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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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La semaine sanglante
Le Père Peinard N°167 - Série 1 – 29 Mai 1892
Article mis en ligne le 28 décembre 2019
dernière modification le 23 décembre 2019

par ArchivesAutonomies

Je suis pas un fêtard, nom de dieu ! et j’aime pas tout ce qui rappelle ces mômeries de religion, avec leurs chiées de cérémonies et de baise-culs ;

Mais tout de même je suis d’avis qu’y faut pas rater l’occase et profiter de l’anniversaire de la Semaine Sanglante,

Pour rappeler aux bons bougres et aussi foutre sous le blair des salopiauds pourris messieurs les honnêtes bourgeois, tous les crimes abominables, les assassinats et les tueries de 71, nom de dieu !

C’est bon, ces répétances-là, foutre ! Ça fout la haine plein le ventre au populo quand on lui rappelle les salopises passées ;

Et puis, faut pas oublier que si on a été couillon une première fois, à la Prochaine, on ne le sera plus, mille tonnerres !

Que si les massacreurs ont pu faire leur turbin de bandits, c’est qu’on avait eu pitié d’eux, nom de dious ! Et que la pitié, camaros, demain n’en faudra plus. Car la pitié, dans ces cas-là, c’est de la lâcheté, nom de dieu !

Au Mur des Fédérés, ousque va le vieux Peinard, tous les ans, car qu’est-ce que vous voulez, les camaros, on se fait vieux et on garde des habitudes d’autrefois,

Y a là, sous terre, des milliers et des milliers de camaros, riches bougres, fistons de la Sociale, assassinés dans les derniers jours de la lutte.

Quand je me rappelle, nom de dieu ! toutes ces infamies et ces souffrances, j’en crève de rage, mille tonnerres !

Dans tous les coins, à tous les étages de toutes les maisons, ces bandits de Versailles pourchassaient les hommes encore solides,

Et dans les cours, au coin des rues, aux murs des mairies, c’était partout des fusillades, nom de dieu !

Puis quand y avait des tas et des tas de cadavres, arrivaient des charrettes, kif-kif aux voitures des boueux dans les rues, le matin,

Et, pêle-mêle, on foutait tous les crevés dans les carrioles, et en route pour les fossés du Mur !

Quand une rangée était pleine, on foutait une couche de chaux par-dessus, et on recommençait, nom de dieu !

Peut-être bien que les loupiots, les jeune camaros vont dire que je rabâche, cré tonnerre !

Ça fait rien, foutre. Je sais bien que les vieux sont pas toujours rigolos avec leurs souvenances, quoique moi j’ai l’habitude d’avoir la rigolade facile.

Mais foutre, les jeunets ! les loupiots ! quand vous aurez vu ce que c’est que risquer sa peau pour la Sociale,

Quand vous aurez commencé à souffrir pour la Révolte,

Vous pardonnerez les rabâchages des vieux, et si vous êtes, une fois, vaincus, vous ferez comme eux, nom de dieu.

Et pour vous refoutre de la haine au ventre et du courage au bras,

Vous vous rappellerez les infamies passées,

Alors vous serez plus forts, plus solides, et quand viendra notre revanche, vous serez débarrassé de ce qui a causé notre perte à nous, les vieux de 71,

Vous n’aurez plus ni bonté, ni pitié et sûrs de retrouver dans chaque bandit épargné un assassin et un mouchard le lendemain,

Vous n’épargnerez plus personne, et c’est vous les loupiots qui ferez alors la bonne ouvrage que nous avons gâtée autrefois avec nos couillonades, nom de dieu !