par ArchivesAutonomies
J’ai commencé l’écrire ce texte après m’être rendue une réunion organisée par las tendances EE et RS dans une section tenue par eux, à syndicalisation assez faible, ce qui fait que leur réunion de rentrée ne se voulait pas exclusivement syndicale, mais ouverte à tous. J’y suis allée dans l’espoir d’y rencontrer d’autres profs que des militants. Effectivement, des gens présents lors de la première réunion, la moitié environ, lors d’un tour de table, ont dit ne pas s’intéresser à la cuisine syndicale, mais vouloir parler de leur boulot et analyser leur situation. Je ne suis pas allée à une deuxième réunion. Mais quelques jours après celle-ci, je recevais une invitation à une prochaine séance, proposant d’y parler de l’action syndicale de la section (plus question d’y parler des syndicats), et de "la nature de l’enseignement" (plus question de parler de notre misère à nous). Alors j’ ai commencé à prendre des notes pour clarifier mes idées et pouvoir parler avec les non-syndiqués en faisant une critique précise de ce qui se présentait assez confusément de la part l’EE et RS. Et puis, à cette troisième réunion il n’y avait plus personne, je veux dire que des militants, élimination rapide !
Je n’y suis donc pas retournée, et j’’ai transformé mes notes en un texte plus général, tout en gardant comme point de départ la critique des idées gauchistes sur la question, parce que c’est de toute façon un point essentiel.
Ce texte peut donc sembler ambigu.
D’une part il critique les gauchistes point par point, d’un point de vue de prof, sur leurs idées sur l’inspection, le rôle des profs par rapport aux élèves, etc..., et peut sembler par là les considérer comme des révolutionnaires égarés, avec qui il vaudrait la peine de discuter pour leur faire découvrir leurs erreurs. D’autre part il critique l’École d’un point de vue communiste ; dans cette perspective, les gauchistes apparaissent comme l’aile gauche du Capital, et il est stupide de leur dire par exemple qu’il ne saurait être révolutionnaire de moderniser l’école, puisque les gauchistes ne sont pas, fondamentalement, révolutionnaires, mais contre-révolutionnaires.
Malgré cette opposition apparente , j’ai voulu montrer que se rejoignent la critique globale, à base théorique de l’École et du gauchisme, (qu’il aurait mieux valu faire à partir d’une caractérisation du capitalisme actuel et du communisme, si c’avait été là mon but), et la critique de l’École et des idées gauchistes sur l’École qu’on peut faire immédiatement à partir de la critique de son propre boulot de prof, à condition toutefois de ne pas se laisser abuser par les idéologies diverses qui masquent la réalité de ce boulot. C’est cela qui me parait le plus important : que ça se rejoigne.
D’où ces critiques partielles des gauchistes, elles seraient fausses si elles étaient isolées. Je les maintiens cependant, en particulier parce que ce texte pourra peut-être intéresser, non certes des militants gauchistes, mais des profs un peu paumés qui sans être gauchistes ne parviennent pas à faire une critique du gauchisme, et surtout se laissent avoir par l’argument bien connu : "Mais enfin ce sont des personnes que tu as devant toi, pas des machines !".
C’est tellement vrai que j’ai eu moi aussi (bien qu’ayant fait auparavant une critique globale du gauchisme) besoin d’écrire ce texte pour être sûre de la clarté de mes idées, pour être sûre de pouvoir expliquer et maintenir mon refus immédiat de l’attitude gauchiste en tant que prof. Il ne s’ agit donc pas de pédagogie appliquée aux autres profs ! Il y a une telle inflation de littérature gauchiste sur cette question, et cela correspond tellement à la possibilité réelle et toujours présente de se laisser avoir par l’espoir de "rapports humains" en classe, qu’on ne saurait trop essayer de clarifier les réponses, y compris point par point. (Mais il est tout aussi important de parvenir à relier ces arguments à une compréhension globale de la société. Sinon les réactions immédiates, même clarifiées, de critique de son propre boulot, ne mènent pas a grand- chose.).
Un autre point à préciser est que la fin du texte (analyse des formes d’action existant chez les profs) j’ai voulu analyser ces actions en tant que signes, ou non, d’une évolution chez les profs, et non chercher "que faire". Il est évident qu’il "faut" faire dans chaque lutte où on peut se trouver ce qu’on a envie (et ce qu’on peut) faire à chaque instant, ni plus ni moins. Il n’y a pas à craindre le réformisme si on lutte sur un point partiel, pas plus qu’il n’y a à craindre de "ne pas se faire comprendre" en allant trop loin. Il n’y a pas à chercher une tactique.
De toute façon, si une forme d’action est totalement contre-révolutionnaire (ex : les syndicats), je n’aurai jamais envi d’y être, mais si elle est ambiguë, j’aurai envie d’y être dans la mesure où je pourrai, soit y affirmer mon point de vue, soit agir en se sens. Par ailleurs et en dehors des situations de lutte qu’on ne décide guère individuellement, j’ai envie de dire ce que j’ai dit ici.
Je n’ai donc rien de bien palpitant à "proposer" : critiquer les idéologies des enseignants, n’est-ce pas se calfeutrer dans la théorie ? Et pour la pratique, s’il faut attendre des luttes de profs où l’on ait envie de faire et où l’on puisse faire quelque chose : comme c’est rare ! Entre-temps, n’ y aurait-il pas moyen de faire un petit quelque chose... dans sa classe, par exemple ?... Et c’est ainsi que l’impatience d’agir à tout prix mène tout droit à la contre-révolution. Le : "mais il faut bien faire quelque chose" est l’autre argument bien connu dont il urge de se débarrasser !
Paris, Avril 1973