par ArchivesAutonomies
Y a belle lurette que j’ai foutu la puce à l’oreille des bons bougres au sujet des ratichons.
Que de fois j’ai rengainé : "On ne parlotte pas avec la vermine noire ! On l’écrabouille comme une merde s’il y a mèche... S’il n’y a pas plan, on réchaude sa haine en attendant l’occase..."
En effet, nom de dieu, y a pas à discutailler avec eux : c’est des ennemis — faut les traiter comme tels !
Pardienne, si vous demandez leur avis à ces cochons-là, ils vous répondront que c’est mal d’être sanguinaires. Que pour ce qui est d’eux-mêmes, ils ne cherchent que la vérité — si vous l’avez dans votre poche, c’est pas chouette de la garder pour vous.
Oh, pour le boniment, à eux le pompon ! Malheur à qui les écoute, même en se foutant de leur fiole. Avec leurs langues dorées, ils savent emberlificoter leurs menteries de telle sorte que, sans vous en douter, un peu de cette peste vous reste dans un recoin de l’oreille. Gare à vous, ça peut devenir un nid de pourriture !
Donc, faut faire le vide autour d’eux. C’est ce que fait le populo : il les fuit pire que le choléra.
Les frocards sentent bien que c’est là leur perte : comment continuer à abrutir les prolos, si les prolos se bouchent les oreilles ?
Oh mais, les charognes n’ont pas qu’une crapulerie dans leur sac à malices ! Ils savent changer de peau suivant les saisons. Les vieux trucs des jésuites sont usés ? Quéque ça fout !... les jésuites restent et se font une gueule de circonstance.
Pour l’instant, c’est des trombines de socialos qu’ils se sont fabriquées : oh, leur socialisme chrétien n’a pas poussé en une nuit, kif-kif une vesse-de-loup.
Il a mijoté quinze ans dans l’œuf, s’infiltrant doucettement, partout où y avait mèche. On rigolait des empapaoutés des cercles catholiques, ne se figurant pas que ça ferait des petits...
Mais voilà, les ratichons ont pour eux le temps et la patience : c’est pas sur les hommes, c’est sur les générations qu’ils agissent.
En outre, ce qui les sert bougrement dans leurs crapuleries, c’est le pognon qu’ils ont en quantité.
Primo, ils ont la galette qu’ils nous roustissent de cinquante façons — ou bien que le gouvernement leur fout par la gueule.
Deuxiémo, ils ont les belles pépètes que carment les richards et les patrons : c’est de l’argent bien placé que celui que ces jean-foutre aboulent pour abrutir le populo !
Comment si bien munitionnés les ratichons n’arriveraient-ils pas à leurs fins ?
Aussi, depuis un bout de temps, que reluque-t-on d’un coin de la France à l’autre ?
Des sacs à charbon qui s’en viennent pistonner les ouvriers, ayant plein la bouche du mot socialisme.
Ce qu’ils prêchent, turellement, c’est la résignation et la soumission aux patrons. Par exemple ils ne jacassent guère sur la religion — mais ils se rattrapent sur les syndicats mixtes, les sociétés de Notre-Dame de l’Usine ousqu’on vend à meilleur compte que chez les débitants — et quelques autres fariboles aussi efficaces pour résoudre la question sociale qu’un lavement foutu à la tour Eiffel.
* * *
Est-ce à dire que la Sociale est dans le siau, rongée par la vermine noire ?
Quel nenni !
Quelques socialos à la manque du calibre de Lafargue peuvent faire le jeu des cléricochons en étant toujours à leurs trousses dans les réunions.
Pour ce qui est du populo, y a rien de fait, nom de dieu !
Les bons bougres restent avec leur haine, et ils sont tout prêts à la passer sur les fesses des curés.
A preuve ce qui est arrivé mardi soir à Paris, dans l’église Merri, rue Saint-Martin, où un ratichon débagoulinait contre la Révolution et le Socialisme.
Déjà, l’autre mardi, ça avait pas trop mal commencé : y avait eu un petit tamponnage sérieux, et grâce à une floppée de bons bougres le prédicateur avait dû fermer son égout.
Ce coup-ci, ça été bougrement plus hurf, nom de dieu !
A peine le cléricochon était dans son égrugeoir que de tous les coins de l’église des bons bougres lui coupent la chique... en attendant de lui couper autre chose !
Dame, le sac à charbon la trouve mauvaise : raison de plus pour que ça continue, sacré pétard !
C’est à peine si on lui laisse rabâcher quelques paroles : "Ah, nom de dieu, que fait un gas, assez de mômeries !"
"Oh oui, assez ! assez !" qu’on gueulait de tous les côtés.
Pour faire cesser le potin, voilà que les frocards font manœuvrer l’orgue, comptant sur la musique, parce qu’elle adoucit les mœurs. Autant aurait valu qu’ils pissent dans un violon.
Illico, tous les bons bougres d’entonner la Carmagnole, et de pousser à pleins poumons des "Vive la Commune ! Vive la Révolution ! Vive la Sociale !" qui étaient fadés aux pommes.
Turellement les petits crevés des cercles catholiques étaient venus en foultitude. Ils veulent faire de leurs épates et sautent sur les bons bougres, cannes levées.
Ah ouat, les morveux ne s’étaient pas regardés !
Ils avaient à faire à des gas à poil et qui ne sont bougrement pas manchots : les chaises volent que c’est un vrai beurre !
Finalement, les petits morveux battent en retraite : ils voulaient protéger l’égrugeoir, mais d’une poussée faramineuse les bons bougres les ont culbutés comme une merde.
* * *
Nom de dieu, voilà qui fera bougrement plus contre le socialisme chrétien que toutes les balivernes qu’on peut lui opposer :
On ne discute pas avec les ratichons, On cogne !