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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Le cas Calligaris
{Bilan} n°3 - Janvier 1934
Article mis en ligne le 17 décembre 2016
dernière modification le 20 novembre 2016

par ArchivesAutonomies

Calligaris est un des fondateurs du parti communiste italien, dans lequel il a occupé des postes de confiance dans la lutte terrible contre le fascisme. Notamment, c’est lui qui assura la rédaction du dernier journal du parti, le Lavoratore de Trieste, en face des pires dangers : le fascisme ayant déjà conquis le pouvoir. Les lois d’exception proclamées en Italie, ce révolutionnaire est condamné à la déportation où il continuer fermement à militer pour le communisme. Évadé d’Italie, il se refuse au premier abord, à voir la réalité telle qu’elle se trouvait être après la victoire du centrisme. En Italie n’avait-il pas - comme bien d’autres prolétaires - vécu dans l’espoir que, malgré l’effondrement du mouvement prolétarien dans tous les pays, il restait quand même une dernière ancre de salut : la Russie Soviétique, le pays du socialisme.
Calligaris arrive à l’étranger, il n’a pas changé d’idées, il reste attaché aux mêmes positions politiques de gauche pour lesquelles il s’était battu contre les social-démocrates, contre les fascistes, parmi les ouvriers ou parmi les déportés. Mais il ne se prononce pas sur la question de la Russie. Le centrisme veut évidemment marchander et risque le coup : Calligaris peut partir pour la Russie où la suggestion d’une vie facile, commode, la considération pour l’émigré, auront enfin raison de sa droiture politique, et il prêchera, lui aussi, le "socialisme dans un seul pays". Mais Calligaris n’est pas une girouette de la marque des Grieco, Berti et autres, qui, arrivant en Russie, ne s’inquiètent nullement de comprendre les intérêts du prolétariat russe, mais comprennent immédiatement la politique des dirigeants centristes dont l’acceptation fournira la possibilité d’entretenir, de garder, une bonne petite place de "chef de l’appareil".
Et Calligaris ose. Il exprime, dans les réunions de parti, son point de vue. La réponse est immédiate : tu es un contre-révolutionnaire et quand il demande à pouvoir retourner parmi l’émigration, c’est l’isolement autour de lui. Il prévient alors des camarades qu’il avait connus dans la déportation, des camarades qui appartiennent à notre fraction. Prometeo commence une campagne pour son cas. Des journaux fascistes s’emparent de l’affaire, dans le but de montrer aux ouvriers italiens que "le paradis soviétique" ne vaut pas mieux que "l’enfer fasciste". Et le centrisme triomphe : voyez donc, le "front unique bordiguiste-fasciste », inutile de s’inquiéter, que demain l’on fasse ce que l’on voudra de Calligaris, on aura ainsi châtié un instrument du fascisme : cela prouve que le socialisme progresse malgré tous les obstacles. Dans une bien tardive réponse, les centristes italiens affirment que Calligaris aurait reçu des instructions fractionnelles avant de partir en Russie. N’est-ce pas là un chef d’accusation pour un éventuel procès ? Il est vrai que le centrisme affirme que Calligaris peut partir de Russie ; mais, alors, pourquoi lui refuse-t-on les documents nécessaires ? Est-ce pour l’obliger à demander au Consulat italien un passeport et crier ensuite au traître ? Si cela était, il n’y aurait pas de quoi se préoccuper, le révolutionnaire ne se déjugeant pas, étant obligé de posséder une carte d’identité qui lui est délivrée par l’ennemi. Mais il est aussi possible que, tout en mettant Calligaris dans l’impossibilité de partir, on lui dise « tu peux partir ». Si, par exemple, le consulat italien de Moscou refusait de lui délivrer le passeport, persuadé qu’il est de ne rencontrer aucune difficulté diplomatique de la part du gouvernement soviétique, pour qui Calligaris est un ennemi de la Russie ?
Le fait positif est celui-ci : Calligaris ne se trouve pas encore dans la possibilité de partir. D’ores et déjà, les prolétaires communistes doivent veiller sur le sort de ce militant prolétarien. Nous tiendrons nos lecteurs au courant des suites du cas Calligaris et nous comptons lancer un appel aux organisations communistes au cas où le centrisme persisterait dans son attitude équivoque.