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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Résolution présentée par la gauche après les incidents provoqués par les députés délégués français (Brizon...)
Article mis en ligne le 27 février 2019
dernière modification le 18 février 2019

par ArchivesAutonomies

Introduction à la résolution :

Merrheim et Bourderon ne purent participer à la Conférence de Kienthal car les autorités françaises ne leur avaient pas fourni de passeport (on leur reprocha au CRRI de ne pas avoir essayé d’y aller clandestinement) et ce sont 3 députés socialistes appartenant au courant "longuettiste" mais ne représentant qu’eux-mêmes, qui furent présents.

L’un d’eux, Brizon, intervint le premier jour, après l’ouverture de la Conférence par Grimm ; selon Henri Guilbeaux, écrivain français publiant à Genève une revue anti-guerre, "tout le monde fut sidéré quand il prit la parole pour la première fois (… et ) déclara : “camarades, quoique je sois un internationaliste, je suis avant tout un Français ; par conséquent je vous déclare que je ne prononcerai pas un seul mot, ni ne ferai un seul geste qui pourrait blesser la France, la France terre de la ré-vo-lu-tion“. Il dit [au délégué allemand] Hoffmann qui lui plaisait à cause de sa barbe (…) : "Cher ami, pourquoi ne vous ne rendez nous pas l’Alsace-Lorraine ? Nous serions heureux de vous donner en échange Madagascar”. Au bout d’un moment il devint si insupportable que Serrati lui sauta dessus et le prit au collet. Il (Serrati) quitta même la Conférence, mais la délégation italienne (…) le ramena (…). Il (Brizon) aimait répéter : "ces Russes ne sont que des érudits vantards" ou, en une autre occasion : "Regardez le sourire supérieur de Lénine." L’attitude du député Brizon était si provocatrice que la gauche demanda son expulsion immédiate. Si je ne me trompe pas c’est la délégation italienne, soutenue par Grimm et Balabanoff qui aida Brizon à défendre son cas."

Münzenberg rapporta de son côté que Brizon parlait "d’une manière hautement rhétorique et déclamatoire, interrompant souvent son discours, qui dura plusieurs heures, pour boire du café ou avoir quelque chose à manger. Quand à un moment il déclara enfin “nous sommes nous aussi prêts à refuser les crédits”, l’audience éclata en applaudissements fiévreux. Mais dès que le silence revint, Brizon continua calmement : "mais seulement à condition qu’il n’y ait plus de troupes ennemies sur le territoire français." L’enthousiasme général se transforma instantanément en indignation générale et certains membres de la Conférence, Bronski et Paul Frölich notamment, étaient même prêts à lui casser la figure" [1] [2].

Au-delà de l’attitude personnelle de Brizon, sa prestation révélait bien, s’il en était besoin, la nature réelle de l’"opposition" longuettiste à la politique chauvine et pro-impérialiste du PS français. A la suite du discours de Brizon, la Gauche présenta donc la résolution condamnant l’attitude des députés français de la minorité socialiste qui continuaient à voter les crédits de guerre. Cette résolution recueillit 19 voix (les délégués allemands du groupe Internationale ne signèrent pas la résolution).
Quant à Brizon, il déclara qu’ayant réfléchi il voterait désormais contre les crédits, comme le demanda une résolution adoptée par la Conférence – ce qu’il fit… Il adhéra au PCF lors de sa fondation avant d’en être exclu, sous la pression de l’Internationale, à cause des attaques répétées dans son journal (La Vague) contre les orientations révolutionnaires.

Résolution

Les soussignés déclarent :

A Zimmerwald nous avions déclaré qu’il était impardonnable et que c’était une honte pour la Social Démocratie allemande que les députés sociaux démocrates d’opposition s’étaient simplement abstenus de voter les crédits de guerre au Reichstag ; nous déclarons donc aujourd’hui que la conduite de la minorité du groupe parlementaire français qui a voté les crédits de guerre est complètement incompatible avec le socialisme et avec la lutte contre la guerre.
Cette conduite fait des protestations de ces députés contre la guerre et contre la politique de paix sociale, des phrases creuses et futiles. Elle ne peut que ruiner toute confiance envers le parti socialiste parmi les groupes d’opposition.
Elle affaiblit au plus haut point les efforts des partis internationalistes pour construire un front international de lutte contre la Guerre Mondiale.

Signatures :

Lénine, Zinoviev, Radek, Graber, Guilbeaux, Kaclerovitch, Bronski, Dabrovski, Nobs, Robmann, Münzenberg, Serrati, un camarade allemand de la ville X, Savelev, Vlasov, Petrova, Peluso, Bobrov.