La Résolution suivante a été adoptée à la conférence de novembre 1940.
Le Kampfbund est une des plus importantes organisations centristes en Autriche. Voici ses erreurs stratégiques et en même temps le point de vue du RK. Dans l’article "Le régime en Autriche de 1938/39 et la position de la classe ouvrière autrichienne", les fautes essentielles du RK ont été analysées ; ces fautes, en partant de la question du "bonapartisme" autrichien, ont abouti, comme nous l’avions prédit depuis 1936, à l’écroulement social-impérialiste du KB en 1937/38. N a pu constater des déviations centristes du KB aussi dans une série d’autres questions stratégiques.
I°) Le but stratégique
Selon notre conception, le renversement de la dictature fasciste (bonapartiste) par la montée révolutionnaire aboutira immédiatement et inévitablement à la DUALITÉ DES POUVOIRS, le régime bourgeois-démocratique et l’appareil prolétarien (conseils, milices prolétariennes) existeront les uns à côté des autres. D’après le Kampfbund la "république démocratique" est un stade inévitable qui se place entre la dictature fasciste (bonapartiste) et la dualité des pouvoirs et par conséquent, c’est la "république démocratique" qui doit être notre prochain but. Nous considérons cela comme une erreur stratégique ; au lieu de préparer le prolétariat à la prise du pouvoir, on le prépare à l’ère "démocratique" qui n’est nullement nécessaire. A notre avis, le prochain but stratégique de la lutte de classe prolétarienne est la DdP.
II°) La lutte pour les droits ouvriers fait partie, à notre avis, de la lutte pour le pouvoir ouvrier. Par conséquent seul le parti qui lutte de façon conséquente pour le pouvoir ouvrier, c’est-à-dire le parti bolchévik, peut lutter de façon conséquente pour les droits ouvriers. Le Kampfbund par contre considère la "lutte pour les droits démocratiques" comme une lutte aboutissant à la "république démocratique", lutte qui est séparée de celle pour le pouvoir ouvrier. D’après le KB, ce sont deux luttes différentes et ce n’est pas le parti bolchévik mais le PS (RS) et le PC qui "mènent" la lutte pour les droits démocratiques ; le parti bolchévik les soutient à cette occasion.
A notre avis, des partis comme le PS et le PC, qui ont trahi la lutte pour la dictature du prolétariat, sont incapables même de vouloir la lutte pour les droits ouvriers, moins encore de la "mener". Tout en étant intéressés à une relève de la dictature fasciste par une "démocratie" bourgeoise, pour améliorer leur propre position, ils désirent que cette relève se fasse sans mobilisation des forces prolétariennes, car la mobilisation réelle des forces combatives du prolétariat pour la conquête des droits ouvriers serait déjà le début de la révolution prolétarienne, le commencement de la lutte pour le pouvoir ouvrier. Cette lutte, si elle doit être couronnée de succès doit se trouver sous la direction d’un parti bolchévik. Le PC et le PS, dans le meilleur des cas, pourront céder à la pression des masses pour être écrasés par la suite. La conception du KB citée ici est considérée par nous comme une autre erreur stratégique qui tend à désorienter le prolétariat.
III°) Des partis bourgeois ou "petit-bourgeois" ?
Nous considérons que la petite-bourgeoisie (et aussi la paysannerie) sont hors d’état de faire leur propre politique et d’avoir leurs propres partis. Tous les partis dans la société moderne sont ou bien des partis prolétariens, (luttant pour les intérêts du prolétariat) ou bien des partis de la bourgeoisie ; ce n’est pas la composition sociale mais le rôle objectif de ces partis qui importe. Par conséquent les partis de la deuxième "Internationale" ont été désignés par Lénine (et les partis de la 3ème "Internationale" actuelle doivent être désignés également par nous) comme des "partis bourgeois". Le KB les présente comme des partis "petit-bourgeois" ; en rompant avec la terminologie de Lénine, il voile le caractère de classe de ces partis et trompe le prolétariat sur leur véritable rôle.
IV°) "Opposition loyale" envers le régime bourgeois-démocratique ?
Le KB propose, pour le cas d’un gouvernement Front Populaire de "gauche" ou de "Front Unique" composé par le PC et le PS, "l’opposition loyale" du prolétariat. Nous considérons cela comme un enchaînement "loyal" (fidèle aux lois) du prolétariat à la bourgeoisie "démocratique" et ses agents. En plus, c’est la négation de la théorie léniniste de l’Etat et c’est aussi la continuation et le complément conséquents des erreurs stratégiques précitées.
Nous considérons qu’un gouvernement composé par les représentants du PC et du PS ou même de groupes centristes se situant encore plus à gauche est toujours un gouvernement de la bourgeoisie, s’il n’est pas issu de la révolution prolétarienne et de ses organes de pouvoir (conseils). Ce n’est pas l’opposition "loyale" mais au contraire très "déloyale" que nous préconisons envers tout gouvernement bourgeois, c’est-à-dire la lutte pour sa suppression et son remplacement par le pouvoir des ouvriers.
V°) Du centrisme au social-impérialisme.
Nous sommes en présence d’une révision centriste générale du marxisme-léninisme, opérée par le Kampfbund depuis au moins dix ans dans toutes les questions stratégiques. Cette révision évolue rapidement en face de la réaction qui avance, et aboutit encore avec l’éclatement de la guerre actuelle dans le marais du social-impérialisme. Dans la question nationale et dans la question russe, nous constatons également des révisions vers la droite.
VI°) L’opposition du Kampfbund et notre groupe à l’intérieur du pays.
En rejetant "l’antifascisme" belliciste du Kampfbund dans la guerre actuelle, et en se séparant de lui organisationnellement, l’opposition du Kampfbund se place à gauche de celui-ci. Mais encore elle partage essentiellement toutes ses erreurs, ne voit pas le lien indissoluble entre ces erreurs et l’excès social-impérialiste qui devient évident déjà en 1937/38. La séparation de l’opposition de l’ancien KB est effective, mais non pas formelle, elle se propose de "redresser" le KB. La délimitation insuffisante de notre organisation de l’intérieur est le résultat de la faiblesse et des fautes politiques et organisationnelles de notre organisation entière (1935-39), des épreuves sévères et de l’émigration imposées par la dictature fasciste. La fusion de notre organisation à l’intérieur avec l’opposition du KB a enlevé un frein à l’évolution du KB vers la droite.
VII°) Perspectives du Kampfbund et de son opposition.
Les événements futurs verront le Kampfbund, autant que les trotskistes et centristes du même genre, jouera le rôle du POUM en Espagne. Les événements pourront obliger le Kampfbund de dépasser encore les positions du POUM. Il est à craindre que l’opposition du Kampfbund, vu son évolution jusqu’ici, suivra le KB dans une large mesure ; après la fin de la guerre impérialiste actuelle, la "seule" divergence de principe entre le KB et son opposition s’effacera, et la réunification organisationnelle sera possible. En prévoyant cette évolution, l’opposition du KB a évité la rupture définitive avec le Kb.
VIII°) Notre tâche.
L’émigration du RK, lors de sa rentrée, devra rassembler autour de son cadre, des éléments clairvoyants et décidés, faire évoluer et détacher du KB et de son opposition les éléments bolchéviks ; il s’agit de préparer cette tâche importante par un travail intensif dès maintenant. Ce travail fait partie de notre préparation du nouveau parti communiste-révolutionnaire. La période de réaction actuelle, la guerre et le fascisme ont favorisé l’évolution vers la droite et les scissions vers la droite ; la montée révolutionnaire de demain favorisera les scissions vers la gauche et facilitera notre tâche.
Novembre 1940