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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Informations sur l’Italie
Bulletin d’études révolutionnaires n°7 - Novembre 1946
Article mis en ligne le 2 décembre 2016
dernière modification le 15 mai 2018

par ArchivesAutonomies

Le rapport suivant du camarade Hulot contient les informations annoncées par lui dans sa lettre au camarade Rodion du 2/5/1946 (cf. Bulletin d’Etudes Révolutionnaires, n°5, pp. 11-12). Il s’agit d’informations purement et simplement recueillies auprès d’un membre du mouvement politique italien.

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En mars 43, des grèves générales économiques se sont produites contre les corporations, pour la liberté syndicale. Elles étaient spontanées, appuyées par les antifascistes. Elles ont obtenu des distributions de vivres. Le mouvement a commencé à Bréda, Milan (28.000 ouvriers), Turin (Fiat), puis ont eu lieu des grèves périodiques. Les commissions internes que les travailleurs exigeaient, étaient des commissions élues pour défendre les ouvriers devant les corporations. Les fascistes étaient disposés aux concessions. Cependant il n’y a pas eu encore de commissions internes d’entreprise.

Le 25 juillet a eu lieu le renversement de Mussolini : révolution de palais, machinée par le roi, Ciano, etc. La réaction prolétarienne fut une descente dans la rue dirigée contre les fascistes. Mais Badoglio institua l’état de siège. Il n’y eut pas de modification dans l’Etat. Mais toutes les organisations antifascistes furent légalisées. Le parti fasciste fut dissous, mais à peine opéra-t-on quelques arrestations. Le Parti d’Action n’a pas voulu participer au gouvernement. Mais en fait les partis étaient réduits à des cadres.

Tous les journaux réclamaient l’armistice et le droit syndical. On créa des syndicats. Le Parti d’Action était d’accord avec ce programme à l’exclusion de la participation au gouvernement.

Il y eut un grand mouvement orienté vers la paix. On sabota. Il y eut de la sciure dans les cartouches. Le gouvernement maintint l’état de siège avec couvre-feu et interdiction des manifestations de masses. Contre ces mesures gouvernementales les partis gouvernementaux protestèrent.

Le narrateur est d’avis que le coup d’Etat aboutissant à la chute de Mussolini a eu pour fin de prévenir une révolution.

Du 25 juillet au 8 septembre 1943. L’armistice a été signé le 4, proclamé le 8. Il n’y a pas eu de crosses en l’air de la part des soldats allemands. Après une phase de désarroi, ils sont intervenus à fond. Le prolétariat était hostile aux Allemands à cause des campagnes de Russie et l’Afrique.

Rappelons que dans le premier cabinet Badoglio figurait Roveda (PC) et Buozzi (PS). Tous les partis (PC, PS, Parti D’Action) déclarent que l’armistice n’est que le prélude d’un changement de camp : ralliement à la lutte de la démocratie contre le fascisme.

Quatre jours après l’armistice, les troupes allemandes envahissent l’Italie. Déportation de soldats italiens. Premier maquis. Tous les cadres de l’armée optent pour les Allemands (?!). Les CDL se constituent partout dans les quartiers, dans les usines, dans les blocs d’immeubles, à l’échelon régional, départemental. Ils comprennent PC, PS, PA et souvent des chrétiens, des libéraux... Ils sont plus puissants et plus démocratiques qu’en France. Ce sont des organisations politiques de contrôle de la lutte. Les formations armées étaient dépendantes d’organisations politiques. Le PC avait les Garibaldiens ; le PA "Justizia e Libertà" ; le PQ "Matteotti" ; les chrétiens "Flamme verte" (surtout des officiers de l’armée). A ce moment les communistes étaient les plus puissants ; immédiatement après, le PA, les staliniens étaient dirigés par Gallo (ex-Longo). A partir du 8 septembre 1943, ces groupes se sont battus violemment, plus qu’en France.

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La politique néofasciste. Elle était socialiste, dit l’informateur. Les néofascistes ont créé les commissions internes, qui ont été sabotées par les ouvriers. Ils ont réalisé les nationalisations à Milan, par exemple. La Fiat est passée sous contrôle d’Etat. Les thèmes de propagande se résument ainsi : "Les capitalistes ont trahi le fascisme, les communistes sont passés aux côtés des capitalistes", et même : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !". Le maire de Milan est un ouvrier ; à cette époque. Les ouvriers reçoivent des gratifications alimentaires, pour les fêtes. A Milan, pour la Noël, les ouvriers refusent ces gratifications.

Les organisations des fasci sont reconstituées, mais mal centralisées. Il n’y a plus d’anciens cadres, mais des jeunes, tirées des prisons (voir presse suisse de l’époque).

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Résistance. Le Comité de Libération Nationale forment des commissions d’agitation orientées à la fois vers les grèves et les coups de mains. Les coups de mains sont exécutés par les gruppi d’actione partisani (GAP). Pour l’anniversaire de mars 1944, au lieu des grèves à caractère antifasciste et révolutionnaire (sic), elles ont lieu au chant de Bandiera rossa. Les SS reprennent la situation en mains.

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Le 24 avril 1945, les anglais ont traversé le Pô. Mussolini en personne est venu traiter avec le Comité de Libération de la Haute Italie (Milan est aux mains des fascistes). Mussolini refuse l’évacuation. A Milan, l’insurrection a lieu. Dans toutes les usines les ouvriers se retranchent. Milan et Turin donnent le signal.

Le 25 avril, le CDL décrète l’existence de comités de gestion. Il consacre par là une situation de fait. Les usines étaient aux mains des ouvriers. Pour les capitaux fascistes, des commissaires de fabrique sont désignés par le CDL régional, en accord, selon l’informateur, avec le CDL de l’usine. Ce n’était pas là une institution du gouvernement anglo-romain. Il y avait dualité de pouvoirs (administratif) entre la résistance et le gouvernement Badoglio. Tout a été accouché par les CDL, notamment les comités de gestion. (Ils comprenaient des chrétiens, mais ils étaient entourés par beaucoup de forces populaires, ouvrières, paysannes). Les CDL ont nommé préfets, maires, conseils municipaux, commissions d’épuration, centres d’entraide, commissions économiques.

Par exemple :

Usines Alfa Roméo (trust Iri), il se forme :

1) Un comité de gestion ;
2) Un comité de justice (pour l’exécution des fascistes) ;
3) Un comité d’épuration ;

4) Un comité d’assistance aux mutilés et invalides, financé avec l’argent prélevé sur les fascistes. Ils distribuent 600.000 lires, soit alors 1.200.000 francs. On distribue des primes de Libération aux familles de partisans, des primes aux sinistrés. Le gouvernement ouvre un prêt national.

Le comité de gestion comprend : un représentant du CDL, un de la commission interne, trois du capital, quatre des techniciens employés et ouvriers. Il n’a pas voix exécutive.

A l’Inocenti, le comité de gestion comprend : deux techniciens, deux employés, un ouvrier, tous élus, quelques fonctionnaires du conseil d’administration, un représentant du CLN.

Alors s’est posée la question de la participation aux bénéfices : c’était un procédé d’institution du salaire aux pièces.

A propos des comités de gestion la question s’est posée de leur rôle : exécutif ou consultatif ? Ce problème a été à la source du gouvernement Parri. Les socialistes et les communistes de la base étaient pour le rôle exécutif ; le Parti d’Action était contre ; la direction socialiste et communiste, pratiquement contre. Les anarchistes communistes étaient pour. (Ils étaient d’autre part pour l’abstention aux élections.)

Communiqué par Hulot