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Histoire : les groupes PIC et Volonté communiste (I) [1]
D’une camarade de Paris (19 septembre 2002)
(...) J’avais commandé des exemplaires de Jeune Taupe et de Révolution sociale sans savoir vraiment de quoi il s’agissait. Pourrais-tu me dire ce que tu sais de ce groupe PIC (Pour une intervention communiste) puis groupe Volonté communiste ? Que sont-ils devenus ? Ont-ils "mal tourné" comme La Guerre sociale ou La Vieille Taupe ? Et si oui, je ne comprends pas, en les lisant, ce qui aurait pu les amener à cela... en fait, si je comprends bien, ils se revendiquaient de la Gauche communiste mais en étant contre l’idée de parti ?...
Réponse à cette camarade (15 octobre 2002)
...Ce que tu me demandes sur les groupes PIC et Volonté Communiste me ramène plus de trente ans en arrière car tout se situe autour de 1968, qui reste une année de référence.
J’en situerais l’origine à cette époque dans un petit groupe d’étudiants de Clermont-Ferrand autour de G. S., groupe qui s’appela d’abord MARS (Mouvement d’action révolutionnaire spontanée) puis se transforma en Groupe Conseilliste de Clermont-Ferrand. Ce groupe fit partie du réseau de groupes (relativement important) qui s’était constitué peu après Mai 68 autour d’ICO (Informations Correspondance Ouvrières), groupe auquel je participais activement (et qui existait depuis 1958).
Dans ce réseau, on trouvait en particulier les Cahiers du communisme de conseils (basés à Marseille, avec René Camoin), et Révolution internationale (Toulouse). Ce dernier groupe fut l’initiateur, sous l’impulsion de Mark Chirik, d’un regroupement qui au début des années 1970 critiquait les positions "passives" d’ICO, prônant la formation d’une organisation révolutionnaire structurée œuvrant dans le prolétariat pour propager l’idée des conseils ouvriers. Ce regroupement aboutit à la formation du CCI (Courant communiste international), mais G. S. et le "groupe conseilliste" refusèrent de s’y intégrer (ce qui leur vaudra plus tard de virulentes attaques dans les organes du CCI) (il existe une abondante littérature sur l’histoire de ce groupe CCI, mais, émanant de membres ou ex-membres, elle n’est pas spécialement critique [...]).
Cette période de l’après-68 voit une sorte de décomposition/recomposition de tout le milieu ultragauche. ICO disparaît en 1973 dans des déchirements qui tournent autour d’un nouvel " activisme révolutionnaire " qui divisera les formations marxistes (CCI, PIC...), anarchistes (dont les ancêtres de l’OCL avec Courant alternatif), maoïstes qui se déliteront peu à peu. Echanges se forme en 1974-1975 à partir de ce qui reste d’ICO et de contacts internationaux.. Le PIC (Pour une intervention communiste) se forme à cette même époque, le premier numéro de son organe Jeune Taupe est daté de février 1974.
"L’intervention communiste"
La volonté affirmée du PIC est précisée dans ce premier numéro, sous le titre "L’intervention communiste", comme le "concept communiste d’organisation des révolutionnaire en rupture totale avec tous les concepts de parti". C’est le vieux dilemme, débattu maintes fois dans le milieu ultragauche marxiste, mais qui contient toujours la même ambiguïté. L’autre idée sous-jacente pour expliquer ce "passage à l’acte" était que 1968 marquait le départ d’un courant révolutionnaire et qu’il fallait faire tout pour encourager son développement et ses perspectives. C’était alors une idée dominante dans la plupart des groupes (c’était aussi l’axe de développement du CCI) et c’est à cause des désaccords sur cette perspective, entre autres, qu’ICO avait éclaté.
L’un des paradoxes de cette poussée activiste vers une telle perspective est qu’elle intervenait alors qu’en France le patronat faisait le ménage en virant tous ceux qui s’étaient mis en avant en 1968 et dans l’immédiat après-68 ; plusieurs centaines de militants de boîtes firent les frais de cette contre-offensive patronale (je fus l’un d’eux en 1971). La plate-forme du PIC était quand même bien claire quant à la conception d’une élite militante réunie dans une organisation cohérente dont l’activité s’identifiait avec la lutte de classe (ressuscitant la notion de base du parti ouvrier) :
"(...) Pour assumer l’intervention, les communistes sont organisés de façon distincte (...) Les communistes œuvrent au développement militant de leur propre organisation et au regroupement des fractions communistes (...) Le fonctionnement de l’organisation des communistes (est) à l’image du processus révolutionnaire de l’ensemble de la classe, expression permanente des tendances et centralisation des décisions (...) L’intervention et l’organisation ne peuvent évidemment se concevoir qu’à l’échelle de la planète dans la perspective de la praxis mondiale du prolétariat et, en ce sens, les liens internationaux entre fractions communistes sont à renforcer (...)"
De la révolution au révisionnisme
La poussée révolutionnaire tardant à venir, il n’est pas étonnant qu’après quelques années, d’autres objectifs firent leur apparition pour "maintenir la foi" et que des dissensions finirent par se faire jour. Parmi les autres objectifs figura en bonne place ce que partagèrent un certain nombre de groupes ultragauches gravitant autour de la Vieille Taupe, ceux dont tu parles dans ta lettre entre autres. Pourquoi ces militants exigeants se laissèrent-ils entraîner dans des voies dont une analyse clairvoyante aurait dû les détourner ? Et d’ailleurs, pour certains, après avoir reçu des mises en garde d’anciens.
Je crois que la raison profonde est à rechercher précisément dans le postulat de départ d’un activisme engagé dans un combat idéologique : comme l’idéologie de la "poussée révolutionnaire" ne fonctionnait pas, il fallait, pour maintenir la cohésion du groupe, trouver un autre combat, tout autant idéologique d’ailleurs, celui "pour la Vérité historique".
Il est certain que toute la période d’après-guerre fut dominée idéologiquement non seulement par le mythe de l’URSS stalinienne "patrie du socialisme" et la présence répressive du Parti communiste français mais aussi, dans une collusion droite gaulliste-gauche résistante nationaliste (y inclus le PCF), pour ce qui avait été le thème central de l’union nationale pour le combat patriotique de la Résistance, la stigmatisation du peuple allemand identifié au nazisme, le confusionnisme de l’antifascisme. Dans l’immédiat après-guerre, cette collusion fonctionna dans l’union nationale pour la régénération du capitalisme en France sous l’étiquette de la "reconstruction". De plus, en Mai 68, le rôle du PCF dans la répression du mouvement avait montré que cette collusion existait toujours et avait puissamment aidé le capitalisme français à surmonter la crise sociale. Ces militants très engagés dans les luttes de mai avaient ressenti amèrement ce qu’ils avaient vu comme une barrière à l’extension de la lutte (ce qui n’était vrai qu’en partie). Cela faisait qu’ils pouvaient considérer, à ce moment, que le combat à engager était d’abord sur ce plan idéologique de lutte contre une "pensée unique" dont l’influence était, pour eux, dominante dans l’échec de leurs tentatives d’aider le prolétariat à s’engager dans une voie révolutionnaire. Cette lutte était vue aussi comme une lutte contre cette domination du Parti communiste, agent, puissamment épaulé et manipulé par l’Etat soviétique, depuis cinquante années d’une "contre-révolution".
Le PIC n’était pas seul à s’engager dans cette voie. C’est ainsi que parmi d’autres, aussi bien du milieu marxiste que du milieu anarchiste, un groupe proche, issu de la Vieille Taupe, s’engagea dans cette voie de ce combat idéologique et commença la publication d’une revue, La Banquise, dont le nom venait d’une analyse d’un prolétariat enfoui sous des kilomètres de glace.
Cette position amena tous ces groupes à soutenir, au nom de ce même combat contre une domination idéologique, ceux qui, tentant de dénoncer l’exploitation politique qui pouvait être faite des exactions du régime nazi, se trouvaient aux prises à des attaques quasi unanimes allant jusqu’à des poursuites judiciaires. C’est ainsi que tu trouveras dans la littérature de ces groupes des plaidoyers, des appels, des tracts dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils pouvaient aussi bien, au vocabulaire près, émaner de groupes d’extrême droite œuvrant dans l’apologie du fascisme... Tu peux trouver dans les numéros de Jeune Taupe de 1979 et 1980 tout un ensemble de textes en ce sens, notamment une lettre de Faurisson à J. Daniel (n°34) ; ainsi que la signature conjointe d’un tract de la même veine, "Notre royaume est une prison". Le combat uniquement idéologique fait que, contrairement à la lutte de classe, l’on n’est pas maître de ceux qui peuvent venir y participer, venant d’horizons parfois très différents, appartenant à d’autres classes ou menant par ailleurs un combat politique tout autre. La lutte antifasciste récente en offre un bon exemple : on y retrouve le même amalgame et la même confusion que dans le "camp négationniste".
Dérives
En ce qui concerne ces quelques groupes essayant de rétablir la "vérité des camps de concentration" et de mettre en parallèle les horreurs de la guerre ou des dictatures tous pays confondus, dans la mesure où ils se cantonnaient uniquement sur ce terrain idéologique, abandonnant tout terrain de classe, ils ne se rendirent pas compte initialement des dérives où cela pouvait les entraîner. Particulièrement, les discussions "concrètes" et très fumeuses sur les détails des méthodes d’extermination des camps nazis finissaient par introduire des doutes sur l’existence même de ces camps d’extermination, et tout cela rejoignait les thèmes de propagande des ex ou néo-nazis ou collaborateurs de la période d’occupation - en fait, de l’extrême droite et de toute une partie de la droite.
Lorsqu’ils se rendirent compte, plus ou moins rapidement, de cette dérive, la plupart de ces guerriers peu glorieux abandonnèrent presque tous toute activité en ce sens, sur la pointe des pieds. Ils ne pouvaient pourtant effacer ce qu’ils avaient pu faire ou écrire, ce que certains, plus ou moins bien intentionnés font resurgir de temps à autre.
Tendances et scission
C’est peut être, en partie, cette tentative avortée de donner au PIC un nouvel objectif pour pallier le rendez vous révolutionnaire manqué qui précipita la crise au sein du groupe. Le dernier numéro de Jeune Taupe (n°36) donne un compte rendu des positions des deux tendances radicalement opposées qui s’affrontent lors d’une réunion spéciale :
— une première tendance parle d’accélération généralisée de la crise du capital et du développement de la lutte de classe et estime que "vu la gravité des circonstances, le PIC avait été en deçà de ce qu’il aurait pu accomplir aussi bien au niveau de l’analyse de la période que de son activité". Pour remédier à ce qu’ils considéraient comme des carences, ces camarades proposaient un certain nombre de tâches pratiques en vue d’accentuer l’intervention du PIC (un autre texte précise ce que peuvent être ces tâches : parution bimensuelle de Jeune Taupe à 1.000 exemplaires et dans les trois mois parution mensuelle - et autres projets tout aussi délirants lorsque l’on sait que cette tendance regroupait quatre camarades ;
— une deuxième tendance pensait que tous ces projets reflétaient une fuite en avant qui n’aiderait en rien à résoudre une situation difficile et qui présentaient le danger de diluer les faibles forces du groupe dans un activisme forcené. Le moment était venu pour eux de reconsidérer l’activité du PIC en fonction de ses possibilités réelles et non de se lancer à corps perdu dans les éternels "coups de bluff " que le groupe leur semblait avoir mis en place de façon périodique depuis sa création
Le PIC, devant des oppositions aussi irréductibles, ne pouvait que scissionner. C’est ce qui se produisit, une majorité forma, je crois, un nouveau groupe, L’Insécurité sociale (aussi disparu) et les quatre "plus activistes que moi tu meurs" (trois à Paris dont G. S. (et un en province) fondèrent le groupe Volonté communiste, dont l’organe était Révolution sociale (n°1 paru en juin 1981). A un rythme mensuel et en imprimant 1.200 à 1.500 exemplaires, ils purent tenir à bout de bras 16 numéros jusqu’en février-mars 1983 et annoncèrent alors "suspendre la parution du journal jusqu’au mois de septembre 1983, toutes les autres activités du groupe continuant normalement". Si le groupe n’avait "pas atteint les objectifs que nous nous étions fixés", c’était "à cause de la crise du milieu révolutionnaire". Ils déclaraient bravement que Révolution sociale "reparaîtrait sous une forme ou sous une autre". Inutile de dire qu’il n’y eut jamais aucune suite, même si quelques-uns continuèrent de participer à des activités de publication d’autres noyaux ultragauche.
On peut ajouter que le PIC avait tenté de constituer un réseau international, mais comme cela essayait de rassembler des éléments assez disparates français et étrangers cette tentative artificielle ne connut qu’une existence éphémère, même sous la forme apparemment viable d’un bulletin de discussion qui ne connut que quelques numéros.
Si j’ai tant insisté sur l’histoire de ces groupes comme tu m’en as donné l’opportunité, c’est parce que je pense qu’elle constitue une sorte de cas d’école (nombre de groupes de la période post-68, y compris ceux qui, comme le CCI ou les groupes trotskystes ou des noyaux maoïstes, existent encore, pourraient fournir des exemples semblables [...]). Le "besoin" de militantisme conduit souvent en quelque sorte à une sorte d’inversion dans les analyses qui sous-tendent les orientations de l’activisme militant. En d’autres mots, on prend ses désirs pour des réalités en surdimensionnant les événements, en regroupant artificiellement des événements assez disparates pour tracer des perspectives qui, si elles satisfont la "bonne conscience révolutionnaire" n’ont pas grand chose à voir avec la réalité sociale. On finit ainsi par être totalement aveugle sur le fait que ce qu’on trace ainsi n’est que la projection d’une idéologie.
Les réveils peuvent parfois être très durs car la réalité fait souvent irruption pour briser le cadre dans lequel on a prétendu l’enfermer. Malheureusement les intéressés ne tirent pas souvent les conclusions de leurs échecs, l’attribuant à de causes extérieures, par exemple, pour le Groupe Volonté Communiste, "la crise du milieu révolutionnaire".
Je n’épiloguerai pas sur les conséquences de ces situations sur les individus qui s’y sont trouvés impliqués, simplement pour souligner qu’elles peuvent parfois être dramatiques, particulièrement pour ceux qui ont cru pouvoir développer ce supermilitantisme sur leur lieu de travail, ce qui se solde souvent par un licenciement. Tu peux toi-même trouver maints exemples de tout cela aujourd’hui, sous d’autres formes qui tentent de s’adapter à des relations sociales qui évoluent, mais qui procèdent des mêmes démarches fondamentales.
Il est bien évident que ce long exposé peut quand même paraître bref parce qu’il soulève bien d’autres problèmes qui ne sont qu’à peine effleurés. Par exemple, je n’ai pas développé les critiques de leurs positions sur "l’organisation des révolutionnaires" et leur intervention dans la lutte de classe ; cela pour le présent, mais le débat débordait dans des projections vers un futur hypothétique des relations entre ces "organisations de révolutionnaires" et les organes de lutte et de réorganisation sociale créés par les travailleurs dans leur combat.
Au temps où ces petits noyaux étaient encore partie d’ICO, c’était un des sujets de divergences, qui finalement aboutirent à la dislocation d’ICO. Aucun des points ainsi soulevés ne sont pour nous tabous et tu peux évidemment questionner comme tu le souhaites.
* * *
Quelle Histoire ? [2]
A propos des groupes PIC et Volonté communiste (II).
Voir les lettres, et notamment la réponse d’Echanges, que nous avons publié dans notre précédent numéro (105), p. 25, sous le titre : "Histoire ; les groupes PIC et Volonté communiste" n° 105, p. 25 — "Correspondance".
Nous avons reçu cette lettre du 8 août 2003 avec quelques compléments (à la requête de ce correspondant, G. S., il n’est mentionné dans ces documents que des initiales). La lettre porte en exergue : "Si on ne daigne pas publier ma lettre comme "droit de réponse", je me chargerai de la faire circuler par d’autres moyens..." ! Ce n’est évidemment pas ce "chantage" qui nous fait publier cette lettre, mais le souci de poursuivre un débat et aussi l’opportunité de faire quelques mises au point.
Le texte dont la publications est demandée est ainsi introduit : "Suite à la correspondance intitulée “Histoire : les groupes PIC et Volonté Communiste” publié dans le n°105 d’Echanges (été 2003), je demande instamment — comme droit de réponse — que ma lettre ci-après paraisse dans le prochain numéro de votre bulletin".
CALOMNIEZ, CALOMNIEZ, IL EN RESTERA TOUJOURS QUELQUE CHOSE....
(Bazile dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais)
(A Echanges et en particulier à l’auteur — courageux mais pas téméraire — de la réponse du 15 octobre 2002 puisqu’il a préféré rester anonyme) [3]
Je croyais que la période estivale était réservée aux gouvernements capitalistes de droite ou de gauche pour perpétrer leurs mauvais coups. Or, erreur, puisque après les curetons de Golias il y a quelques années, voici que les saints "conseillistes" d’Echanges cherchent des noises à la mémoire du groupe "Pour une Intervention Communiste" à propos de son prétendu "révisionnisme" et par ricochet à ma petite personne comme ancien militant de ce groupe.
Je ne serai pas long car dans les mois qui viennent, sera publié un texte analytique sur la crise du milieu révolutionnaire qui reviendra en détail sur diverses péripéties de ces trente-cinq dernières années.
Je me contente pour l’instant de signaler l’existence d’un article de 12 pages intitulé "Trop c’est trop" et daté de novembre 1987 qui a circulé dans les milieux révolutionnaires. Il était signé par quatre membres du groupe "Volonté Communiste" qui avaient participé au tract "Notre royaume est une prison" (Voir note 1, en bas du texte), à propos des déclarations du fasciste au petit pied Jean-Marie Le Pen sur le "point de détail" ; il expliquait que si le PIC avait pu faire des erreurs d’analyse en 1979-1980, sa position s’était résumée à celle de Noam Chomsky : soutenir la liberté d’expression de certains "révisionnistes". Les anges d’Echanges ignorent-ils l’existence de cet article ? Dans ce cas nous sommes prêts à le leur communiquer de façon à ce qu’ils puissent l’envoyer en priorité à la "camarade de Paris" qui avait tenté de s’informer auprès d’eux (Voir note 2).
Voilà. La réponse du n°105 (p. 25-30) est farcie d’allégations mensongères et de grosses bêtises historiques sur le milieu révolutionnaire depuis 1968. Nous y reviendrons dans le texte prévu de "mise au point" par la suite. Relevons simplement la calomnie qui consiste à faire croire que : "... les discussions “concrètes” et très fumeuses sur les détails des méthodes d’extermination des camps nazis finissaient par introduire des doutes sur l’existence même de ces camps d’extermination...". N’importe quoi ! En outre, cette réponse passe évidemment sous silence la publication du texte de H. C. "Le crime des bagnes nazis : le peuple allemand est-il responsable ?" (cf. Jeune Taupe n° 25) ou, entre autres, le commentaire critique du livre Le Mensonge d’Ulysse, de Paul Rassinier et de son éditeur La Vieille Taupe (cf. Jeune Taupe n° 28). Mais bref... (Voir note 3)
Pour terminer provisoirement, je signalerai que le génocide juif perpétré par les nazis a toujours été affirmé sous ma plume dans divers articles militants, historiques et culturels.
G.S. (août 2003)
Compléments de l’auteur :
En guise de réflexion, je me permets de vous soumettre cette citation extraite du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire (Présence africaine, 1955) :
"Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches de Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, que Hitler l’habite, que Hitler est un démon, que s’il le vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique." (p. 12.)
Il faut savoir que suite à une intervention du député UDF, projunte chilienne en son temps, Alain Griotteray, à l’Assemblée nationale, le 12 septembre 1994, ce Discours sur le nationalisme osant comparer nazisme et colonialisme... idée choquante et inacceptable, a été retiré par le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, François Bayrou, du programme des épreuves de français des sections littéraires de terminale.
Notes d’Echanges
1) Dans un historique des groupes PIC et Volonté Communiste, il était difficile de ne pas aborder cette question du "révisionnisme" ; ce n’était nullement une attaque contre cette organisation et encore moins contre un de ses membres. Un débat sur ce point ne doit pas chercher des "mises en accusation" pour lesquelles nous estimons n’avoir aucun droit, mais à comprendre le pourquoi de tels engagements à ce moment-là. C’est ce que nous avons tenté de faire et nous comprenons d’autant moins la réaction de G. S. qui déplace les questions de principe que nous posions sur un problème personnel.
Le tract d’octobre 1980 dont il est question, "Notre royaume est une prison" avait été largement diffusé et annexé au n° 34 (novembre- décembre 1980) de Jeune taupe. Il était signé par : "Les amis de Potlach, Le Frondeur, Groupe Communiste de Cronstadt, Groupe des travailleurs pour l’autonomie ouvrière, la Guerre sociale, le PIC et Des révolutionnaires sans sigle"" et mentionnait qu’il était un supplément à La Guerre sociale. Il avait été rédigé et diffusé bien avant l’attentat à la bombe devant la synagogue de la rue Copernic et fut diffusé tout autant après cet attentat. Il fut pourtant facile à ses détracteurs, intentionnellement et en toute mauvaise foi, de tenter de faire un amalgame à ce sujet.
2) Tout lecteur intéressé par les documents offerts par G. S. ou par tout autre document ou explications concernant cette discussion peut écrire à Echanges qui transmettra à G. S. pour que celui-ci puisse leur répondre directement. Quant à nous, nous n’entrerons pas plus avant dans une telle discussion, ne reproduisant sélectivement que les matériaux qui permettraient à chacun de voir ce qu’était alors (et qui reste toujours) le problème du "militantisme révolutionnaire" dont cet épisode n’est d’ailleurs qu’un épiphénomène.
3) Il est bien exact que le n° 24 de Jeune taupe (janvier-février 1979) reproduit un texte d’Henri Chazé (H. C.) sur la "responsabilité du peuple allemand” à propos des crimes nazis, texte écrit juste après son retour des camps et publié dans un journal local de l’Est. Ce texte figurera en annexe de l’autobiographie de Chazé publiée en brochure par Echanges en avril 2004 sous son titre Militantisme et responsabilité. Il ne traite d’ailleurs pas du problème soulevé ici par G. S. et ne saurait servir de justificatif dans le débat qui s’ouvrira dans les numéros suivants de Jeune taupe.
On peut donner ici la liste exhaustive des textes traitant de ces premiers pas du négationnisme :
— n° 26 (mai-juin 1979) première partie d’un texte "Intellectuels et Révolution" : "Foucault et l’Iran, Debord et la crise" ;
— n° 27 (juillet-août-septembre 1979) deuxième partie d’"Intellectuels et Révolution" : "Rassinier et le mythe antifasciste" ;
— n° 29 (décembre 1979-janvier 1980), suite et fin d’"Intellectuels et Révolution" ;
— n° 31, avril-mai 1980, un article "Qui est le Juif ?", traitant de "la légende des chambres à gaz", était précédé d’un "avertissement" tentant d’expliquer le pourquoi d’une telle publication :
Les lecteurs de Jeune taupe connaissent la question de l’"affaire Faurisson", ainsi que les thèses de Paul Rassinier, par les articles que nous avons publiés dans les numéros 27 et 29 ("Intellectuels et Révolution", 2-3). Nous ne reviendrons pas sur l’exposé et la critique de ces thèmes auxquelles le texte-appel, diffusé sous forme d’un tract et que nous publions ci-dessous, fait référence. Nous rappellerons la publication (cf. n° 24) du témoignage de H. C. : "Le crime des bagnes nazis : le peuple allemand est-il co-responsable ?" qui, sans se placer sous le même angle (il n’aborde pas la question de l’existence ou non des chambres à gaz), met l’accent sur le caractère capitaliste de la deuxième guerre mondiale et de ses conséquences (produits de la crise du mode de production capitaliste), donc se situe dans une même perspective de démystification révolutionnaire. En effet, faire du peuple allemand le "bouc émissaire" et l’accuser d’être responsable de la seconde guerre mondiale, mais aussi attribuer toutes les atrocités à ce qui serait la volonté démoniaque des horribles bourreaux nazis, c’est occulter les causes réelles de la guerre et la responsabilité du camp vainqueur : démocraties occidentales, capitalisme d’Etat russe.
Le texte qui suit se veut avant tout la défense d’un individu, comme d’ailleurs l’indique son titre : "Qui est le juif ?" Ce qui guide notre solidarité avec le contenu de cet appel n’est pas la défense d’un individu en soi, ni même l’apologie de la vérité pure (la vérité repose sur des faits réels qu’on peut cacher ou révéler, interpréter etc. selon certains buts qui n’ont rien à voir avec la perspective révolutionnaire). Notre solidarité s’exprime vis-à-vis des préoccupations révolutionnaires qui en émanent à un moment où l’offensive idéologique du capital se nourrit à nouveau de la vieille rengaine de l’antifascisme et de la recherche des modernes “fauteurs de guerre” (les fameux “peuples” ou “communautés responsables”).
— le n° 34 (novembre-décembre 1980) reproduit une correspondance de R. Faurisson et J. Daniel et une autre entre Terry L. et Michel du PIC.
Puisque G. S. cite H. C. comme une sorte d’alibi, il devrait évoquer aussi la correspondance échangée avec lui et qui devait dire sa position sur ce sujet dans les mêmes termes que H. C. utilisait dans sa correspondance avec H. S. d’Echanges.
Lettre de H. C. du 19 janvier 1981 :
L’affaire Faurisson — Avant même le fameux tract, j’avais écrit plusieurs fois à G. S... Tous se sont eux-mêmes accrochés une drôle de casserole au cul... C’est tellement con cette histoire de chambres à gaz !... Et j’avais rappelé à G. S. mon témoignage (non du camp de Sachsenhausen)... comme je l’ai écrit à G. S., cette affaire leur aura fait perdre toute crédibilité... et c’est dommage car ils publient des choses intéressantes... dont un article sur la question de l’organisation qui montre que tous les maîtres à penser ont merdé comme tout un chacun après...
Nous pourrions reproduire d’autres passages tout aussi éloquents et touchant des faits vécus précis de lettres de H. C sur cette question (à la disposition de tout intéressé). Pour nous, le débat sur cette question précise est clos. Nous reconnaissons qu’il ait pu contenir de notre part des erreurs ou omissions. Comme nous l’avons précisé dans la note (2) ci-dessus, toute autre demande ou lettre sera transmise à G. S. pour qu’il puisse y faire la réponse qu’il jugera nécessaire. Le prochain numéro contiendra seulement un texte d’un autre membre du PIC de cette époque qui tente d’aller plus profondément dans les questions de fond que nous avions posées. Et ce sera tout : nous renverrons tout autre élément de discussion aux ex-membres du PIC en mentionnant seulement leur existence et où se les procurer.
* * *
Quelle Histoire ? [4] A propos des groupes PIC et Volonté communiste (III)
Suite et (en ce qui nous concerne) fin. (voir précédents numéros d’Echanges 105 p 25 et 106, p. 37). Comme nous l’avons annoncé dans le précédent numéro à la fin de cette polémique, nous donnons ci-après le texte envoyé par un autre membre du PIC et qui se réfère à la lettre parue dans le n° 105. (Les intertitres sont de l’auteur de la lettre.)
Tout comme l’auteur de la lettre reproduite dans Echanges (n° 105, pp.25-30), cette correspondance [me] ramène une trentaine d’années en arrière. Il ne s’agit pas dans cette "réponse" de départager qui alors avait raison et qui s’est trompé (sur le fond, je ne pense pas que ce soit si simple). Plus simplement, le rappel "historique" fait que la lettre de quelqu’un qui n’a pas vécu les faits rapportés de l’intérieur contient nécessairement quelques erreurs ou imprécisions (je ne parle pas des divergences que peuvent avoir les uns et les autres sur l’appréciation des faits... c’est un autre problème). Je m’en tiendrais à ce qui est écrit dans Echanges... l’histoire de cette période reste éventuellement à écrire.
Introduction
L’auteur de la lettre s’attache à ancrer les racines (!) du PIC dans les débats de l’après-68 au sein d’ICO. Certes tout est dans tout, mais la réalité est plus complexe. Pour clarifier ce point, je préciserai comment s’est constitué le noyau à l’origine du PIC. De celui-ci, seul G. S. (cité dans la lettre) avait pu fréquenter le "milieu ICO" via l’Organisation conseilliste de Clermont-Ferrand. Pour ma part, j’avais participé très peu de temps à Révolution internationale (Paris) (RI) après le départ [des membres de ce groupe] d’ICO et avant la fusion avec les groupes de Clermont-Ferrand et de Marseille. Je les avais quitté sur des bases certes confuses, mais dans lesquelles la nature profondément léniniste du groupe — beaucoup plus perceptible de l’intérieur que de l’extérieur — tenait une part importante. C’est à RI que j’avais fait la connaissance de G. C. Dans la période suivante, je publiais avec un copain une petite revue conseilliste, Pour le pouvoir des conseils ouvriers (PPICO). Le dernier numéro tentait de regrouper quelques informations sur les groupes qui représentaient pour nous le passé comme l’IS, S ou B (comme beaucoup de ceux qui s’intéressaient alors à ce courant, nous étions très jeunes et sans contact avec des participants aux groupes passés). Ce texte qui fut très diffusé à l’époque avait été nommé La Jeune Taupe, en référence à la citation bien connue de Marx sur la vieille taupe et avec une idée de renouveau.
Peu de temps après, le contact était établi avec G. S. qui venait de quitter R. I., suite à quoi nous décidions de constituer un nouveau groupe, le PIC. Cherchant un nom de publication, celui-ci me proposa de reprendre le titre de La Jeune Taupe ou, plus précisément, Jeune Taupe. Cet embryon était vite rejoint par deux jeunes copains, préalablement "inorganisés" (qui participeront plus tard à la formation de Volonté communiste). Puis, suite à des contacts décevants avec G. Munis et son groupe FOR, les trois "jeunes" du FOR (les autres étant des anciens rescapés de la guerre d’Espagne) rejoignaient également le PIC. A ce stade, le noyau initial du groupe était vraiment constitué. D’autres viendront s’y joindre par la suite... mais c’est une autre histoire.
L’intervention communiste
Certes le concept "d’organisation des révolutionnaires" recouvrait un vieux dilemme du milieu ultra-gauche marxiste, mais cette constatation ne résout rien concernant sa validité (même si on peut rejeter sa théorisation à outrance et hors de tout contexte historique). Ce fut d’ailleurs un des points qui fut le plus évolutif dans le PIC, entraînant des remises en cause successives de ses positions initiales. Ainsi le livre publié ultérieurement par Révolution sociale en 1982 sous le pseudonyme Collectif Junius et nommé Au-delà du parti (Cahiers Spartacus 116B) donne-t-il une image de notre position au moment de l’éclatement du groupe. Ces positions s’inspiraient largement des critiques ébauchées par la gauche allemande (KAPD...) sans concessions pour les tentatives de justifications du léninisme style bordiguisme.
Quant à la période de formation du groupe, même si alors le patronat faisait le "ménage", nous étions tout de même loin de l’apparente "paix sociale" qui a suivi. Le développement de groupes comme le PIC, s’il est un produit direct de 68, reposait également sur la persistance d’un niveau conséquent de lutte sociale. Il est probable que sans cela ce groupe et d’autres ne seraient jamais apparus. Je ne vois dans tout cela aucun paradoxe. Ceci indépendamment de la théorisation d’une perpétuelle "montée des luttes" coupée de toute réalité.
De la révolution au révisionnisme
L’évolution de l’ultra-gauche que tu présentes sous ce titre reste aujourd’hui impossible à traiter dans le détail de façon critique (si tant est que cela présente un intérêt).
Ta lettre contient une analyse globale de cette évolution, que je peux partager dans ses grandes lignes. La critique des tentations populistes au sein de l’ultra-gauche (et plus généralement des courants radicaux du marxisme et de l’anarchisme) reste à faire, les exemples ne manquant pas. On y retrouve généralement un même point de départ : la recherche d’un levier qui va permettre de faire basculer l’histoire. La critique du stalinisme et des pays de l’Est avait suscité de telles espérances dans la période précédente... on pourrait aussi retrouver dans ce domaine d’étranges compagnonnages.
Parmi les facteurs importants de cette période, je pense qu’il faut prendre en compte une certaine tendance unitaire au sein de l’ultra-gauche dans un sens très large (et qui était somme toute plutôt sympathique en face de courants fonctionnant sur la polémique et l’insulte). Si les groupes constitués étaient plutôt stagnants (compte tenu en particulier du contexte social) des pans entiers du gauchisme influencés par ces groupes s’en étaient séparés, souvent sur des positions peu stabilisés. D’autre part, une partie des courants anarchistes (OCL...) s’étaient également rapprochés de l’ultra-gauche (entre autres sur la critique des syndicats). Tout ceci avait amené à la constitution d’un milieu plus ou moins flou, dont on peut voir une illustration dans les journées organisées dans la même période par le Cojra (Collectif pour l’organisation de journées de réflexions antiautoritaires... de mémoire) et qui réunissait un nombre conséquent de participants (dont le PIC). Ce climat était propice d’une part au tissage de liens de copinage au-delà des groupes constitués et d’autre part à un désir de "faire des choses ensemble". Cela était encore une fois sympathique (surtout dans un milieu composé pour une bonne part d’individus jeunes), mais pouvait concourir à un fléchissement de l’esprit critique face à ces propositions provenant des composantes de ce milieu, pour ne pas parler de suivisme.
Dans l’espèce de fuite en avant qui aboutira à l’éclatement du PIC (cf. Infra), le risque était réel d’oublier pourquoi nous nous intéressions aux analyses hétérodoxes de la deuxième guerre mondiale (critique parallèle des idéologies fasciste et anti-fasciste) et de tomber dans une défense en soi d’une vérité historique alternative (qui plus est relayée par les médias). Je ne me souviens plus qui (la revue Négation ?) avait alors parlé de tempête dans un verre d’eau de Vichy. Il s’agissait sur le fond plus d’un symptôme que d’un changement de terrain ou d’orientation comme le laisse supposer le sous-titre d’Echanges. Tout n’a occupé au total que quelques pages de trois numéros de Jeune Taupe sur 38. Et encore s’agit-il pour l’essentiel de la reproduction de documents dont le PIC n’était pas l’auteur (y compris les tracts cosignés par le PIC). A postériori, je pense que nous étions bien loin d’une quelconque théorisation et a fortiori de la structuration d’une idéologie (ce qui se produira effectivement... mais plus tard et sans nous).
Au passage, le PIC n’a jamais appartenu aux "groupes ultra-gauches gravitant autour de la Vieille Taupe" (c’est-à-dire en fait de Pierre Guillaume en tant qu’éditeur), si tant est qu’aucun groupe d’alors puisse être défini de la sorte. D’ailleurs ceci risque d’entretenir une confusion auprès des jeunes copains avec la librairie de la Vieille Taupe, tenue par le même P. G. et dans laquelle passaient tous ceux qui se reconnaissaient dans l’ultra-gauche, le communisme de conseils, le luxembourgisme, etc et qui eut entre autre un rôle majeur pour relancer les Cahiers Spartacus après 1968. Le noyau gravitant autour de cette librairie (et la librairie elle-même) avaient cessé d’exister au début des années 1970 (de mémoire), ses membres se retrouvant dans des groupes/publications comme Le Mouvement communiste.
P. G. a repris bien plus tard ce sigle pour ses activités d’éditeur. C’est un secret de polichinelle de constater qu’il fut à l’origine de "l’affaire" en question, mais de là à dire que des groupes gravitaient autour... il y a un monde. Cela dit, la ressemblance des sigles (Jeune et Vieille Taupe) permit par la suite une série d’amalgames de plus ou moins bonne foi (orchestrés en particulier par les gauchistes qui nous avaient depuis longtemps dans le collimateur, à l’exception de Lutte ouvrière qui devait se rappeler qu’il n’y avait pas si longtemps que les militants du groupe Barta étaient pourchassés comme "hitléro-trotskistes"). Quant à l’abandon "sur la pointe des pieds" que tu signales, il n’y avait pas le choix dans l’atmosphère d’alors.
Tendances et scission
Le lien que tu fais entre la période précédente (qui ne constitue qu’une petite partie de l’existence et de l’activité du PIC) et l’éclatement du groupe me paraît fondé. En fait, il serait plus juste de dire que tout ceci avait le même fondement : une fuite devant la réalité de la situation conduisant à un volontarisme idéologique. Il n’y avait que deux solutions : fuir encore plus vite ou "se poser" et remettre une part de notre passé en cause. Ces deux tendances sont bien définies dans la lettre d’Echanges. Par contre, la façon dont ceci s’est passé est légèrement différente. Lors de la réunion nationale du groupe, la tendance "volontaire" mit ses positions et propositions aux voix. Celles-ci s’avérant minoritaires, ils quittèrent le groupe (cf. Volonté communiste). En fait, numériquement, il n’y avait pas grand chose de changé, d’autres copains ayant adhéré durant la même réunion (particulièrement le groupe de Nanterre de la Fédération anarchiste qui comprenait alors deux personnes). Nous avons donc continué le PIC et la publication de Jeune Taupe dans une ambiance plus détendue. Contrairement à ce qui est dit dans Echanges, Jeune Taupe a donc continué sa parution (sans changement de périodicité jusqu’au numéro 88) après son numéro 86. Les informations utilisées proviennent d’ailleurs probablement d’un supplément au numéro 86, paru postérieurement.
Cela dit, nous avions conscience que sur le fond nous étions, bien que majoritaires, beaucoup moins "dans la continuité" que les minoritaires scissionnistes. Au bout de quelque temps, il s’est avéré qu’entre les copains déjà au PIC avant la scission et ceux qui venaient de la FA, il n’y avait pas vraiment concordance de vue, ni désir de continuer ensemble. Nous n’avions par contre aucune envie de recommencer à nouveau tout le cirque des confrontations de positions, mise à voix de motions... Considérant que nous avions décidé ensemble de nous lancer dans cette dernière étape du PIC/Jeune Taupe et qu’il n’y avait donc pas de légitimité pour que certains continuent alors que d’autres s’en trouvent écartés, nous décidions de nous "quitter bons amis", groupe et publica tion disparaissant de fait. Chacun de son côté faisait ce qu’il avait envie de faire... sans revendiquer l’héritage : les ex-FA au travers du bulletin Guerre de classe et les ex-majorité du PIC avec L’Insécurité sociale.
L’après "Jeune Taupe"
Par la suite, l’évolution de L’Insécurité sociale conduira à sa transformation en Interrogations. Ces différents changements de nom correspondaient à chaque fois à des remises en cause de positions passées qu’il est difficile de résumer en quelques phrases. Ceci nous conduisait entre autres à nous rapprocher des groupes/publications du continent américain comme The Fifth Estate, Anarchy, Demolition Derby... (cf. la publication en français de textes de Fredy Perlman, Bob Black, Ferai Faun...). A partir d’Interrogations, les textes sont signés individuellement, ce qui sous-tend que le groupe ne s’octroie pas de rôles ou tâches "historiques". A la fin des années 1980, la composition du groupe était stabilisée et son activité (essentiellement de publication) allait se restreignant. Les échanges avec des compagnons extérieurs au groupe au travers de discussions, collaborations autour de traductions (échanges riches dans les années précédentes)... avaient quasiment disparu. En 1991 (de mémoire) pensant qu’un fonctionnement de groupe (c’est-à-dire le fait de se voir de façon hebdomadaire) ne recouvrait plus rien, je proposais d’arrêter.
Après la fin d’Interrogations, le Point d’Interrogations a continué à publier des textes sans que ceci ne soit sous-tendu par une activité de groupe. Certains textes qui ne portent pas de signature déjà rencontrées dans la publication précédente provenaient de jeunes copains issus du "milieu alternatif". Le dernier numéro date de 1996.
Hème août 2003
Comme nous l’avons indiqué précédemment et répété au début de ce texte, nous ne poursuivrons pas dans les colonnes d’Echanges une polémique dont nous laissons le jugement à ceux qui croiraient devoir accorder un intérêt à ce qui est publié ici ou là (par exemple dans Le Prolétariat universel n° 82), polémique à laquelle nous refusons absolument de nous associer quitte à exciter encore plus l’ire de ces contempteurs patentés. Nous transmettrons seulement sans commentaires aux intervenants dans ce "débat" (?) toute requête de documents ou renseignements émanant des lecteurs d’Echanges. Ajoutons que, parmi ces documents figurent les courriels échangés en cette occasion, et dont nous adresserons copie sur demande.