militantes des mêmes horizons. Et pour renverser ce schéma, nous l’allons pas démontrer par a + b que les femmes forment une classe, que cette classe est prolétarienne, et que la conscience révolu­tionnaire lui est enfin venue.
Nous montrerons plutôt que dans la mesure où il y a une utilisation capitaliste de la force de tra­vail féminine (dans l’entreprise ou à la maison), et de ses aspirations, les femmes sont dès maintenant une force politique de première importance, même si les groupes et partis de gauche ne l’ont pas re­connue. Une fois de plus, ils sont en retard sur le capital qui lui, a déjà repéré cet énorme potentiel. Potentiel économique, mais aussi potentiel politique pour un point de vue ouvrier. Groupes et partis d’extrême gauche l’exploiteraient d’ailleurs volontiers (comme les syndicats ont pu exploiter, pour se renforcer, la dynamique ouvrière) si les bases mêmes du mouvement des femmes n’allaient pas direc­tement à l’encontre de leurs objectifs et ne démentaient pas leur analyse. Par pseudo-politique, nous ne désignerons pas seulement une politique qui omet de considérer la question des femmes et la place qu’elles occupent dans le système capitaliste mais également toute politique qui n’accepte pas de re­faire l’analyse de la situation aujourd’hui à partir de cette question.
Car le plan du capital passe de façon décisive aujourd’hui en France, par l’intégration de la main- d’oeuvre féminine au marché du travail. Ce n’est pas un hasard si l’on voit actuellement deux types de rapport s’accumuler sur les bureaux des patrons, des économistes du système, et des responsables syn­dicaux.
Citons un projet patronal de 1971 : "Le problème des O.S. en France ne présente pas de carac­tère uniforme selon... le sexe... le relativement faible emploi féminin... la faible technicité des qualifica­tions féminines... l’adaptation traditionnelle des femmes à des tâches monotones et simples semblerait en particulier montrer que le problème n’existe, ence qui les concerne, que de façon beaucoup moins aigüe".
Et plus loin : "... Les femmes semblent s’accomoder mieux que les hommes de la monotonie de certains postes de travail. Il faut donc se demander s’il n’y aurait pas lieu d’encourager leur emploi. On se heurte souvent dans ce domaine à une prévention de l’encadrement qui estime que l’emploi de personnel féminin, du fait de l’absentéisme notamment est coûteux... La difficulté à recruter des hom­mes conduira à privilégier les femmes (en particulier à l’égard des travailleurs étrangers)".
Traduisons (si c’est nécessaire après ces perspectives trop claires !) : le capital doit choisir simulta­nément plusieurs solutions pour briser les luttes ouvrières, c’est-à-dire résoudre le problème des O.S. L’une d’entre elles est la réorganisation du procès du travail visant à rétablir le contrôle sur la force de travail. Restructuration longue et coûteuse qui s’accompagne de l’appel à un autre type de main-d’oeuvre (comme on a fait appel il y a quelques années, aux travailleurs étrangers pour diviser la force de travail et empêcher sa recomposition). Il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, non pas d’élargir le marché du travail en y intégrant de nouveaux individus, mais de constituer un second marché du tra­vail avec ses caractéristiques propres (secteur particulier de l’industrie : bas salaires, travail déqualifié, mobilité extrême, faible organisation politique surtout) et de jouer sur ces deux marchés de main-d’oeuvre pour battre en brèche le refus ouvrier. Mais si le capital dispose de ce dernier réservoir de main-d’oeuvre que constituent les femmes, il convient d’examiner de plus près comment celui-ci se trouve, aux dires du patronat "sous-utilisé", et comment on prétend réaliser sa pleine utilisation.
En France - pays où l’emploi des femmes est un des plus forts dans le monde - 46% des fem­mes ont un emploi hors de la maison. Comme le confirme l’exemple de la Suède et du Japon, cette pré­sence importante des femmes dans la production n’est pas une victoire du féminisme luttant pour l’éga­lité des droits : la pénurie de main-d’oeuvre a été incontestablement le moteur de l’évolution. Mais dans la mesure où la majorité des femmes célibataires, pour lesquelles l’activité est une stricte nécessité, sont déjà pourvues d’un emploi, il est clair que la seule ressource de main-d’oeuvre réside en fait dans une catégorie particulière : les femmes mariées, les femmes au foyer : en France, une femme sur trois occupe un emploi.
Il est peut-être inutile de développer ici ce que représente réellement cette sous-utilisation que déplore le capital moderne : le travail domestique, l’élevage des enfants, comme tâches et services as­surés gratuitement par la femme selon un mode de production patriarcal. Le rôle du mouvement des fem­mes aura au moins été d’opposer ce travail, dam sa réalité matérielle, à l’idéologie qui veut qu’un vravail sans contrepartie de salaire ne soit pas un vrai travail. Idéologie qui ne sévit pas seulement dans les milieux capitalistes, mais aussi bien dans l’extrême gauche quand elle ne voit dans la famille qu’un lieu de reproduction idéologique (comme c’était le cas pour l’école) ; ou mieux, quand elle jongle avec les no­tions de travail productif/travail improductif sur le modèle même de la définition capitaliste entre actifs/inactifs. L’apparition de la lutte des femmes a justement signifié qu’aujourd’hui le tissu social se trouve, en tous ses points, lié à la production capitaliste, et la femme se découvre en tous les mo­ments de sa vie, fonctionnelle au plan du capital : dans la société-usine, la maternité obéit aux règles de la production de la force de travail, le travail féminin, même lorsqu’il consiste à dépenser le samedi, la paie ramenée la veille par le mari, est encore une articulation de la production capitaliste ; le travail de la femme est partout productif, qu’il valorise directement l’argent d’un patron ou le salaire que ce dernier cède au mari. Aussi parler de plan du capital quant à la force de travail fémininé, en n’envi­sageant que les femmes "actives" revient à adopter d’emblée le point de vue dominant, à la rigueur, celui du syndicat : la femme qui ne travaille pas à l’extérieur est improductive ; la femme salariée est un travailleur comme les autres. Tant que les prétendus révolutionnaires maintiennent ces deux positions clés à la base de leur analyse, il n’y a pas lieu de s’étonner si les objectifs proposés ne diffèrent guère de ceux qui sont mis en avant par les institutions du réformisme capitaliste et si les femmes ne se recon­naissent pas dans les perspectives qu’on leur offre.
Ce n’est pas un hasard, en effet, s’il n’y a pas de forte emprise syndicale sur la main-d’oeuvre féminine. On aurait également pu constater, depuis que le mouvement a pris quelque ampleur, du peu de crédibilité qui y est accordé aux modèles socialistes. Voilà bien qui témoigne du défaut de conscience politique chez les femmes ; et les gauchistes, pour la première fois depuis quelques années, pourront s’accorder sur cette appréciation commune, avec les syndicalistes. Nous dirons plutôt que cela dénote une conscience politique immédiatement anti-réformiste. Les femmes ne peuvent pas se reconnaître dans les modèles socialistss parce qu’elles ont conscience que leur libération ne peut se faire au prix du travail ; si elles ne peuvent pas se reconnaître dans le syndicat, ce n’est pas parce qu’il est dirigé par des hommes, comme les autres institutions d’état : mais parce que la femme, comme l’immigré en butte au racisme, n’est pas un travailleur comme les autres ; l’unité syndicale, c’est le travailleur masculin, d’âge moyen, relativement qualifié. Et quand on propose aux femmes de renoncer aux luttes autonomes, pour se rallier à la lutte globale, on leur demande toujours, en réalité, de se considérer comme des salariés comme les autres. (Ce qui revient à passer sous silence leur rôle productif dans la cellule familiale et les discriminations particulières dont elles sont l’objet). Si les femmes refusent une gestion réformiste de leur lutte, c’est pour deux raisons que nous dégagerons plus facilement en revenant sur l’analogie, fréquemment entretenue par le mouvement des femmes, entre racisme et sexisme. Dans les deux cas, le capital utilise une différenciation physique pour légitimer ses divisions et ses hiérarchies (division sociale du travail, hiérarchie du pouvoir et des salaires) ; et par suite il est clair pour les uns comme pour les autres que la discrimination ne peut être supprimée qu’en supprimant la cause des divi­sions - le capital. D’autre part, le groupe des femmes a connu, de façon plus marquée encore qu’au niveau de l’ensemble de la force de travail, l’évolution qui a affecté le travail moderne et remis en cause la stratégie réformiste : déqualification, tertiairisation, immigration, autant de phénomènes que nous avons eu l’occasion d’observer au cours de cette brochure et que l’étude de l’emploi des femmes pendant ces dernières années reflète de manière singulièrement accusée. Les femmes qui ont été acculées à prendre un emploi par l’insuffisance du revenu du mari ou l’inflation galopante, ont découvert cette loi : si qualification et salaire élevé ne vont pas toujours de pair, ce qui va toujours ensemble, c’est travail féminin et bas salaire. Le revenu qu’elles peuvent arracher au capital n’est pas fonction de la tâche spécifique accomplie par la main-d’oeuvre féminine, mais du fait que les femmes entrent à l’usine avec moins de pouvoir que les travailleurs masculins. Elles savent aussi ce que vaut le mythe de la qualification : les femmes n’accèdent enfin à certaines tâches "créatrices" que dans la mesure même où elles cessent d’être créatrices et où le travail industriel, selon l’expression des capitalistes "se fémi­nise" (en d’autres termes : se déqualifie, requiert de moins en moins une formation ou la force physi­que, grâce à l’introduction de plus en plus poussée de la machine). Pour 23% d’O.S. parmi les ouvriers masculins, et 43 % d’O.P. on compte 53% d’O.S. parmi les ouvrières et 18% d’O.P. Rien d’étonnant si la lutte autonome des femmes se découvre, d’emblée, comme celle des O.S. en général, à l’extérieur de l’espace géré par les syndicats ou les organisation. On manque de données pour apprécier le rôle exact de l’immigration féminine, mais il est probable qu’elle représente un phénomène de moins en moins négligeable. Le cas des femmes étrangères qui ont un emploi en France, oblige à sortir de l’usine pour lire le plan du capital sur la main-d’oeuvre féminine au niveau de l’ensemble du travail social, car leur travail peut aussi bien avoir pour cadre l’entreprise que la cuisine d’une famille bourgeoise ou la salle d’hôpital. Voir la situation des femmes sous cet angle, c’est découvrir leur présence massive, et en crois­sance continuelle, dans le tertiaire ; on vérifie ainsi, sur la catégorie spécifique des femmes, l’évolution générale des structures de travail, le mouvement de tertiairisation. Et parce que les femmes sont au bas de l’échelle des salaires et des responsabilités, ou vérifie aussi à travers l’évolution de leur emploi, la déqualification de plus en plus poussée des tâches, qui affecte également le secteur tertiaire : le travail cesse d’y être "noble", pour prendre un caractère répétitif et abstrait, comme dans l’industrie. Les hiérarchies s’y révèlent aussi rigides, et aussi peu justifiées face à l’abstraction accrue du travail
Mais l’idéologie de la promotion individuelle pas n’a plus de prise sur les femmes que sur les travail leurs étrangers ; car il est visible que si la ligne de clivage entre métiers masculins et féminins se déplace, elle ne disparaît jamais, elle est toujours reconduite sous d’autres formes, à un autre niveau. Les re­vendications dictées par le seul égalitarisme révèlent ici toutes leurs limites en laissant voir qu’il y a toujours pour le capital un moyen d’utiliser la revendication ouvrière pour la retourner contre le mouvement même qui l’a portée : en Angleterre par exemple, on vient de voter la loi sur le salaire égal... mais en imposant par ailleurs aux femmes le travail en équipes.
Ce que le capital ne peut empêcher pourtant, c’est que la lutte se développe (par l’absentéisme, particulièrement dans le cas des femmes) qu’elle reprenne en permanence sur de nouveaux objectifs surgissant dès que les précédents acquis ont révélé ce qu’ils sont : la réalisation d’un nouvel équilibre entre l’égalité formelle et la discrimination, l’oppression effective. Car en recréant les hiérarchies qui lui sont nécessaires, le capital recrée sans cesse les conditions de la lutte des femmes - et il pourra pour­tant de moins en moins se passer de cette main-d’oeuvre dont il n’a longtemps voulu se servir que comme appoint. Pour intégrer les femmes au marché du travail, bénéficier de la plus-value produite par leur travail à l’extérieur (tout en maintenant la production ménagère, quitte à la faire assumer aussi par le mari) plusieurs solutions s’offrent pour le capital : des horaires à la carte à la "féminisation" des postes de travail, en passant par le recyclage et l’extension du travail à temps partiel - premier temps vers l’idéal du travail à plein temps, c’est-à-dire de l’exploitation ininterrompue. On peut prévoir que le capital tentera également de faire assumer par la "collectivité" le coût nécessaire pour libérer cette main-d’oeuvre essentielle à sa survie. Le manque de force de travail - goulot d’étranglement de l’expan­sion - conduit aujourd’hui le capital à faire appel massivement aux femmes, et ruine l’idéologie de l’in­fériorité féminine, ou de la fonction féminine comme fonction de loisir ; car il la soumet toujours da­vantage à la loi du travail. Et que l’on ne nous objecte pas la nécessité pour le capital, de maintenir la cellule familiale. Il est bien évident qu’il tentera à la fois de la conserver - le Vlème plan ne reconnaît- il pas que la présence de la femme dans le foyer est un facteur déterminant de la stabilité sociale ? - et de tirer parti de ce second marché de main-d’oeuvre ; de maintenir la famille et d’etendre en même temps la contrainte du travail salarié. Ce qui s’avère très réalisable en socialisant, dans le cadre de services publics ou de nouvelles entreprises capitalistes, les tâches domestiques et les services requis par l’éducation des enfants. Il ne faut pas négliger ici l’effet même que peut avoir la revendication des femmes de disposer librement de leur corps et d’être indépendantes : les employeurs peuvent dès maintenant prévoir qu’un facteur tel que la diffusion des méthodes anti-conceptionnelles jouera de telle sorte qu’un nombre croissant de femmes rechercheront un emploi. Et parce qu’en France, plus que dans les autres pays européens également développés, le capital joue sur les disparités entre divers marchés de main-d’oeuvre (hommes et femmes, mais aussi nationaux et étrangers, Paris et province), il y a un espace de lutte qui s’ouvre et sur lequel se dérouleront vraisemblablement des épisodes essentiels de la stratégie du capital dans les prochaines années. L’intégration des femmes au salariat ne sera pas pour le capital un problème technique mais politique.
Quand nous nous arrêtons sur la place qu’occupent - et qu’occuperont bientôt - les femmes dans le procès productif, pour y lire un potentiel de subversion, nous ne méconnaissons pas le fait que la lutte des femmes aujourd’hui semble se porter sur des points autres que le salaire, les conditions de travail, la consommation, bref l’exploitation du travail salarié. Ce sont la revendication sexuelle, la question de la maternité et du travail domestique qui paraissent au centre des interventions du mouve­ment. Mais il est clair que toute la situation de dépendance des femmes, toute l’idéologie et l’oppres­sion qui pèsent sur elles à tous les plans, reposent, en dernière instance, sur leur statut économique, et plus exactement, sur leur rapport au travail salarié, qu’elles aient un emploi ou qu’elles vivent "à la charge" d’un homme. Les anglaises l’ont formulé de façon définitive à leur dernier congrès de Manchester : si nous allons travailler dans les usines et les bureaux, disent-elles, on verra bien si nos maris peuvent fabriquer des voitures chez Ford et changer les gosses en même temps.
C’est donc par la lutte contre le travail que passe la lutte des femmes pour leur libération. Cependant dans la mesure où il a fait surgir des objectifs à tous les niveaux, le mouvement des femmes, comme on l’a dit plus haut, a montré de façon évidente la présence du rapport de production capitaliste dans tous les aspects de la vie sociale.
Il y a deux lectures possibles du mouvement des femmes et des objectifs mis en avant. Les fem­mes peuvent paraître, à l’heure actuelle, le meilleur soutien du système : ne revendiquent-elles pas ce dont les hommes ne veulent plus, une formation, un travail, un rôle politique effectif ? Mais nous avons souligné le peu de crédibilité des solutions réformistes ou des modèles socialistes pour les fem­mes : il faut donc faire une seconde lecture de ces objectifs, si nous voulons en dégager la signification po­litique réelle. Les femmes réclament le dioit à l’avortement libre, mais leur lutte veut dire : le droit d’avoir les enfants qu’on veut. De même, la revendication du droit au travail n’est rien d’autre que la façon dont le capital leur fait formuler cet objectif réel : avoir un revenu indépendant, être un indi­vidu autonome et à part entière. Le mouvement des femmes est né non pas pour revendiquer l’égalité avec les hommes, car cette égalité est un leurre dans la société du capital, et l’on sait ce qu’est en fait la prétendue "autonomie" des hommes : celle du producteur-consommateur salarié. Discerner cet énorme potentiel subversif, au-delà des mots d’ordre selon lesquels le capital oblige les femmes à programmer leurs propres objectifs de lutte, voilà quelle est la tâche actuelle, que refusent tous ceux qui se contentent de déplorer le réformisme féminin.
Nous ne voulons pas non plus que ces quelques lignes soient prises pour un appel à l’extrême-gauche, pour qu’elle conseille, soutienne ou dirige le mouvement des femmess, à l’aide d’une analyse "marxiste" dont ce mouvement a précisément montré les limites. Le mouvement des femmes a marqué, d’une certaine manière, la faillite du gauchisme et du militantisme traditionnels : cela se vérifie aussi bien dans la fuite de nombreuses militantes hors des organisations traditionnelles pour animer le mouve­ment des femmes, que dans les objectifs et le refus conscient de "l’organisation" et des pratiques antérieures qui s’en dégagent. L’existence du mouvement des femmes comme mouvement séparé est un des résultats les plus frappants de la sclérose des animaux politiques qui se veulent les héritiers de la Illème Internationale.
Cette séparation, nous avançons l’idée qu’il faut moins la nier que la creuser, de façon à faire sortir tous les objectifs révolutionnaires, et à développer la lutte à tous les points du réseau social. Car le mouvement des femmes affronte actuellement le terrain sur lequel ont échoué, jusqu’ici, les groupes d’extrême-gauche : organiser partout le pouvoir social des femmes, c’est-à-dire : organiser la lutte au niveau social. C’est pourquoi il constitue un pivot politique essentiel aujourd’hui. Il n’ofïre pas seulement la possibilité de débloquer le débat et l’analyse, en ouvrant l’espace d’une vraie "politique" révolutionnaire ; il montre nettement l’alternative posée : aménagement de la société-usine ou subversion totale. Car après l’immigration, les femmes sont peut-être la dernière carte qui reste au capital ; et selon qu’on choisira l’une ou l’autre grille de lecture pour interpréter la révolte des femmes, on optera en fait pour la stratégie qui consiste à rationaliser la société du travail (en instaurant de nouveaux modes d’op­pression féminine) ou pour la stratégie du refus du travail, la libération de tous les individus.