par ArchivesAutonomies
Bonnes bougresses et bons bougres, le Père peinard vous la souhaite bonne et heureuse !
Nom de dieu, s’il vous dégouline sur le râble autant de satisfactions que je vous en désire, vingt dieux, vous pourrez dire "gracias" !
Par exemple, j’en dis pas autant aux charognards de la haute.
Ceux-là, cré pétard, si la millième partie de ce que je leur souhaite leur arrivait — je ne les verrais pas blancs !
Quelle marmelade ! Quelle purée ! Une truie n’y reconnaîtrait pas ses cochons.
Hélas ! les envies d’un seul, si bon bougre soit-il, ne peuvent pas se réaliser.
C’est du nerf et de la colère du populo que sortiront les satisfactions pour nous, — et dame, pour le moins, des coups de trique qu’encaisseront les jean-foutre de la haute.
Tout de même, voilà une année de plus sur la cabèche ! Vingt dieux, ça tourne !
Eh bien, les camaros, si on profitait de l’occase pour reluquer un brin en arrière, et tâter si on doit avoir du contentement ou de regret de l’année qui finit.
Du regret ?... on en a toujours, nom de dieu ! Le temps passé ne se retrouve plus, et si galbeux qu’on trouve le turbin accompli on rechigne toujours un brin — on aurait souhaité mieux !
Du contentement ?... Saperlipopette, y a pas à tortiller, m’est avis que les plus grincheux n’ont pas trop à renauder — y a eu de la riche besogne !
Certes, ça n’a pas été tout ce qu’il y a de hurf, mais enfin, faut pas se plaindre !
Si la vieille guimbarde sociale n’a pas été foutue définitivement à cul, pas moins elle a été salement tarabustée.
Combien de temps ira-t-elle encore, traînant ses quilles cahin-caha ?
Malin qui pourrait le dire !
Toutefois, les plus rogneux conviendront qu’elle a été salement atigée.
Nom de dieu, la garce est blessée à mort !
Sa crevaison n’est plus qu’une question de temps.
Y a pas besoin d’être un grand vétérinaire, ni même d’avoir inventé le marteau à bomber les verres de lunettes pour saisir ça.
* * *
Dans l’année qui vient de casser sa pipe, il s’est fait une riche séparation : d’un côté se sont rangés tous les jean-foutre qui veulent conserver plus ou moins nature l’exploitation du populo ce sont les politicards.
Ça va des jésuites jusqu’aux socialos à la manque, en passant par toute la kyrielle de filous opportunards et radicaux.
Ces chameaux-là veulent ou bien conserver intact la vieille guimbarde, ou bien la rafistoler avec des pièces ou des morceaux, de façon à y donner une autre gueule... ; mais ce qu’ils veulent par-dessus tout, c’est tenir la queue de la poêle ousque continuera à frire le populo.
De l’autre côté se rangent les bons bougres qui n’ont pas deux liards d’ambition au ventre et qui veulent tout bonnassement couper la chique aux vacheries sociales.
Ils prétendent que si la mistoufle déborde partout, c’est parce que les salopiauds de la haute gaspillent le boulottage de centaines de familles.
Et ils ajoutent que si on veut changer ça et rétablir l’équilibre — de façon que tout le monde bouffe à sa faim et liche à sa soif, — y a pas à chercher midi à quatorze heures, ni même espérer réussir avec des cataplasmes gouvernementaux.
Y a qu’un moyen, nom de dieu : c’est un grand coup de Trafalgar qui démantibulera tout, passera comme une tempête faramineuse... Après quoi, alors que rien des vieilles dégoûtations ne restera sur pattes, on pourra respirer à son aise — on aura de l’air ! Et on ne sera pas gêné dans les entournures, de même qu’on ne gênera personne.
Turellement, un tel chambardement ne se fera pas sans avaros, c’est certain !
Mais si on voulait faire l’addition de tous les pauvres bougres qui crèvent assassinés, d’une façon ou d’une autre, par la garce de société actuelle, on trouverait que, dans une année, il tombe plus de victimes qu’on n’en écrabouillera... aussi terrible qu’on veuille imaginer le coup de chien de la Sociale.
Donc, y a pas à barguigner, y a deux partis :
Primo, les conservateurs, qui veulent une muselière, plus ou moins dorée, pour le populo, et rabâchent qu’il n’est pas encore assez mariole pour se passer de bride.
Qu’ils veuillent un gouvernement sorti des cuisses de Jupiter ou des tinettes électorales, ça n’y fait pas — c’est toujours du même tabac !
Ces oiseaux-là, ce sont des autoritaires bougrement plus dangereux pour le populo que le pire des choléras.
Et je vous le répète, les camerluches : ça commence aux ratichons pour finir aux fumistes qui cherchent à exploiter la Sociale.
En face de ces jean-foutre se dressent les anarchos : eux ne cherchent pas à décrocher de timbale. Leur dada est d’instructionner le populo, de lui prouver qu’il doit faire lui-même ses petites affaires et que s’il veut décrocher un peu de bien-être, il n’y arrivera qu’à la force du poignet.
Turellement, ils ont contre eux toute la racaille autoritaire. Dame, les autres sentent que c’est l’assiette au beurre qui leur échappe des pattes, et que les anarchos veulent la casser en mille miettes, afin que le populo s’en distribue les tessons.
Comme par le temps qui court y a guère que des avaros à encaisser, les zigues d’attaque qui se déclarent carrément anarchos ne sont pas des foultitudes.
Oh mais, faut pas croire qu’ils ne sont qu’une poignée ! Ils ont derrière eux tout le populo — qu’il arrive un coup de chabanais et on verra des anarchos sortir de partout.
* * *
Par exemple, si le populo les a à la bonne, les politicards les ont bougrement dans le nez.
On l’a vu au commencement de l’année 1892, quand les paysans anarchos des environs de Xérès se sont rebiffés contre les richards et la gouvernance.
Jusqu’aux socialos à la manque qui ont trouvé moyen d’agonir de sottises les quatre zigues d’attaque qui furent exécutés — et ça juste au moment où les crapulards espagnols les collaient à l’échafaud !
Où cette rage des politicards contre les anarchos s’est vue richement mieux, c’est quand Ravachol a foutu en vogue les petites marmites.
Nom de dieu, les gueuleries sont parties de partout, kif-kif un feu d’artifice d’ordures !
Et pourtant, y a pas à tortiller, les petites marmites sont d’un chouette effet pour secouer la flemme des prolos et leur montrer ousqu’est la route à suivre.
Nom de dieu, j’en reviens à Ravachol ! Il domine bougrement l’année qui vient de claquer.
Et derrière lui, à ses côtés, sont tombés une floppée de riches fieux qui ne sont pas des poules mouillées.
Faugoux, Etiévant, le petit Biscuit ont été envoyés au bagne !
Et pendant que ces riches gas moisissent dans les horribles prisons de la Raie Publique, les gros filons du Panama se pavanent avec les millions qu’ils ont barbotés au populo !
* * *
Ainsi, voilà les trois faits qui dominent l’année 1892 :
Primo, l’insurrection des paysans de Xérès qui a prouvé que malgré ce que jabottent les trous du cul, les anarchos comprennent et savent pratiquer l’action collective.
Deuxiémo, Ravachol, avec sa chouette application des petites marmites à la solution de la question sociale, a ouvert une route bougrement large à l’initiative et à la jugeotte individuelle.
Troisiémo, y a les voleries du Panama, qui démontrent bougrement mieux les dégoûtations du système gouvernemental actuel qu’une chiée de discours ou de tartines.
Ainsi voilà, la propagande directe, avec ses deux côtés, individuelle et collective, — faite par des zigues d’attaque ;
Puis, la propagande indirecte, faite par les grosses légumes eux-mêmes.
Nom de dieu, voilà tout en gros le bilan de l’année 1892.
Cré pétard, c’est pas de la petite bière !
Rien qu’à reluquer pareil tableau, ça vous fout du cœur au ventre, et ça vous donne de l’espoir pour l’avenir. Y a foutre pas mèche que ça aille bien loin sans qu’il y ait de la casse !