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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Le sacrifice d’Abraham
Révision n°5 - Juin-Juillet 1938
Article mis en ligne le 6 juillet 2016
dernière modification le 4 septembre 2017

par ArchivesAutonomies

Quand on ne pense pas comme tout le monde, dans notre siècle de liberté, avant de toucher une plume il est bon de prendre certaines précautions.
A un article de bonne foi il est tout indiqué de mettre un "chapeau", ne serait-ce que pour prévenir qu’on ne tirera pas le sien devant les puissances de l’habitude et du bon goût.
Il est aussi poli de s’excuser de n’être pas tout à fait un salaud.
Il est bon également de prévoir certains commentaires pour ne pas perdre son temps à y répondre.
Ces précautions prises, on peut marcher.

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Donc :

1°) Nous refuserons de châtrer une idée sous prétexte que son énonciation coïncide avec l’intérêt d’Hitler ;

2°) Nous n’écrivons pas pour chatouiller au bon endroit les petits copains. Nous ne dirons pas d’un colonisateur stalinien qu’il est un colonisateur sans ajouter qu’un colonisateur franc-maçon n’est pas un petit saint ;

3°) Nous ne dirons pas d’un abruti qu’il est irresponsable de son abrutissement. Nous ne lui cracherons pas dessus pour cela ;

4°) Nous comprenons parfaitement qu’il est plus facile à un crétin de voir un flic dans son voisin qu’une idée fausse dans sa propre cervelle ;

5°) Nous nous efforcerons, dans notre conduite personnelle, de prendre une position en moins de temps qu’il n’en faut à un honnête homme pour devenir un salaud. C’est-à-dire que nous changerons souvent ;

6°) Nous n’avons rien dans les poches, nous n’avons rien dans les mains. Nous n’apportons pas de solution.

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Qu’est-ce que le fainéant ? Le fainéant est l’expression de l’inhumanité, du monde sans espoir où rien ne pousse. Le fainéant est le père du menteur et de l’abruti, c’est-à-dire le pourquoi et le comment de toute la politique du monde.
Les siècles religieux sont des siècles de fainéants. La fainéantise s’engraisse de la ponte des miracles.
Notre siècle nous vaut une ponte miraculeuse, mûrie dans une couvée de sang.
Aujourd’hui, en 1938, le monde est partagé en deux camps, tous deux issus des fainéants : dans un ce sont les fripouilles qui parlent et dans l’autre les abrutis.
La démocratie puant qui règne encore sur le monde est un régime de fainéantes fripouilles. Le système est à son déclin.
On comprend d’ailleurs très bien que l’ingénu, à qui l’on impose l’éreintement intellectuel d’un passage à l’isoloir ou d’une cabriole de congrès sans l’y avoir jamais préparé doit éprouver assez peu de gloire à découvrir les pièces ulcérées de sa mécanique cérébrale. Quoi d’étonnant alors qu’un visionnaire épileptique qui éreinte les micros et bouscule les frontières fasse lever ces têtes et briller ces intelligences fatiguées du reflet d’un discours lumineux comme un cirage de bottes. L’abruti a reconnu la ganache sonore et tout se confond dans la même religion du fainéant.
Le démocrate qui réclame un droit sans y accoler un devoir immédiat pour l’esprit est un abruti intégral ou une féroce crapule.
Il est aisé de prendre un droit : il suffit d’une corde, d’une torche ou d’un fusil. Il est difficile de le conserver, car il faut alors, avec la dignité de l’usage, l’effort constant de l’esprit.
Les démocrates de tout poil, y compris les révolutionnaires, conçoivent la liberté comme un droit du fainéant alors qu’elle est le dernier mot et comme la récompense du courage.
Nul ne mettrait une bombe dans la main d’un aveugle ou sa vie entre les bras d’un lâche, et pourtant tout le monde réclame la liberté pour cet aveugle volontaire et ce lâche qui s’appelle le fainéant.
Pour ma part, si je nourrissais assez de mépris de mon semblable pour réclamer des réformes dans les iniquités à cause de sa paresse et (non ?) la dignité parce qu’il est un homme, je demanderais que ces friandises de la politique lui soient administrées, non pas au nom de la liberté, comme on dit dans les meetings, mais au titre de sa chiennerie, à l’ombre d’une trique, d’une crosse ou d’un sabre.

* * * * *

Ce n’est pas le blé qui manque sur la terre, mais la justice qui devrait présider à sa répartition. Le mensonge est plus préjudiciable aux hommes qui le feu et la grêle. Il couvre tout d’une apparente facilité, comme le ronron d’un chat qui s’étire en un bâillement prolongé et qui prélude au miaulement de la brute sournoise.
Le socialisme a énormément compté sur ce pain qu’on sème au paradis du fainéant. Mais le pain a pourri en germe et le fainéant est resté.
A partir de ce moment, il ne faut plus s’étonner de rien. L’habitude qu’a prise le monde de bailler après la joie, la pensée et le mensonge faciles a procréé tout naturellement ce roucouleur de fariboles dorées qui de Napoléon à Hitler, sous le nom d’empereur, de conducteur, de dictateur, aide le peuple à digérer les grosses fadaises dans son petit estomac fatigué.
La fainéantise de l’esprit a même pris, pour la satisfaction de l’orgueil que tout homme secrète, l’apparence de l’héroïque et du difficile, comme s’il était difficile et héroïque de puer du pied dans une botte, ou de bouffer à la gamelle, ou d’appeler la saignée, à cris stridents, comme un cochon.
La pensée socialiste – si elle se veut vraiment socialiste et admise à l’épouillement des congrès – doit être assez sommaire pour se contenter d’un "Blum au pouvoir !" et assez casuistiquée pour marquer la différence entre Dormoy et un assassin d’ouvriers.
Cette pédagogie nous vaudra une belle génération de sacrifiés qui se feront étripailler pour Dieu contre le Diable. Dieu étant quelque Negrin, Blum ou Herriot qui convertiront notre peau toute neuve en maroquins ministériels utilisables et adorables à perpétuité.
Les ténèbres du moyen-âge étaient un brouillard léger.

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Nous venions au monde quand le socialisme des combinards est devenu le socialisme des charognards. Nous savons que tout cela est pourri. Ça pue encore et l’on a fait tout pour cela.
Et maintenant c’est à nous qu’on demanderait de lever le petit doigt pour cette charogne, de crever pour cette charogne qui veut continuer d’empester le monde sous la forme que lui ont donnée les grands ancêtres. On enterre les cadavres, on ne les ratatine pas pour les faire rentrer dans le ventre maternel.
Thorez, Blum, Daladier au pouvoir !Ils sont propres ces fils de Babeuf et de Danton ! Autant tirer un pharaon du sarcophage pour l’asseoir sur le trône de ses aïeux.

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Le révolutionnaire travaille sur une vie limitée par la peau de l’homme et non sur une destinée corsetée par les slogans. Ou du moins travaillerait si la révolution n’était pas quelque chose comme une grosse moustache qu’on met pour effrayer les enfants ;
Dans la société révolutionnaire dont les prémisses staliniennes et blumistes nous laissent deviner les fruits, l’homme serait le commentaire permanent d’une crétinerie uniforme administrée par les slogans. Le slogan est quelque chose comme le coup de trique de la pensée et la peau de l’homme assouplie par l’habitude du martinet deviendra propre à tous les usages, depuis l’absorption des hautes pensées des inquisiteurs de la doctrine jusqu’au nettoyage des bottes des futurs "saigneurs" d’ouvriers.
Cela n’est pas si loin. Cela approche à grands pas. Qu’il fera bon vire ! Les beloteurs révolutionnaires s’assembleront en soviets et les jeunes filles de France coïteront à l’ombre de Lénine comme sous la croix du bon Dieu.

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L’homme est ce qu’il est, nous n’en connaissons que l’apparence. Mais les camarades ne sont pas tout de même aussi idiots que le laisseraient croire les magazines et les résolutions de congrès. On a beau prendre une tête d’abruti, prononcer des paroles d’abruti, se conduire publiquement comme une balayure de comité, bailler devant M. Blum, hurler devant Thorez ou coïter devant Sébastien Faure, on a quand même quelque chose qui vous cavale dans la cervelle, qui vous fout mal à la tête et qui vous empêche de dormir. Un petit truc qui vous fait un autre jour bailler, hurler et coïter à la fois devant quelque Hitler de rencontre, preuve qu’on a tout de même du goût aux expériences et que tout n’est pas perdu puisqu’on sait varier le morceau.
Je n’ai aucune raison de ménager les personnes n’ayant pas atteint l’âge de briguer de la dignité humaine un fauteuil de conseiller municipal. Mais je n’ai nul mépris pour les camarades avec qui je travaille, mange et souffre. Je ne leur reproche que de pousser la fainéantise de pensée jusqu’à la mutilation volontaire. Inutile de leur dire cela lorsqu’ils votent ou congressent. Autant leur commenter Platon pendant leurs ébats amoureux. Ils auraient peur d’être des lâches s’ils ne gueulaient plus qu’ils veulent mourir pour leur Bon Dieu. Et ils mourront en effet pour qu’on ne dise pas qu’ils sont des fainéants.
Un homme qui perd son temps à ne rien faire est un fainéant. Mais qu’est donc un homme qui perd sa vie pour ne rien faire ? Un prolétaire conscient ne donnerait pas pour rien cinq minutes de sa journée à son patron. Et il donnerait d’un coup toute sa vie à quelques Bon Dieu républicain ?
Une vie est une vie et si l’homme n’est pas une brute il doit rayer carrément cette puante morale de sacrifié.

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Nous mettons toute notre confiance de l’homme dans sa qualité de producteur, dans sa fonction productrice. Cela ne veut pas dire qu’il ne soit pas haïssable lorsqu’il épouse la sous-fonction d’essuie-bottes de son secrétaire syndical.
Il y a un ouvriérisme imbécile qui prend l’abrutissement pour de l’honneur et la souffrance pour le critère du droit. Notre idéal révolutionnaire est celui des fors qu’on fouette. Ce n’est pas celui des flagellés qui aiment la force comme le pou aime le sang frais.
L’homme crée pour s’affirmer et non pas seulement pour bouffer. Voilà qui échappe un peu aux mystiques de la digestion. Par producteurs nous entendons les hommes, non les limaces. Un producteur c’est un consommateur, plus une conscience. Si vous retirez la conscience il reste un estomac, un mégot et une casquette. Ça n’est plus un producteur, c’est un mannequin pour les riches.
Le producteur, c’est essentiellement le conquérant. C’est l’antithèse du fainéant. C’est l’homme en qui nous plaçons notre croyance parce qu’il peut seul redresser un monde qui roule dans les paresses de toutes sortes, du cœur, de la conscience, de l’esprit.

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Si les camarades ne sont pas toujours des petits saints Jean laborieux, que dire des escarpes et des Machiavels de carrefour qui se sont imposés pour les chefs ? Peut-on trouver quelque chose de plus stupide qu’un chefaillon de parti ou qu’un secrétaire syndical ?
La géniture politique de Lénine a envahi la moindre organisation ouvrière, et il suffit d’embrigader dans une clique quinze sous-Lénine illettrés pour avoir le droit de parler au nom des masses, avec une assurance de pitre.
Savez-vous que le jour où la révolution sera faite, cette vermine sera deux ou trois fois plus nombreuse que les curés avec le pouvoir de vous confesser à coups de trique et de vous faire avaler l’hostile bolchevique, par la nuque, en petites pilules d’acier.
Et vous voulez faire la révolution avec ces gens-là ? Et pourquoi faire la révolution ? On saigne bien n’importe qui au coin d’une rue avec un couteau sale. Est-ce cela que vous voulez ? Mais songez qu’après c’est avec le même surin qu’il vous faudra découper le gâteau.
On a pris l’habitude, chez nous, quand on prononce le mot "Révolution" de dire Amen et d’enlever son chapeau.
Si vous cherchez l’adoration, allez dans les champs, pliez vos genoux et priez. Si vous cherchez l’acte qui fouette la chair nagez, courez, boxez. Mais ne parlez plus de la Révolution. C’est un sport trop compliqué qui n’est pas fait pour les fainéants et les excités et qui n’a aucun rapport avec le plaisir grec que nous offrent les Socrates fatigués des partis et du syndicalisme français.

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Lorsque le socialisme entre en place, lorsqu’il prend son tabouret au conseil des riches à l’occasion de quelque canonnade d’ouvriers, il ne manque pas de jeter sur le marché diplomatique une vermine plus vorace que n’en recélèrent jamais les jésuitières de la bourgeoisie. Il leur pousse des galons aussi vite que les champignons sur l’engrais.
Les fabricants d’enthousiasme révolutionnaire peuvent se chamarrer d’infamie jusqu’au trognon et s’y planter des cocardes, si la légende dit "ni Dieu, ni Maître" il n’y a plus qu’à s’incliner sous peine de passer pour un goujat, un lâche ou un salaud.
Le premier soin des chefs démocrates au pouvoir, c’est de pendre les petits copains qui les emmerdent, mais c’est aux arbres de la liberté.
Il faut voir avec quel soin ils prennent le ton des maîtres dont ils nettoyaient hier les écuries. Après hui jours de révolution victorieuse, les plus crasseux se peigneront et sentiront la poudre, celle dont on fait les morts.
Le pouvoir est comme un coup de couteau dans la conscience. La tradition des chefs est la même que celle du cadavre : c’est d’empester le monde avec une inconscience cynique. Il y a pourtant des exceptions : autant pour les chefs que pour les cadavres.

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Le premier crétin venu vous dira qu’on ne peut pas se passer de chefs. On ne se passe pas non plus de peste au pays de la crasse et du soleil. On ne peut se passer de chefs parce qu’on est des gorets et des fainéants.
La masse sait une fois pour toutes qu’elle est abjecte. On lui affirme sa noblesse lorsqu’on l’étripe, afin que ses cris de souffrance passent pour des hurlements de joie. Mais elle doit comprendre qu’elle est abjecte. Elle doit s’accommoder de l’abjection.
Or, la masse abjecte n’est pas autre chose que la représentation politique du fainéant. Si les staliniens plantent tant de drapeaux aux réformistes dans les congrès syndicaux, c’est que tout y est si bien préparé que le gros fainéant trouverait criminel de déranger une pareille construction. Et les petits fainéants que sont les réformistes n’en peuvent jamais démolir tout à fait la moitié.
Quant au minoritaire impénitent, planté sur l’édifice il peut claironner à l’aise son "Révolution" qui est le "Cocorico" des sacrifiés. Il est tout de même un fainéant qui croit encore que la masse est abjecte et qui finalement, tire ses pattes ou tire ses plans.

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Car le petit nombre, ô saint Sébastien, c’est encore un petit nombre de menteurs et de fainéants.
Je crois, je suis sûr qu’un groupe, si minime soit-il, qui dans des siècles noirs comme le nôtre conserverait la maîtrise de ses idées et le courage de leur énonciation publique serait plus important pour le monde que l’énorme fleuve de mensonges qui entraîne au fil des jours la masse des criminels, des fainéants, des brutes et des sacrifiés.
Mais le petit nombre possède tout ce qu’il faut pour être demain, le grand nombre. Et quand l’horloge sonnera la fin de la peste et du bourreau, il y aura une place toute fraîche pour le choléra des sacrifiés.
Il n’y a rien à espérer et il faut en prendre son parti. On n’a même plus le droit de chercher la vérité à vingt ans, parce que la recherche éparpille et que les godillots et les adjudants révolutionnaires peuvent avoir besoin de nos viandes et de nos consciences toutes prêtes. La première brute à barbe vous le dira en vous appelant polisson et en vous tirant les oreilles.

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Un minoritaire qui est minoritaire parce qu’une bande de carnavals l’ont dégommé ou le dégommeront d’un fauteuil politique ou syndical et qui porte imprimé au derrière la marque visible de son congédiement a beau crachoter sur l’adversaire, on ne le prendra pas au sérieux.
Au sens que quelques estropiés des oppositions ouvrières donnent au mot minorité, un pou serait minorité du saligaud qu’il est visiblement trop heureux d’accoler et de sucer.
Les géniteurs de Syndicats, par exemple, qui appartiennent à la plus grande punaiserie du monde depuis la Congrégation peuvent tortiller rageusement leurs petits derrières de Brutus du syndicalisme indépendant. Ils ne nous feront pas croire qu’ils sont libres autrement qu’une certaine prostitution est libre, ni que la lutte de tendances dépasse les limites de quelque compétition d’affaire avec la grande tôle de Moscou.
Quand un fils de famille a jeté sa gourme, couru les mauvais lieux, croqué la galette de l’héritage et qu’il est chassé de son milieu, il peut toujours se refaire une petite situation en affichant qu’il est libre. La noblesse panée et avariée se maintient depuis des années par l’étalage d’un mépris sanglant du parvenu. Le nouveau riche leur jette de temps en temps un os à ronger et une fille à marier et l’affaire est entendue.
On ne dupe guère de monde à s’intituler un beau jour vertueux. A part quelques vingtaines de crétins qui croient aux miracles et deux ou trois mille malheureux qui pignochent au hasard dans les tendances, comme ils lisent Le Jour et (l’Humanité pour s’affirmer une bonne fois leur indépendance d’esprit.

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Évidemment, on ne peut pas exiger qu’un révolutionnaire prenne à l’égard du pape de la CGT la même liberté d’expression qu’un royaliste à l’égard du pape des chrétiens.
Pour des hommes qui placent le culte de la charogne patriotique au-dessus de toute passion, Monsieur Jouhaux est un monument. Un monument aux quinze cents mille morts dont honnêtement il avait charge de quelques-uns.
Et personne, dans cette minorité de paillassons pour lui réclamer la cravate d’honneur, la cravate de chanvre des criminels et des saligauds. A peser certaines destinées, il vous prend parfois aux doigts des chatouillements d’assassin.
Bien sûr, nous sommes des rationalistes, nous devons traiter les hommes par la raison.
Eh bien, si je découvrais un jour que la raison est une indulgence de crapule, j’enfermerais cette saleté dans une paire de bottes, et devant quelques philosophe de boucherie je défilerais toute ma vie au pas de canard, avec des braiments de gosier.
L’outre à mensonges qui préside aux destinées confédérales est l’image fidèle de l’indépendance telle que la conçoivent les Napoléons à tabliers de cette puante baraque qu’on appelait naguère la "vieille maison" et qui, depuis 1914 ressemble autant à une confédération ouvrière qu’une porcherie à la main du Bon Dieu.
La bête cynique a encore des mouvements de vieille coquette, et lorsqu’un bande de déguisés viennent lui chanter aux oreilles, il se trouve dans les minorités ouvrières assez de crétins pour espérer que ça aurait l’honneur de se rebiffer autrement qu’en étalant son derrière.

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Nous avons fait honnêtement l’expérience de l’unité. Nous avons plié notre esprit à la mathématique du nombre. Nous pensions féconder le socialisme par l’accolement de nos fatigues à nos dégoûts. Nous avons fait mariage blanc. A une bourrique mauvaise nous avions uni un goret.
Maintenant, ce n’est pas la peine de pleurer. Mais ce n’est pas non plus la peine de continuer le mensonge. Il est temps de faire notre mea culpa d’imbéciles et de fainéants.
Nous n’éprouvons plus de mépris ni de dégoût, mais seulement l’atroce colère de courber notre front de jeunes bêtes ambitieuses devant la ganache placide et le calculateur sanglant. Nous sommes coupables d’avoir à peine vingt ans ou de les avoir de bien peu dépassés. Il paraît que la saloperie vient avec l’âge. Il paraît aussi que nous sommes, nous, en quelque sorte des tardifs, des arriérés.
C’est possible. Nous différerons d’autant les honneurs d’un conseil municipal ou d’une délégation malodorante et l’on s’écartera un peu lorsque surgiront parmi tant de fronts lumineux – ô Staline ! – nos sales caboches de prussiens.
Qui donc oserait encore assimiler à l’unité ouvrière cette régalade de pourceaux à laquelle se livrent les effrayantes crapules qui seront demain conseillers ou ministres et qui trafiqueront avec les galonnés du même tonneau, à tant de ristourne par cadavre.
On la connaît, maintenant, votre unité du vinaigre avec les cornichons. C’est une parade qui a sa tête à la Bastille, avec Jouhaux et Frachon, et les pieds – les pieds tous nus et tous sales – dans les barbelés. .

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Toutefois les saligauds peuvent dormir tranquilles. Révisions tire à mille exemplaires et à quatre-vingts abonnés. .

Luc Daurat.