par ArchivesAutonomies
Ouvriers "garantis", prolétaires non garantis, quelle unité ?
L’autonomie de la classe ouvrière par rapport à la division de la gauche et des syndicats est déjà une réponse en elle-même. Elle se distingue fondamentalement de la ligne trotskiste toujours dominante dans ce qui reste de l’extrême-gauche organisée selon laquelle il faudrait contraindre les directions à l’unité en renforçant la présence dans les syndicats (cf. la résolution du B.P. de la L.C.R. après la manifestation). Les deux problèmes sur lesquels la L.C.R. et autres A.J.S. observent évidemment un silence prudent, c’est :
1) la violence comme expression organisée du contre-pouvoir ouvrier. La leçon nouvelle de la période, ce sont les groupes ouvriers organisés comme avant-garde autonome qu’ils soient ou non dans le syndicat, et organisés y compris pour ne pas se laisser arrêter par un bataillon de C.R.S. dont l’intervention est aujourd’hui systématique.
2) La fracture consommée dans l’Union de la gauche n’est pas tactique, comme le prouve le résultat des élections, il est stratégique. On ne résoud pas la division ouvrière en disant tous unis sans dire sur quoi on peut être uni. Et si le choix offert se situe entre produire 35 millions de tonnes d’acier pour sauver les emplois et un secteur de l’économie nationale, (P.C. et C.G.T) et négocier au mieux les reclassements dans une "dialectique réaliste" avec l’Etat (autre emploi C.F.D.T.), il n’y a pas de solution ni de perspective révolutionnaire là-dedans.
La France a eu une longue expérience depuis 1973 des luttes de défense de l’emploi, y compris dans la variante "vivre au pays" (Lip, mais aussi Rateau, etc.) Entre temps s’est constitué un nouveau système d’emploi qui a tourné ces luttes, suscité l’ouvrier social, précaire au point d’arriver jusqu’aux événements de Longwy, Denain, à deux cycles de luttes séparées.
Les sidérurgistes y compris ceux qui sont chômeurs depuis de longues années, les jeunes dans les C.E.T. ont vu que les sages batailles pour le maintien de l’emploi se terminaient par les départs, le découragement, et surtout qu’elles ne pouvaient pas présenter un terrain d’unité d’objectif des prolétaires. A l’occupation d’usine vers laquelle les syndicats ont toujours voulu rabattre les ouvriers furieux a succédé l’insurrection sociale. Du droit à l’emploi d’une catégorie d’ouvriers au droit à l’existence, aux moyens de cette existence pour tous ceux qui se retrouvent victimes de la restructuration capitaliste.
Dans l’Est, de jeunes lycéens sont allés en cortège s’inscrire à l’A.N.P.E. comme jeunes chômeurs. Le droit à la garantie de revenu peut unifier des couches de classes que l’on dresse actuellement les unes contre les autres. A condition bien évidemment qu’on conçoive cet objectif comme un moment d’affirmation de contre-pouvoir réel et comme une revendication qu’on lance en l’air en attendant que les réformistes intelligents la ramassent pour en faire de nouveaux instruments de division.
Lorsqu’à Longwy les sidérurgistes sont allés occuper l’office de HLM qui avait annonçé les augmentations de loyers, lorsqu’ils ont rendu visite aux boites d’intérim, l’indication peut être reçue, reprise par tous les collectifs, les groupes.
Et l’on ne peut pas passer par dessus ce type de problèmes. Les divisions au sein même de la classe ouvrière sont beaucoup trop profondes pour se payer de mots. Les camarades de l’OCT nous font le reproche de prendre pour réalisée une division qui ne l’est pas encore, et de la sorte de favoriser cette atomisation. Mais camarades nous ne l’inventons pas cette division. Allez vous frotter à certaines réalités. Quant au sein même des sidérurgistes de Longwy, il existe une telle division entre immigrés et non immigrés (les premiers luttant depuis plus de deux ans dans les foyers Sonacotra dans l’isolement total cf. Sans Frontière no zéro) imaginez un peu le fossé qui sépare une jeune précaire parisien non garanti, célibataire d’un ouvrier de 45 ans, père de famille, installé depuis 25 ans à Usinor ?
D’autre part vous savez bien qu’il existe des contradictions (y compris au sein du Peuple comme disait le second Petit Père des peuples). En particulier on ne peut entonner la défense inconditionnelle de l’emploi, et ne pas aller jusqu’au bout comme le fait le PC en défendant le nucléaire (et que crèvent les bretons disait Marchais), la force de frappe, les 35 millions de tonnes d’acier, produits en France bien entendu, en partie par des immigrés et vendu ensuite aux pays du Tiers monde qui précisément en s’industrialisant sont un des éléments de la crise de la sidérurgie.
Et puis à la limite pour défendre l’emploi, et non pas le revenu des ouvriers ont peut aussi réclamer le protectionnisme, la guerre commerciale puis la guerre tout court.
L’enjeu précisément en ce moment c’est de savoir qu’est-ce qui l’emportera dans l’ensemble des secteurs de classe : le corporatisme représenté par le socialisme national chauvin arriéré du Parti communiste, ou l’intérêt de l’ouvrier social qui aujourd’hui porte l’intérêt révolutionnaire de toute la classe ouvrière parce que ses besoins se créent, ses luttes ne se font sur le dos de personne et parce qu’il devient la figure centrale de la restructuration capitaliste et du travail productif.
Et en dehors de la question de l’emploi et du revenu nous pourrions développer des campagnes une convergence très large des collectifs de toutes sortes. Par exemple autour de la gratuité des transports en commun, des loyers, des quittances.
Autour des expulsions de jeunes immigrés de la seconde génération qui forment l’un des secteurs essentiels aujourd’hui du jeune prolétariat.
Autour du chômage et des centaines de milliers d’exclus du bénéfice de la sécurité sociale et de tous revenus.
Autour du travail précaire par notre façon à nous de régler les cumuls, la division de l’inttérinn, les contrats à durée déterminée, le tiavail clandestin et gratuit à tous les niveaux de la vie sociale.