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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Contribution à l’histoire du RK.
RKD-Bulletin n° 1 - 5ème Année - Nouvelle série - Septembre 1945
Article mis en ligne le 17 mai 2016
dernière modification le 11 février 2018

par ArchivesAutonomies

Le présent article a été écrit au début de l’année 1941.

OÙ EN SOMMES-NOUS ?

Actuellement nous nous trouvons en deuxième guerre impérialiste qui approche de son point culminant (extension de la guerre sur l’hémisphère oriente l’aggravation inouïe des méthodes de luttes). Ainsi que par des révolutions prolétariennes dans une série de pays et finalement la révolution prolétarienne mondiale. Pour savoir quel rôle notre groupe devra et pourra jouer dans cette révolution, il faut connaître son historique.

1) LA NAISSANCE DU RK. Le RK est né en 1935/36. Il s’est formé de la fraction révolutionnaire des Jeunesses Communistes dans notre pays et d’éléments oppositionnels de gauche du P.C. Son point de départ était la protestation contre le tournant opportuniste de droite du Komintern (défense nationale, "république démocratique" à la place de la dictature du prolétariat, Front Populaire, politique de S.D.N., suppression des 21 conditions d’admission dans l’IC, rapprochement vers la 2ème "Internationale", etc.) exprimé dans les thèses et les résolutions du 7ème Congrès mondial. La fraction révolutionnaire des JC, la préorganisation du RK, a reconnu des printemps 1935 que la généralisation de l’opportunisme manifesté par les sections française, tchécoslovaque et l’approbation de cet opportunisme par le Comité exécutif de l’IC mettraient à l’ordre du jour la scission de l’ancien PC et la formation d’un nouveau. Encore, cette généralisation et cette approbation n’étaient pas manifestes pour nous. En tout cas, nous avons considéré que tous les principes de la lutte de classe révolutionnaire sont en cause et qu’en cas d’alliance du parti révolutionnaire avec l’ennemi de classe, il n’y aurait plus de retour possible. Donc, nous avons exclu la possibilité du redressement. En automne 1935, nous avons étudié l’histoire de la 3ème Internationale. Nos conceptions théoriques ont été renforcées par l’influence idéologique du mouvement trotskiste pour la 4ème Internationale, encouragées par la réaction de lus en plus évidente en Union Soviétique (procès de Moscou, liquidation des conquêtes révolutionnaires, concessions à la bourgeoisie sur tous les plans). A Noël 1935 (ou 36 ?), nous avons exprimé dans une première brochure propagandiste nos principes fondamentaux. ("Que veulent les RK ?") : Défaitisme révolutionnaire dans tous les pays impérialistes, la dictature du prolétariat comme but stratégique, la défense de l’Union Soviétique par le déchaînement de la lutte de classe révolutionnaire partout, rejet du front populaire, pour le front de classe, pour le front unique révolutionnaire ; pour les principes politiques et organisationnels du bolchévisme primitif et du Komintern ; voilà ce que nous avons considéré comme base de la nouvelle, de la 4ème Internationale.

2) LE RK ET LA GUERRE IMPÉRIALISTE. Depuis son existence le RK a lutté contre la guerre impérialiste mondiale qui approchait, pour la révolution prolétarienne, pour le pouvoir ouvrier. Le RK est né dans le tourbillon et contre le tourbillon des préparatifs de guerre impérialiste, dans la lutte pour le point de vue révolutionnaire dans la question de la guerre. En 1934, un choc entre les impérialismes allemand et italien en Autriche était à l’ordre du jour ; alors, le PC et le PS ont offert à Schuschnigg leur aide pour la défense nationale. Les centristes (trotskistes et Kampfbund) ont prétendu que Schuschnigg joue le rôle de Brühning et ainsi ils devaient arriver inévitablement au mot d’ordre "Avec Schuschnigg contre Hitler", ils devaient aboutir à la défense nationale. Il n’y avait que les précurseurs du RK, qui se trouvaient encore au sein du PC, qui ont préconisé la position du défaitisme révolutionnaire contre leur "propre" bourgeoisie".
En 1935, lors de la guerre en Ethiopie et lors des "sanctions" des puissances impérialistes dirigeant la SDN une guerre européenne menaçait d’éclater. Le PC et le PS, tous deux agences de l’impérialisme "démocratique" se sont alors prononcés pour des sanctions "cent pour cent" c’est-à-dire non seulement pour des "sanctions" économiques, mais aussi pour des sanctions militaires, pour une guerre impérialiste contre l’Italie. Les centristes ont oscillé entre l’internationalisme révolutionnaire et des sanctions "plus énergiques". Il n’y a que le RK qui a pris position contre les sanctions impérialistes et pour les actions révolutionnaires des prolétaires contre leurs exploiteurs.
En 1936, lors de la guerre d’Espagne, le PC et le PSR (parti socialiste révolutionnaire, continuation du parti social-démocrate depuis 1935) se sont prononcés pour une intervention des puissances impérialistes occidentales en Espagne, pour le déchaînement à travers l’Espagne d’une guerre mondiale contre l’Axe ; les centristes ont été complices des social-impérialistes. De tous les groupes de notre pays, il n’y avait que le nôtre qui, en cas de guerre impérialiste mondiale, était décidé à préconiser le défaitisme révolutionnaire sur tous les fronts impérialistes, les secteurs espagnols y compris.
Le mot d’ordre qui se trouvait en tête de notre organe central était celui de Liebknecht : "L’ENNEMI EST DANS NOTRE PROPRE PAYS !" Tous les numéros de ce journal se sont opposés consciemment au courant de plus en plus violent du social-impérialisme dans notre pays et dans le monde entier.
En 1938, quand tous les partis et tous les groupes (PC, PS, Kampfbund, "Ziel und Weg", trotskistes, etc.) ont décidé de voter "oui" pour Schuschnigg, il n’y avait que notre organisation qui a lancé l’appel à la lutte de classe révolutionnaire et conséquente, au défaitisme révolutionnaire en cas de guerre impérialiste, au note "non" contre la réaction de Schuschnigg. Au courant de l’année 1938 il n’y avait que notre section qui, tout entière, a déclenché la lutte au sein du mouvement trotskiste pour la 4ème Internationale contre les falsifications centristes faites par le Secrétariat International de Trotski concernant le défaitisme révolutionnaire.
Ainsi, le RK est devenu un point de rassemblement de tous les éléments oppositionnels et léninistes au sein du mouvement trotskiste en Europe. Les lettres politiques ronéotypées et le bulletin international édités par nous à la veille de la guerre sont quelques-uns des rares documents dénonçant le caractère nettement impérialiste du massacre imminent à cette époque. Nous y avons analysé et caractérisé les trahisons de toutes les autres tendances et nous avons essayé de continuer la tradition de Lénine-Zinoviev dans "Contre le Courant".
En 1938-1939, nous avons analysé, dans une série d’articles, l’occupation de l’Autriche, de la Tchécoslovaquie, de l’Albanie, la signification de Munich, etc. : "Le nouveau partage impérialiste de l’Europe a commencé", thèses au sujet de l’occupation de la Bohème et de la Moravie, la question nationale "Johre et les Etats modernes", etc.
En France, le PCF encore après le commencement de la guerre a voté à nouveau, dans la chambre des députés, pour les crédits de guerre. Sa position actuellement "neutre" qui n’a rien à faire avec un défaitisme révolutionnaire, fera bientôt place à un nouveau social-patriotisme commandé par Moscou et au profit des partenaires capitalistes de la Russie.
La deuxième "Internationale" et tous ses appendices politiques et organisationnels (trotskistes, le groupe du Kampfbund) ainsi que le bureau de Londres (SAP, Pivert, "Ziel und Weg") se trouvent ouvertement dans le camp de l’impérialisme anglo-américain. Ils essaient tous de ce dépasser les uns des autres en appels sanguinaires et jusqu’au-boutistes. Une partie des trotskistes français a simplement modifié la forme de son social-patriotisme en devenant germanophiles.
L’ancien mouvement ouvrier tout entier a sombré dans la honte, la lâcheté et la capitulation. Il n’y a que les groupes qui ont été capables et qui sont restés capables de donner une réponse marxiste révolutionnaire aux problèmes soulevés par la guerre actuelle qui peuvent prétendre d’être des germes du mouvement ouvrier révolutionnaire à venir.

3) LE RK ET LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT (Pouvoir Ouvrier).

La dictature du prolétariat, prochain but stratégique de la lutte de classe du prolétariat international, se trouve depuis l’existence du RK au centre de ses luttes politiques. L’abandon officiel de ce but stratégique par le PC était un facteur décisif dans la formation du RK.
En 1936, nous avions des discussions directes avec les "théoriciens" des trotskistes autrichiens qui eux aussi se sont prononcés pour une république bourgeoise démocratique. Nous avons préparé par notre organe théorique une délimitation du centrisme du Kampfbund, qui préconisait "l’opposition loyale" envers un gouvernement de coalition éventuel du PC et du PS.
Notre point de vue avait été exprimé dans notre première brochure programmatique et dans l’article "Plus jamais de 12 novembre, plus jamais de république démocratique !", qui a paru en novembre 1936 dans "Le Bolchévik", organe central du RK.
Cette ligne a été continuée et approfondie dans l’émigration. Sur ce point, nous avions des divergences avec le camarade Bruno qui, déjà dans le pays même, a eu des oscillations en faveur d’une "république démocratique" et qui en 1938 et 1939 a rejeté ouvertement la théorie de la Révolution Permanente (désignée par lui comme "trotskiste"). Les divergences portaient aussi sur la question nationale où lors de l’occupation de Prague (1939) ce camarade a abandonné la position de Lénine dans la question nationale pour le remplacer par une position plutôt nationaliste.
Le RK a précisé ses positions concernant une série d’autres problèmes stratégiques. Dans l’article "La faute principale du RK à la veille de l’occupation", nous avons analysé les événements de mars 1938 et notre propre attitude à ce moment. Dans l’article "L’Autriche dans la révolution allemande", nous avons analysé les perspectives de l’Allemagne et de l’Autriche à la veille de la guerre actuelle ; les résolutions de notre conférence de novembre 1940 ont résumé nos positions dans toutes les questions stratégiques.
Aujourd’hui, la question russe est à l’ordre du jour. Nous y reviendrons. C’est sur la longue expérience du mouvement ouvrier que nous basons notre prédiction que les social-patriotes d’aujourd’hui seront les défenseurs du capital "démocratique" de demain, que les centristes acharnés d’aujourd’hui continueront demain, dans la révolution sociale, leur rôle fatal ; cette prédiction se confirmera de façon sanglante.
Déjà les leçons de 1914 et 1918, les évènements entre les deux guerres mondiales, les événements français (le mot d’ordre de Thorez en 1936 : "Il faut savoir terminer une grève"), le rôle de bourreaux contre-révolutionnaires du PC et du PS en Espagne, le rôle de complices centristes (POUM, trotskistes), nous donne une faible idée de ce qui peut se produire demain.
Le RK est un des rares groupes qui dans son propre pays et sur le plan international a lutté avec acharnement non seulement pour la révolution prolétarienne et pour la dictature du prolétariat, mais aussi contre tous ceux qui voulaient remplacer cette ligne stratégique par une ligne réformiste ou centriste.
Le parti que nous nous efforçons de construire devra être un parti de pouvoir ouvrier, le parti de la dictature du prolétariat.

4) LE RK ET LA QUESTION DU PARTI.

Nous voilà arrivés à l’un des problèmes stratégiques les plus importants, à savoir : au rôle du parti prolétarien dans la lutte de classe. Le RK, dès sa fondation, avait des idées très nettes sur le rôle du parti prolétarien révolutionnaire dans la lutte de classe et sur le caractère de ce parti et ce n’est que grâce à cette netteté de principes – contrairement à toutes les oppositions de gauche venant du PC – qu’il a pu se séparer du PC et qu’il a pu se considérer immédiatement comme germe du nouveau parti communiste à venir.
Dès le printemps de 1935, donc six mois avant le 7ème congrès mondial du PC, nous avons préparé consciemment la scission d’avec la troisième Internationale, nous avons considéré cette scission comme absolument nécessaire. Après le 7ème Congrès mondial qui nous a donné une idée du rapport de forces réel dans l’IC, nous avons pris des mesures concrètes pour la scission que nous avons effectuée au printemps 1936. Chez nous, il n’y a jamais eu, ni avant ni après la séparation d’avec l’IC, les moindres illusions au sujet d’un redressement possible de l’IC. Depuis le 7ème Congrès Mondial où s’est révélé à nos yeux le degré de décomposition opportuniste de la 3ème Internationale, notre mot d’ordre a été : En avant pour la 4ème Internationale !
Pourtant, grâce à l’influence du SI de Trotski et des entrées liquidatrices dans le parti social-démocrate, organisées par ce SI, des oscillations ont été provoquées dans nos rangs sur la question : comment arriver au nouveau parti ? Aussi la question des tâches différentes du parti révolutionnaire et de la pré-organisation de ce parti à construire a été posée.
En 1936, nous avons eu d’abord des divergences multiples sur le plan théorique et sur le plan pratique avec les "BL" au sujet du parti. Ces "BL" ont eu de grandes illusions quant au redressement possible du PSR. Nous avons analysé le caractère de tous les groupes réformistes, centristes, marxistes passés et présents dans deux travaux théoriques sur la question du parti appelés "Le centrisme, danger principal pour le rassemblement prolétarien révolutionnaire". A cette occasion, nous avons dénoncé les appréciations fausses des "BL" du Kampfbund.
En ce qui concerne le caractère de la pré-organisation du nouveau parti révolutionnaire, nous avons pensé dès le début que cette organisation préliminaire ne pourrait devenir le nouveau parti que par des efforts acharnés de jouer elle-même, dans la mesure du possible, le rôle du parti, et cela non seulement sur le plan théorique mais aussi par sa participation pratique à la lutte de classe. En ce qui nous concerne, nous avons organisé une action à l’usine en février 1936, notre organe a publié régulièrement des correspondances d’usine, etc.
Quand nous avons rejeté l’entrée liquidatrice de notre organisation dans le PSR et quand nous avons exclu une série de camarades à cause de telles entrées en 1937, nous avons encore pensé qu’il s’agissait là d’une question tactique et qu’une organisation – contrairement à un parti – pourrait éventuellement entrer dans un parti réformiste. Cette position a été exprimé par une souscription de notre part à la "Lettre Ouverte pour la IV° Internationale" où les entrées liquidatrices sont désignées comme un chemin possible vers la 4ème Internationale. Pourtant, une série de camarades influencés par le Kampfbund, ont déjà critiqué ces entrées liquidatrices avec raison. Malheureusement, cette critique n’a pas eu de résultats immédiats parce que les fautes de principe commises par le Kampfbund dans d’autres questions stratégiques et l’ultimatisme nuisible de cette organisation ont dévalorisé même certains arguments justes.
La question du parti s’est trouvé le centre du travail politique du RK, mais une partie importante de cette question, à savoir la rentrée d’un groupe révolutionnaire déjà indépendant dans un parti réformiste a été négligée et sous-estimée théoriquement. Nous avons rejeté cette entrée pour des raisons pratiques seulement. En 1938, une partie importante du RK – l’organisation restée dans le pays même – a donné la réponse théorique juste à cette question. En 1939, l’organisation toute entière, l’émigration y comprise, a adopté la même position.
Déjà avant cette adoption écrite et officielle, l’émigration du RK a lutté contre les nouvelles entrées liquidatrices des trotskistes en France dans le PSOP. C’est une des questions qui ont abouti à notre séparation d’avec les trotskistes et d’avec Haller (fraction de droite du RK) qui s’est séparé de nous en 1938. Depuis 1935, nous avons maintenu notre position que le nouveau parti communiste mondial ne peut être que le produit à la fois d’un long travail préparatif théorique et pratique des cadres communistes révolutionnaires de la nouvelle montée prolétarienne révolutionnaire.
Quand en 1938, le SI de Trotski, en excluant non seulement le public prolétarien mais aussi les délégués de la plupart de ses propres sections a essayé de proclamer la 4ème Internationale dans une année, les représentants du RK et de la section polonaise étaient les seuls présents qui ont voté contre cette manœuvre et contre cette compromission de l’idée de la 4ème Internationale.
A cette occasion, nous avons écrit des textes sur le "Chemin vers la 4ème Internationale" ; ces thèses ont été rejetées sans discussion par la majorité des "délégués".
A partir de ce moment, notre présence dans l’organisation trotskiste n’était justifiée que par des raisons tactiques. Nous nous en rendions compte. En 1939, The Revolutionary Workers League (RWL) avec son leader Hugo Oehler, a pris l’initiative de la formation d’une commission internationale de contact pour la 4ème Internationale Communiste ; il a proposé à toutes les organisations révolutionnaires 14 points qui devaient être la base de discussion de tous les principes fondamentaux de la stratégie prolétarienne. La plupart des militants de notre groupe a déclaré son accord avec les 14 points et au début de la guerre de 1939, deux camarades ont édité un journal allemand "Der Marxist", parallèlement à l’organe théorique du RWL à cette époque (The Marxist). Ces mêmes camarades ont donné leur adhésion individuelle à la commission internationale de contact. Les autres camarades se sont déclarés prêts à la collaboration avec la commission CIC jusqu’à une étude approfondie du matériel de Oehler.
En attendant, les événements impérialistes et la mort de Trotski ont abouti à l’écroulement définitif de l’organisation trotskiste. Dans nos thèses de novembre 1940, nous avons constaté l’impossibilité du redressement d’une organisation centriste. On peut redresser les organisations révolutionnaires et marxistes qui montrent une certaine déviation centriste, mais on ne peut pas régénérer des partis centristes. Sur ce plan, nous nous sommes séparés en principe de la conception trotskiste. La nouvelle situation, les nouvelles perspectives révolutionnaires en Europe, la rupture complète de la liaison politique d’avec la CIC depuis le commencement de la guerre, nous obligent à une initiative accrue dans la lutte idéologique et organisationnelle pour la préparation de la nouvelle internationale communiste.

5) LE RK ET LES TROTSKISTES

Dans les chapitres précédents nous avons déjà fait allusion à nos rapports avec les trotskistes. Ici nous allons en parler plus particulièrement.
Pendant les premières années de l’existence de notre organisation, nous avons été en rapport très étroit avec les trotskistes. Nous avons rejeté, pour des raisons scientifiques, le terme "trotskisme" ; nous avons pensé que notre idéologie est le marxisme et non pas le "trotskisme". Mais, lors des procès de Moscou contre les trotskistes russes, nous avons adopté pour des raisons agitatives le nom de "trotskistes". Nous l’avons ajouté entre parenthèses à notre nom officiel. Les œuvres de l’Opposition Internationale de Gauche, la liaison étroite avec la "Ligue Communiste Internationaliste" trotskiste et ensuite avec le "Mouvement pour la 4ème Internationale", malgré leurs défauts centristes, ont eu une influence importante sur notre évolution progressive. Mais le trotskisme n’était qu’un jalon sur notre chemin.
En 1936, après discussion démocratique et profonde dans toutes les cellules, nous avons signé la "Lettre Ouverte pour la 4ème Internationale". De 1936 à 1939, nous avons critiqué à plusieurs reprises les trotskistes. Nous avons d’abord critiqué "Unser Wort", organe de la section allemande (IKD) dont le style incompréhensible aux ouvriers nous a choqués. La critique portée dans ce journal contre l’IC n’émanait pas d’un point de vue de gauche, comme il aurait été nécessaire, mais d’un point de vue droitier (Oskar Fischer) et cela à une époque où la politique ultra-gauchiste de l’IC n’existait plus depuis longtemps.
Une partie de nos camarades, influencés par le Kampfbund, critiquaient, avec raison, les entrées liquidatrice des trotskistes dans les différentes sections de la 2ème "Internationale". Nos divergences étaient particulièrement violentes avec les trotskistes autrichiens dans la QUESTION DU PARTI (illusions au sujet du PSR et de certains de ses représentants), dans la QUESTION DE LA GUERRE (défense de "l’indépendance autrichienne", "sanctions" contre l’Italie) et dans la question du but stratégique ("république démocratique" ou dictature du prolétariat).
En 1937, le RK, en commun avec le groupe BK, a critiqué ce que nous avons considéré comme des déviations petites-bourgeoises et menchéviques du SI, des "BL" autrichiens et tchèques dans les questions suivantes : appréciation du régime autrichien, entrée dans les partis réformistes, question de la guerre. C’est dans cette période qu’une minorité entriste, influencée par le PSR (RS), a été exclue de nos rangs. Mais cette opposition contre le SI s’est bornée à un espoir de redressement et à considérer comme essentiellement tactiques les divergences en présence.
En 1938 et en 1939 les divergences entre nous et l’organisation trotskiste internationale qui évoluait de plus en plus vers la droite, se sont aggravées ; maintenant elles portaient ouvertement sur toutes les questions de principe : guerre, (défaitisme révolutionnaire ou "opposition politique" dans les pays "démocratiques" ou alliés à l’URSS), appréciation de la situation internationale (situation précédant la guerre, ou situation révolutionnaire), parti (de nouvelles entrées et en plus "proclamation" de la <4ème Internationale par des cadres internationalistes et autonomes), etc. Le programme transitoire trotskiste et la politique trotskiste dans les pays hors d’Europe ont démontré que l’évolution vers la droite se manifestait dans toutes les autres questions stratégiques (révolution russe, question coloniale, but stratégique).
Le groupe d’émigration a préparé une opposition internationale de gauche contre cette évolution. En 1938, nous avons publié à cette fin les documents politiques surnommés "Juniusbriefe", en 1939 un bulletin international. Ce bulletin a paru après la conférence de septembre 1938 ; il était sous le signe de la préparation de la rupture organisationnelle ouverte ; cette rupture a été considérée par nous comme nécessaire et inévitable depuis la conférence de septembre 1938 et nous avons préparé consciemment le terme de sa réalisation. A cette occasion deux de nos camarades (Haller et Gerber) se sont séparés de nous, en adoptant dans toutes les questions essentielles le pont de vue du SI (programme transitoire, thèses de la guerre, rôle de l’IKD, etc.).
La liaison établie à la veille de la guerre et l’accord fondamental avec la Commission Internationale de Contact pour la 4ème IC, ont approfondi notre éloignement du centrisme trotskiste, comme auparavant le trotskisme avait approfondi notre éloignement idéologique du stalinisme.

6° LE RK ET LA DÉFENSE DE LA RÉVOLUTION D’OCTOBRE.

Depuis leur formation jusqu’à ce jour, le RK s’est déclaré sans cesse pour la défense de la révolution d’octobre et pour la défense de l’Union Soviétique tant que nous avons cru à son existence. Pourtant, nous avons rejeté la politique stalinienne et trotskiste qui subordonne la lutte de classe révolutionnaire à cette défense ; pour nous, la défense réelle et conséquente des derniers débris de la révolution prolétarienne d’octobre, pas encore liquidés par la réaction stalinienne, n’est concevable que par la lutte de classe révolutionnaire dans tous les pays du monde, contre nos "propres" bourgeoisies impérialistes, qu’elles soient alliées à l’URSS ou non.
Nous avons pensé dès le début que la guerre actuelle décidera aussi du sort de la réaction stalinienne ; seules de novelles révolutions prolétariennes peuvent sauver la cause prolétarienne en Russie. Si ces révolutions n’éclatent pas en temps voulu, la réaction stalinienne trouvera obligatoirement sa forme accomplie, et la contre-révolution qui se développe, triomphera. En Russie même, les révolutionnaires prolétariens doivent lutter pour la défense des débris des conquêtes prolétariennes, contre l’impérialisme et contre la réaction stalinienne, pour le renouvellement de la révolution prolétarienne et pour la reconstitution de la dictature du prolétariat et ainsi de l’union et de la démocratie soviétiques, pour le rétablissement de l’Etat ouvrier. Là où les révolutionnaires prolétariens des autres pays peuvent aider leurs camarades russes, ils doivent le faire au profit de la bureaucratie réactionnaire. En cas d’une contre-révolution victorieuse, les révolutionnaires prolétariens peuvent refuser toute aide à la Russie nouvelle et la traiter comme tous les pays impérialistes.
(En attendant notre discussion au sujet de la révolution russe a précisé et concrétisé, à la lumière des événements actuels et de l’étude de leurs racines, la ligne que nous avons esquissée ci-dessus, c’est-à-dire nous avons reconnu que la contre-révolution a vaincu en Russie et par conséquent, nous luttons, en commun avec les communistes révolutionnaires, en Russie également pour le défaitisme révolutionnaire. Juin 1941).

7° UN APERÇU DES SCISSIONS QUI ONT EU LIEU JUSQU’ICI AU SEIN DU RK.

Dans notre évolution politique qui s’exprime surtout en discussion continue au sein de l’organisation, nous avons à enregistrer quelques luttes fractionnelles et aussi quatre scissions.

1) La question de l’entrée liquidatrice dans le PSR (1936/37)

Le groupe presque tout entier a considéré en 1936/37 la question de l’entrée dans le PSR – tout en gardant notre autonomie fractionnelle, politique et journalistique au sein du PSR – comme une affaire "tactique", et la majorité a rejeté une telle entrée pour des raisons tactiques. Une minorité – à la tête de laquelle s’est trouvé passagèrement le camarade Bruno – a considéré une telle entrée comme juste. Dans la mesure où les discussions se sont épuisées, deux fractions se sont formées, qui finalement ont mesuré leurs forces à une conférence de délégués. Comme la minorité ne s’est pas pliée à la décision majoritaire, elle a été exclue. Certains de ces camarades exclus ont été réintégrés ultérieurement. Le niveau idéologique de cette scission et des discussions qui l’ont accompagnée, étaient assez bas.

2) Toutes les questions stratégiques et le trotskisme (1938).

En décembre 1938 une scission s’est produite sur la base de divergences dans presque toutes les questions stratégiques. Une minorité, représentée par Haller et Gerber, a déclaré son accord avec le trotskisme, représenté par le SI de LDT, et évoluent vers la droite sur toutes les questions (guerre, parti, appréciation de la période) ; la majorité maintenait les positions marxistes et léninistes. De mai à décembre 1938, donc pendant sept mois, une discussion politique ininterrompue avait lieu dans le groupe. En septembre 1938, cette discussion a atteint son point culminant, la majorité (y compris le camarade Gerber) avait adopté le point de vue marxiste et léniniste, défendu par nous à la conférence de fondation de la 4ème Internationale. Le traité de Munich était une des raisons principales pour le changement de position du camarade Gerber en octobre 1938. En janvier 1939, les camarades Haller et Gerber se détachèrent définitivement de l’organisation.

3) La question du parti.

Ce n’était pas une scission proprement dite. Le groupe à l’intérieur du pays a fusionné avec l’opposition du Kampfbund, sans se délimiter suffisamment des erreurs politiques de cette dernière. Le groupe d’émigration a considéré que cette fusion signifiait une rupture avec la conception adoptée auparavant dans la question du parti. L’éclatement de la deuxième guerre impérialiste mondiale a empêché la continuation de ces discussions.

4) La question de la révolution permanente (1939/40).

En 1939 un échange de vues a eu lieu entre nous et le camarade Bruno ; la discussion partait de la question nationale. Le camarade Br. a rejeté la théorie de la révolution permanente comme "trotskisme", les autres camarades l’ont défendue. Avant d’avoir approfondi et terminé ces discussions, le camarade Br., en cessant la correspondance politique, semble s’être séparé de l’organisation.
Depuis, la nouvelle guerre impérialiste mondiale a posé de nouveau et avec plus d’acuité un cinquième problème stratégique, celui de l’appréciation de la Révolution Russe, de l’URSS, de l’Etat Ouvrier, de la dictature du prolétariat. Cette discussion est en cours.

CONCLUSION

(La force principale, la faiblesse principale et perspectives du RK)

La faiblesse principale du RK était surtout sa jeunesse (et par conséquent, son inexpérience), la jeunesse et l’inexpérience de tous ses membres actifs. Cette jeunesse explique toutes ses fautes politiques, ses illusions et carences. N’avons-nous pas discuté assez longtemps si, après notre séparation du stalinisme, nous devions nous constituer en groupe de jeunes des trotskistes ou du Kampfbund, ou bien comme noyau autonome ? Les événements ultérieurs ont pourtant démontré que déjà à cette époque notre ligne politique était plus juste que celle des trotskistes et du Kampfbund. Pendant longtemps, nous avons transposé les illusions, que nous avions eues au sujet de l’"IC", sur les débris et les appendices de "l’opposition de gauche" de cette même "IC", et nous leur avons donné trop de confiance. Aujourd’hui le RK est, dans une grande mesure, guéri de ces fautes.
La jeunesse n’était non seulement une cause de faiblesses, mais aussi une source de force, d’élan et de cet esprit de décision inébranlable pour maintenir bien haut le drapeau du communisme révolutionnaire même quand tous les autres l’abandonnaient, le souillaient de tricolore et le traînaient dans la boue. La dictature hitlérienne, l’émigration et des coups douloureux ont fait mûrir le RK. Ainsi ce groupe est un des germes du futur parti révolutionnaire du prolétariat allemand et, fidèle à son rôle, en combattant dans l’esprit du marxisme et du bolchévisme de Lénine, contre tout opportunisme de droite ou d’ultra-gauche, pour la dictature du prolétariat, pour la démocratie des conseils d’ouvriers, il se placera à l’aile du nouveau mouvement ouvrier.

A. J.