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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Quelques conclusions
Négation, n°1, s.d., p. 31-37.
Article mis en ligne le 2 août 2013
dernière modification le 11 février 2018

par ArchivesAutonomies

1)- Le marxisme a été une idéologisation de la théorie de Marx. Celui-ci a lui-même participé à cette fixation, notamment dans ses écrits et positions "politiques" .
La contradiction de Marx a été de décrire la vie d’un être, le Capital, de sa naissance à sa mort, et de vivre à une époque où cet être était encore peu développé, d’ou la glorification de la politique lorsque Marx voulut traduire dans la réalité immédiate et active son analyse des rapports de production capitaliste.
Il y avait une contradiction terrible entre les possibilités pratiques du mouvement qui n’était encore que le mouvement "ouvrier", et avait des tâches surtout éminemment "politiques" à remplir (instauration de la démocratie bourgeoise républicaine et/ou de la démocratie "populaire" : 1830-1879, puis généralisation du salariat et du prolétariat : IIème Internationale), contradiction donc, entre cela et les propres conclusions dépassant le cadre de son époque précise, que tirait Marx de son analyse du capitalisme, analyse pourtant liée aux luttes fondamentalement communistes malgré cela du prolétariat d’alors. Ce que Marx disait était une critique radicale de ce qu’il pouvait faire en partie. Il en avait très conscience et le déclarait plus ou moins dans sa correspondance. Mais Marx, d’un autre côté, dans le mouvement immédiat, ne pouvait que limiter qualitativement l’apport de son travail théorique radical, (Voir, comment Marx et Engels ont été seuls, ou presque, sur le plan doctrinal, incompris même par leurs disciples : cf, Critique des Programmes d’Érfurt et de Gotha)
Marx, puis Engels, ont donc été les premiers bureaucrates et idéologues du mouvement ouvrier, involontairement. Ses écrits fondamentaux (Manuscrits de 1844, Grundrisse, Introduction à la Critique, Le Capital, etc...) ne peuvent prendre leur sens et leur vérité que maintenant, car c’est seulement maintenant que le capitalisme décrit par lui, s’est réalisé totalement, et que le communisme est la question à l’ordre du jour.
Les oeuvres de Marx ne pouvaient donc servir qu’à la formation idéologique de la bureaucratie socialiste, faite des intellectuels spécialisés dans le maniement de la dialectique et de l’économie, mais comme sphères séparées, et d’une partie de l’aristocratie ouvrière. Le théorie marxienne ne servait plus qu’à prouver la nécessité du capitalisme par la connaissance de ses "lois" (cf : Althusser) et d’éterniser ainsi les rapports capitalistes dans le pouvoir des cheffaillons et chefs syndicalistes et politiciens. Le fait que Marx se soit centré sur la critique de l’économie n’est pas là où le bât blesse ; il blesse lorsque cette critique de l’économie est considérée comme une science, et non comme le centre de la théorie de la praxis communiste du prolétariat.
Cet économisme avait comme base la nécessité de comprendre l’économie capitaliste afin de défendre le travail salarié contre le capital (social-démocratie) ou de créer le capitalisme (léninisme).
D’autre part, cette terrible dichotomie exprime la dichotomie intellectuels/manuels, que la lutte entre la bureaucratie manoeuvrière marxienne et la bureaucratie conspiratrice bakouninienne, au sein de la première Internationale, brandissait des deux côtés comme drapeau dérisoire et comme miroir déformant.
Les étapes qui mènent de Marx au stalinisme sont chacune la Vérité de la précédente : marxisme blanquiste et politicien - marxisme économiste et déterministe de la Social-démocratie - Léninisme - Stalinisme. Le trotskysme est un accident de parcours, archaïque ; quant au bordiguisme, il est la réalité fausse du marxisme de la bureaucratie, et son expression la "plus" "scientifique".
Aujourd’hui le marxisme est le discours de la classe dominante du capitalisme "oriental", et le discours universitaire tendant à dominer à l’Ouest.
L’existence de ces deux discours implique évidemment, pour eux, la censure ou la minimisation de certains écrits de Marx, la déformation ou la parcellarisation de certains autres, et la mise en évidence d’autres enfin.

2)- Les anarchistes avaient raison d’affirmer au XIXème siècle, qu’il ne saurait y avoir d’État réellement prolétarien. Cette affirmation n’était pas sans contradiction : l’idéologie du travail était exacerbée chez eux comme dans l’ensemble du mouvement "ouvrier".
En fait, la justesse de leur conception était alors réduite à être sous-utopiste [1] humaniste, quasiment religieusement. L’idéologie anarchiste n’a pas - et ne pouvait pas - échapper au sort commun des idéologues en domination formelle : à la fais traduire et mystifier la réalité du capital et des luttes de classes.
L’idéologie anarchiste (20 ans après qu’elle se soit compromise, comme tout le beau monde socialiste de l’époque, dans la 1ère guerre mondiale, Kropotkine en particulier) trouva sa vérité dans l’Espagne de 1936 où le scandale n’était pas dans la participation des leaders anarchistes au gouvernement contre-révolutionnaire républicain mais, dans la raison de cette participation : les "collectivisations" considérées par les anarchistes comme la destruction des rapports de production capitalistes, n’en furent très vite là aussi que le potentiel de généralisation et de rationnalisation malgré les prémisses prometteuses, dûes au combat de classe magnifique du prolétariat espagnol.
Il est évident que le fédéralisme anarchiste n’a rien de communiste, rien de destructeur de l’État. C’est une conception liée à l’apparition du capitalisme, utopie qui ne serait qu’une régression historique, (où les groupes de producteurs s’affronteraient sur un narché rendu "juste" par la régularisation de l’anti-État).
La communauté humaine est à la fois anarchique et centralisée et basée sur la conscience de l’homme social.
L’apport des écrits anarchistes sur ce drrnier point est considérable. même si ce ne pouvait être, alors, que des affirmations humanistes tournant au mysticisme, et donc mystificatrices.
Aujourd’hui, alors que la destruction de l’État et l’instauration de l’Anarchie Pratique est l’enjeu des luttes du prolétariat, l’idéologie anarchiste se résorbe, outre les vieilles vaisselles sales d’antan (F.A.), dans des organnsations-sectes calquant leur existence sur celle des organisations léninistes : la confusion des idéologies et leur opposition spectaculaire se fait au niveau du rackett. Cette idéologie se résorbe aussi dans de "communautés" artisanales, ou agricoles, qui, en voulant, illusoirement, revenir sur des bases de production pré-capitalistes, croient être sorti de leur misère triple de prolétaires (Eh oui !) , d’idéologues, et d’"idéologisé" (la puanteur religieuse)
Le caractère radicalement négateur du système capitaliste ; revendiquant la libération totale de l’homme, sur tous les plans, que l’on rencontre dans la littérature anarchiste révolutionnaire ; (Bakounie, Coeur de Roy, Éric Mühsam, Malatesta, Camillo Berneri, etc...) crache à la gueule des anarchistes tout comme l’oeuvre de Marx est le coup de pied au cul des marxistes.

3)- La critique des conseils ouvriers est à l’ordre du jour dans les milieux ayant dépassé le léninisme ; c’est une critique qui, généralement, escamote le problème réel en ne voyant dans les conseils allemands qu’une manifestation superficielle de la classe [2], ou en affirmant que l’opposition soviets-parti bolchevique n’existe que dans la tête des conseillistes [3]. Ceux-ci, de leur côté, font du rapport conseils-partis. une opposition rigide, presque morale : les partis ne semblent avoir aucune base matérielle, d’existence et de réalisation en tant que conscience historique substituée.
En réalité, il y a bien une opposition réelle entre conseils ouvriers et partis qui n’est autre que le potentiel d’autonomie de la classe vis-à-vis de ses représentations politiques, mais cette opposition n’est pas rigide, c’est un lieu qui les oppose c’est une opposition qui les lie les uns aux autres.
Pour le conseilliste allemand des années 20, Otto Rülhe, le prolétaire n’est prolétaire que dans l’usine, ailleurs il se comporte comme un petit bourgeois, etc... On a vu que le prolétaire était d’abord prolétaire parce qu’il n’avait aucun moyen - de production et de subsistance - de l’éviter. Cette conception conseilliste qui, alors, avait des bases réelles dues aux limites des luttes - excepté le côté idéologique de l’appellation "petit-bourgeois" - aujourd’hui est une" incompréhension totale des luttes et une entrave idéologique à la compréhension du mouvement révolutionnaire qui se reforme. Tous les néo-conseillistes (sans parler des débiles para-situs du genre G.R.C.A. dont la récente déconfiture est la seule signature) sont réduits à former des organisations politiques pour l’avènement du Pouvoir des conseils ouvriers (cf : le récent regroupement conseilliste : "Cahiers du Communisme de Conseils", de Marseille avec "Révolution Internationale" de Toulouse et Paris, et l’innénarable "Organisation conseilliste",de Clermont-Ferrand) : en somme c’est la rackett inversé des partitistes, et en plus dérisoire encore.
Cependant, s’il faut affirmer avec force que le prolétaire n’est pas prolétaire que dans l’usine, il faut aussi réaffirmer que c’est dans le procès de production que son existence est toujours plus décisive.
La réalisation de la destruction des rapports de production capitaliste repose donc, en dernier lieu, et fondamentalement, sur le négation du prolétariat dans ce procès et l’espace où il s’exerce : l’usine, alors peuvent réapparaître les Conseils en tant qu’organisations de lutte, mais leur contenu ne peut être que totalement différent et même opposé à celui des conseils ouvriers allemands et italiens et des soviets russes. Ils ne peuvent qu’être inscrits dans un mouvement de lutte destructrice qui englobera toute la réalité sociale (tout l’espace et l’ensemble des hommes prolétarisés- donc les prolétaires non productifs, et les prolétaires non travailleurs en particulier - ) dont l’État n’est plus que le régulateur policier. Ils ne peuvent être que des conseils Prolétariens - ce qui n’est pas une question de mot, vu l’unification de l’être-prolétaire -, immédiatement négateurs du procès de production-valorisation.
Comme l’écrit le camarade auteur de "Capitalisme et Communisme" [4] :
"...pour révolutionner la production, pour liquider l’entreprise, la révolution communiste est naturellement amenée à s’en servir. C’est là son levier essentiel, au moins pendant une phase. Il ne s’agit pas de prendre pied dans l’entreprise pour y rester enfermé et les gérer, mais pour en sortir et relier entre elles les entreprises, sans échange, ce qui les détruit comme entreprise.
Les conseils ne peuvent apparaître que pour se nier.
Autrement dit, comme ultime affirmation de la direction pratique du prolétariat fondamental dans le mouvement, ils peuvent réaliser la, démocratie économique et sociale, pour la détruire définitivement, en détruisant toute scission entre être et pensée, car la délégation des pouvoirs humains sur laquelle est basée toute démocratie, directe ou indirecte, ne saurait survivre à l’avènement de la communauté humaine.

4)- Le rôle de la théorie n’est que d’être l’expression globale et l’explicitation de la conscience qu’ont les prolétaires de leur situation et de leurs luttes, conscience indissolublement liée à leur pratique, et de mettre simultanément au jour et à jour le devenir du mouvement révolutionnaire. Combattre toutes les idéologies substitutives à cette conscience (autogestionnesire, organisationnelle, etc,..), fait partie de cette explicitation.
Cela implique que les "théoriciens" n’aient pas d’intérêts de classe immédiatement et historiquement différents de ceux du prolétariat s’universalisant, dans lequel ils doivent être déjà, pratiquement et socialement, inclus ; et cela implique, donc, qu’ils ne soient pas que des"théoriciens".

5)- Le travail, cet échange organique entre "l’homme-individu" et la nature, est, en fait, détruit par le mode de production capitaliste lui-même qui en fait, peu à peu, en le socialisant, une unique fonction productrice de profit, et, par là même, d’aliénation pour l’ensemble de l’humanité et de la nature. Le prolétariat doit détruire cette fonction en se niant. Ainsi, il réalise, dans un sens humainement social, la destruction du travail humain individuel ; il libère l’humanité et la nature en les reconciliant, et fonde l’activité sociale productrice qu’on peut définir comme l’échange organique entre l’homme social et la nature. ,
Les sommets de la préhistoire sont atteints lorsque le capital domine réellement et totalement le travail et la société, en tendant à détruire le milieu naturel de l’homme. Alors, le mouvement inhérent aux rapports sociaux des hommes, semble disparaître, seul apparaît le caractère fixe des choses. Mais le mouvement vit et se développe sous la marchandise-capital : tout acte productif est un mouvement social et le mode de production capitaliste est un antagonisme en actes, le développement d’une contradiction. Et au moment où le mouvement disparait spectaculairement, il vit, anonymement, invisible aux yeux de ce qui lui est extérieur. Il se développe en négateur de la fixation des choses et du capital, jusqu’à redevenir généralement visible parce qu’ envahissant les coins jusqu’à maintenant aveuglés. Par lui et dans lui, tout se remet lentement en mouvement.
Le point de rupture avec le capital est le point où le caractère mouvant de l’homme retrouvé domine le caractère fixe des choses ; avec la fin du travail, c’est ln fin de la préhistoire humaine.

"De même que le système de l’économie bourgeoise se développe peu à peu, de même aboutissement ultime de ce système, se développe peu à peu sa propre négation. Pour l’instant, nous avons en vue le processus de la production immédiate. Si nous considérons la société bourgeoise dans son ensemble, nous voyons que le dernier résultat du processus de la production sociale est la société elle-même, autrement dit l’homme lui-même dans, ses rapports sociaux. Dans ce mouvement tout ce qui possède une forme fixe (le produit, etc...) n’apparaît que comme un moment passager, le processus de la production immédiate y compris. Il en est de même pour les conditions et les réalisations de ce processus, où seuls apparaissent comme sujets les individus dans leurs rapports réciproques, qu’ils reproduisent tout autant qu’ils créent. C’est le processus constant de leur propre mouvement, où ils se renouvellent eux-mêmes dans l’acte de renouveller le monde des richesses qu’ils créent."

Karl Marx (Grundrisse. Ed. de la Pléiade)

Le communisme, comme l’amour, "c’est tout ce qui est vivant, toute spontanéité, toute expérience sensible, en un mot toute l’expérience réelle dont en ne sait jamais à l’avance d’où elle vient et où elle va."

Karl Marx (Le Sainte Famille)

6)- Pour nous, la révolution n’est, évidemment pas l’inéluctable ;
mais, l’est, en préalable, un double affrontement du prolétariat fondamental avec le capital et les couches moyennes prolétarisées et se prolétarisant. Si le prolétariat intègre ces couches à ses luttes destructrices, c’est la grande majorité des hommes prolétarisés qui affrontera le capital pour sa destruction. Si, au contraire, le prolétarien, se laisse résorber dans les luttes immédiates des couches moyennes pour la démocratie et, donc, pour le capital, les antagonismes que celui-ci suscite, par et dans son existence, entre les diverses composantes du prolétariat universel et à l’intérieur même du prolétariat fondamental, ces antagonismes ne peuvent que s’exacerber et conduire à l’autodestruction physique de l’humanité, sa négation par le capital triomphant, et n’ayant d’autre perspective que cette destruction partielle ou intégrale.
Négation du prolétariat ou négation du genre humain, tel est l’enjeu des luttes de classes, aujourd’hui. D’où l’importance de situer, déjà, la contre-révolution dans son émergence.
Nous développerons ces conclusions et les autres points essentiels de ce texte dans les parutions ultérieures.
Nous nous sommes procurés des brochures du "Pillage eu Quartier Latin". Elles sont encore disponibles.


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