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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Déclaration sur le problème de regroupement de l’avant-garde
Article mis en ligne le 17 mai 2015
dernière modification le 15 mai 2015

par ArchivesAutonomies

La guerre impérialiste éclatée en 1939, parce que une date décisive pour le prolétariat français.
Elle est l’aboutissement et le point culminant d’une période de recul du prolétariat, période au cours de laquelle tous les efforts de reconstruire l’organisme politique de la classe se sont heurtés au cours historique objectif de la guerre et se sont soldés par des échecs.
L’organisation trotskiste, par ses positions politiques et méthodes d’organisation, ne pouvait pas regrouper les éléments révolutionnaires et devait sombrer rapidement en tant qu’organisation révolutionnaire. Son entrée dans le parti de la 2ème Internationale est le point terminal de son existence en tant qu’organisation prolétarienne. Ses positions politiques prises par la suite - à l’occasion de la guerre d’Éthiopie, de la guerre impérialiste en Espagne, sur l’antifascisme, sur la défense de la Russie et sur la guerre impérialiste mondiale - sont autant de manifestations de son évolution et de sa nature anti-prolétarienne.
Les groupes issus du Trotskisme et unifiés autour de l’Union Communiste (UC) représentaient à l’origine incontestablement une réaction prolétarienne. Mais l’absence de principes programmatiques et la confusion politique ont fait de l’UC un groupe éclectique où coexistaient des éléments et des tendances politiques hétéroclites allant des positions du Raten Komunisten hollandais à celles du POUM espagnol.
La guerre impérialiste en Espagne a été la pierre de touche, une épreuve historique décisive pour l’ensemble des groupes se réclamant du prolétariat révolutionnaire.
Les positions prises par l’UC dans la guerre impérialiste en Espagne, en dépit de ses (...illisible ???) et réserves, ont situé celle-ci dans le camp des défenseurs de la "République" et de la "démocratie" aux côtés du POUM, des trotskistes et de tous le groupes prisonniers de l’idéologie bourgeoise de l’antifascisme.
Désormais les positions de la classe ne pouvaient être sauvegardées qu’en dehors de ces formations politiques, dans la rupture idéologique et organisationnelle avec elles. Le regroupement des révolutionnaires ne pouvait et ne devait se faire que dans la lutte contre et en dehors de ces organisations tombées dans l’engrenage du capitalisme.
Les scissions qui se produisent autour de la question espagnole dans la Fraction Italienne de la Gauche Communiste, dans la Ligue des Communistes Internationalistes en Belgique, les sorties de l’UC et la formation du Groupe des Travailleurs Marxistes du Mexique ont le même caractère et sont de la même nature que la rupture des bolcheviks avec la 2ème Internationale lors de la 1ère guerre impérialiste en 1914.
Il faudra attendre l’éclatement de la guerre impérialiste en 1939, la liquidation définitive idéologique et organisationnelle de ces anciens groupes en France pour qu’au cours de la guerre, à la faveur de conditions historiques nouvelles, surgissent et se regroupent des éléments révolutionnaires, donnant naissance à des groupes nouveaux et indépendants.
La formation du premier noyau en 1942 qui se transforma ensuite en Fraction Française de la Gauche Communiste et la formation du groupe CR en 1944 sont autant de manifestations d’un processus de rassemblement de révolutionnaires en France et expriment la tendance historique du prolétariat de se donner une organisation politique de classe.
Quelle qu’ait été leur faiblesse numérique, leur insuffisance programmatique, leurs erreurs et leurs crises intérieures, ces formations sont le produit d’une situation internationale de reprise des luttes sociales, représentant le caractère de cette situation nouvelle, contiennent des prémices d’évolution et de popularisation révolutionnaire et, par là-même, n’ont rien de commun dans leurs fonctions avec les groupes existant avant la guerre, qui devaient se liquider avec l’éclatement de celle-ci.
Désormais, l’élaboration des programmes de la révolution, base fondamentale du futur parti, la formation et la réélection des cadres pour le futur parti, ne pouvaient se faire qu’à travers ces groupes et dans la confrontation politique publique de ces groupes.
La Fraction Française de la Gauche Communiste représentait, à ce titre, une preuve de garantie politique parce qu’elle représente une continuité politique plus directe. Ses éléments ne venaient pas exclusivement du Trotskisme, parce qu’ils se sont reformés pas longtemps dans l’organisation anti-prolétarienne du Trotskisme et ont été moins infestés par cette idéologie ; parce qu’ils ont plutôt su rompre individuellement avec les organisations qui participaient à la guerre impérialiste ; ou ils n’ont pas tenté de former, pendant les longues années de guerre, des oppositions stériles qui, involontairement, se sont rendues néanmoins complices politiquement de ces organisations étrangères au prolétariat. La Fraction Française s’est formée sur la base d’une déclaration de principes sans cesse complétée par des documents programmatiques portant sur les problèmes brûlants posés par l’expérience russe et par les luttes du prolétariat international entre les deux guerres, problèmes non résolus ou mal résolus par l’IC. La Fraction Française se rattache, de par sa formation, au corps idéologique de la Gauche Communiste Internationale qui représente incontestablement les positions de classe les plus avancées à la veille de la guerre impérialiste et qui représente historiquement le chaînon qui relie la 3ème à la future 4ème Internationale Communiste, tout comme les bolcheviks ont représenté le lieu et la continuité historique entre la 2ème et la 3ème Internationale.
Mais si notre organisation pouvait avec raison prétendre vouloir jouer le rôle de la Fraction en France et œuvrer dans ce sens par son travail théorique et pratique ; ce rôle de Fraction qui est le canal qui va de l’ancien Parti enlevé par le capitalisme à la construction du nouveau Parti de classe, se faisant sur les bases programmatiques et organisationnelles de la Fraction ; elle a toujours rejeté la caricature grotesque de la notion de fraction basée sur une prétention infantile et consistant à proclamer qu’en dehors de la Fraction aucune possibilité ne subsiste d’existence de groupes à nature prolétarienne et révolutionnaire.
Ces contre-vérités historiques furent déjà dénoncées à l’aube du mouvement ouvrier, par Karl Marx, dans le Manifeste Communiste. Les communistes sont les représentants les plus conséquents, les plus conscients des buts historiques du prolétariat et des moyens de leur réalisation, mais non l’expression unique. De plus, l’histoire a, maintes fois, apporté la preuve que la réalité suit parfois des voies plus complexes que la théorie ne l’annonce.
Théoriquement il reste vrai que le processus le plus directe, le plus économique de la construction de nouveaux Partis, après la trahison des anciens, est là le processus qui se fait par la succession Fraction-Parti. Mais, dans la réalité, des facteurs multiples peuvent contrecarrer ce processus et l’obliger à emprunter un long détour.
Aussi, dans le passage entre les partis de la 3ème Internationale et ceux de la 4ème, seul le prolétariat italien est parvenu, pour des raisons historiques déterminées, à effectuer le processus direct à travers la succession de Fraction-Parti. En Belgique, ce processus est déjà beaucoup moins direct. En France, encore moins.

La gangrène stalinienne et la décomposition trotskiste ont été des facteurs historiques puissants pour contrecarrer le processus de formation de fraction. Aussi, voyons-nous surgir des groupes aux positions politiques plus ou moins achevées, représentant et contenant des éléments de nouveaux partis à construire.
Le marxiste ne pose pas d’ultimatum à l’histoire mais tient compte du déroulement des cours objectifs, participe à ces cours en vue de contribuer à leur détermination dans la direction où se trouvent les intérêts historiques du prolétariat. Toute autre voie mène à la fixation des révolutionnaires en sectes, chapelles et systèmes qui sont tôt ou tard privés de la vie et liquidés par la réalité mouvante.

L’ouvrage de la guerre n’est pas passé sans que son souffle dévastateur ne se fasse sentir jusque dans les rangs de la Gauche Communiste Internationale. L’isolement d’abord, la guerre impérialiste ensuite ont déterminé, au sein de la Gauche Communiste, la formation d’un courant révisionniste dont les positions commencent par la négation des antagonismes inter-impérialistes et, en conséquence, par celle du danger d’une guerre impérialiste généralisée, qui a développé au cours de la guerre des théories sur l’existence sociale du prolétariat, sur une nouvelle ère de prospérité économique dite "de l’économie de guerre", sur la négation de tout travail révolutionnaire et internationaliste au cours de la guerre, sur l’impossibilité de la notion de la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile et sur la nécessité de son rejet. Ce courant révisionniste, qui a été une terrible entrave au regroupement et à l’activité de la Gauche Communiste au cours de la guerre, a fini, après la cessation de l’occupation allemande, par préconiser et par s’intégrer dans des comités antifascistes, organisations en apparence au dessus des classes et inter-partis, en réalité des officines de la bourgeoisie "démocratique".
Ce courant qui quittait le terrain de classe n’avait plus de place dans la Gauche Communiste. Une partie de la Fraction Italienne groupée autour du comité de Marseille et la Fraction Française ont proclamé la rupture politique avec ce courant et ont voté son exclusion organique.

L’attitude à prendre envers ce courant (avec lequel une partie de la GCI se refusait à rompre) et les positions politiques qu’il défendait, l’analyse et l’appréciation des événements de 1943 en Italie dans lesquels certains éléments de la GCI niaient l’intervention du prolétariat, l’appréciation de l’Etat russe que d’autres éléments continuaient à considérer, après 4 ans de guerre, comme non-impérialiste, comme un État prolétarien dégénéré tout en répétant la défense de cet État, et enfin l’attitude à avoir envers d’autres groupes révolutionnaires surgis au cours de la guerre, comme le RKD et le CR, révélèrent des divergences d’une profondeur telle qu’on ne pouvait plus parler d’une UNITÉ POLITIQUE de la GCI sans se duper soi-même et sans tromper les autres.
Le problème du regroupement de l’avant-garde à l’échelle nationale et internationale ne se posait plus simplement en termes de rapports entre l’assemblée des fractions regroupées dans la GCI et les groupes extérieurs à celle-ci mais passait désormais à l’intérieur même des fractions, dans le regroupement des révolutionnaires et leur rupture avec le courant révisionniste, anti-prolétarien au sein de la GCI.

* * * * *

La Fraction Française de la Gauche Communiste devait reproduire en son sein les luttes de tendances existant dans l’ensemble de la Gauche Communiste. Ces luttes, souvent obscurcies par des questions contingentes, par des choses secondaires, par des polémiques à caractère personnelles, par la calomnie, apparaissent aujourd’hui dans leur fond politique véritable, révèlent leur nature profonde.
Une tendance, celle de Freder-Al, constamment ballottée entre la position révolutionnaire et la position révisionniste, marchant sans cesse en zigzag entre nous et le courant Vercesi, s’est lentement formée au sein de la Fraction Française. A chaque pas en avant que cette tendance faisait vers des positions révolutionnaires de la majorité de la Fraction Française, elle refaisait, le lendemain, DEUX PAS EN ARRIÈRE vers le courant Vercesi. L’opportunisme ne suit pas toujours une ligne droite, ouvertement opportuniste, mais le plus souvent camoufle sa nature réelle, surtout au commencement, sous des phrases de gauche, prenant des attitudes spectaculaires d’intransigeance. Pour apprécier correctement la nature d’un courant politique, pour mettre à jour une tendance opportuniste, il faut se garder de le juger d’après des positions isolées, dans des circonstances isolées, mais le suivre dans sa tendance générale, faire la somme de ses zigzags et établir le sens de sa ligne courbe.

A titre d’exemple typique, nous rappellerons la rage soudaine et inattendue de la tendance Française, préconisant, dans un de ses accès brusque d’intransigeance verbale, l’exclusion sans discussion de Vercesi. Notre Fraction - qui a combattu politiquement et de plus en plus violemment la tendance opportuniste de Vercesi, qui l’a combattu publiquement dès le premier jour (voir Bulletin International année 1943-44, Internationalisme en 1945, les brochures Notre réponse de mai 1944 et Quand l’opportunisme divague de mai 1945) - répugnait à cette méthode d’exclusion dans l’ombre. La majorité de notre Fraction a toujours proclamé la nécessité d’une réparation avec la tendance Vercesi. Mais, pour que cette réparation ait une valeur, représente un enrichissement idéologique de l’organisation, assure son évolution révolutionnaire, il fallait que cette réparation se fasse en pleine clarté, après une discussion politique publique, après que nous ayons apporté publiquement la démonstration de la nature opportuniste de la tendance Vercesi. C’est à cette condition que les scissions se justifient, sont révolutionnairement fécondes et ne sont pas le produit de réactions passagères sans lendemain, introduisant des pratiques bureaucratiques finalement nuisibles à l’avenir et au courage de nos champions de l’intransigeance verbale qui a duré tout juste deux mois, leur a servi pour leur éviter d’être obligés de combattre ouvertement les positions politiques de l’opportunisme, de même que l’exclusion de Vercesi sans explication publique mais leur a permis de se regrouper avec Vercesi contre la Fraction. (NDE : le passage ci-dessus illisible a été reconstitué approximativement).

Tout militant révolutionnaire expérimenté connaît la signification de l’intransigeance verbale. Il suffit d’attendre un peu pour voir apparaître sous la couche verbale d’intransigeance la pratique constante du plus vulgaire opportunisme. L’exemple historique le plus frappant peut-être est donné par la fin incontestable de l’anarchisme. L’anarchisme, dans sa lutte violente contre le Marxisme, s’est gargarisé, pendant 75 ans, de phrases ronflantes contre l’étatisme, contre l’autoritarisme, contre la dictature du prolétariat. A la théorie marxiste de l’inévitabilité d’une phase transitoire après la révolution, dans laquelle le prolétariat est obligé de recourir à la violence et à l’exercice du pouvoir politique, les anarchistes apportaient le communisme "libératoire" immédiat et autres fantaisies de ce genre. Mais, après 75 ans de bavardages et de phrases creuses, quand l’anarchisme s’est trouvé à même, pour la première fois, de traduire dans la pratique, dans son pays d’élection, l’Espagne, ses élucubrations théoriques, il a non pas instauré un gouvernement révolutionnaire du prolétariat mais a adhéré à un gouvernement capitaliste d’union sacrée et de guerre impérialiste.

Mais là où l’intransigeance opportuniste atteignit son comble, ce fut dans les questions d’appréciation et de rapports à avoir avec d’autres groupes révolutionnaires tels les RKD et les CR. Non pas que les "intransigeants" aient apporté la moindre critique sérieuse des erreurs des RKD et des CR ; ce travail critique fut insuffisant et fut laissé extérieur à la majorité de la Fraction, se contentant de déclamer et réciter verbalement des principes abstraits, appris par cœur et non assimilés, et réclamant la rupture de tout contact politique et organisationnel avec ces groupes.
L’attachement purement verbal (ce qui est dans leur nature) au titre de Gauche Communiste leur servait de je-ne-sais quelle ceinture de chasteté contre tout ce qui est extérieur à la Gauche Communiste, considéré en bloc comme un danger mortel de souillure de la pureté virginale de la Gauche Communiste. Au fond, cela permettait d’abriter derrière le talisman du titre de la Gauche Communiste. Tout révisionnisme, tout opportunisme, leur permettait de faire un bluff sur la virginité de la Gauche italienne (...suite illisible)
L’opportunisme, fidèle à lui-même, préfère toujours l’attachement sentimental.
L’opportunisme (...illisible), mais qui nous semblaient susceptibles de servir de critères de délimitation.
Ces quatre points sont :

1) Lutte contre la guerre impérialiste ;

2) Lutte contre toute tendance se rattachant aux idéologies bourgeoises de fascisme et antifascisme ;

3) Reconnaissance de l’État russe comme un État capitaliste et impérialiste, et condamnation de toute défense de cet État sous quelque forme que cela soit ;

4) Reconnaissance de l’Octobre 1917 comme une révolution prolétarienne avec tout ce que cette reconnaissance comporte, en conséquence, comme acquis historique principal et programmatique.

Ce sont ces quatre points que notre Fraction a présentés comme critère de délimitation afin de permettre aux groupes existants nationalement et internationalement, en accord avec ces points, d’établir, sur cette base politique, des contacts et des discussions de clarification et de confrontation. Cette méthode de clarification et de discussion politiques entre les divers groupes véritablement révolutionnaires comporte, à nos yeux, l’avantage 1) de se délimiter d’abord des groupes anti-prolétariens, comme le trotskisme, le POUM et autres courants opportunistes camouflés ; 2) de permettre une discussion politique féconde entre les divers groupes révolutionnaires, discussion qui, seule, peut révéler les possibilités de regroupement ultérieur, sur la base de positions politiques principielles ; 3) d’établir une solidarité entre ces groupes révolutionnaires et des actions communes circonstancielles si elle sont nécessitées par des situations particulières.

Aujourd’hui il est possible à tout militant de comprendre le fond de l’explosion, de l’indignation de nos intransigeants en parole qui décrivaient alors ces quatre points comme une manifestation de néo-trotskisme.

Aujourd’hui qu’ils ont constitué un bloc sans principe avec des éléments qui défendent la participation dans des comités antifascistes ou que l’État russe n’est pas un État impérialiste, on comprend que l’intransigeance d’hier contre les quatre points n’a été dictée que par la volonté de ne pas se lier les mains par l’expression des positions principielles et de laisser aussi la porte ouverte à toutes sortes de combinaisons opportunistes. Le refus de discuter avec les CR et les RKD, l’attitude sectaire à leur égard devait être d’autant plus grande et la scission effectuée avec la Fraction Française - sur des questions de procédure organisationnelle et de questions personnelles pour camoufler le fond politique - devait être d’autant plus hâtive qu’on préparait, dans le silence, en sous-mains, des tractations d’unification avec le courant opportuniste de Vercesi.

Le petit groupe qui vient de se former, pour couvrir son caractère d’amalgame opportuniste, d’un titre politique. Pour cela, il n’a pas craint de recourir à des procédés scandaleux d’usurpation du nom de notre organisation et de s’intituler également de Fraction Française de la Gauche Communiste. La volonté de créer la confusion entre eux et nous est manifeste. Nous protestons et dénonçons ce procédé (...). Ce premier acte, par lequel se manifeste ce groupe, le caractérise et le définit pleinement. Il est nécessaire encore pour donner une idée exacte de ce groupe (...) et de qui se (...) cet amalgame.

1. La base politique et numérique de ce groupe est donnée par la minorité de la Fraction Italienne exclue par la Fraction en 1937 à la suite des événements espagnols. Quelle qu’ait pu être l’exagération polémique, nous continuons à penser que la position prise par cette minorité dans la question espagnole, participant dans les milices "antifascistes" et dans la guerre impérialiste d’Espagne, a justifié la séparation avec elle et son exclusion de la Gauche Communiste Internationale. Cette minorité, loin de renoncer à ses positions prises dans le passé, les revendique toujours. Avec raison elle considère la participation du courant Vercesi dans le comité antifasciste de Bruxelles comme la continuation et le triomphe de ses positions et soutient cette politique. L’admission sans discussion de cette minorité, faisant d’elle l’axe du nouveau groupe, c’est la capitulation devant ses positions, c’est l’annulation de la signification de la rupture faite avec elle en 1937, c’est une condamnation posthume, une critique implacable contre la scission faite dans la Ligue Communiste Internationaliste qui a donné naissance à la Fraction Belge de la Gauche Communiste. Cette admission honorifique c’est l’annulation pure et simple de toute l’activité des Fractions de 1936 à 1943, la condamnation de la création du Bureau International de la Gauche Communiste et de toute son activité.

2. A cette minorité se joignent deux responsables [1] de l’ancienne Union Communiste avec qui les Fractions de la Gauche Communiste ont rompu toute relation politique dès 1936, considérant avec raison que l’Union Communiste, de par ses positions et notamment sa défense du POUM, se situait en dehors des positions de classe du prolétariat.
Dans la question syndicale, l’Union Communiste a toujours combattu la position communiste du droit de fraction dans les syndicats, en faveur de la politique de minorité syndicale qu’elle a toujours pratiquée. Un trait de plus, caractéristique du manque de sérieux et de principes des uns et des autres, s’est manifesté sur la notion de la fraction. Sur ce point d’une Fraction, l’Union Communiste combattait violemment la Fraction Italienne pendant plus de dix ans. Il a suffit de 15 minutes à Vercesi de la FI et à « Gaspard » de l’UC pour tomber complètement d’accord et s’apercevoir que la divergence de dix ans n’était qu’un regrettable malentendu. L’opportunisme n’a pas de vertèbres. Il va sans dire que ces représentants de l’Union Communiste rentrent dans l’amalgame en ne renonçant à rien de leur idéologie de banqueroute. L’Union Communiste est morte, vive l’Union Communiste.

3. Deux jeunes camarades qui furent aussi intransigeants dans l’organisation que Fr et Al dans la Fraction Française. C’est probablement au nom de la lutte contre toute action commune entre les CR et la Fraction "bordiguiste" pour mieux combattre l’"opportunisme" des quatre points que ces camarades "intransigeants" s’allient à Union Communiste, à la minorité italienne, à Vercesi et à leurs cousins en intransigeance, Fr et Al. Pour ne pas se laisser mouiller par la pluie, sautons dans le fossé !

4. Pour compléter l’équipe, nos deux étudiants, Fr et Al, dans leur naïveté, se sont pris pour des professeurs de... l’intransigeance. La jeunesse politique de ces camarades peut expliquer bien des choses, mais excuser pas toujours. Au lieu de tourner comme une girouette, tous les trois mois, ils feraient mieux de s’arrêter et de réfléchir. Scission, unification, exclusion, vote, cela doit avoir un sens pour un militant sérieux. Il est admissible de voter dans l’ombre l’exclusion de Vercesi, simplement pour avoir le plaisir de s’unifier à lui deux mois plus tard dans une unité politique plus grande.

Et toute cette équipe est formée sous le haut patronage de Vercesi et par son initiative personnelle.

En résumé et pour récapituler, ce groupe se compose de la minorité italienne exclue par la Fraction Italienne et par Vercesi en 1937, de Fr et Al qui ont voté l’exclusion de Vercesi de la Gauche Communiste en mars 1945, du représentant de l’Union Communiste sœur du POUM, d’anciens poumistes qui condamnent le POUM, de camarades PI. de CR dont une résolution en octobre 1943 déclarait la position de Vercesi comme contre-révolutionnaire, de deux camarades de CR en mal d’intransigeance et de Vercesi lui-même.

Les couleurs de ces groupes sont l’arc-en-ciel, c’est également leur fond politique. Aucune homogénéité, aucune ligne politique. Tous les opportunistes, du POUM au Comité antifasciste, y ont élu leur résidence. Une seule chose les unit : leur version de la clarté politique, de la définition des principes et des positions révolutionnaires conséquentes, non pas en paroles mais dans l’activité continue.
Aucune déclaration politique n’a servi de base à cet amalgame. L’opportunisme se rassemble dans le vague et dans le flou.

Il se réclame bien, dans les grandes lignes, des Thèses de Rome et de la Plateforme de la Gauche Italienne de 1926, tout en laissant à chacun l’interprétation libre des textes. Sur toutes les questions brûlantes posées par la période la plus récente et la plus riche en défaites du prolétariat, les questions du fascisme et de l’antifascisme, celles se rapportant à la contre-révolution en Russie, celle de la tendance réalisée du capitalisme vers le capitalisme d’État. Toutes ces questions, y compris les problèmes post-révolutionnaires se rattachant aux rapports entre l’État, le parti et la classe après la victoire de la révolution, sont laissées intentionnellement dans le vague et à la merci des opinions personnelles. Quelle valeur, quel intérêt politique présente dans ces conditions un tel groupe ? Les Thèses de Rome et la plateforme de 1926 sont des feuilles de vigne destinées à couvrir le néant politique, la nudité frileuse de l’opportunisme.
Les hommes des Comités antifascistes se réfèrent aux Thèses de Rome, tout comme les socialistes de l’union sacrée se référaient au Manifeste Communiste de Marx et comme les ministres "communistes" se réclament de Lénine.

Tout particulièrement doit être dénoncée la méthode qui a servi à ce regroupement.
Les communistes, les révolutionnaires n’ont pas à cacher leurs buts ni leurs positions. Ils combattent au grand jour. Les scissions nécessaires avec les opportunistes et, encore plus, les regroupements souhaitables entre révolutionnaires, ils les font toujours après discussions politiques, après confrontation et clarification politique loyale, ouvertement devant le prolétariat. Rien n’est plus étranger aux communistes que ces intrigues diplomatiques, les jeux d’influence personnelle et ce véritable maquignonnage politique qui ont présidé à la formation de ce nouveau groupe par un amalgame individuel de transfuges de tous les groupes.
Cette entreprise de confusion et d’opportunisme - au moment précis où des groupes se réclamant du marxisme révolutionnaire en France se sont enfin engagés dans la voie de la discussion et de la confrontation politique de leurs positions respectives - doit être publiquement dénoncée, avec la dernière énergie.
Le Fraction Française de la Gauche Communiste s’adresse à tous les groupes et à tous les militants révolutionnaires. Elle les appelle à être vigilants contre la nouvelle édition du trotskisme en France.
Pour la délimitation avec les opportunistes sur la base des quatre points avancés par notre Fraction.
Pour la poursuite de la discussion de clarification commencée, seule méthode et seule garantie d’un regroupement de l’avant-garde sur la base solide des principes et d’un programme de la révolution communiste.

FRACTION FRANÇAISE DE LA GAUCHE COMMUNISTE
01/11/1945