par ArchivesAutonomies
A l’origine, ce texte devait comprendre une analyse historique de la question militaire par rapport à la révolution prolétarienne et à la contre-révolution capitaliste. Cette analyse devait, entre autres choses, cerner de façon critique les positions de Marx et Engels sur cette question au 19e siècle. Cette assimilation critique d’une phase passée, et de positions en parties fausses déjà, et totalement caduques aujourd’hui, à notre avis, peut seule permettre de comprendre complètement et profondément ce qu’il est de la question militaire pour la révolution et la contre-révolution de nos jours. Ce devait être la seconde partie de ce texte.
Mais très vite, après avoir entamé ce boulot, nous nous sommes aperçus que la question militaire et la question du parti étaient inséparables, tant chez Marx et Engels que dans notre propre analyse critique.
C’était un boulot trop important pour le cadre de ce texte dans cette publication, et pour la relative rapidité avec laquelle, selon nous, il fallait publier un minimum d’analyse du mouvement lycéen-étudiant, et de la question de la guerre civile. D’autant que le premier texte sur l’École était fait depuis un bout de temps déjà et attendait.
Nous remettons donc cette belle ouvrage à plus tard, le plus tôt possible cependant car les questions du parti et de l’armée sont d’importance, ne serait-ce que pour ne pas tomber dans un "léninisme" ravale à la tape-à-l’oeil !
D’autre part la rapidité même avec laquelle le texte qui suit a été rédigé a a entrainé certaines imprécisions que le mûrissement des idées supprimera ou rectifiera, on l’espère, dans le boulot ultérieur.
Enfin cela nous a contraints à adopter la forme "notes", d’où un certain manque de coordination entre les divers points traités qui peut apparaître à la lecture de l’ensemble du texte.
L’histoire se répète toujours deux fois, a écrit Marx ; la première se joue en tragédie, la seconde en farce. Sous son aspect le plus apparent.
MARS-AVRIL 73 FUT LA FARCE DE MAI 68 !
Sortant de la torpeur d’un demi-siècle de contre-révolution capitaliste ininterrompus (et pour la France près d’ un siècle [1]), le prolétariat fut "séduit" par l’aspect démocratique vivant-direct - qui prédomina tant bien que mal en Mai 68. Ce fut le temps des mots de la libération de la parole confisquée depuis si longtemps par le ron-ron parlementaire. Et à ce niveau, petite bourgeoisie se prolétarisant et bourgeoisie libérale y trouvèrent leur compte et surent - plus ou moins - traduire en théorie ce phénomène !
Bien sûr Mai 68 ce ne fut pas que cela, sinon cette libération elle-même n’ aurait pu avoir lieu ; c’était aussi la lutte de classes violente ; c’était le prolétariat se réveillant ...pour s’arrêter enfin de bosser, souvent sans revendication précise, fait qui laissait déjà percer, en négatif, la formidable revendication de la communauté humaine ne pouvant se satisfaire de mieux survivre par plus de sous ou une quelconque autogestion, même généralisée, de l’existant. Mai 68, c’était enfin l’irruption brutale du phénomène de prolétarisation des intellectuels.
Entre Mai 68 et Mars 73, il a coulé de l’eau sous les ponts. Au niveau mondial, s’est effectuée la reprise révolutionnaire que la France avait inaugurée.
68-69 : grèves ininterrompues en Italie où les syndicats dépassés, jettent du lest en entamant une mutation (chapeautage de comités de contrôle des cadences et de sortes de "conseils d’usine" plus généraux, issus du mouvement, etc.).
69 : en Belgique, les mineurs de Limbourg au cours d’une grève sans précédent attaquent violemment les syndicats dont ils saccagent les permanences.
70 : en Pologne, les violentes émeutes que l’on sait, au cours desquelles des bureaucrates du parti sont pendus.
71 : à Paris, pillage du quartier latin ; importantes grèves d’O.S. à Renault.
72 : émeutes urbaines à Madagascar ; mutineries dans de nombreuses prisons françaises ; à Paris, importante grève du métro où les syndicats sont dépassés hués par les grévistes ; en Angleterre, grèves des mineurs et des dockers allant jusqu’à l’affrontement avec les syndicats.
Et, pendant tout ce temps, d’innombrables grèves sauvages déferlent sur l’Europe et gagnent d’autres points du globe. L’absentéisme dans les entreprises se développe à allure accélérée, le sabotage du procès de production l’accompagne (surtout aux USA et en Italie)
Et tant d’autres manifestations,impossibles à citer toutes, de la réapparition du prolétariat sur la scène de la violence de classe, et qui s’ encombrent peu de démocratie.
Entre Mai 68 et Mars 73, le Capital montre de plus en plus évidemment qu’il a atteint la fin de sa super-période d’ auto-valorisation entamée après-guerre. Et il commence à se poser ses problèmes de survie ; non seulement comme il a pu se les poser chaque fois qu’il atteignait la fin du cycle de prospérité, fin permettant la réapparition révolutionnaire du prolétariat, mais comme les lui pose spécifiquement cette période particulière qui rend la révolution, communiste immédiatement possible, et où le sur-développement du Capital rend présente la perspective de la destruction de l’Humanité (théorisée à sa façon par une fraction de la bourgeoisie "libérale" : rapport du M.I.T., rapport Mansholt, écologie, etc.)
Depuis Mai 68, la prolétarisation s’est effectuée visiblement pour certains intellectuels (maitres auxiliaires, par exemple, que toute la merde journalistique, de "Rouge" à la "Nation" [2], appelle les O.S. de l’enseignement"). Les profs se sentent mal dans leur peau, et les lycéens y sont aussi pour quelque chose. Certains se suicident. D’autres se jettent à corps perdu dans le modernisme pédagogique et/ou politique ("Libération de l’École" et organisations gauchistes). Quelques uns - bien peu - parlent de la ré alité de leur misère, accèdent à une conscience révolutionnaire globale au niveau de la société. Beaucoup se barrent de l’enseignement, ne pouvant supporter ce boulot et vont vendre leur force de travail ailleurs ; ou abandonnent en cours des études incertaines, ce qui revient au même un peu plus tôt. En tout cas, la plupart de ceux qui sont nouveaux enseignants ou tentent de l’être ne l’envisagent que parce que c’est un-peu-mieux-payé et avec-un -peu-plus-de-vacances que la majorité des boulots.
Au fur et à masure que le nombre de "ceux-qui-ont-la-chance-de-faire-des-études" augmentent cela du secondaire au supérieur, le nombre de ceux qui sont certains d’être intégrés au monde du travail, au système donc, diminue, et diminue parallèlement le nombre de ceux qui sont preneurs heureux de cette hypothétique intégration future. La masse de ceux-qui-étudient le fait parce que c’est obligatoire jusqu’à un certain âge, et surtout, après et avant cet âge, pour ne pas être encore vraiment, pleinement dans la "vie qui vient".
L’école est malade, mais cette société est moribonde. Et tout acte de révolte réelle contre l’école est une contestation profonde de cette société.
Dans ce cadre, Avril 73 qui chez les lycéens-étudiants parodie Mai 68, moins les aspects de lutte violente, n’est bien qu’une farce, du point de vue révolutionnaire ! Beaucoup ont ressenti ainsi les proclamations démocratiques du mouvement ; ses mots qui de ce fait n’étaient pas mots humains, mais mots d’ordre (au sens littéral), slogans creux, niaiseries populistes ("Debré salaud le peuple aura ta peau"). La parole est désormais historiqueme’nt "libérée", si elle est ré-enchaînée périodiquement depuis 68, seul un mouvement agissant violemment contre les rapport de production et de vie peut la faire ressurgir dans sa réalité subversive.
"Assez d’actes, des mots", disait un slogan de mai 68, car en effet jusque là les seuls actes dominants étaient ceux qui faisaient fonctionner la monstrueuse machine du Capital. Aujourd’hui où le geste critique est quotidien, répandu, les actes et les mots l’action et la pensée sont devenus visiblement ce qu’ils étaient essentiellement : inséparables ; c’est la praxis révolutionnaire qui vient à l’ordre du jour.
Le retour farcesque de la démocratie a eu ses réalisations risibles dans le mouvement lycéen :
- ridicule tentative de refaire un espèce de "mouvement du 22 Mars", en instituant une manif ce jour-là. A Paris on y vit d’anciens combattants, comble du ridicule, déployer une banderolle "22 Mars 68 - 22 Mars 73" qui rayait de son trait d’union tout le développement historique réel de 5 ans !
- ridicule journal "L’entonnoir" (!) monté de toutes pièces sous-populistes par de vieilles "célébrités anarcho-maoistes", anciens manipulateurs démocratiques de foules qui retrouvaient là leur rôle banal et quotidien de bureaucrates : la farce c’est aussi la clarté !
Ce qui était profond dans les mouvements de Mars-Avril 73 (mouvement lycéen-étudiant et grèves d’O.S.) c’est que, contrairement à Mai 68, plusieurs des principales questions de notre époque étaient directement posées,pour le Capital comme pour le mouvement communiste :
- pour le premier, nécessité d’intégration illusoire, par se fétichisme qu’est la politique de nos jours, do jeunes qui traînent leur "adolescence" sociale dans le milieu incertain de l’École et de l’Université. Pour le second, nécessité d’attaque violente du système par ceux-là même qui ne peuvent, comme nous tous, devenir des hommes qu’au prix de sa destruction !
- pour le premier, nécessité d’adaptation de l’École et de l’Armée au capitalisme contemporain ; pour le second, nécessité de leur destruction.
- pour le premier, nécessité de la refonte du procès de travail dans l’entreprise ; pour le second, nécessite de la destruction du procès de travail-valorisation et de l’Entreprise.
On parlera dans un boulot ultérieur sur la révolution communiste au niveau de la production, de la réforme du procès de travail et de l’Entreprise. On va voir tout de suite ce qu’il en a été du mouvement lycéen-étudiant et ce qu’on peut déjà dire sur la réforme militaire.