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Le chemin du retour ? La crise de la "Gauche Communiste Internationale" et nous
RKD-Bulletin n° 2 - 6ème Année - Nouvelle série - Mars-Avril 1946
Article mis en ligne le 17 mai 2016
dernière modification le 11 février 2018

par ArchivesAutonomies

(Rappel de certains documents et commentaires)

Le numéro 4 publie la première partie de l’expérience d’une trahison, de l’expérience de la Coalition Antifasciste de Bruxelles et de la participation d’un groupe de la Fraction Italienne (bordiguiste) à cette Coalition. Le Prolétaire démontre, textes en main le caractère patriotique et impérialiste de cette coalition antifasciste pendant la dernière phase de la deuxième guerre impérialiste mondiale. Dans une deuxième partie sera examinée la position de la GCI en face de cette trahison de classe mémorable. Toutefois, nous voudrions déjà dans ce texte rappeler certains documents et faits qui marquent l’attitude des divers groupes borosilicates [1] ainsi que celle des RK vis-à-vis de la trahison d’abord idéologique et ensuite pratique du groupe de Bruxelles.

Pendant la guerre, les erreurs centristes d’avant-guerre que nous avons critiquées à plusieurs reprises dans nos Bulletins, ont abouti à la fameuse "théorie" de la "disparition" du prolétariat. Cette "théorie" était l’œuvre du leader de la Fraction Italienne Bordiguiste avant la guerre, Vercesi, elle constituait une révision totale du marxisme. Basé sur cette "théorie", le groupe belge de la Fraction Italienne a renoncé à toute activité propagandiste révolutionnaire pendant la guerre et finalement est entré dans une Coalition impérialiste englobant tous les partis de la Bourgeoisie (sauf le parti fasciste).

Bien avant de connaître cette dernière conclusion du rejet "théorique" du marxisme par la Fraction Italienne en Belgique, nous avons refusé toute conférence commune avec elle. La trahison idéologique qui laissait déjà prévoir les pires trahisons de classe, nous a suffi pour préconiser la rupture totale, politique et organisationnelle avec cette fraction. La Fraction Française et la Fraction Italienne en France étaient d’un autre avis. Elles considéraient la "théorie" révisionniste de Vercesi comme une déviation passagère qui ne devait pas empêcher l’unité organisationnelle avec la fraction révisionniste. La Fraction Française allait plus loin et proposait même une Conférence Internationale commune avec la fraction révisionniste. En même temps elle s’adressait aux RK pour l’inviter à cette conférence (voir les premiers Bulletins Internationaux de la GCI en 1944). Nous avons évidemment rejeté cette invitation. Dans notre première lettre adressée à la GCI, en mai 1944, nous avons déclaré :

"… Nous n’avons aucune attention de participer à votre Conférence internationale tant qu’il y a une fraction révisionniste en votre sein qui a rompu ouvertement avec le marxisme et avec la cause de la révolution prolétarienne dans la période actuelle. Une telle trahison doit avoir des racines profondes ; l’histoire nous enseigne que de telles volte - faces ne se produisent pas du jour au lendemain dans le mouvement ouvrier, mais naissent pendant des années d’évolution "pacifique" pour éclater lors d’une guerre impérialiste ou d’une révolution prolétarienne. Dans ces cas pareils, un examen profond de toute la politique antérieure s’impose."

Cette lettre ne faisait que répéter et renforcer la position prise par nous lors de la discussion orale de Pâques 1944. Rappelons que l’entrée de la fraction révisionniste dans la Coalition Antifasciste n’était pas encore connue. En même temps nous nous sommes adressés au camarade Marco, dans une lettre où nous avons dit :

"Nous distinguons trois courants essentiels dans votre organisation : le courant révisionniste avec lequel il faut rompre politiquement et organisationnellement, la tendance marxiste qui est exprimée dans votre document…, la tendance intermédiaire enfin (centriste) qui tend à bagatelliser [2] les divergences profondes, qui tend à la réconciliation de ce qui n’est pas réconcilier, qui tend à un compromis pourri".

Signalons que cette dernière tendance, celle du camarade Frédéric, a fini par rompre avec l’aile gauche de la FFGC (groupe Marc) et de fusionner sur le plan international avec le courant révisionniste (Vercesi). Cette scission entre réconciliateurs (Frédéric) et "orthodoxes" s’est opérée un an plus tard en mai 1945. Et c’est la maturation de cette scission dans la Fraction Française qui a déterminé les rapports des uns et des autres avec les RK. Depuis 1943/44 nous n’avons pas laissé de doute quant à notre décision. Dans la lettre à Marco nous avons précisé :

"Les rapports entre nos deux organisations sur le plan politique et organisationnel dépendront essentiellement du développement de cette lutte fractionnelle dans vos rangs. Ce que nous considérons comme indispensable, c’est la rupture nette d’avec le courant révisionniste et les tendances réconciliatrices. Nous considérons que cette rupture ne doit pas se faire "d’elle- même", il ne faut pas laisser l’initiative à la fraction adverse, mais que c’est à vous de prendre cette initiative, de rompre nettement et formellement. La discussion peut et doit continuer après la rupture, mais ce sera une discussion de lutte devant le public prolétarien. Autrement vos appréciations justes dans votre document se réduiraient à des déclamations sans conséquences".

Comme on le voit, si nous avons appuyé par nos moyens techniques le tapage et la diffusion de la critique du groupe Marco contre la tendance révisionniste, nous avons en même temps insisté pour que le groupe Marco ne s’arrête pas à mi-chemin mais qu’il aille jusqu’au bout. Malheureusement les résistances ont été grandes. Il fallait l’entrée de la fraction révisionniste dans la Coalition Impérialiste, il fallait la trahison de classe directe et ouverte, pour faire avancer le groupe Marco qui formait alors l’aile gauche de la Fraction Française et de la Fraction Italienne mais qui ne voulait pas se séparer organiquement de Vercesi & Co. Même après l’entrée de la fraction révisionniste dans la Coalition Impérialiste, le camarade Marco s’est prononcé contre la scission immédiate, par souci que la discussion pourrait en souffrir. Ainsi c’est la fraction adverse, la fraction vercesiste qui en mai 1945 a pris l’initiative de la scission de la Fraction Française et ainsi a pu brouiller la véritable cause de la crise et de la scission de la Fraction Française Bordiguiste.

Il faut signaler ici que Vercesi a été exclu provisoirement par le groupe parisien de la Fraction Italienne, mais que cette exclusion a été cachée au public pour être annulée par la suite. Le camarade Marco, tout en critiquant le révisionnisme et la trahison de classe de Vercesi, pendant une période assez longue n’a pas rendu publique l’exclusion de Vercesi à laquelle il s’était d’ailleurs opposé. Dans notre échange de lettres avec le groupe Marco qui était le plus avancé de la GCI, nous avons essayé de démontrer les dangers d’une complicité avec les révisionnistes et les réconciliateurs. Nous avons expliqué que l’aile gauche de la GCI (groupe Marco) avait à choisir entre la rupture avec la fraction Vercesi et la rupture avec nous. Avant la scission de la Fraction Française, un camarade s’était détaché de la Fraction. C’était le camarade A., chargé de lire et de critiquer notre plate-forme de discussion programmatique. Cette scission partielle était un signe précurseur de la scission ultérieure et elle jette une lumière intéressante sur la crise générale de la fraction bordiguiste à cette époque :

"Que la GCI ait considéré la IIIe Internationale comme prolétarienne jusqu’en 1933, voilà qui décèle une dénaturation grave des notions de Parti et d’Internationale … Cette erreur est grave à notre avis, car elle se ramène à soutenir la IIIe Internationale et à masquer aux yeux du prolétariat les véritables mobiles de cet organisme traître, … Mais qui plus est, la notion fondamentale de l’État (analyse de l’État russe) porte les stigmates d’une telle mystification, du fait de son intime liaison avec le problème du Parti, et paralyse la GCI sur la question de la Russie jusqu’à une date très avancée (1937). Jamais, jusqu’à la déclaration de guerre, nous ne trouvons d’analyse approfondie sur la Russie et il nous faudra attendre l’année 1942 pour qu’apparaisse une position non équivoque au sujet de la nature non prolétarienne de l’État russe, … L’excuse selon laquelle la GCI manquait de matériaux historiques reste sans valeur quand nous voyons une organisation dénuée de toute armature principielle solide comme les RKD, arriver d’une façon toute schématique et spontanée à une telle conception, indépendamment de toute aide politique de ceux qui se prétendent l’avant - garde et qui sur ces questions fondamentales sont loin en arrière par rapport à la réalité historique, … Au lieu d’une liquidation rapide mais profonde, allant jusqu’à la rupture organisationnelle, on se contenta de disserter longuement sur le révisionnisme de V. sans voir que par plus d’un point on frisait soi-même le "révisionnisme". Le déroulement ultérieur des événements politiques révélera précisément ce radicalisme en paroles, révisionnisme en fait".

Cette lettre de démission du camarade A. n’a jamais été publiée ni par l’un ni par l’autre groupe de la FFGC. Comme on le voit, le camarade A. tout en se délimitant des RKD, reprend une partie de notre argumentation et de notre critique fondamentale sur tous les plans : question du Parti, question russe, stérilité générale, non- rupture avec le courant révisionniste. On peut dire que la démission du camarade A. ainsi que la scission ultérieure de toute la FFGC est le résultat et des événements objectifs et de notre critique continuelle. L’aile gauche de la FFGC a reconnu indirectement ce fait quand elle a prétendu faussement que l’aile gauche allait fusionner avec nous. Il n’a jamais été question d’une fusion entre nous et l’aile gauche du bordiguisme, mais l’éloignement et la séparation de cette dernière de la GCI l’a inévitablement rapproché de nos idées. Ce pendant, l’aile gauche n’a jamais trouvé le chemin jusqu’à nous, elle s’est arrêtée à mi-chemin, elle a toujours cherché le chemin du retour.

En juin 1944 la GC Italienne (groupe en France) a répondu à notre lettre :

"Pour finir nous retenons votre refus de participer au projet de la Conférence Internationale, mais une petite remarque s’impose. Le prétexte est toujours notre crise intérieure. La réalité est qu’en sauvant votre ordre d’idées vous préférez le noyautage et le tripotage politique parmi et avec les groupes de la contre-révolution (!!!) au travail communiste pour la reconstruction des cadres du PC et de la nouvelle Internationale".

Abstraction faite des insultes dépourvues de sens, on retient que la Fraction Italienne en France ne pense pas que le motif de notre refus de participer à une conférence commune avec le courant révisionniste soit valable. Contrairement à nos idées, la Fraction Bordiguiste pensait qu’une Conférence commune avec le courant révisionniste de Belgique et avec les RKD soit possible et désirable. Nous ne pouvions pas la suivre sur ce chemin et nous avons continué à insister que la rupture avec le courant traître se fasse avant toute Conférence Internationale commune et que la discussion idéologique se fasse non pas dan s le secret mais au grand jour.

Dans notre réponse, nous avons souligné :

"Vos camarades français, à leur dernière Conférence, ont au moins exigé la délimitation ouverte de ce courant (révisionniste de Belgique). En ce qui vous concerne, vous vous contentez d’une vague allusion dans le numéro 1 de votre Prometeo" (janvier 1945) où vous dites "que même notre fraction en a ressenti le souffle dévastateur", … Vous êtes étonnés que la crise politique de la GCI nous intéresse "particulièrement", … Or, nous estimons que même sans participer à vos conférences, ces questions ne regardent pas seulement les Communistes Révolutionnaires allemands, mais la classe ouvrière internationale tout entière".

Et nous avons conclu :

"Vous avez invité le RK avant de connaître sa plate-forme programmatique, à votre conférence internationale projetée. Nous espérons qu’après une clarification idéologique suffisante de toutes les questions stratégiques et tactiques fondamentales, à travers une discussion écrite et publique intense, nous pourrons quand même arriver à une conférence internationale efficace et conséquente des communistes révolutionnaires. La rupture d’avec les erreurs opportunistes du passé et avec les courants renégats au sein de la GC Internationale et ailleurs en est LA PREMIERE CONDITION" (voir la reproduction dans notre Bulletin numéro 4, octobre 1945).

La Fraction Italienne n’a plus répondu à cette lettre (qui sur 10 pages précise notre position dans toutes les questions soulevées). La lettre est datée de mars 1945. En avril 1945, la Fraction Italienne en France et la Fraction Française se trouvaient en pleine scission. Le camarade Marco donnait sa démission de la Fraction Italienne. Il adhérait à la Fraction Française qui était en pleine scission. L’action commune du Premier mai 1945 a encore accéléré ce processus. L’aile droite de la Fraction Française (Frédéric) qui préparait déjà la réconciliation ouverte avec Vercesi et avec d’autres courants opportunistes qui plus tard devaient former la nouvelle FFGC, ne voulait à aucun prix se compromettre dans une action commune avec les RK, bien qu’elle aurait voulu éviter les deux. Mais cela n’était plus possible, le processus se scission étant arrivé à un certain degré.

Le 12 avril, en accord avec le BP de l’OCR, nous avons adopté le résolution suivante :

"La Gauche Communiste Française s’est adressée à l’organisation CR française et au RK et à la Gauche Communiste Italienne, pour leur proposer un appel commun au prolétariat mondial, à l’occasion du Premier mai 1945.
Vu les positions nettement internationalistes et défaitistes-révolutionnaires pour tous les pays du monde, la reconnaissance de la Révolution d’Octobre comme révolution prolétarienne et la reconnaissance de la nécessité de la Dictature du Prolétariat dans tous les pays.
Vu l’évolution de la GC française et du groupe d’émigration de la GC italienne vers nos positions également dans la question russe, dans la question de la nécessité de la dictature du Prolétariat dans tous les pays.
Nous déclarons notre accord de principe avec la proposition des camarades de la GC Française. De plus nous pensons que l’appel des communistes révolutionnaires et des communistes de gauche d’Italie, d’Allemagne et de France au prolétariat mondial, pourra être un jalon sure le chemin d’une conférence internationale qui constituerait sur la base de nos principes fondamentaux des liaisons essentielles en vue des événements proches en Allemagne, en Italie et en France.
Nous devrons inviter à une telle conférence internationale tous les groupes qui dans le monde se sont déclarés ou se déclarent ou se déclareront :
1/ Pour le défaitisme révolutionnaire et la révolution prolétarienne dans tous les pays, la Russie comprise ;
2/ Pour le marxisme et le bolchevisme qui a abouti à la Révolution prolétarienne d’Octobre 1917 ;
3/ Pour la rupture politique et organisationnelle avec tous les renégats et révisionnistes du mouvement ouvrier !
En France, il n’y a, en dehors des CR et des RK, que la GCI et la GCF qui paraissent résolues à remplir ces conditions.
En même temps nous continuerons inlassablement la critique idéologique de toute la littérature des groupes en question ; la discussion de nos divergences théoriques avec la GCI se fera publiquement et démocratiquement dans notre organe théorique ainsi que dans les organes de la GC. Ainsi lectisterne [3] déblayé pour la séparation définitive des éléments opportunistes de la GC et pour la formation du parti CR international".

Cette résolution du 12 avril 1945 coupe court à toutes les légendes qui ont circulé au sujet du tract commun du Premier mai 1945. Nous nous sommes refusés à une conférence internationale commune avec le courant révisionniste de Vercesi, mais nous n’étions pas contre un tract commun avec des groupes qui étaient en pleine scission avec le courant Vercesi et en pleine évolution vers nos positions.

Néanmoins une autocritique de l’action du Premier mai 1945 s’impose et elle se rattache à notre autocritique générale de l’appréciation de la situation objective et des tâches qui en découlent. En mai 1945 nous avons pensé que la révolution prolétarienne est imminente en Allemagne et plus ou moins dans toute l’Europe. Une certaine montée révolutionnaire incontestable a contribué largement à la différentiation politique au sein de la GCI, à la séparation du courant révisionniste du courant soi - disant "orthodoxe", au rapprochement de ce dernier vers les positions défendues par nous. Mais nous avons trop misé sur cette évolution objective et nous aurions dû être encore plus intransigeants que nous ne l’avons été. Surtout nous n’aurions pas dû nous tromper au sujet de la situation objective et des perspectives possibles.

En attendant la nouvelle de la trahison ouverte de la Fraction Italienne en Belgique est arrivée en France. Elle ne pouvait qu’approfondir les divergences. En juin 1945 Internationalisme, organe théorique de la FFGC publie la réponse à la trahison de Vercesi : "Quand l’opportunisme divague". Nous aurons encore à revenir à cette réponse. En octobre 1945, Vercesi vient à Paris et organise directement le rassemblement opportuniste en France autour de la nouvelle FFGC, justifie et glorifie sa collaboration de classe dans la Coalition Antifasciste de Bruxelles. Même à cette occasion nous voyons les oscillations d’un membre de la GCF, du camarade Mo. [4] Ces oscillations expriment les tentatives de la GCF, groupe dissident de la GCI, de retourner à l’organisation mère avec laquelle elle n’a pas rompu réellement.

La réunion commune du 5 novembre 1945 où les camarades de la GCF, des CR et des RK ont confronté leurs idées (voir le compte - rendu dans notre Bulletin numéro 7) confirme cette évolution.

On verra dans cette réunion que c’est le représentant des RK qui donne la critique la plus complète et la plus conséquente de la trahison de classe à Bruxelles. Et cela n’est pas un hasard. Nous avons prédit et prévu cette trahison longtemps avant sa réalisation. Nous connaissons ses racines que nos camarades de la GCF ignorent et veulent ignorer. Il n’y a pas de question de prestige pour nous qui nous arrête à mi-chemin. Il nous est facile de démontrer que la coalition Antifasciste n’est que la conclusion d’une longue évolution qui comprend toute l’Histoire de la Fraction Bordiguiste. La conception du Parti, na conception russe et toute la stratégie et tactique qui en découlent sont à la base de ce qui s’est produit à Bruxelles.

Nos camarades de la GCF par contre ne voient que le dernier aboutissement. Aussi ils cherchent le chemin du retour, le chemin de la réconciliation avec la GCI qui a engendré la politique incarnée par Vercesi. Aussi ils ne cherchent qu’à former l’aile gauche de cette GCI dont la fraction Vercesi forme l’aile droite. Il est clair que nous ne pouvons pas les suivre sur ce chemin, comme nous ne pouvions pas les suivre sur le chemin d’une conférence internationale commune avec le courant renégat Vercesi. En 1943/44.

D’autre part nous comprenons que leur non - rupture idéologique avec les bases fondamentales du centrisme bordiguiste ne peut que les ramener à l’unité organisationnelle avec un courant révisionniste et traître, avec lequel ils n’ont jamais préconisé la scission organique. Cette scission s’est faîte malgré eux, sur l’initiative de la fraction de droite de la FFGC, à l’occasion de divergences secondaires. Même après cette scission le mai - juin 1945, nos amis de la GCF l’ont regretté et non pas compris le sens véritable et profond de cette scission. Il fallait une fois de plus notre intervention pour leur faire comprendre ou pour leur rappeler le sens réel de leur propre scission.

"Si non seulement certains camarades CR, mais aussi des camarades de la GCF ont oublié ou n’ont jamais compris le sens de leur propre scission, nous sommes peut - être mieux placés pour rappeler le véritable contenu et le sens politique de cette scission, …, des questions personnelles, tactiques, et secondaires ont été mises en avant", …Le courant M de la GCF :

1/ avait dénoncé publiquement le courant renégat, avait rompu politiquement et organisationnelle ment avec lui ;

2/ avait préconisé le travail en commun avec le RK ;

3/ avait admis notre critique du courant renégat ;

4/ était disposé à tout examen critique du passé bordiguiste, …, par cela le groupe M s’est placé à la gauche dans le bordiguisme et est capable de surmonter aussi les erreurs du bordiguisme même, …

Le groupe Fréd. Par contre avait :

1/ refusé de dénoncer le courant V. et à rompre avec lui ;

2/ avait montré une intransigeance non pas envers la droite (V) mais envers la gauche, surtout envers les RK ;

3/ avait refusé toute critique du passé bordiguiste". (Voir notre Bulletin numéro 7)

Le camarade Mo y a répondu :

"Le rapport du camarade Armand a été excellent sur certaines parties, nous le remercions d’avoir mis en lumière certains points essentiels".

Le camarade Marco déclarait :

"Nous combattrons toute tendance qui voudra incorporer le courant Vercesi dans le Parti. Mais que faire s’il est admis ? Faut-il rompre tout lien avec ce Parti, le Parti serait-il perdu fatalement ?"

Le camarade Marco et la GCF ne le pensent pas. Ils l’ont exprimé dans les différentes réunions, dans leur Étincelle numéro 10 et dans leur Internationalisme numéro 7. En même temps ils ont été absents au congrès du PCI italien en décembre 1945 à Turin, ils ont été absents aux réunions de Vercesi à Paris et à la réunion organisée par la FFGC après le congrès du PCI italien. Quand nous disons "absents", nous voulons dire : absents pour intervenir et pour dénoncer la trahison de classe. Ces carences graves que nous avons critiquées à plusieurs reprises marquent des jalons sur un chemin que nous n’approuvons pas.

A la dernière réunion publique de Vercesi à Paris et à la réunion organisée par la FFGC après le congrès du PCI italien, il n’y avait que la voix du Communisme Révolutionnaire, représentée par le camarade Bergeron qui, dans la mesure où c’était possible, s’est élevée contre l’opportunisme de Vercesi et de la FFGC. Les camarades de la GCF n’ont pas exprimé leur propre point de vue.

Dans une des dernières réunions convoquées par les RK, quelques CR et la GCF, le camarade Mo, au nom de la GCF, a – plus que jamais – battu en retraite. "La question du camarade (!) Vercesi nous importe peu. L’attitude politique de la GC en Belgique de la "fin" de la guerre est plus importante". Comme si l’un était séparable de l’autre. La "question" du "camarade" Vercesi est la question de la participation de la Fraction Italienne en Belgique à la guerre impérialiste.

Pour le camarde Mo ce n’est "pas la présence de Vercesi" qui est grave mais le fait "d’avoir tué la discussion dans le PCI". "Cette discussion n’a pas eu lieu. La plate - forme s’en ressent". Comme si l’un était séparable de l’autre ; la présence du courant Vercesi dans la direction est l’expression même de la MORT non seulement de la discussion démocratique et libre dans le PCI italien, mais aussi du parti en tant qu’organisme développable et redressable. Le rapporteur de la GCF trouve "ridicule" que Vercesi, le champion de la Coalition Antifasciste, ait été rapporteur au Congrès du PCI italien … sur l’antifascisme. Ridicule ? Non, l’expression même du degré de décomposition opportuniste du Parti. Vercesi comme rapporteur du PCI italien – c’est un symbole que nos camarades de la GCF ne comprennent pas.

Bref, il faut redresser, guérir le Parti de la "typhoïde" (l’exemple donné par le rapporteur de la GCF est bon ; il faut jouer au médecin). Mais la réconciliation avec la GCI de Vercesi – car le courant Vercesi dirige effectivement cette GCI en Italie, à) Paris et à Bruxelles – n’est possible qu’a condition d’une rupture avec les RK. L’un ne va pas sans l’autre. Aussi la critique dirigée contre la fraction traître est accompagnée par une campagne contre les RK qui va en croissant.

Dans Internationalisme numéro 7, le camarade M emploie la démagogie et la déformation de nos véritables idées pour démontrer qu’il n’a rien à faire avec nous :

"Mais, argue le RKD, le PCI contient en son sein des tendances centristes. Ceci est exact. Nous (!) dirons même (!) qu’il contient des courants nettement opportunistes".

Le camarade M, par ce jeu de mots, brouille notre véritable divergence. Il fait croire que les RK constatent des tendances "centristes" dans le PCI, alors que "nous", GCF, découvrons "même" des tendances "nettement opportunistes". Le camarade M "oublie" que nous qualifions le courant Vercesi de courant traître depuis le moment où nous avons pris connaissance de ses positions politiques, alors que le camarade M était partisan de l’unité organique avec ce courant. C’est ce courant traître qui se trouve à la DFIREC TION du PCI italien, comme il se trouve à la direction de toute la GC internationale. Et c’est ce fait-là qui nous fait dire que le PCI et la GCI ne sont plus redressables.

Le camarade M continue :

"Cela ne fait pas encore du PCI une organisation centriste, mais seulement une organisation où va surgir la lutte entre les courants révolutionnaires et opportunistes".

Le camarade M ne répond pas à la question. Une organisation qui abrite des courants révolutionnaires et des courants opportunistes qui vont se battre (ce qui n’est d’ailleurs pas encore prouvé) est en général le type même d’une organisation centriste. Mais, ne jonglons pas avec les mots ! La DIRECTION de ce Parti ainsi que de la GCI est assurée par un courant que le camarade M et la GCF ont désigné comme "TRAITRE".

"Ce qui caractérise la plate-forme du PCI, c’est d’être un "moyen terme" et de ne pas être explicitement et politiquement la condamnation des positions centristes. C’est là une tout autre chose que d’être un parti centriste".

Les marxistes ne jugent pas seulement d’après les "plates-formes" mais aussi d’après l’ACTION réelle des courants et cadres qui dirigent une organisation politique. Or, l’action réelle du courant Vercesi qui se trouve à la DIRECTION du PCI et de la GCI en général a été la participation à la GUERRE IMPERIALISTE, l’alliance avec les partis de la bourgeoisie italienne. Par conséquent c’est la rupture organique et totale qui s’impose avec la fraction qui est responsable de cette trahison de classe. Le Congrès du PCI a couvert cette trahison de classe et, malgré une plate-forme généralement et platoniquement marxiste, il s’est rendu complice. La GCF n’en parle plus.

Le camarade M poursuit :

"La position du RKD n’est qu’une application au PCI de leur "axiome" infantile et qui consiste à proclamer la nécessité de quitter immédiatement (!) toute organisation où se manifeste (!!!) un (!!!) courant opportuniste".

Les points d’exclamation marquent les déformations. Il est clair pour nous et nous l’avons TOUJOURS expliqué que des tendances opportunistes "se manifestent" TOUJOURS dans un parti prolétarien - révolutionnaire et que par conséquent il faut TOUJOURS les combattre. Mais, hélas, dans le cas de la GCI et du PCI italien, les tendances opportunistes ne "se manifestent" pas seulement, elles sont à la DIRECTION, c’est-à-dire elles ont triomphé. Une preuve de ce triomphe est la présence du renégat Vercesi à la Direction. Une autre preuve est l’étouffement de la discussion démocratique des divergences, l’expulsion de la GCF, la rupture de la discussion avec les RK, etc. L’un ne va pas sans l’autre.

Une autre falsification regrettable du camarde M est que nous ayons dit qu’il faut "quitter immédiatement" le Parti "(où se manifeste …", etc. ce n’est pas là que réside notre divergence réelle. Les camarades italiens qui s’aperçoivent du véritable caractère du PCI prépareront leur sortie dans les meilleures conditions, ils prépareront une fraction marxiste autonome, ils prépareront la scission, la rupture. Donc notre divergence ne réside pas dans la rupture "immédiate" ou la rupture préparée, mais dans la RUPTURE ! Le camarde M est CONTRE la RUPTURE et POUR LE RETOUR de la GCF à la GCI dont elle a été séparée malgré elle. Nous sommes CONTRE ce retour et pour la rupture définitive.

Le camarde M évoque les exemples historiques de la IIe Internationale. Il oublie que la rupture des bolcheviks d’avec les mencheviks était déjà bien plus claire que la rupture de Bordiga d’avec le stalinisme après 1921, c’est-à-dire après la victoire de la contre- révolution bourgeoise en Russie. La fraction bordiguiste, au lieu de faire un pas en avant par rapport au bolchevisme, a fait deux pas en arrière. Et elle "s’excuse" avec les carences du bolchevisme même. Ce qui était une carence avant 1914 est une trahison après 1917. Les camardes bordiguistes le comprendront-ils ?

Le camarde M camoufle de la façon suivante le fait que la GCF approuve la politique bordiguiste qui JUSQU’AU DERNIER CONGRES de l’Internationale stalinienne (1935) a considéré celle-ci comme Internationale "Communiste", qu’il ne fallait pas quitter, qu’il fallait redresser :

"Et c’est partant de ce point de vue qu’ils condamnent la GC de n’avoir pas quitté l’I.C. et les PC en … 1920/21".

Comme il est facile de déformer et de ridiculiser le s opinions de l’adversaire pour camoufler ses propres erreurs ! Dans notre lettre aux camarades de la Fraction Belge de la GC (27 mars 1946) nous avons une fois de plus précisé :

"Nous pensons, comme vos fractions, que des tendances opportunistes (ou centristes) se MANIFESTENT toujours plus ou moins dans le parti du prolétariat (ces tendances sont la conséquence de la pression bourgeoise sur le prolétariat et son avant-garde) et que par conséquent les éléments les plus conscients doivent former une fraction de gauche qui a comme tâche de maintenir le cours marxiste du Parti. Cependant, en cas de TRIOMPHE des tendances opportunistes (centristes) dans le Parti nous considérons – à l’opposé de vos fractions – que la RUPTURE (et non pas le REDRESSEMENT) s’impose ; nous considérons que le triomphe de la tendance opportuniste (centriste) dans un Parti, comme par exemple depuis 1921 en Russie et de 1921 à 1926/27 inévitablement dans tous les partis de l’I. C. – démontré par des luttes de classes importantes où les PC se sont placés ouvertement de l’autre côté de la barricade (Allemagne, Angleterre, chine) – obligeait des marxistes révolutionnaires à la rupture avec ces partis et avec cette "internationale", et à la constitution de fractions autonomes devant la classe ouvrière, indépendant de l’ancien parti de la trahison".

Nous espérons que le camarade M et Internationalisme corrigeront la déformation en question et qu’ils n’oublieront pas d’ajouter que la GCF approuve la non-rupture avec le Stalintern [5] jusqu’en 1935 (ou 1934).

Les révolutionnaires qui ont déjà en 1921 pouvaient se rendre compte de la victoire de la contre -révolution capitaliste en Russie – qui s’est réalisée sous des formes particulières – étaient évidemment obligés de rompre avec une "internationale" qui n’était plus qu’un instrument d’un nouvel impérialisme russe. Mais nous ne condamnons pas les camarades qui ont rompu dans la période de 1921 à 1926/7, période où la contre-révolution russe s’est exprimée dans toute une série de luttes de classe dans une série de pays, luttes de classe contrôlables et visibles par tous les révolutionnaires (ce qui n’était pas le cas de l’insurrection de Cronstadt et des événements en Russie par exemple). C’est aussi dans cette période que les différentes sections d e la IIIe Internationale – qui n’était pas tout de suite des filiales du Kremlin, mais souvent le résultat de la fermentation révolutionnaire du pays où elles ont pris naissance – ont été "bolchevisées", c’est-à-dire épurées, mises au pas, liquidées.

La Fraction Bordiguiste qui malgré ce bouleversement général est resté dans le Stalintern, a subi elle-même des déformations idéologiques dans toutes les questions fondamentales, surtout en ce qui concerne les notions de Parti même et de l’État ouvrier. Le comble de cette évolution a été la participation à la guerre impérialiste et la volonté d’unité organisationnelle de toutes les fractions bordiguistes avec le courant responsable de la Coalition Antifasciste.

Le camarde M et la GCF sont absolument opposés à l’idée de la SCISSION. Aussi ils déforment l’Histoire du Mouvement Ouvrier à leur guise. On sait qu’il y a eu RUPTURE, SCISSION entre les Marxistes et les Anarchistes (Bakouninistes) ainsi qu’avec les autres courants non-marxistes (Mazzini, Garibaldi) ; le camarade M déclare que la Première internationale "parvient progressivement à éliminer de son sein" ces divers courants. Il passe sous silence le fait que cette "élimination progressive" était accompagnée et à toujours abouti à des SCISSIONS. Ignore-t-il qu’il y a eu SCISSION avec les Lassaliens en Allemagne et que Lassalle disposait de sa propre organisation à côté de celle des sociaux- démocrates ? Ignore-t- il que les RKD ne sont pas simplement "sortis" du "trotskysme" mais qu’ils ont ROMPU avec lui et cela au prix d’une SERIE de SCISSION ?

La théorie révisionniste du REDRESSEMENT qui s’est opposée à l’idée de SCISSION est foncièrement réformiste et non révolutionnaire. Cette théorie a maintenu la Fraction Bordiguiste dans le Stalintern jusqu’à son dernier Congrès Mondial. Cette théorie est à la base de toutes les déformations idéologiques sur tous les plans. Cette idée a empêché la GCF de rompre avec le courant renégat et traître qui a participé à la guerre impérialiste à travers la Coalition Antifasciste ; la rupture s’est faite malgré la GCF et sur des questions tactiques et secondaires. Et la même théorie du redressement ramène aujourd’hui la GCF vers la GCI et vers le PCI italien qu’ils espèrent "redresser" malgré la direction d’un courant qu’ils ont condamné en commun avec nous.

Un certain commencement de luttes prolétariennes en Europe en 1943 et en 1945 a favorisé l’éloignement de l’aile gauche de la Fraction Française de l’opportunisme et du révisionnisme officiel. La stagnation de la lutte de classe, l’échec et la défaite de la transformation en guerre impérialiste en guerre civile, les préparatifs accélérés pour une nouvelle guerre impérialiste mondiale sont à la base non seulement de la décomposition de l’ancienne OCR mais aussi de l’éloignement de la GCF des RK et de ses tentatives de retrouver le chemin du retour. Un communiqué de Internationalisme numéro 8 ("Réponse à la résolution des RKD") auquel nous répondrons spécialement, "réponse" peu politique et très malsaine, pas du tout à l’honneur de la GCF, marque également cette volonté de se délimiter d’un courant qui est le nôtre et avec lequel on s’est trop avancé, trop compromis, pour pouvoir trouver une place au sein du PCI ou de la GCI.

Que ce chemin en arrière soit un épisode ou non, nous continuerons notre critique idéologique de tous les courants de la GCI ou autres, ainsi que notre autocritique. Que tous les camarades le sachent : entre nous et la fraction qui a participé à la Coalition Antifasciste et par conséquent à la guerre impérialiste, il n’y a pas de trêve possible. Entre cette fraction et nous il n’y a que la barricade qui sépare la bourgeoisie du prolétariat.