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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Interview de plusieurs membres du Comité d’Action de LIP

"Quand on dit naître que ceux qui en prennent quand il prennent une initiative et que cette initiative, coup de pot, arrive à faire quelque chose de bien, il y a toute suite une organisation syndicale ou autre qui le récupère ce truc. Mais si jamais le gars qui a pris cette initiative arrive à faire une erreur, et quand on fait quelque chose ça arrive toujours de faire des erreurs, à ce moment-là on lui tombe sur le dos. Et là on ne le traite pas en tant que responsable, on le traite en tant que dissident qu’a voulu à toute force faire quelque chose et qui s’est trompé et là on est sans pitié pour lui." Extrait de l’interview page 44.

Article mis en ligne le 30 novembre 2014
dernière modification le 6 octobre 2017

par ArchivesAutonomies

Le texte de cette brochure reconstitue intégralement le contenu d’une interview qui a été faite dans les premiers jours de novembre, à Besançon, par un camarade de Paris.
Il met en présence, outre l’interviewer, plusieurs membre du Comité d’Action de LIP (A, B et X sont des hommes, C une femme) syndiqués, non-syndiqués ou ex-syndiqués.

Même si toutes les questions posées n’ont pas semblé pertinentes à tous, même si publier une interview ne signifie pas que l’on est forcément d’accord avec tout ce qui est exprimé, nous nous sommes refusés à découper ce texte, considérant que toute censure tend d’une manière ou d’une autre à substituer toute ou partie de la pensée du censeur à celle du censuré. Nous avons d’autres moyens d’exprimer ce que nous pensons.

Que si ce texte peut paraître parfois confus ou trop long à certains, il soit clair qu’il s’agit là de l’expression de travailleurs en lutte qui n’ont pas le loisir de polir leurs phrases et qui doivent sans cesse se confronter à une réalité que d’autres textes plus « cohérents » peuvent plus ou moins se permettre d’éviter.

Ceci dit, nous ne sommes ni sociologues, ni anthropologues, désireux de conserver quelques traces des LIP pour après leur disparition. Si nous publions ce texte, c’est qu’il nous a semblé refléter une position très minoritaire encore au sein de la classe ouvrière - que l’on cherche le plus souvent à faire taire-, avec laquelle nous avons nombre de points communs et qu’il nous semble important de faire connaître.

LES MAGOUILLES DE LA CFDT

Q : A table tu as parlé de choses sur les comités de soutien, et sur les gens qui veulent, dans leur boulot même, faire des choses concrètes. On n’est pas du tout au courant de ce que tu disais tout à l’heure. Est-ce que tu pourrais clarifier un peu cela ? C’est à dire, si j’ai bien compris - tu me contrediras - la façon dont les décisions sont prises. En gros, voilà.

A : Bon, par exemple pour la décision de la C.G.T., ça c’est clair. Eux, ils s’en foutent de l’avis du personnel. Ils l’ont dit en A.G. Pour l’avis de la C.F.D.T., la décision qu’ils ont prise dernièrement, ils se sont appuyés sur la liste de leurs syndiqués. C’est tout. Et l’avis de leurs syndiqués, ils l’ont bien travaillé pendant une semaine. Alors pour ça c’est toujours pareil. Ils n’ont pas suivi l’avis du personnel, quoi ! de tout le personnel. Ils n’ont pas demandé à l’A.G. de prendre position sur leur nouvelle façon de voir les choses. Ils ont juste demandé l’avis de leurs syndiqués et c’est tout.

B : Oui, de leurs syndiqués et de quelques sympathisants. C’était quand même pas beaucoup de gens. Oui.

A : Disons que ça en fait le quart, quoi, à peine.

B : Oui, dans leur local, là, ils ne rentrent pas à cent.

A : Là on était là.

B : Ah bon

A : Il y en avait à peu près deux cents.

B : Justement c’est un truc que je ne comprends pas bien. Tu vois par exemple, après avoir imposé le vote à bulletins secrets, la CGT, elle le conteste. Elle dit c’était pas réglementaire, elle cherche toutes sortes d’excuses, puis elle en arrive après à bout d’arguments à dire : « Mais de toutes façons » malgré qu’ils se soient engager la veille à dire que si le personnel décide de telle façon, même si c’est pas notre avis, s’il y a des coups à prendre, on sera là pour les prendre avec les ouvriers. Le lendemain ils contestent. A ce moment-là on était tous bien d’accord de dire que c’était des salopes. La CFDT, moi je trouve qu’elle a agi, peut-être pas tout à fait pareil, mais presque : Puisqu’elle a entraîné après une discussion des gens qui étaient quand même conditionnés à l’avance, ils ont mené leur petite campagne pendant huit jours puis ils ont posé la question à ces deux cents personnes. Et la décision qu’ils ont prise ce jour-là à deux cents elle allait justement à l’encontre de la décision qui avait été prise par l’ensemble du personnel. Alors, ils étaient plus diplomates, ils ont demandé peut-être l’avis d’un petit peu plus de gens, mais que leur décision soit bonne ou mauvaise, on peut quand même retirer ce truc-là, c’est que ça représentait environ un quart du personnel qui était de cet avis-là.

Q : Les autres trois quarts voulaient aller beaucoup plus loin d’après ce que tu as dit.

B : Dans les autres trois quarts, pas forcément, non.

A : Non c’est pas forcément les trois quarts qui avaient été d’un avis contraire. Non je veux dire qu’ils ont quand même pris une position avec un minimum de personnel quoi, c’est tout. Là de la démocratie il n’y en a pas parce qu’ils ont imposé leur position pendant huit jours, ils ont laissé un flottement ; c’est facile, depuis le lundi après le vote on aurait dû passer à l’action, on n’a pas passé à l’action, on n’a rien fait. Si, on a juste fait un tract sur la ville, qui a dû sortir le mercredi, qui a déjà mis trois jours pour se faire, et encore pas dans de bonnes conditions. On l’a distribué dans les boîtes aux lettres, je trouve pas ça tellement bon alors qu’il y avait d’autres actions à faire.

Q : Directes tu veux dire ?

A : Oui beaucoup plus directes. Moi là-dessus je leur ai donné comment je voyais l’action à mener. Ils n’ont pas voulu, ils étaient contre. Alors depuis le lundi, à la place de faire de l’action, ils ont commencé à passer dans le personnel et à dire « Ah oui, si la CGT n’est pas avec nous, on vas jamais gagner » ou « Ah ça va être dur ». Bon bien au bout de huit jours, les gens quoi, ils ont peur, c’est normal. Après on dit : bons nous on va se baser sur les compromis de Dijon. Les gens ils ont (inaudible) accepté.

Q : Qu’est-ce que tu en penses, toi ? Tu crois qu’on peut gagner sans la CGT …

C : Moi, je crois qu’on peut gagner.

Q : … C’est un vrai problème ou un faux problème ?

C : Moi je pense que la CGT c’est un faux problème, et qu’on peut très bien gagner sans la CGT. D’abord maintenant, ils sont quasiment plus rien du tout et il y a déjà même pas mal de temps, et je pense qu’on pourrait très bien se passer de la CGT et c’est pourquoi je ne comprends pas tellement l’attitude de la CFDT. Bon, je voulais reparler du compromis c’est-à-dire quand on est allé, nous, à Paris, après le vote, le fameux vote, on était tous vachement gonflés et puis j’ai été avec B à Paris avec quatre copains, on a tenu des meetings là-bas à Paris, à Orsay, à Antony, dans le 9e, le 12e. On a été vachement bien accueilli, les gens étaient vachement gonflés. Les gens disaient et bien, … évidemment c’est le texte du comité d’action qui a passé, quoi finalement, pour le vote. Nous on était vachement contents. Mais c’est justement, à mon avis, je crois que ça vient en peu du fameux texte du comité d’action, l’attitude de la CFDT. Parce que quand il y eu les élections, les gens ont voté. Et je ne crois même pas que la CFDT s’attendait à ça. Elle se trouvait dépassée par la lutte. Et ils se sont dits maintenant qu’est-ce qu’il va arriver ? Qu’est ce qu’on va faire ? Et moi, à mon avis, je ne sais pas si c’est vrai, je crois que leur confédération a commencé à lever le petit doigt et à leur dire : attention, vous êtes en train de vous faire dépasser par les comités ouvriers.

Q : de base.

C : de base. Et je crois que ça venait de là. Ce qui nous a étonnés drôlement, avec B, c’est que quand on est rentré de Paris, il s’était écoulé quatre ou cinq jours, le vote avait eu lieu le vendredi, et nous on est revenu, quand ? le jeudi et tout le monde était pareil, démoralisé ; il n’y avait plus rien. Les gens n’avaient plus confiance. Et les gens venaient de voter. Et j’ai dit, nous on était à Paris, mais qu’est-ce qui s’est donc passé, c’est depuis quand ? On m’a dit, c’est depuis le début de la semaine. J’ai dit à la section de la CFDT. Enfin, vous n’allez pas me faire croire que les gens ont voté vendredi et qu’en trois jours, comme vous avez l’air de dire, ils ont retourné leur liquette comme ça. Il y a eu quelque chose. Ils ont subi des influences. D’abord vous en avez certainement subi par votre centrale là, je ne sais pas quoi, je ne sais pas comment on les appelle, ces mecs-là-là, et puis après vous avez commencé à démoraliser le personnel. Je crois que ça vient de cela. Je crois qu’ils se sont fait flanquer une claque par leur confédération. Pour moi c’est mon avis. Et c’est pour ça qu’ils ont fait présenter un compromis qui n’avait d’ailleurs pas lieu d’être puisque Giraud était parti, en tant que négociateur et en tant qu’industriel. Pour moi, je le dis tout de go, ils ont baissé leur froc avant qu’on leur demande. Voilà, moi, c’est ma position pour le compromis et l’attitude de la CFDT et pour le moment ils sont de moins en moins actifs. On les sent vraiment dépassés par les évènements. Ils essaient de rafistoler les débris avec la CGT. Enfin tu vois y deviennent complètement minables, on se demande vraiment où on va. Je suis comme A, moi je crois qu’il faudrait quand même que tout le personnel se ressaisisse, et puis qu’on fasse quelque chose, parce que ça va vraiment pas.

« J’ETAIS DELEGUE CGT »

Q : Tu es à la CFDT depuis combien de temps ?

C : Moi ? Un mois.

Q : E toi B ?

B : Un mois.

Q : Toi aussi ?

C : Je peux pas te dire pourquoi je suis entrée à la CFDT ?

Q : Mais d’accord.

C : Je peux te le dire ?

Q : Bien sûr bien sûr, tu dis ce que tu veux, pourquoi pas ?

C : C’était pour avoir l’entrée dans leurs réunions, sans ça j’aurais pas pu. Mais tu sais, je crois pas que je vais y rester très longtemps.

Q : Et vous êtres tous les trois au CA ?

  : Oui

Q : Et toi tu disais que t’étais à la CGT avant ?

A : Oui, j’étais délégué CGT.

Q : Combien de temps ?

A : 2 ans.

Q : Et, je pose une question idiote exprès pour te provoquer un peu à la réponse, qu’est ce qui t’a fait te barrer ?

A : Et bien, ce qui m’a fait me barrer … Je suis parti fin juin, hein. Normalement je devrais être encore délégué. Je suis parti fin juin parce que, depuis le 17 avril, c’est à dire, depuis le début de la crise, enfin tout au début ça allait encore, y avait pas encore les permanents y avait pas les fédéraux, y avait rien du tout. Donc j’arrivais encore à essayer de faire pas mal de travail dans le syndicat. Ça fait 2 ans que j’y travaillais pour ainsi dire tout seul. D’abord contre eux, et après contre le patron. Souvent j’ai fait des tracts tout seul, des affiches tout seul, tout ce que j’ai fait je l’ai presque fait tout seul. Mais quand y avait que la section c’était pas bien grave pour moi, parce que au moins les autres y n’osaient pas, enfin … Mais une fois qu’y avait les fédéraux qui ont commencé à venir, à partir du mois de mai - c’est ça, depuis le mois de mai, impossible de faire quelque chose. Impossible, impossible. D’ailleurs, tous les délégués qu’il y a, bon ben, ils s’écrasent tous devant le permanent qui vient ou le fédéral, et ainsi de suite. Bon ils se mettent tous à plat ventre, les gars. Ils disent « Faut faire ça » ils font les textes et puis y faut le dire en AG. Et puis c’est tout. Aucune analyse de la part des gars de chez LIP ni rien. C’est la CGT qui parle c’est terminé. Bon alors moi j’ai essayé d’y rester le plus longtemps possible, bon ben je faisais que de m’engueuler. J’ai eu aucun résultat parce que les autres, hein, je les connais. Dans le syndicat y en a un ou 2 qui disaient quelque chose, contre moi … et puis les autres ils s’écrasaient. Y prenaient même pas position, ils étaient d’accord avec moi, mais ils le disaient pas.

C : Le drame c’est les gens qui n’osent pas prendre position.

A : Non mais écoute, M… ça fait 15 ans qu’il est délégué chez LIP, D… aussi. Bon bien c’est des vieux, ils ont confiance en eux et puis c’est fini. Bon, c’est tout, les autres sont des vieux délégués, il y en a quelques-uns de vieux, ça fait 10-15 ans qu’ils sont là, ils ont l’habitude de se faire commander. Bon parc qu’ils disent : « Bon ben c’est le vieux, il connaît mieux que nous, c’est tout. Nous on conaît pas.’ »

B : Alors voilà justement. Parce que moi il y a un fait que je comprends pas. C’est que les gars, au début du conflit, ils étaient bien conscients qu’on avait des jules-là qui étaient en train de nous mettre dans la gadoue. Ils étaient rentrés dans la bagarre moi je parle là des délégués, mais enfin les gars de la CGT en général, ils étaient entrés dans la bagarre, y en a certains qui faisaient un bon boulot. Et puis d’un seul coup ils admettent que … Ils remplacent leurs chefs qui sont des couillons contre des autres chefs qui sont des syndicalistes. Et puis en fait, ils auraient dû se rendre compte, au cours des jours qui passaient, des actions qui se développaient, la plupart du temps sans eux, qu’ils avaient remplacé leurs chefs qu’étaient des couillons par des autres chefs syndicalistes qu’étaient aussi cons. Puisqu’ils ont pu voir le premier, pourquoi ils n’arrivent pas à voir le deuxième ? On a discuté avec des gars, comme l’autre jour on discutait avec M…, ben M… il était pas du tout d’accord avec la position de la CGT. On lui a demandé « Alors qu’est-ce que tu fais maintenant ? » Ben, il nous a dit, « maintenant moi je vends l’Humanité devant le LUX parce que je suis au Parti Communiste, je suis à la CGT, se suis pas d’accord avec ce qu’ils font chez LIP ». Mais c’est comme ça. Alors il continue à vendre son Humanité. On lui a demandé à ce moment-là, mais … On lui a dit, « Alors pourquoi tu, quand tu vas par exemple dans une réunion où ils disent des trucs qui ne te plaisent pas, pourquoi tu ne le dis pas ? » Alors à ça il sait pas quoi répondre.

A : Il le dit pas parce qu’il se fait shooter tout de suite. D’ailleurs on peut pas dire qu’un gars comme M… c’est un gars qui est très très intelligent. C’est à dire, il va poser dix questions, y en aura 9 des cons. Tant pis, quoi, qu’est-ce que tu veux, mais c’est quand même un bon gars, et puis il suit. Qu’est ce que tu veux, c’est pas un gars qui a du tonus, qui a rien, bon, il pense peut-être dans sa tête ses problèmes. Il subit, c’est tout. Il subit comme les autres.

B : Je comprends assez que tout le monde est pas capable d’analyser le problème de poser 10 questions. Mais il y en a une que n’importe quel gars qui est dans la bagarre depuis le début devrait avoir l’idée de poser, quand il voit la CGT prendre une position comme elle en prend une. A savoir. Alors à ce compte-là, pourquoi on est partis dans le conflit en envisageant qu’il serait très long, on a tenu le coup 6 mois, puis, vous, maintenant, sans motif valable, parce que pour moi il n’y a pas un motif valable. Entre le moment où Giraud est parti et maintenant il s’est rien passé. Alors pourquoi, sans motif valable, ils changent de position comme ça ? la question que tout le monde pourrait se poser dans ce cas-là, c’est à savoir : « Qu’est-ce que vous cherchez ? Qu’est-ce que vous voulez ? » Ça c’est la seule question qu’on peut poser. Je crois que ça serait embarrassant pour eux.

A : Tu vois. M…, si tu parles de M…, il a été délégué avec moi un an. Quand j’étais délégué, moi avec lui, et puis, lui il était avec moi, ben il me suivait tout le temps. C’était un de ceux qui était d’accord avec moi dent tout ce que je disais, dans tout ce que je faisais. Lui c’est pas un gars à être capable de diriger quelque chose, de faire une action tout seul, tu vois, d’être assez costaud pour le faire tout seul. Il faut qu’il se fasse commander. On lui présente une idée, bon. S’il y en a deux il prend la meilleure, je suis sûr que ça serait pas celle(s) qu’il y a en ce moment, mais tu comprends, mais il faut qu’on lui soumette l’idée. S’il n’y a personne pour la soumettre il subira, ben c’est tout. Et il sait même que tout ce qu’il pourra dire ça portera pas. Il le sait.

B : Oui mais alors à partir de ce moment-là il devrait chercher l’appui de copains, puisque dans ses copains il doit y avoir quand même des gars de la CGT de chez LIP qui ont une façon de voir les choses qui est quand même différente des permanents.

A : Y en a très peu, hein.

CGT-CFDT, C’EST PAREIL

Q : Ce que t’avais l’air de dire tout à l’heure quand on bouffait, c’est que de toutes façons la CFDT, si elle est pas déjà comme ça, va le devenir, comme ça.

A : Ah oui oui oui, non mais pour moi …

Q : C’est pas une question d’être pour une chapelle ou pour une autre, c’est une question de fonctionnement interne.

A : Moi la chapelle … Moi pour l’instant je les mets les deux pareils, hein. Y en a un qui le dit clairement et pouls l’autre qui se cache derrière, alors pour moi c’est exactement pareil. D’ailleurs c’est déjà pas aujourd’hui que je le dis, je l’ai déjà dit dans un tract une fois.

Q : C’est-à-dire tu veux plus te syndiquer du tout ?

A : Ah non.

Q : Tu l’as ce tract, là ?

A : Oh ben je l’ai pas ici, je l’ai chez moi, mais …

Q : Tu pourrais m’en filer un ? Parce que c’est important de le faire connaître.

A : Il y en a un, le premier que j’avais fait, pour l’histoire des flics. Il y en a un qui disait clairement qu’il fallait pas attaquer les flics, et puis enfin pour le comité anti-répression. Il y en a un qui était contre, l’autre qui disait : « On est pour, bon, mais rien ». Et puis l’autre, « Je suis contre » et puis il fait rien. Le résultat il est toujours le même. Alors que les problèmes sont pas les mêmes. Non mais déjà, moi déjà j’ai dit, Piaget, ça fait un mois et demi, il se cache, il se laisse faire par, à ce moment-là par FO, la CGC et puis la CGT. Il se laisse déborder exprès, il arrive un moment où ils sont obligés d’adopter une position par rapport aux autres. Voilà, ça fait un mois qu’ils ses sont laissés faire, c’est ce qui s’est passé à Dijon. Moi à Dijon je lui ai dit, au Charles. Je lui ai dit « Vous êtes dégueulasses, parce que cette position-là, moi ça fait déjà un sacré moment que la sens, depuis le début août, et vous vous laissés faire exprès. » Bon ben ils disent « C’est pas vrai ». « Ecoute, je disais, du moment que moi je la vois, je vois pas pourquoi lui il la verrait pas. » Il est assez malin pour le voir. Mais ils se laissent acculer à une certaine … Alors il arrive un moment où, pof ! ils sont obligés de prendre une position par rapport aux autres, pour pas être trop forts par rapport à eux. Mais ils se sont laissés déborder exprès. C’est facile, le truc. Ils se cachent derrière les autres, et puis ils disent : « Oui, mais tu te rends compte… » Tu sais pas à quel point il en sont arrivés, dans les discussions avec Giraud, parce qu’ils les ont laissé faire. S’ils s’y étaient pris au début, avec le personnel, …

L’ATTITUDE DE LA CFDT

C : Dis alors, d’après toi, A, je voudrais que tu me dises comment tu analyses l’attitude de la CFDT. Pourquoi ils agissent comme ça ?

A : Oh pourquoi, j’en sais rien. J’ai pas encore réussi bien à trouver. De toute façon ça vient de la fédération, de la confédération. Non mais pourquoi, j’ai encore pas bien réussi à trouver.

B : Moi là il y a un truc où j’aurais une idée. C’est peut-être parce que j’assiste à pas mal de réunions de la CFDT, mais à la CFDT, contrairement à la CGT, tu as des gars, ils sont délégués dans l’usine, qui eux font pression sur Charles. Et même sur les permanents. J’ai vu des délégués CFDT dire à des permanents : « Ben tu nous fais chier ». J’ai même vu au début du conflit, quand on avait posé la question au sujet du comité d’action, que le permanent ne voulait pas répondre tout de suite, un gars qui a dit « Et bien de toutes façons, moi je suis dans la lutte chez LIP avec les gars de LIP, et si pour aller au CA il ne faut pas être délégué, alors je vous donne ma carte tout de suite. » Il l’avait balancée sur la table. Ils lui ont dit « Hé, fous-toi pas en boule », et puis ils la lui ont donnée, sa carte. Alors moi je crois que là, l’attitude de la CFDT, il y a d’une part la fédération, d’un côté, qui essaye de les tempérer, si on peut dire, mais d’autre part, il y a des délégués et d’autres qui sont pas d’accord, qui sont vraiment avec le personnel, il y en a dans le tas. Et c’est eux qui font pression sur Piaget. Piaget, moi, dans le coup, c’est le gars qui cherche. Moi je pense même qu’il en arrive à un bout, quand je le vois ces jours derniers, moi je crois qu’il en arrive à un point que si nous on arrivait à faire un projet d’action qui soit vraiment quelque chose de bien, eh bien il serait tout content de l’accueillir. Moi je le vois, des jours il est complètement paumé.

C : Je suis pas d’accord avec toi.

Q : C, tu nous parlais d’un projet d’action l’autre jour, sur Paris. Sur quoi ?

C : Oui, c’est bien pour ça, mais j’en ai vaguement parlé. Mais tu vois, tout le monde se dérobe quand j’en parle. Ce que je voudrais faire, c’est faire à Paris un immense rassemblement de … Je sais pas, moi. De la France entière, des comités de lutte, des syndicats, qu’il y ait beaucoup de monde à Paris. Des travailleurs, de tout. Eh bien j’en ai parlé quelquefois avec des gars de la CFDT, ben ils ont fait la sourde oreille, tu vois. Alors moi je pense pas que je puisse faire quelque chose toute seule, même pas à nous trois.

A : Non mais sur quel thème, sur quoi ? Parce que moi …

B : Moi, j’avais vu quelque chose, dans ce genre-là. Une action qu’on pourrait mener, comme ça.

A : Non mais le problème il est pas là, pour l’instant. Le problème c’est autre chose, le problème de l’action et puis le problème de la position de la CFDT.

C : Il faut faire des actions, puisque tu sens bien que la CFDT maintenant elle fait plus rien. Faudrait que nous on fasse vraiment quelque chose si on veut s’en sortir. Parce que nous on joue tout de même notre place, là-bas, chez Lip. Moi j’ai l’impression que c’est nos nouveaux patrons, et que nous on n’a qu’à s’écraser derrière, alors moi je suis pas d’accord.

Q : Le nombre de gens qui disent ce que tu dis, c’est incroyable, tu sais. Vous êtes pas du tout isolés, contrairement à ce que vous dites.

B : Mais justement, mais ça tous les gens … Mais C, ce qu’elle dit là, c’est exactement ce que je dirais, pareil. Mais il y a une chose. C’est qu’elle a conscience qu’on est loin d’être isolé, qu’on est d’être tout seul. Quand on avait été à la faculté de je sais plus quoi, là-bas dans la région parisienne, à Orsay, Il y a un gars qui était là dans la salle qui avait posé cette question-là. Il disait « Mais est-ce que vous pensez que vous serez encore assez forts, quand vous serez plus que 900 tous seuls, du fait que la popularité baisse. Alors moi je lui avais répondu : « Ben nous, on pense pas être 900 ». Rien que là, dans la salle, y avait déjà peut-être au moins 3 ou 400 personnes. Ça s’ajoute déjà aux 900. Et puis des groupes comme celui qu’il y a ici, et puis il y en a dans toute la France. Alors les gens, comme C. qui a vu ces trucs-là, parler dans plusieurs quartiers, y a des gens qui ont été à Marseille, il y a des gars qui ont été à Lyon, tous, eux, ils ont le sentiment d’être vachement costauds. Ils viennent ici, avec des tas de projets dans la tête, des idées qui viennent de tout le monde. Ils pensent que ça va se réaliser, et puis ils tombent sur des gens qui, ici, subissent la pression des centrales syndicales, qu’elles soient CGT ou CFDT, et qui sont complètement déballonnés. Alors c’est pour ça qu’on en voit qui deviennent complètement enragés, des gars. On a des gens comme P…, par exemple, ben il est revenu de Paris avec nous, le lendemain il est reparti à Lyon. Il est rentré de Lyon, il est resté ici une journée, reparti fin en boule, dégoûté. Il est reparti à Marseille, il est rentré que ce matin. Et il envisage de refoutre le camp ailleurs.

A : Oui, il sort ce soir.

B : A l’extérieur ça lui donne, ça le regonfle. Et lui chaque fois qu’il revient ici, avec toutes ces conneries-là, parce qu’effectivement c’est vraiment de la connerie… Si on admet, … parce que, même une question d’honnêteté, un gars qui au départ (parce qu’il faut reconnaître qu’au départ de la lutte il y avait des gens dans l’usine qui étaient pas bien d’accord pour marcher). Pour remonter ces gens-là, il a bien fallu qu’il y ait un petit peu l’influence des syndicats. Ces syndicats, ils ont remonté ces gens, ils leur ont soi-disant ouvert les yeux. Et maintenant, avec le même acharnement qu’ils ont essayé de leur ouvrir les yeux, ils essayent de les leur fermer. Manque de pot. C’est difficile à faire démarrer, un bourricot, mais une fois qu’il est parti, pour le faire arrêter, ben c’est aussi dur. E c’est ce qui arrive, on a des gens comme P…., il était pas dans les plus virulents, mais je le connais d’avant. Il était loin d’être dans les plus virulents. Et quand il a vu la position de recul qu’ils prenaient, il a dit « Eh bien, les salauds, ils ont mis 4 mois pour m’apprendre « Non aux licenciements, non au démantèlement, non … enfin il voulait se bagarrer pour les avantages acquis et tout, « moi il faudra encore au moins 4 mois pour qu’ils arrivent à me faire admettre qu’il faut que je change le contraire, que je fasse le contraire de ce qu’on a dit « . Alors lui il disait, « Moi j’ai mis 4 mois pour apprendre à me bagarrer, eh ben pour apprendre à laisser tomber il m’en faudra encore au moins autant. »

Q : C, tu nous parlais l’autre jour de gens avec qui tu bossais, qui étaient contre au début et qui ont été complètement transformés. C’est pas la peine de donner des noms, parce que c’est pas une question d’individus, mais de telle ou telle personne par exemple, qui était toujours, avant le conflit, contre les grèves, et qui t’avait même envoyé un chariot dans les jambes et qui maintenant … Enfin, plein d’exemples comme ça, de gens qui ont été vraiment bouleversés dans leur façon de penser, par le conflit général dans lequel ils ont enfin trouvé une place et une voix. Ca t’embêterait pas de nous reparler un peu de ça ? Tu vois, l’autre jour tu nous disais qu’il y avait un tas de gens, des femmes notamment, qui avant ne pensaient pas du tout en termes de lutte et qui maintenant, au contraire, sont de sacrés bagarreuses. Et comment est-ce que tu vois cette transformation en elle ?

C : Je sais pas, les gens …

B : C’est le phénomène du gars qui ouvre l’œil.

C : Je sais pas, je crois que, … oui … Déjà on venait au boulot le matin à 7 heures, on sortait à 4 heures 1/2, bon par exemple dans notre atelier, la plupart des femmes il fallait qu’elles fournissent un travail incroyable, tu vois. Elles sont aux pièces, enfin au rendement. Et puis il fallait qu’elles fassent beaucoup de travail. Alors on discutait un petit peu du programme qu’on avait regardé le soir à la télévision, le chef passait, on se dépêchait de retravailler. Enfin elles avaient aucune vue extérieure de rien du tout. Elles savaient pas. Elles pensaient qu’avec ça… Le boulot, le chef qui te dit : bosse, et puis c’est tout, quoi. Y avait rien d’autre. Alors moi je pense que la lutte ça leur a apporté autre chose, elles ont rencontré des gens, elles ont discuté, et puis elles se sont dit : “Mais après tout c’est vrai, on était peut-être des imbéciles, on travaillait comme on était complètement aliénées à nos places, et puis maintenant elles se rendent compte qu’y a autre chose. Elles se sont épanouis à travers la lutte, avec les contacts humains qu’elles ont eus autour d’elles. Moi je crois que c’est ça.

Q : Et, mais alors, le problème …

C : Même les gens qui étaient contre nous, vraiment …

Q : Tu disais, tu parlais tout à l’heure de nouveaux patrons, c’est ça la question. Oui, c’est que, si c’est simplement changer d’officiers, c’est pas foutre en l’air l’armée.

C : Mais il me semble tout de même que les gens ont conscience que les syndicats ont … sont quand même un peu les nouveaux patrons, je crois qu’il y en a beaucoup.

B : Moi j’en suis persuadé. Oh moi, je le crois pas, j’en suis sûr. Oh ben, c’est certain ça. Y a énormément de gens qui maintenant tiennent à donner leurs avis. Il est bon ou il est mauvais, mais ils disent ce qu’ils pensent alors qu’avant, c’était jamais ça. Moi j’ai vu par exemple, il y en a pas mal qui peuvent le dire, toi peut-être tu y étais, y avait une AG, hein, même au début du conflit, où il y avait des gens quand même plus, des gens qui s’intéressaient. Une AG, y avait les délégués qui expliquaient ce qui se passait. Ils disaient “Ben on vas faire des petits groupes de discussion“. Eh ben ces groupes de discussion, les premiers, il est jamais sorti que dalle, personne ne discutait pour ainsi dire. Toujours les mêmes, quoi, y en avait une vingtaine. Tout doucement, ben ça c’est transformé, et puis moi j’y étais pas ce matin, mais en AG ce matin, c’était pas contre le patron qu’ils ont gueulé, hein. C’était contre les gars qui prétendent vouloir le remplacer justement.

LES HORDES SAUVAGES

C : C’est ça. Les gens ont vachement changé, déjà. Par exemple vis-à-vis de ce qu’on appelait les éléments extérieurs. Vu qu’au début de la lutte, la CGT en particulier ne voulait absolument pas qu’entre quelqu’un chez Lip. Tous les gauchistes aux longs cheveux, et compagnie, quoi … Moi j’ai eu pas mal de difficultés avec ça depuis des années, je l’ai déjà expliqué l’autre jour. Mais moi on me disait toujours : “Oui, toi, avec tous tes copains aux grands cheveux.“ J’étais très impopulaire à l’atelier à cause de ça, puis je t’ai déjà dit que si j’avais pas eu l’appui de B, ben y a longtemps qu’on m’aurait fait foutre à la porte. Parce qu’on me disait : “Tu as trop d’idées gauchistes“… Tu vois. On me tapait dessus à cause de ça. On allait même se plaindre au chef, à plusieurs reprises. Et puis après, petit à petit, au cours de la lutte, nous avec B c’est nous qui avons commencé à faire un vrai tapage là-dessus, à vouloir absolument que les éléments extérieurs rentrent. Ben y avait … Oui mais enfin … Mais j’ai fait le boulot avec toi … j’en sais rien. Mais alors au début, on s’est vraiment imposés sur ce sujet-là. Comme on s’était faits avoir en 68, on n’a pas voulu que ça recommence. On a dit : “Vous avez demandé aux gens de venir nous aider, ils doivent rentrer. Qu’ils aient des cheveux longs ou des cheveux courts, ça n’a absolument pas d’importance. Voilà le problème. Ils doivent rentrer. “ C’est comme ça que ça a commencé, que les gens sont rentrés, on n’a jamais eu de problèmes avec les éléments extérieurs, comme ils les appellent, les hordes sauvages…

Q : Surtout ceux qui viennent des confédérations…

C : Moi j’ai eu des problèmes qu’avec la CGT, avec les pontes CGT.

Q : C’est des éléments extérieurs, ça.

C : C’est vrai, ils entraient sans notre permission, les confédérés. Ceux-là, ils étaient amenés. Ceux de la confédération sont admis. Et puis on n’a jamais eu de problèmes avec les gens, il n’y a jamais eu aucun problème.

Q : Dis-nous ce qui s’est passé le jour où une certaine personne t’a donné un coup, le jour où les flics sont arrivés.

C : Et bien je me trouvais là, quand les flics sont arrivés, et puis il y avait une discussion entre des femmes. Alors elles se disputaient, j’entendais : “Ici il y a pas de CFDT, y a pas de CGT, vous nous emmerdez, y a que des travailleurs, et c’est tout“. Alors, moi je m’approche, comme toujours, j’ai toujours le nez qui traîne un peu partout ou une oreille, et puis je dis “Qu’est-ce qu’il y a“. Je dis à Mr P. “Qu’est-ce qu’il y a ?“ Elle me dit “Ben c’est les femmes de la CGT qui disent que c’est bien fait que les flics soient là.
Alors moi je me tais à moment-là. Il y avait une femme qui était à côté de moi, une autre femme, je sais pas, elle me dit “Qu’est-ce qu’il y a ?“ Pareil. “Moi, j’ai bien entendu, ni d’une part ni d’une autre“. Et puis j’ai dit : “Ben, il paraît que la CGT dit, les femmes disent, c’est bien fait si les flics sont là“, et à ce moment-là j’ai reçu une baffe magistrale dans la figure par une personne de la CGT. Je me suis pas retournée, mais je te dirai, c’est parce que j’ai pas pu, parce qu’il y eu 4 personnes pour me retenir, enfin …

B : Y en a qu’a distribué deux trois baffes.

C : Et puis il y a aussi

B : Ils sont de l’extérieur ceux-là.

C : Il y a un truc qui m’a vachement étonnée, c’est quand j’étais allée à Paris l’autre jour, c’était les gens d’Ordre Nouveau. J’ai fait un petit rapprochement. Quand la CGT ici à Besançon parle, sur les tracts, des gauchistes ils les appellent la horde sauvage. Bon sur ces entrefaites je suis allée à Paris. La horde sauvage ça me fesait bien rigoler. Puis quand on est rentré à Besançon, devant la gare de Lyon il y avait des mecs d’Ordre Nouveau, qui vendaient leurs journaux là, leur vacherie et puis qui criaient : contre les hordes sauvages gauchistes ! Ils reprenaient exactement les mêmes termes que la CGT. Ca m’a un petit peu étonnée tu vois. Quand même. Alors ce que j’en pense, j’en sais rien. (rire étouffé). J’aime autant pas le dire.

Q : C’est clair hein ?

C : Enfin s’il y a eu des voies de fait, ça a toujours été, jusqu’à maintenant, uniquement par la CGT. Jamais.

B : Par un gars de la CGT

C : Ben par les gens. Il y en a eu trois. Il y a eu I… aussi qui a été …

B : Ah ben lui c’était pire parce qu’ils étaient au moins une dizaine.

C : Une dizaine de la CGT, oui.

Q : Qu’est-ce qui s’est passé là ?

B : Ben, c’est le lendemain de l’intervention des flics ici. Alors il y avait des gars qui se réunissaient sur l’Eglise St Philippe là. Il y avait eu la veille des bagarres avec les flics. Et L… était dans les premiers à réclamer pour qu’on fasse quelque chose pour les gars qui s’étaient faits ou blesser ou embarquer par les flics. Alors il est venu dans leur local où ils étaient en réunion pour savoir ce qu’ils pouvaient faire. Et quand il a vu comme ils le recevaient, qu’ils n’intervenaient pas, qu’ils ne voulaient rien faire et même qu’ils avaient l’air de trouver qu’il était tout à fait normal que les gars de l’extérieur, des voyous, se soient faits cabossés par les flics, “ils avaient pas besoin d’aller là-bas. C’est tout“. Alors à ce moment-là, L… s’est foutu en boule et il a dit deux ou trois petits trucs qu’étaient pas bien gentils mais qu’étaient quand même la vérité. Alors là ils sont tombés dessus à trois, quatre, je ne sais pas combien pour essayer de le cabosser.

LES VOYOUS DE CHEZ LIP

Q : Mais ces fameux voyous, il y avait pas mal de travailleurs de chez Lip ?

B : Ah oui, mais délibérément ils voulaient l’ignorer. Moi je pense que le premier soir il y avait certainement bien deux cent cinquante gars de chez Lip quand même. Au minimum c’est difficile à évaluer parce que ça représente assez long le tour de l’usine de Palente …

A : Et bien tous les soirs il y en a eu, tous les jours.

B : Ca fait un bon paquet. Mais c’est surtout le premier soir qu’il y a eu beaucoup beaucoup de monde.

A : C’est pas le premier jour qu’il y en avait le plus. Ca doit être le vendredi je crois, jeudi ou vendredi. Jeudi je crois. Il y a eu jusqu’à plus de trois mille personnes le soir, là. C’était pas le premier jour, hein, qu’il y avait le plus de monde. Les deux premiers jours il n’y en a pas eu beaucoup. Non mais le jeudi et le vendredi c’est là qu’il y en avait le plus.

Q : On voulait … L’idée c’était vraiment de reprendre l’usine ?

A : Boff !

Q : Il y avait des débrayages chez Rhodia.

NE BOUGEZ PAS LES GARS

A : C’est là qu’on ne comprends pas. On a fait un appel à la population. On est passé devant les usines, tout ça, et une fois que les gars arrivent ici ils ont dit : “les gars ne bougez pas, restez calmes“ et puis c’est tout, quoi.

Q : Qui disait ça ?

A : Et bien la CFDT. La CGT n’en parlons pas parce qu’alors là, c’est encore pire.

Q : Voilà la question. On en revient toujours à ça. Tu disais tout à l’heure à table à un copain délégué CFDT dont j’ai l’impression que d’ailleurs en secret il partage beaucoup de tes opinions, mais il ne peut pas le dire à cause de sa fonction, tu disais : on va vous laisser faire encore deux trois conneries et on va intervenir. C’est-à-dire que par là peut-être qu’il voudrait bien que vous interveniez davantage !

C : C’est ce que B dit.

B : Moi j’en suis persuadé.

Q : En tant que C.A. je veux dire.

B : Peut-être en tant que C.A. il faudrait que ce soit le personnel qui aille. Le C.A., dans le fond, pour eux, vis-à-vis de la Fédération, le Comité d’Action = zéro. Alors que si la même action est menée par des gens qu’on dénommerait autrement, c’est-à-dire le personnel, à ce moment-là ça change tout. Parce qu’il y a bien des gars qui sont allergiques à ce mot de C.A., hein. Même aussi à la CFDT.

A : Ah là là. Piaget a été clair l’autre fois. Il a bien été assez clair. Oui à une certain A.G. il a dit que : pour eux maintenant c’était aux organisations syndicales de décider. C’est tout. Et le C.A….

Q : La CFDT a dit ça ?

A : Oui, oui, c’est Piaget qui a dit ça.

C : Je ne sais pas.

A : Oui, juste avant le vote. Tu n’y étais pas. Le matin il avait dit ça en A.G. Il a dit que c’était clair et net maintenant, c’était aux organisations syndicales de décider. Un point c’est tout. Que le C.A. il avait bien rendu service jusqu’à maintenant, mais maintenant c’était fini quoi.

B : La marche

A : La marche et puis d’autre chose, pas seulement pour la marche. Non mais il a été assez clair là-dessus.

LE COMITE D’ACTION

C : Si tu veux connaître la position de M… sur le comité d’action, ça a été écrit sur un tract quand il est allé faire un meeting à Sochaux. Il y a des gens qui lui ont demandé : que représente pour vous le Comité d’Action ? Il a répondu : “Le Comité d’Action est là pour accomplir des tâches matérielles, pour laisser les délégués réfléchir à la poursuite de la lutte“. Voilà. Nous on était là pour ramasser leur merde, pour creuser les trous, là-bas, tu sais à la marche. Ils n’ont même pas voulu y aller puisqu’ils se sont barrés. Tu vois. Ca a servi a rien les tâches matérielles pour eux.

A : Non mais pour moi il n’y a pas tellement, comme tu le disais tout à l’heure, de délégués, des délégués CFDT qui pensent le contraire et puis qui ne peuvent pas. Ca c’est faux. Moi je dis si le gars il pense, il n’a qu’à le dire. C’est tout.

C : S’il est assez intelligent pour penser il n’a….

A : Au début il y en a certains qu’étaient d’accord avec le C.A. sur presque tous les points, alors que maintenant, non, non. Ils ont pris position contre ! c’est clair, c’est net. Comme P… tout à l’heure qui discutait avec moi. Celui il était vachement pour une action dure, pour tout. Pour la mécanique et tout ça. Tandis que maintenant il envoie tout ça en l’air. Lui il n’en parle plus. Il est complètement d’accord avec la position de la CFDT Et c’est lui qui l’a défendue le plus ici avec Piaget.

B : Tiens, dis, le gars que je disais qu’avait balancé sa carte sur la table tout à l’heure, c’est justement lui.

A : Ben oui, il a retourné sa veste.

Q : Il est maintenant, d’accord, si tu veux, avec les ordres venus d’en haut de la CFDT, lesquels ne font que reproduire exactement ceux venus de la CGT, alors.

B : Non, je pense quand même qu’ils sont un plus nuancés. Leurs véritables intentions c’est difficile à les connaître. On peut douter forcément. Faut voir. Quand tu te vois embarqué dans un truc comme ça où les gens peuvent se permettre de changer la position des syndicats qui théoriquement représentent le personnel, et qu’ils arrivent à décider à un petit groupe dans une petite réunion avec des gens de l’extérieur, sous prétexte, encore en plus, que c’est des permanents - parce que si on a des réunions avec des gens de l’extérieur, c’est pas des permanents - tout ce qu’ils disent ça ne peut pas être valable pour eux. Alors nous on arrive à se demander qu’est-ce qu’il peut y avoir de valable à partir du moment où on raisonnerait tous pareils. Hein ? Alors là ça justifie bien le Comité d’Action parce que le Comité d’Action c’est pas un truc où il y a des gros jules qui font des réunions qui développent des théories terribles. C’est des gars qui sont justement dans l’action, qui en font une d’action. Et eux ils combattent le Comité d’Action, et qu’est-ce qu’ils mettent … S’ils mettaient quelque chose à la place moi je suis d’accord. On ne cherche pas une étiquette, nous ; on en a rien à foutre, on ne représente pas un parti politique non plus. Hein ? Alors si on nous disait vous avez des actions qui peuvent être néfastes au mouvement, on vous l’explique et nous on vous propose quelque chose qui sera vraiment constructif. A ce moment-là on se dirait peut-être…

C : Tiens E… (quelqu’un arrive).

B : Hein ? Tu coupes tout ; là je ne sais plus ce que j’allais dire. Je ne suis pas un orateur né, moi alors. Quoi, c’est vrai, s’ils me proposent un truc, moi. Moi je te dis je vais faire tel truc moi, et toi tu me dis, ça a peut-être des inconvénients. T’as peut-être pas bien réfléchi. Nous on a bien réfléchi et puis on a décidé de faire autre chose. Et on m’explique. Moi je ne serais pas comme certains syndiqués à me dire : ça sort de la ligne syndicale. Si je pense que cette idée-là est bonne, je rentrerai dans le truc et je le ferai.

Q : Tu regardes pas l’idéologie, tu regardes la pratique.

B : Exactement. C’est valable pour tous les gars qui sont vraiment dans la bagarre. Je ne pense pas qu’il y en a un seul qui fasse une action quelconque, simplement pour dire : je fais ça parce que ça va pas plaire à la CGT ou à la CFDT. Ca c’est pas l’idée de personne, ça.

Q : Par contre, le contraire c’est peut être vrai.

B : Le contraire, c’est sûr.

Q : C’est-à-dire que … justement on parlait un peu à déjeuner.

B : J’ai l’impression qu’elle est chouette leur organisation. Tu vois par exemple. Quand tu vas rentrer dans un … quand il se pose un problème qui est assez grave pour entraîner un mouvement qui dure six mois, et puis que tu penses qu’il y a des grosses têtes dans un berlingue et sans soucis du tout qui eux depuis le départ, ils avaient fixé une limite à ce conflit, puis à se dire à partir du moment où ils iront jusque là, alors là non, c’est trop, hein. A partir du moment où on accepte ça moi je ne vois pas pourquoi on entrerait en lutte avec le patron. Enfin il y en a un qui est con et puis un autre qui a du fric et qui est pas con. Moi à mon avis on change notre cheval borgne contre un aveugle.

Q : Tu crois que ce n’est pas une question de pouvoir ? Tu as l’air de foutre en l’air le patron mais pour prendre …

B : Pour prendre sa place.

Q : Oui, pour exercer un pouvoir à sa place.

B : Oui mais ce qui nous inquiète nous, c’est qu’on a l’impression que si effectivement ils arrivent un jour à avoir le pouvoir, je pense qu’ils seront aussi fumiers que les patrons. C’est là la question.

A : Je pense qu’ils le seront encore plus, moi, c’est pas la même …

QUE FAIRE ?

Q : Bon, qu’est-ce qu’on fait ?

C : Il faudrait qu’on fasse quelque chose. Et vraiment je ne vois pas …

B : Envoyer chier tout ça et puis continuer tous seuls.

Q : Mais tous seuls, avec tous les gens qui pensent comme vous.

B : Justement. Bien sûr. Je parle justement de ceux qui sont comme nous.

C : Moi, les idées que j’ai eues de Paris, j’aimerais bien qu’elles se mettent en pratique. Quoique je vais encore te dire quelque chose, tu vois, qui te situe un petit peu. Je sais pas moi, sur le syndicat CFDT. L’autre fois il y a des gens qui sont revenus d’Italie. Il y en a qu’arrivent et qui disent : ils sont vachement gonflés, même en Italie ; ils cherchent à faire des trucs, c’est incroyable. Ils voudraient même faire une grève générale de vingt-quatre heures en Italie. Pour me soutenir. Alors d’un seul coup Piaget il a levé le bras en l’air et puis il a dit, ah là là ! pas jusque là, attendez ! Ils sont repartis comme ça, tu vois.

Femme : Que faire pour vous soutenir ?

C : On est allé à Paris, on a entendu ça, que faire pour vous soutenir ? Alors on leur a demandé de créer des comités de soutien pour qu’ils parlent de Lip dans toute la France, quoi. Alors c’est de là qu’est venue mon idée d’essayer avec des affiches, avec des tracts, avec, moi je ne sais pas

Q : Avec ça …

C : Avec ça oui, comme tu dis. Oui à faire un rassemblement à Paris. Mais un grand - pas des petits trucs comme on a fait là depuis 4 fois - qui rassemblerait 200.000 ou 300.000 personnes à Paris. Une sorte de marche sur Paris.

Q : Ca pose un problème d’organisation. Il faudrait donc que ce soit directement entre vous et eux sans passer …

C : les organisations syndicales.

Q : C’est ça la question. Ce qu’on fera à Paris.

Voix : Il y a eu trente mille personnes qui sont venues pour le Chili.

C : Nous on les a vus les gens à Paris, nous on en vient de Paris. On ne peut pas retourner à Paris pour dire : ben, voilà ce qu’il faut qu’on fasse. Il faut que ça se fasse depuis Besançon. Il faut que ça passe par …

LIP UNITE

B : Tu vois, par exemple, hier on a appris comme ça en discutant avec un gars qui venait de Dijon, qu’eux ils ont transformé Lip-Unité. Et alors ils ont trouvé que Lip-Unité ça clochait un peu, que ça risquait de faire rigoler les gens. A la place ils ont marqué Lip-Vérité. Ils prennent les articles dans Lip-Unité et ils les présentent différemment. Tu vois, ils disent eux que Lip-Unité pour le moment, forcément puisque c’est signé CGT / CFDT, et puisque maintenant, je crois même que le dernier paraît sans …

A : Et même depuis le début. Lip-Unité c’est un petit peu … Ca reflétait l’avis des syndicats. C’est tout, hein. Ca n’a jamais reflété l’avis du personnel en soit même depuis le début.

Q : Tu vois ça on ne le sait pas du tout à l’extérieur.

B : On ne le sait pas ? Tu vois moi j’ai participé une fois à la rédaction de Lip-Unité, c’est pour ça que je peux en parler. Le numéro 4 ou 5. Je ne sais plus. Et même encore à un autre beaucoup plus tard, après le 14 Août. Alors on reflétait, disons, ce que les syndicats disaient et puis un petit peu ce que le personnel approuvait. Comme personnel je ne suis pas du tout de l’avis de C, en disant que beaucoup de personnel a évolué. Je ne suis pas tellement certain là.

C : J’ai pas dit qu’il y en avait beaucoup moi. J’ai pas …

ON N’EN SERAIT PAS LA

A : Les gens ils croient à l’extérieur que le personnel Lip il a beaucoup évolué. Moi je dis à peu près 10% et c’est déjà beaucoup, 10% qui ont évolué et c’est déjà beaucoup. C’est bien dommage d’ailleurs. Ils auraient tous évolué en ne serait pas là. Mais ils ne reflètent que les grandes lignes quoi. Ils prennent les A.G. Et puis ils trient le bon, ce qui peut être dit que ça ne fasse pas de mal ni à un syndicat ni à un autre. Ils essayent de ne pas trop mettre une étiquette, quoi, mais enfin c’est le reflet de l’avis des syndicats. Le reflet du personnel, jamais il n’y est dedans, jamais, jamais, jamais. Moi, j’ai essayé de me battre pour que … Dans ce Lip-Unité il y avait de petites questions qui étaient posées par le personnel.

Q : Tu peux nous donner des exemples concrets ?

A : Dans le premier que j’avais fait je ne me rappelle plus, non. Mais je ne sais pas. Le deuxième j’avais été au tirage en ville et on parlait des flics, qui étaient venus investir l’usine et on disait : oui, pour nous c’est quand même une victoire parce qu’on est à Jean Zay. Moi j’ai dit c’est pas une victoire d’aller à Jean Zay. Moi je dis c’est une défaite d’aller à Jean Zay. Pourquoi dire que c’est une victoire ? Une victoire parce qu’on nous fout dehors et qu’on retrouve un autre local. Quelle victoire qu’il y a là-dedans ? Bon et bien eux ils ont fait passer ça comme si c’était une grande victoire. Je ne suis pas d’accord. Eux ils disaient que les gens … enfin ils parlaient pour les syndicats, quoi, qu’il fallait pas se battre et puis tout ça, qu’il fallait le calme, pas aux flics et puis tout ça. L’avis du personnel ? C’était faux. Moi j’y étais tous les soirs à me battre ; je le voyais bien. Il y en avait trois ou quatre cents tous les jours du personnel. C’est pas l’avis du personnel. Mais ça on ne veut pas en parler. On ne le dit jamais, ça.

Q : Mais quand tu y travaillais, tu as essayé de poser ces problèmes ?

A : Oui. Qu’est-ce que tu veux, moi je ne veux pas tellement dire sur les gars.

Q : C’est pas la peine de donner de noms. C’est une question de fonctionnement démocratique, ou non.

A : Non c’est démocratique… Dans le premier Lip-Unité que j’ai fait, je l’ai fait comme gars de LIP, puis tous les autres c’étaient des gars des Cahiers de Mai puisque c’est eux qui s’occupaient de ça. Bon ils ont dit : non ça ne passera pas avec les syndicats. Il ne faut pas le mettre et ainsi de suite. Dans le deuxième il y avait une majorité de gars qui étaient syndiqués. Bon bien les gars ils ont dit : Ah bien non ! Oui il y a des gars qui ont été se battre, mais il ne faut pas le dire aux gens, c’est pas important. Les syndicats ils disent comme ça. Bon c’est pourquoi je dis que les gens ils n’ont pas évolué. Piaget dit ça et bien c’est ça dans la tête des gens. C’est fini. Ils veulent pas réfléchir plus loin se c’est bien, si c’est pas bien. Leur analyse personnelle, il n’y en a pas. Ils viennent là tous les jours prendre leur dose d’intox, comme si c’était avant les cadres. C’est exactement la même chose pour moi.

Q : Tu es d’accord avec tout ça ?

C : Je suis d’accord. Tu sais quand je t’ai dit, il y a quand même des gens, c’est-à-dire que moi on parlait pas tellement d’évolution… les gens ils avaient changé ; ils ont quand même fait des choses maintenant, on n’aurait jamais cru qu’ils feraient ça il y a six mois un an. Moi je ne veux pas citer de nom, mais par exemple celui dont je te parlais l’autre fois là, qui m’a lancé sa charrette dans les jambes. On s’est bagarrés en 70, ben ces gars-là maintenant il s’occupe de tout. Il est toujours là depuis le matin 7 heures jusqu’au soir. Ca durera peut-être ce que ça durera mais l’évolution ça je suis bien d’accord avec A. Moi je l’ai déjà dit à beaucoup de gens de l’extérieur : ne vous emballez pas comme ça, on se retrouvera dans six mois, et on verra. C’est vrai, c’est quand même aussi ma position.

Q : Si tu veux c’est une espèce d’infantilisme vis à vis du chef qui donne au chef son pouvoir. D’où lui vient son pouvoir sinon des gars qui lui obéissent ? Et du gouvernement qui le reconnaît bien sûr.

A : Justement, il s’en sert bien.

B : C’est pas que je pense que tout l’ensemble du personnel il a évolué-mais moi, je vois que dans les gars qui participent maintenant, dans ceux qui participent vraiment, je suis sûr, mis à part les syndicalistes, je suis sûr qu’il y en a au moins cinquante pour cent qui il y a deux ou trois ans n’auraient rien fait du tout. Alors moi je ne veux pas dire que c’est devenu des grosses vedettes parce qu’ils ont subi un conflit de six mois, mais quand on regarde comment ils étaient et comment ils sont maintenant, il faut dire quand même malgré tout, faut dire qu’ils ont quand même évolué, c’est pas pour ça qu’ils sont encore haut hein.

A : Oui ils ont sans doute évolué, mais pas encore complètement. Sur les problèmes d’ensemble ils ont évolué. Je dois dire pour distribuer des tracts, pour faire ci pour faire ça, ils vont le faire. C’est-à dire donc que sur certains points de vue ils ont évolué. Sur tout, non. Sur l’analyse du problème, ils n’ont pas évolué.

B : Là je suis bien d’accord.

A : Là-dessus, je t’ai dit il y en a peut-être que 10%.

C : Ils se retranchent derrière l’appareil syndical. C’est souvent que je leur dit : il faudrait faire ci, il faudrait faire ça, il faudrait prendre des initiatives comme dit A, et ils disent les syndicats sont là. Il y a des délégués, on les a élus. Il faut quand même qu’ils … Comme ils disent, nous on n’ose pas.

Voix d’homme : une camarade du comité d’action disait ce matin au contraire que beaucoup de femmes avaient évolué. Elle me disait “moi avant je m’occupais juste d’avoir ma paye pour m’acheter des fringues. Et bien maintenant, le conflit c’est mon affaire et puis c’est moi qui comme les autres suis au centre des décisions, quoi.

C : J’aimerais que tu me dises qui c’est.

Voix d’homme : Je ne sais pas son nom.

A : … savoir qui c’est. Faut pas dire que ça n’existe pas, il y en a des comme ça. Mais il n’y en a pas beaucoup.

C : Je ne vois pas de personne comme tu me dis au centre du comité d’action.

Q : Justement, peut-être qu’elles ne sont pais au comité d’action.

C : Mais justement elle a dit qu’elle était au comité d’action, je ne sais pas si c’est vraiment vrai.

Voix d’homme : Oui, c’est ce qu’elle a dit, on a parlé toute la matinée ensemble …

C : Il y a A, il y a Mme. D, il y a B, il y a moi…

B : Il y en a d’autres, il y a D, il y a Mr… il y a tellement de nuances au comité d’action.

Q : Justement si tu nous en parlais un petit peu de cela. Est-ce que vous pourriez nous parler de l’éventail du comité d’action.

B : C’est vite fait. C’est normal que ce soit vite fait. Qui peut dire c’est moi qui dirige le comité d’action ?

A : Il n’est pas question de diriger le comité d’action. Moi je pense que le comité d’action il doit avoir une idée bien précise, c’est tout. On est d’accord avec cette idée-là, ou on n’est pas d’accord. Moi je dis on est au comité d’action parce qu’on veut gagner la bagarre. Un point c’est tout. Et puis on emploiera tous les moyens qu’il faut. Syndicats ou pas syndicats, aller contre ou avec, on s’en fout. Le gars qui se dit du comité d’action et qui ne veut pas employer cette théorie-là, il n’est pas du Comité d’Action pour moi.

B : Seulement tu as des gens. Tu vois là, ce matin je discute avec des gars et je leur parlais du pourcentage de gars de notre atelier qui participaient. C’était vraiment faible. Le gars en question qui connaît aussi les gars du service il me disait : “et celui-là tu le sais où est-ce qu’il est ? Et celui-là, et celui-là,“ on s’est aperçu qu’il y a six personnes dans notre service qui se réclament être du Comité d’Action à chaque fois qu’ils discutent comme ça, qui ne sont jamais là pour distribuer des tracts ou autre chose … boulot et on les voit jamais. Je vois par exemple Mme (?) qui est à la cuisine au fort. Avant elle était à la cuisine, elle, c’est une bonne femme, jamais elle dira un mot celle-là, elle n’aime pas discuter, mais enfin tu vois, elle a choisi d’aider à sa façon et elle fait tout ce qu’elle peut. Il y a un gars de notre service que je croyais qui n’avait rien foutu, mais j’ai appris par des gars qui bossent avec lui, donc, ce n’est pas de la rigolade, il fait partie du groupe des plus acharnés pour réparer les montres. Tout ces trucs-là, tu vois. Et ce gars-là il s’en cache.

Q : Y faisait ça, avant, au boulot, à l’usine ?

B : Oui oui, il continue, il fait le même boulot qu’il faisait, mais il le fait. Alors qu’ici, tu le vois de temps en temps …

Q : Autrement dit il y a des gens qui peuvent parler, et il faudrait pas se baser là-dessus pour penser que …,

B : Ce que je pense, c’est peut-être pas un gros pourcentage, mais d’un autre côté ….

A : Marcel, il faut pas confondre les gars qui travaillent comme je te dis, parce que ça c’est du travail que demandent les syndicats, ça, réparer les montres, il faut des horloges pour réparer les montres. On a vendu des montres, il faut les réparer. Mais ça veut pas dire pour ça qu’il sont du C.A. Parce que moi j’ai dit le C.A., c’est pas le gars qui veut gagner la bagarre, et qui emploira tous les moyens pour la gagner, qu’ils soient avec ou contre les syndicats. Y’en a beaucoup qui travaillent, parce qu’ils croient qu’ils travaillent, qu’ils vont sortir LIP UNITE : y dit “Moi je suis au C.A.“ - “Pourquoi, t’es au C.A. ?“ S’il est du même avis que la CGT ou la CFDT, et que la CFDT dit : “Bon, ben admet les 160 licenciements“, et puis que lui il les admet, pour moi, il est pas du C.A.

B : Si c’est comme ça, d’accord.

C : Moi je suis entièrement de l’avis de A, pour moi, c’est comme ça aussi que je le comprends.

A : parce que là, avec la fonction de travailler … C’est bien beau de travailler, tu vas tirer des tracts toute la nuit, tu sais même pas ce qu’il y a dessus, et puis à ce moment-là t’as qu’à être du C.A., et puis tu vas tirer un tract pour la CGT. Ben voilà ! Moi je suis pas d’accord.

B : Oui, oui, mais c’est d’accord, quand ça arrive à ce point-là. Mais tu vois des gars comme X, ben lui, il est pour la position des syndicats.

A : Non, mais je ne dis pas ça pour tout le monde. Je dis y’en a beaucoup qui se disent de C.A. parce qu’il font un petit travail. Ils vont distribuer un tract, mais si ça se trouve c’est aussi coller une affiche de la CGT, ou tirer un tract de la CGT ou faire un LIP UNITE qu’est complètement déphasé. Parce qu’ils veulent plus rien dire maintenant. Leur LIP UNITE, je le lis même plus.

Q : Y’a donc ? … Tu dis qu’il y a un éventail de positions à l’intérieur du C.A. ?

A : Non, mais faut dire, le C.A. c’est vague.

Q : Oui.

A : Le C.A. c’est un mouvement.

Q : C’est un mouvement plutôt qu’un parti.

A : Oui, alors il y a des fois on s’y trouve à 10, comme des fois on s’y trouve à 200. C’est ça. C’est suivant le moment ou le … Mais moi à n’importe quel moment ça se passe, je suis toujours au C.A. Alors des fois on s’y retrouve beaucoup, c’est suivant une position du syndicat ou un truc comme ça. Nous on réagit. Alors les gens réagissent en même temps que nous, ils sont d’accord avec nous. Bon, on se retrouve à 200 d’un seul coup. Puis après, les syndicats, ben ils reviennent sur une autre position, alors après tout le monde retourne au syndicat. Bon, et puis moi je retourne pas.

Q : C’est élastique quoi.

A : Oui. Moi je retourne pas.

Q : Dites-nous pourquoi.

C : Parce que. Ca on sent encore à travers les gens qui sont au C.A. qu’ils sont encore vachement conditionnés par les syndicats. Tandis que la position de A, elle est claire, elle est nette. Et puis lui il sera toujours au C.A., et contre les organisations syndicales si elles font des combines.

A : Moi je ne suis pas spécialement contre. Ce qu’on dit, on dit que si on trouve une action à faire et qu’ils sont d’accord, moi je marche avec eux, je ne dis pas le contraire, moi je ne suis pas antisyndical. Le jour où ils veulent faire quelque chose et que moi je pense que c’est pas bon, moi je dis non. C’est tout.

B : Et moi je trouve que c’est drôlement bien qu’il y ait des gars qui fassent comme ça au contraire. Parce que tu as des gars, sur une action quelconque lancée par les syndicats, si elles est bien ils participent. A partir de ce moment ils pensent pas qu’il soit utile que eux-mêmes ils cherchent une autre action, puisqu’ils jugent celle-là bien et qu’ils y participent. Et un beau jour, le syndicat prend une décision entre eux, ils la soumettent, ces mecs-là ils sont pas d’accord, et crac il se remettent au Comité d’Action et ils (?) … le syndicat. Et moi je ne crois pas que ce soit mauvais.

A : Remarque c’est pas mauvais. Moi je préférerais, moi je ne dis pas aux gens qu’ils n’aillent pas se syndiquer. D’ailleurs qu’ils y aillent moi je m’en fous pas mal, quels qu’ils soient. Tout le monde au C.A. peut-être syndiqué, hein, le problème, il est pas là, moi, tu es syndiqué t’as le doris d’aller écouter ton syndicat ? Mais si tu es au C.A. tu reviens au C.A. qu’on en discute, ce qui a été dit, ce qui doit être fait et … comme on peut mieux juger tu vois. Moi je m’en fous qu’ils soient syndiqués ou pas, mais s’ils sont au C.A., qu’ils restent au C.A.. Ca n’empêche pas d’être syndiqué.

Q : Mais le problème du pouvoir, la manière dont les décisions sont prises toi qui a été délégué pendant 2 ans, est-ce que tu penses que cette idée d’élection et de révocabilité des délégués est faisable ? C’est-à dire que les gens au lieu d’être délégués à vie ou pendant 15 ans, soient délégués pour une action précise, et que si le gens de la base trouvent que ce délégué ou cette déléguée n’a pas rempli son mandat, que cette personne puisse être démise et remplacée par une autre. Est-ce que ça te paraît, vous paraît faisable dans l’état actuel des luttes ?

A : C’est faisable, bien sûr que c’est faisable, mais pour ici, pour l’instant, ça ils en veulent pas, hein.

Q : Pour quelle raison d’après toi ?

A : Ils tiennent à leur place, Ha, ha !

Q : Qui ?

A : Par exemple cette question là je l’ai posée il n’y a pas tellement longtemps, je l’ai posée à Piaget. J’ai dit bon on va faire un comité de grève, c’est-à dire on va élire des gars qui vont diriger la lutte. Bon, les gars ils sont révocables, à un moment il assume pas ses responsabilités. Bon, on l’éliminine
et on en met un autre, c’est tout. “Ah non, on peut pas, maintenant c’est trop tard la CGT elle voudra jamais tout ça. “La CGT on n’en a rien à foutre, c’est le personnel qui décide. Ils veulent pas parce qu’ils tiennent à garder leur place, c’est claire, c’est tout. S’ils avaient pas peur pour leur place ils diraient bon ben oui, il faut le soumettre au personnel. Et c’est le personnel qui décide. Pourquoi pas ?

Q : Mais il y a quelque chose encore plus grave que ce que tu dis, peut-être. Que eux ils tiennent à leur place, tout le monde le sait ça, une fois qu’on a le pouvoir on ne veut plus le lâcher.

A : Pourquoi ? Et pourquoi pas ?

Q : Hein. Parce que ….

A : Mais au C.A., il n’y a personne qui tienne une place au C.A.

Q : Mais dis, c’est que les gens qui n’ont pas le pouvoir, qui tiennent toujours à le déléguer à d’autres c’est cela qu’est grave, tu vois ce que je veux dire. Que ceux qui l’ont ne veuillent pas le lâcher, mais que ceux qui ne l’ont pas voudraient, ne veulent pas finalement que les gens soient élus et révoquables. Parce que quand on pose la question à des gens et on leur dit pourquoi vous faites pas un comité de grève ils répondent, mais des délégués on en avait déjà. Eux ils trouvent qu’ils sont très bien comme ils sont.

B : C’est toujours pareil, tu vois, pour que ce soit valable ce truc-là, faudrait que ce soit l’ensemble du personnel qui soit de cet avis-là faut comme même reconnaître que, encore maintenant même, ce qu’il disait tout-à l’heure c’est quand même juste aussi, c’est que tu as encore pas mal de gens qui se mettent à l’abri derrière leurs délégués. Mais ce qu’il y a c’est qu’avant il y avait un pourcentage plus fort. Maintenant, ça c’est un truc aussi, moi j’ai vu des A.G. où les gens qui représentaient la CGT, ou la CFDT, ou … un syndicat, ils faisaient une grosse connerie puis tout le monde l’avalait, et tu vois ces mecs-là dirent une connerie maintenant et ils se font siffler par 300 personnes dans la salle…

A : … et ils continuent à parler.

B : Ils continuent à parler parce qu’ils n’ont pas encore réalisé que maintenant il y quand même des gens qui les regardent d’un autre oeil.

A : Oh si ils ont réalisé, ça fait longtemps. Et puis ils réagissent, d’ailleurs ils l’ont dit dans les A.G. Je vais peut-être dire quelque chose, vous allez siffler, mais je le dis quand même. Ils le savent ils le disent, et ils récupèrent tous les jours.

B : Oui, autrement dit les gens sont pas mûrs. Tu as peut-être un pourcentage beaucoup plus important qui …

Q : C’est un cercle vicieux, parce que si tu dis qu’ils ne sont pas mûrs et si les actions qui pourraient les transformer ne sont pas commencées ils ne se transformeront jamais : qu’est-ce qui peut faire mûrir ou transformer les gens sinon l’action. C’est pas autre chose. Donc tu vois on en reviens toujours à ça.

A : Oui mais l’action, il y a certaines actions il faut qu’elles soient prises par une petite minorité. Enfin …

Q : Par exemple ton idée qui commence à faire son chemin d’une marche sur Paris, du grand rassemblement, comment concrètement vous pourriez en discuter et l’organiser vous-même,

C : Faudrait en discuter entre les membres du comité d’action, parce que je crois que les syndicats ça ne va pas les intéresser. On pourrait essayer d’en parler à la CFDT …

A : Moi je pense à un truc qu’aurait pas été mal, qu’on n’a jamais fait et qu’il n’est pas trop tard pour faire. C’est faire des petites réunions à chaque fois que des gars rentrent de voyage.

C : Des petites commissions …

B : C’est drôlement intéressent. Il ressortirait que sur 10 villes de France qui ont été visitées par des groupes différents, ça représente quand même quelques milliers de gens, il est ressorti telle ou telle question. Nous par exemple lorsqu’on a été à Paris la dernière fois, c’est que tous les gens qu’on a rencontrés, sans exception, premièrement nous demandaient ce qu’ils pouvaient faire pour nous, proposaient eux-même de faire des comités de soutien et certains, ils en ont parlé de c’te marche sur Paris.

A : Moi je crois que c’est un faux problème ça. Je sais que les gens ils demandent : “Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous“ et nous qu’est ce qu’on fait nous, c’est la première question. Qu’est-ce qu’on fait ici, nous on fait rien. Comment veux-tu que les gens ils trouvent quelque chose à faire du moment que nous on fait rien déjà. Puis, quelle position on a. La CGT a une position, la CFDT a une autre position, et encore une autre partie du personnel a une autre position ; la première des choses à avoir, c’est déjà d’avoir une position.

B : Mais la plupart du temps, les gens qui ont vraiment envie de faire quelque chose et ont créé des comités de soutien avec ou sans les syndicats, la première question qu’ils posent c’est pas qu’est-ce qu’en pense la CGT ou la CFDT, c’est : “qu’est-ce qu’en pense le personnel de chez LIP ?“ Et à partir du moment…

A : Oui mais toi, du C.A., tu ne peux pas le dire ce qu’en pense le personnel de chez LIP.

B : Si.

A : Ah c’est difficile.

B : Si, parce que moi j’estime que le C.A. c’est justement le personnel …

A : Oui mais c’est pas tout le personnel.

B : … je ne suis pas opposé à ce que les gens viennent au C.A. ou n’y aillent plus. Je te dis à partir du moment où leurs idées foutent un petit peu le camp…

A : Moi je pense que c’est un petit peu trop tard. Quand la CGT elle a dit nous on fait plus rien, après le vote, là, ce qu’il fallait faire nous c’est clair et net. On les foutait dehors. Fallait les foutre dehors c’est tout.

B : Mais ça aurait pas plus à beaucoup de gens.

A : Mais non ça fait pas peur. Tu fais un comité de grève et tu les fous dehors ? Piaget et puis les autre on sera complètement à part d’eux.

B : Je te dirais que l’idée je la trouve pas mauvaise moi ? mais ce que je pense c’est que la difficulté c’est à dire ça aux gens ….

A : Non mais maintenant il est déjà trop tard, pourquoi, parce que la CFDT elle a pris les mêmes positions que la CGT. T’as vu les appels à aller s’embaucher. Qu’est-ce qu’il a dit ce matin Charles Piaget ce matin on attend le onze. Le dix il va dire d’aller s’inscrire au chômage. Ils ont pris une position de recul pour faire voir qu’ils sont plus virulents et en fin de compte ils sont exactement les mêmes, c’est tout. Ca fait deux mois qu’ils se cachent derrière leurs trucs, ils attendent que les autres agissent, ils les laissent agir et puis il y a des moments où on ne peut pas faire autrement. Regardez voir il y en a déjà 400 et ça va faire 500 qui sont chômeurs. On va être obligés d’y aller maintenant. On va être 2 ou 300 qui restent là sans être au chômage, autant qu’on y aille. C’est tout. Et puis les gens ils vont courir au chômage.

C : Ca fait la même chose pour le compromis. Piaget, il a agi exactement de cette façon-là. Pour le compromis de Dijon.

Voix d’homme : Faut rester à la Maison Pour Tous.

C : Ca c’est pas important.

A : Si c’est important. Moi je m’excuse mais c’est vachement important.

C : C’est à cause de X ça. C’est passé à cause de X. S’il était pas venu sur le podium dire : mais là-bas on sera chauffés, on restait à Jean Zay. C’est uniquement pour ça que d’un seul coup … voilà.

A : Bon bien la CGT agit en premier. Et quand ils ont agi les autres disent on peut y aller maintenant, c’est pas nous qu’on a fait … Ils appuient pour qu’on y aille. Maintenant la position qu’on avait à prendre c’était dire : bon ben nous on reste à Jean Zay, c’est tout. Puis au bout de huit jours c’était écrasé le coup. Puis après, nous on disait bon il fait froid là-haut, nous on va à la Maison Pour Tous. Mais pas être obligés tu comprends, parce qu’on baisse encore une fois le froc, comme on fait tout le temps d’ailleurs.

Q : Mais qu’est-ce qui te fait dire que c’est trop tard ?

A : Ah, pour le comité de grève ? Ah là c’est peut-être pas trop tard. Mais pour dire on fout la CGT en l’air, c’est trop tard maintenant. Puisque la CFDT a à peu près la même position.

Q : Mais elle partira toute seule si il y en a un. Comme ils sont partis de Chateaufarine le jour de la marche. Dès qu’il y a quelque chose dont la présence les dénonce en tant que réactionnaires, ils partent. Parce que le contraste est tellement grand …

C : Ca va leur être drôlement difficile de partir. Ils vont y regarder à deux fois tu sais avant de partir. Ils attendent peut-être que ce soit nous qui les foutions dehors. Moi j’ai l’impression, pourquoi, j’en sais rien.

Voix d’homme : Ils veulent se mettre en position de martyrs.

C : Oui.

LA DEMOCRATIE DU CACHE-CACHE

Y : Mais est-ce que ce ne serait pas possible plutôt de limiter leurs interventions, c’est-à-dire en Assemblée générale, la CGT parle, bien qu’elle soit très minoritaire au niveau de l’assemblée générale, elle parle à peu près la moitié du temps. Et pour une question formelle de démocratie, Piaget dit toujours : laissez-les parler, laissez-les parler. Il ne s’agit pas de dire ils n’ont pas à parler mais de dire que si ils ont l’assentiment du cinquième de l’assemblée, ils n’ont qu’à parler le cinquième du temps et on limite leur temps de parole parce que c’est une déformation de la démocratie la manière dont on les laisse parler continuellement et répéter toujours les mêmes trucs.

A : Là, se sais pas.

Y : Est-ce que c’est possible des choses comme ça ?

A : Ah ben non, c’est pas possible….

C : C’est pas possible de leur couper la parole dans la salle. Personne est capable, même pas nous.

Y : Même Piaget avec …

A : Piaget il est d’accord qu’ils parlent, je suis clair et net. Il se cache derrière eux. Ca fait deux mois que je le dis, il se cache derrière eux …

C : Et puisqu’il hochait la tête comme il fait toujours, il commençait à applaudir pour que la salle …

A : On les laisse parler et puis une fois qu’ils ont fait la connerie, ils la font eux, une semaine, quinze jours après, c’est tout. En disant qu’ils ne peuvent pas faire autrement parce que les autres l’ont fait.

Y : Mais, est-ce qu’il ne faudrait pas introduire une restriction sur la différence entre une démocratie formelle et une vraie démocratie ?

C : Si tu penses que ça peut apporter quelque chose.

A : … il ne serait jamais d’accord et c’est tout. Piaget, à un moment donné, il nous a dit : bon, ben même quand ils disent des conneries, vous les sifflez pas. Faut plus rien faire. On les laisse faire. Et puis tout ce qu’ils disent c’est vachement bien. C’est lui qui nous l’a dit. Faut plus rien leur dire, faut les laisser faire.

Y : C’est une discussion à introduire, moi je crois.

A : Oh non, jamais ils ne leur couperont la parole, alors …

Q : Les idées que tu as sur le comité de grève, ça fait pas mal de semaines, de mois, que tu, que vous les avez. Pourquoi vous les réalisez pas ?

A : Ca, ça peut venir. Moi j’en ai discuté avec Piaget, parce que j’avais pensé qu’ils pourraient être d’accord à un certain moment. Ils sont pas d’accord du tout.

Q : Tu crois que c’est l’histoire du programme commun, pour plus tard, pour se ménager une place, ou quoi ?

A : La position de la CGT elle est claire. Ont peut peut-être l’analyser, mais la position de la CFDT je ne sais pas, ne ne vois pas tellement parce que la prise du pouvoir… Je vois pas tellement comment ils pourraient prendre le pouvoir. Avec la PMU je ne crois pas qu’ils en soient à ce niveau-là (rires). Non, je ne sais pas. De toute façon ils se réservent une place, mais, je ne sais pas.

A PROPOS DE L’UNITE

Q : Ce mythe de l’unité, car c’est un mythe, …

C : Alors oui c’est un mythe.

Q : Alors à quoi il sert de ce mythe. A quoi elle sert dans cette société capitaliste cette unité syndicale.

B : Moi je crois que c’est un attrape-couillons. Tu vois il y a un truc, depuis le départ du conflit, la popularisation qu’il y a eu de faite, elle a vachement été écoutée partout, il y a des gens qui sont venus de partout. Et dans les gens qui sont venus, il y en a beaucoup qui sont venus à cause de cela. Ils disaient voilà une boîte où ils sont unis, avec les syndicats CGT, CFDT ils ont réussi un truc que nous on n’a pas réussi.

Q : Tu crois que c’est ça ? Tu crois que c’est parce que vous aviez inventé un truc radicalement nouveau ?

B : Il y avait ça, mais il y avait certainement l’unité, moi je crois. Il y a énormément de gens, moi je ne parle pas de l’extérieur des syndicats, moi je parle des syndicalistes, il y a énormément de gens qui disaient ils ont réussi à faire ça, mais pourquoi ils ont réussi à le faire ? Ils se sont posé la question et qui est-ce qui pouvait répondre à ça ? Et ils ont dit : c’est parce qu’ils sont unis. Autrement ils n’auraient jamais pu faire ça. Alors ils sont venus voir.

Q : Tu as raison, mais c’est parce que la CFDT était beaucoup plus forte et qu’elle a imposé au début quelque chose qui était …

A : Non on n’a pas été unis par les syndicats, on a été unis par les moyens d’action, c’est tout. Rien d’autre.

B : Mais non, on en fait tout un mythe de cette histoire … qu’on était unis … il y a longtemps que l’unité elle était dans la merde.

A : Le mythe il est simple, on était unis que par l’action qu’on a menée. Un point c’est tout. Alors maintenant qu’il n’y a plus d’action, il n’y a plus d’unité. C’est clair et net. Tu vas proposer une action vachement forte, bon tu vas voir le personnel il va se réunir, bof, ça y est c’est reparti. Mais tant qu’il n’y a plus d’action, bon et bien … Ca fait quelques mois qu’ils ont décidé de ne plus faire d’action. Bon c’est fini. C’est pour ça qu’il n’y a plus d’action. D’ailleurs l’unité elle a toujours été bidon avec les syndicats. L’unité avec F.O., avec la CGT mais c’est de la vraie connerie

Q : Mais il y avait unité entre la CGT et eux, ils disaient à peu près la même chose dans leurs discours.

A : Oui mais là, là le personnel il était pas consulté. Là, on se passait pas mal de l’avis du personnel, d’ailleurs moi j’ai fait un tract là-dessus, que ! … je me suis fait sonner les cloches.

Q : Par qui ?

A : Par les syndicats. Aussi bien par la CGT que par la CFDT, nom de Dieu ils étaient pas heureux, hein. J’en avais tiré un autre avant il était encore plus coriace. Mais ils n’ont rien dit l’autre d’avant. Mais alors celui-là sur l’unité, ouille là là, qu’est-ce que j’avais pas dit là. Mais les gens ils ont bien réagi pour les syndicats.

ENCORE LES SYNDICATS…

Q : En A.G. ce matin il a été question d’un tract que la mère X elle disait qu’était tiré à un million d’exemplaires, bien sûr c’était pas vrai, mais enfin un tract qui engueulait la CGT ou plutôt qui répondait à des mois, à des années d’engueulades de la CGT en disant : y’en a marre de la CGT. Et Piaget a dit on n’admettra jamais ça à la CFDT. C’est à dire quoi au fond. Quand quelques-uns ou quelques-unes à la base veulent faire un tract il faut demander en haut ? Enfin c’est inouï ça c’est pas croyable. Si on est à Besançon faut aller à Paris montrer le tract et puis revenir. Et s’ils ne sont pas d’accord, écraser, c’est grave.

A : C’est sûr que c’est comme ça qu’ils agissent les syndicats.

B : Et puis tu dis que ton tract, le deuxième, ils ont réagi. T’as vu quand ils ont réagi ? Tu as été au courant de ce qui s’est passé ? Personne n’a réagi, tout le monde l’a trouvé bien ton tract. C’est trois jours après que les gars de F.O. ont râlé après le tract, c’est à ce moment-là que tous les syndicats te sont tombés dessus. Mais tant qu’F.O. n’avait rien dit, les gens l’avaient trouvé bien … (?) leur parlant de l’unité syndicale, tout le monde avait applaudi, tu vois ce que je veux dire.

C : Ta copine (parlant à Y). Ben je vais dans le local, tu vois ce que c’est un truc pas démocratique, d’éléments extérieurs. Je vais dans le local CFDT pour prendre mon sac à main, j’avais beau frapper, personne ne me répondait, d’un seul coup ta copine elle ouvre la porte et elle me dit …

Y : Qui ?

C : Ta copine qui était avec toi ce matin à table. Elle me dit : “Je regrette, on enregistre“. Je dis moi : “Je regrette aussi mais je rentre“. On interview Mme Pierre Emile de la CFDT. Moi tu vois je ne suis pas d’accord, ça tu vois ça me fout en boule, ça.

Y : Ma copine qui a fait ça ?

C : Moi je ne sais pas … qui était avec toi, avec qui on a mangé ce midi.

Y : C’est quand même fort.

C : Je suis rentrée, j’ai pris mon sac, j’ai dit : “Mme Pierre Emile, nous on est dehors pour enregistrer. On ne nous enferme pas dans le local de la CFDT“.

Y : On respire mieux ici.

C : Elle était entrain de dire : “J’ai appris ce que c’était qu’un préfet“ moi, je suis rentrée…

A : Moi, je savais déjà. Fallait lui dire : ça ne sert à rien parce que bientôt il n’y en aura plus.

Echange peu clair entre 3 ou 4 personnes.

C : Je pourrais pas entrer chercher mon sac à main, bon sang, parce qu’on est entrain d’interviewer Mme Pierre Emile ? C’est incroyable ça.

UN TRACT SUR LA PAYE SAUVAGE

Q : Puisqu’on parle de tracts. Le tract que le C.A. a fait avant la première paye, à propos de la paye égale ou de la paye patronale.

A : Il a pas été distribué ce tract.

Q : Qu’est-ce que vous pensez de ce tract et du fait qu’il a pas été distribué ? C’était aussi pour ne pas heurter les gens de F.O. ou autres ? Pour quelle raison ?

A : Je ne sais pas. J’avais pas participé au tract. Je ne sais pas ce qu’il y avait dedans.

B : F.O. n’était pas du tout d’accord.

A : La CGT n’était pas dans le coup du tout non plus. Il y avait trois propositions, hein. Il y en avait une faite par Raguènes, une par la CGT, une par la CFDT. Alors je ne sais pas non plus j’ai pas participé à la discussion ce jour-là. Mais après une soi-disant enquête que je ne sais pas où ils l’ont fait, il en est ressorti que c’était la position des syndicats qui était acceptée par l’ensemble du personnel, à savoir la paye intégrale à tout le monde.

Q : Est-ce que tu penses qu’ils ont eu raison d’auto-censurer et de ne pas distribuer le tract ?

A : Mais je ne sais même pas si ce tract a été fait. Moi j’ai vu un projet.

Q : Il a été fait mais pas distribué.

C : Mais attends, c’est le tract de Jean Raguènes pour les 150.000F ! Moi je l’ai lu ce tract, il était impeccable. Alors ils parlaient dans ce truc de donner une somme forfaitaire …

B : … égale …

C : … à tout le monde, 150.000F à tout le monde. Eh bien voilà une position de Jean Raguènes, il s’est fait attaquer par la CFDT, on lui a dit : “tu comprends il ne faut pas distribuer ce tract, il faut donner la paye à tout le monde“. Moi, je ne sais pas ce qu’ils ont magouillé ensemble. Le lendemain, quand j’ai vu Jean Raguènes, c’était le jour où on devait distribuer le tract et il m’a dit : “ non, on ne le distribue pas, la CFDT n’est pas d’accord. Je ne veux pas faire d’histoires, voilà pourquoi il n’a pas été distribué.

A : Je ne sais pas, je ne sais pas. De toutes façons moi pour la première paye, j’étais pas d’accord.

Voix : T’étais pas d’accord pourquoi ?

A : Parce que c’était la paye du mois de Juin qu’on avait. Et au mois de Juin il n’y avait encore personne de licencié. C’est-à-dire que moi, je pensais que cette paye là on pouvait la toucher comme avant, tant qu’on n’était pas licenciés. Bon, après, le problème était différent. On était tous licenciés, on se battait tous, on aurait pu avoir une paye égale pour tous, pour la première, je sais pas, et puis comme l’histoire n’est jamais venus sur le tapis, bon et bien on n’en a jamais rediscuté. Moi je pensais pour celle-là, pour la première paye qu’on a eue qu’était celle du mois de juin, il n’y avait pas de licencié, il n’y avait rien, il fallait avoir notre paye normale, c’est tout. Après c’était différent, moi j’estime…

B : … tu as raison, c’est vrai. Ils avaient même dit, pour la prochaine on en reparlera. En fait la prochaine elle s’est faite sans qu’on en parle.

A : Pour la première, j’avais pas participé du tout, ni à la discussion ni à l’élaboration du tract, ni rien du tout.

C : Le tract il pouvait bien être distribué. Puisqu’ils avaient eu envie de le faire, il fallait bien qu’ils le distribuent. Moi aussi je suis d’accord avec toi. Moi aussi je l’ai dit. J’ai dit la première paye elle doit être normale, c’était la paye du mois de Juin.

A : Faut réfléchir hein ?, c’est bien beau d’avoir augmenté certains et diminué d’autres. Faut voir si c’est bien, faut analyser.

B : C’est pas moi qu’était contre. Tu vois moi je pense pas que j’aurais pas fait … Moi personnellement , j’en avais rien à foutre.

C : Pourtant tu y perdais drôlement.

B : J’y perdais oui, mais ça … Je regarde pas mon cas à moi, hein. Mais justement ce qu’il y a, dans le tas il y en a qui regardent leur cas à eux. Il faut pas oublier une chose c’est que dans l’ensemble du personnel vous n’avez pas rien que des O.S. et des O.P. qui tournaient autour de 150.000. Il y avait des cadres. Des petits cadres, parce que quand on parle des cadres nous, les cadres qui sont cons (ou contre ?) c’est le troisième collège, il y en a énormément qui participent à la bagarre. Moi je ne suis pas sûrs qu’ils auraient accepté de perdre 200F. ou 50 ou 80.000 balles tous les mois. Alors qu’avec les sommes que t’as affichées, on voyait commander les montres en pagaille, il y avait moyen de nous donner notre paye, pourquoi ils nous la donnait pas ? Pourquoi je paume 50.000 balles alors qu’il y a des millions qui rentrent dans la boite parce que justement je fais le boulot ?

Q : Tu sais il y pas mal de gens à qui on a parlé qui touchaient moins que 150.000 balles et qui étaient contre. Alors on va parler si tu veux. C’est tout de même plus de la politique ça. Il y a un gars qui nous a dit celui dont je vous ai parlé l’autre jour, qu’il était ouvrier depuis 12 ans et que ça faisait 36 (?) ans qu’il était chez LIP, il gagne 141.000 par mois. Il nous a montré sa feuille de paye et tout ça et tout ça. Il disait qu’il était contre, textuellement il nous a dit, que les gens qui avaient fait plus d’études que lui, gagnent la même chose que lui, il disait même ceci, moi je me suis saigné pour que ma fille puisse faire des études de médecine et je veux pas qu’elle touche le même salaire que moi, je veux qu’elle touche plus. C’est-à-dire que lui il était pas d’accord pour toucher plus que ce que le patron lui donnait avant.

Y : Qui ça ?

Q : C’est pas une question de nom. Tu vois ce que je veux dire, il y a pas mal de mecs…

A : Oui d’accord moi je suis d’accord avec cette idée-là. Pourquoi ? Parce que c’est normal dans l’état actuel des choses, que le gars, bon bah. Va supposer le fils d’ouvrier qui fait des études, bon ben le gars il va aller bosser la nuit et tout ça pour payer ses études. Y va arriver un moment où on va lui dire : tu vas gagner pas plus qu’un ouvrier ou pareil, l’mec, il va dire je me suis crevé le cul pendant dix ans à bosser des cours la journée, la nuit à travailler tout ça pour rien gagner. Moi je dis il faut qu’toute la société change pour ça.

Q : Mais la société… J’dis exprès pour provoquer, qu’est-ce que tu veux si on commence pas maintenant à faire des choses comme ça, le salariat il sera toujours là. Parce que l’idée c’est qu’il y ai plus de salariat du tout, plus d’exploiteurs, plus d’exploités, plus de gens qu’embauchent et qui vivent du travail des autres, mais pour arriver à ça il faut d’abord qu’on commence à foutre un p’tit peu en l’air ce système de salariat, et ça, c’était une mesure qu’allait dans ce sens là. Parce que le savoir quand même, le savoir, les études, enfin ça comme mythe alors y’a pas mieux.

A : Ca d’accord mais …

Q : T’est bien d’accord que les diplômes qu’on a ça recouvre rien, sinon justement des distinctions de classe.

C : Oui, mais chez les ouvriers ça se traduit pas encore de cette façon-là. Moi c’est la même chose. J’ai 2 filles qui vont à l’école, y’en a une qu’e fini, elle a fait une licence d’espagnol, d’anglais, mais tu vois j’avais dit les 2 filles elles iront jamais à l’usine, si elles ont des possibilités, elles iront jamais à l’usine. P’t’êt’qu’à ce moment-là j’étais encore un peu tout… Mais même maintenant je trouve qu’elle est bien plus tranquille par exemple (ça craint pas là-dedans (?). La deuxième elle passe son bachot cette année, mais j’espère bien qu’elle viendra jamais aussi à l’usine, tu vois je pense qu’elle pourra se débrouiller à faire autre chose, peut-être de moins con que de travailler dans une usine.

Q : Bien sûr, mais l’idée qu’elle…

C : J’crois qu’l’ouvrier il en a tellement roté jusqu’à présent, que quand il a des gosses son but c’est que son gosse il aille pas à l’usine … (Brouhaha…)

Q : Mais pourquoi pas égaliser par le haut alors.

C : Ca d’accord, la question c’est justement d’abolir la hiérarchie, non parce que la hiérarchie (?…..?) celle du patron, si on veut foutre en l’air, faut bien commencer quelque part. Alors que tout le monde gagne sinon 150 du moins 200.000F. pourquoi pas ? De toute façon cette histoire que les gens ont dit partout que si les flics repiquaient le trésor de guerre qu’ils s’engageaient à travers la France et même à l’étranger, même en Allemagne, à ce que dans chaque boîte, chaque comité de lutte paye le salaire d’un ouvrier…

B : Les premiers qu’ont fait ça, c’est les allemands.

Q : Oui, alors on peut égaliser le salaire par le haut. Mais encore une fois peut-être que le blocage est là dans le mythe du savoir. J’pose une question, hein pas une réponse, parce que moi, j’ai pas de réponse, juste pour en discuter…

B : Oui mais dans un coup comme ça, surtout au début du conflit, quand tu poses une question de ce genre-là, le premier souci, c’est à savoir si tout le monde sera d’accord. Alors ils avaient choisi …

Q : Ca il faut une grosse discussion politique.

B : Bien sûr, bien sûr. Et la grosse discussion elle a jamais eu vraiment lieu, la grosse discussion.

Q : P’têt’que ce tract s’il avait été distribué il aurait contribué…

B : Non pas comme il a été fait hein, parce que ce coup-là, ça me rappelle à force de parler, tu te rappelles peut-être pas C, qu’on avait été féliciter Piaget.

A : Moi je pense que pour l’histoire de paye, je crois pas que les gens l’admettent. Bien sûr ceux qui gagnent moins de 150.000, ils l’auraient admis…

Q : Et par en haut, et par en haut ?

A : Ah, par en haut d’accord, par en haut d’accord, mais je vois pas pour celui qui gagne 200.000 balles, qui va se retrouver avec 150.000, il va dire merde pourquoi, le patron m’avait donné 200.000, alors maintenant on va me diminuer sur ce que je gagnais.

Q : Qu’est-ce que tu disais B ?

B : La première fois où on a tant remarqué l’habilité de certains patrons du syndicat, le gars, il y a 3 questions la 1° c’était une somme à tout le monde, la 2° c’était la paye intégrale moins un pourcentage à tout le monde, le 3° c’était le salaire intégral à tout le monde plus une caisse de solidarité où chacun mettra ce qu’il veut. Et j’étais d’accord avec c’te solution puisque c’était la leur. Mais avant de poser les 3 questions pendant un quart d’heure il a expliqué au personnel que le meilleur moyen, et ci… et ça…, il a conditionné la salle et il a posé sa question, il a été applaudi, et il en a déduit que c’était bon pour tout le monde. Y’a un truc, c’est qu’il a mis un quart d’heure pour conditionner la salle, maintenant, il faudrait p’têt’ une demi heure, tu vois mais il y arriverait encore, puis il y un an il lui aurait fallu 5 minutes. Il a de plus en plus de mal à le faire, mais il arrive toujours à l’faire. Moi j’ai remarqué à l’A.G….

A : Maintenant c’est un position qu’on peut prendre, un salaire unique pour tout le monde, mais 150.000 balles, moi c’est encore faible pour moi.

B : Ouais, c’est-à-dire que moi j’pense pas moi j’pense pas que quand on a un salaire…

A : 1500 balles, les gens ils peuvent pas vivre avec ça.

C : Surtout s’il faut retirer la Sécurité Sociale.

B : Parce qu’y a un truc. Si on parle de faire un salaire unique moi je suis pas contre du tout, mais on n’est pas obligé de s’baser non plus sur le SMIC hein ? Eh oui, à partir du moment où on a la possibilité …

A : Dans d’autres condition c’est … (brouhaha)

Q : Surtout quand les gens vous disent partout on s’engage à payer tant de salaire de l’extérieur, c’est la solidarité autre chose que verbale.

Simultanément

A : … qu’on partage c’qu’on est capable de gagner.

C : Faut voir ce qu’il y a eu aussi quand on, quand ils ont fait la paye, faire une paye normale, dans les enveloppes normales, avec les calculs normaux, ça a eu un impact terrible auprès du gouvernement, beaucoup plus que si on avait donné 150.000 balles à tout le monde.

Q : C’était le départ…

C : C’était un départ terrible, la paye normale à tous les ouvriers, ça a été quelque chose de formidable, et je pense que si elle a été faite comme ça c’était bon. Et la 2° aussi. Et puis encore maintenant, je te dirais que je suis pour, oh je sais pas, j’aime autant qu’on me donne la paye qu’on a.

A : Moi je suis pas d’accord maintenant.

C : Toi t’es pas d’accord, qu’est-ce que tu veux faire maintenant. Donner une somme à tout le monde mais laquelle ? laquelle ?

A : On n’a qu’à juger combien il faut pour vivre décemment, c’est tout, et puis le donner à tout le monde. Ca donnera d’abord un exemple aux autres. Parce que ça montre que les syndicats il sont déjà cons leur machin. C’est vraiment de la fumisterie pour tenir les gars. Tout ce qu’ils font c’est demander une augmentation. Allez même chez LIP, n’importe où ; ah le coût de la vie a augmenté de 8% c’t’année. Nous on veut 8% plus 2% parce qu’il y a progression du pouvoir d’achat. Et là il y a un gars qui gagne qui gagne 100.000 balles, puis 110.000, faut être complètement cinglé. Si maintenant on estime qu’il faut 180.000 pour vivre, c’est 180.000 qu’on demande, qu’est-ce qu’on a à foutre qu’elle est augmenté de 8% ? Moi ça me regarde pas ça. J’estime que cette année il faut 180.000 balles un point c’est tout. C’est pas pour avoir 2000 balles ou 10.000 balles, qu’est-ce qu’on en a à foutre de ça ? Mais tu comprends c’est une bonne occasion pour tenir les gens tout le temps en haleine, et pour dire bon les syndicats il en faut parce qu’il y a qu’eux qui réclament pour nous et puis c’est tout.

Y : Et puis peut-être pour mobiliser sur l’action syndicale.

Tous : Oui, oui.

A : C’est de la connerie ça, c’est de la vraie fumisterie.

B : Quand les éléments les plus actifs sont trop actifs, là on leur dit, oh là, hé ffui..

C : Doucement les basses.

B : Vous êtes entrain de déconner les gars, c’est pas syndicaliste ce que vous faites là.

A : Demander 110.000 balles quand il faut 180.000.

B : Ca te fait pas rigoler ça ?

Q : Ca ne me fait pas rigoler quand je pense que c’est comme ça depuis la naissance des syndicats…

C : On y revient toujours.

Q : Que ça continue. Mais ça me fait pas rigoler, moi je veux que vous gagniez. Bordel de Dieu. Tu comprends.

A : Nous aussi, héhé.

Q : J’ai envie, il y a plein de gens en France qui veulent que vous gagniez tu comprends, c’est pour ça que ma fait pas rigoler. Mais c’est important que vous gagniez, pour tout le monde.

B : On en est conscient… C’est que le gars qui est resté ici, qui voit ses petits problèmes ici, qui voit que pour (?…) maintenant la CGT qui prend une position qui lui plaît pas, et puis le préfet, et puis les huiles de la région, il ne tient pas compte justement du soutien qu’on a à l’extérieur. Et puis il pense qu’à son petit problème à lui. Alors que s’il est un tout petit peu plus réveillé et qu’il ait circulé un peu et qu’il se soit rendu compte qu’en fait la lutte qu’existe chez nous, et qu’on mène là, elle est approuvée par beaucoup de gens qui eux-mêmes ont déjà subi le démantèlement dans leur boîte les licenciements. Il y a des fois des gars qui travaillaient, mettons je sais pas moi, chez Renault, ils ont vu…

Q (simultanément) : Aux forges d’Hennebont, tu as vu le film …

B : … 200 gars se faire foutre dehors, ils ont pas été foutus dehors eux-mêmes. Mais maintenant ils s’aperçoivent que s’ils avaient fait pareil, ils auraient pu défendre leurs 200 copains. Ils disent même dans le fond, oh làlà, à l’époque on a été un petit peu en retard. Il y a une boîte qui le fait, ils s’y intéressent, et ils essayent de la faire gagner en pensant peut-être qu’un jour nous aussi on aura un problème de licenciement et de démantèlement et tout le truc, alors nous ce qu’il faudrait, c’est que les gens soient vachement conscients que le problème LIP c’est un problème qui peut se passer dans toute la France, et qu’on se bagarre avec tous les autres. Pas avec une centrale syndicale, où il y a onze peigne-culs comme on a onze là. Ca, faudrait qu’on les oublie, ceux-là, qu’on n’en parle même plus. Faut même pas les virer, quand ils commencent à parler, on chante. Ca les ferait autant chier. Et on continue notre action nous là-dessus justement. Parce que moi je suis sûr qu’en France tu peux avoir… on a parlé … moi je sais personnellement quand à la marche, quand j’ai vu les gens à partir de 5 heures du matin arriver comme ils arrivaient, j’étais presque assis. Tu vois. Je me disais, mais c’est pas possible, vingt Dieux, qu’il en vienne tant, et puis à 10 heures du matin, les gens ils arrivaient toujours, j’ai pensé…

C : Oui, quand on a vu tous ces gens qui arrivaient en tas avec des drapeaux là, c’était quelque chose d’incroyable.

B : … ? quand c’est parti. Et quand t’as vu des gars qui revenaient d’autres villes, depuis toutes les villes de France et ben ça m’a (?) un peu. C’est qu’il était venu environ 150.000 personnes en France, mais qu’en fait il y en avait au moins un million qui s’intéressait à nous. Tu vois.

C : S’il avait fait beau.

Y : S’il avait pas plu peut-être le matin les discussions auraient permi…

C : Voilà, c’est certain.

B : C’est certain.

Q : … On l’aurait à 2 ou 300 par petits groupes.

C : Il aurait fallu faire des forums, des petits meetings, des petites discussions.

A : … de la journée, c’était prévu ça.

B : Mais si c’était prévu ça. C’était prévu toute la nuit mais on n’a pas eu de lumière. Il y avait des discussions prévues toutes la journée et même qui se seraient provoquées sans être prévues. Mais dans la merde jusqu’à la ceinture, je ne vois pas comment on aurait discuté. Les gars je ne sais pas si tu as suivi la remontée, après…

C : C’était affreux, qu’est-ce qu’on en a jeté.

B : Ah non, j’ai trouvé que c’était sensationnel. Mais ce qu’il y a, c’est que ça n’a pas été exploité comme ça aurait pu l’être, parce que …

C : … les gens remontaient tu sais, dans la boue, dans la merde, qui chantaient, c’était vraiment incroyable. S’il avait fait beau, je me demande ce que ça aurait donné.

B : … cette ambiance.

A : … ah, même pas tellement beau. Ca aurait été bien popularisé, c’est-à-dire, ça aurait été appelé à tous les niveaux …

C : Si quand même, s’il avait fait beau, ça aurait…

A : C’est rien du tout à côté de ce que ça aurait…

B : … de ce que ça aurait pu être ? Oui. Moi je pense qu’on aurait pu faire

A : Tu penses que les CGT ils ont appelé que des petites délégations juste sur la région, c’est tout. C’est tout ce qu’ils ont fait, alors.

Q : Mais cette marche sur Paris, alors ce rassemblement, pourquoi on l’organise pas ?

C : Moi je veux bien.

B : Mais moi j’en ai déjà entendu parler de c’truc-là. Faudra que je repose la question aussi là.

C : A qui ?

B : Aux grosses têtes.

C : C’est moi qui en ait parlé puisque …

B : Oui, oui tu en as parlé, mais j’en ai entendu d’autres en parler.

C : Je l’ai dit un peu partout.

A : Oui mais pas que ce soit fait encore n’importe comment.

Y : Moi je peux dire quelque chose ? Sur Paris, on peut le dire enfin qu’il y a un impact et des possibilités énormes déjà sur Paris, alors si en plus on pouvait faire venir sur Paris…

B : Mais je crois qu’il y aurait un truc à faire qui pourrait…

A : Pour faire un truc sur Paris faut le faire au moins dans… parce que si on commence maintenant, il faut le faire dans un mois et demi. Il faut un mois, un mois et demi si tu veux bien le faire.

Q : Pourquoi pas le mettre en marche pendant le colloque où il y aurait des gens de partout ?

B : Oui justement, mais le colloque, le colloque il est sous le contrôle des syndicats.

A : Oui mais là il va falloir une reprise en main sérieuse du C.A. et puis c’est tout on peut pas faire autrement.

B : D’abord ça oui, et puis en plus il faut qu’on fasse pression quand même sur la CFDT. Je ne pense pas qu’ils soient tous pourris.

A : Ca tu sais, oh moi, hein, je n’ai pas tellement d’illusions.

B : T’as vu quand on a été à la BNP, hein, t’as vu le raisonnement qu’ils avaient les gars.

A : Ah bien des syndicats … il y en a même de la CGT qui viennent ici et qui soutiennent le C.A., qui ne veulent pas de licenciements, même de la CGT qui sont venus.

B : Eh bien tu vois ce qu’ils nous disaient. C’étaient des gars de la CFDT. Eux, ce qu’ils nous demandaient, c’était que partis de Besançon, on organise quelque chose avec eux. Ils nous demandaient quand même des suggestions. Ils nous demandaient de prendre une initiative en nous disant : “on a peur que ça plaise pas aux gars de chez vous.“ C’était vachement honnête de leur part. Mais si on leur demande rien, ils ne feront rien, ça c’est certain.

Q : Un double truc si tu veux ce serait que nous, de l’intérieur, on fasse une pression, chaque fois que rentre à Paris, je ferai réécouter les bandes à mon patron pour le faire chier pour qu’il fasse l’émission et aux autres comités d’action. Je fais un travail de sape, et de plus en plus les gars qui se rendent compte qu’il faut qu’ils remettent en question leur propre fonction à l’intérieur de la Radio et il faut que vous puissiez parler en direct. Et ce qui serait chouette si vous en avez envie, et si ça vous semble bien de faire aussi pression pour parler à la Radio, que vous disiez : on a des trucs à dire et on veut parler et que ça paraisse quelque part.

B : Il faudrait qu’on s’adresse à un jules de la Radio pour qu’il nous accorde un temps de passage. Voilà !

Q : Bien sûr c’est Radio Ducon vous pourriez, à la Télé c’est hors de question à Europe I ou à Radio Luxembourg, les gens qui ont l’habitude de faire des trucs par Téléphone où on répond par téléphone et alors si vous parlez, si vous faites par exemple …

C : Comment faire pour que les C.A., les comités de soutien. Il faudrait populariser cette idée, pour que ça vienne, et faudrait comme une espèce de marche sur Paris, au Palais Bourbon, n’importe où. Allez les chercher je ne sais pas où.

X : Oui avec cinq cent mille personnes, mais ça j’en parle partout où je passe, il y a quelqu’un qui a soutenu cette idée-là. Et puis j’ai trouvé cette idée-là séduisante. C’est peut-être pas tellement facile, mais comme on n’a pas toujours fait des choses faciles depuis le début.

C : Ca on en avait déjà parlé.

Q : Tu es au C.A. toi aussi ?

 : Oui.

C : Il est surtout au C.A.

Q : Tu trouve que c’est une bonne idée ce qu’on disait ?

X : Ben oui, parce que je l’ai déjà reprise moi. J’ai pris mon bâton de pèlerin pour me promener à travers la France.

C : On en avait déjà parlé à Paris.

X : Oui, mais c’est là que l’idée est venue. Je l’aie déjà reprise l’idée. J’en ai déjà parlé.

B : Dans l’ensemble des gens avec qui tu as discuté, ils seraient favorables à l’initiative ? Dans ce genre-là justement.

X : C’est-à-dire qu’ils seraient favorables à n’importe quelle action d’envergure. J’ai dit qu’il fallait dépasser la marche sur Besançon, fallait faire plus fort et que ça, c’était peut-être une idée valable. Seulement ça il faut le préparer, il faut arriver à …

B : Parce que moi je pense quand même, on s’est posé plusieurs fois la question : si la CGT nous laissait tomber, est-ce qu’on serait assez costaud pour continuer la lutte, maintenant on se rend compte d’un truc. Tu t’en rend compte mieux que nous avec les contacts que tu as à l’extérieur. Bien souvent ce n’était des organisations syndicales que tu voyais, c’était des comités de soutien qui s’étaient formés avec des travailleurs qui ne représentaient pas forcément le syndicat. Alors toi tu t’es aperçu certainement, comme la plupart de ceux qui ont voyagé, quand ils rentraient ils disaient : “ On a été reçus par la CFDT, et ben dans ce cas-là, c’était pas mal“. Mais à chaque fois ils avaient été aussi reçus par des comités de soutien de quartier, ou de toutes sortes de choses comme ça. Et maintenant on doit bien avoir une idée à se dire …. Si au moins, par exemple, tiens moi, quand j’étais à Besançon, il y avait environ cent cinquante mille personnes. La CGT n’avait pas appelé.

Q : Non seulement elle n’avait pas appelé …

B : Elle avait démobilisé.

Q : Elle avait recouvert les affiches qui appelaient.

B : Dans certains cas même, ils avaient fait un appel, ils prétendaient…

X : Dans certains cas, ils avaient interdit à leurs adhérents d’y aller.

B : Mais…

X : Ca je le sais pertinemment.

B : Si nous on pense qu’on ne peut absolument rien leur demander, donc on ne leur demande rien, mais on s’adresse à tous, les comités de soutien. Là-dedans tu auras des gars de la CGT et de la CFDT et puis tu auras aussi des gars qui sont pas des syndiqués. Et c’est là, je crois, que tu auras le plus de monde.

X : Bien sûr, j’ai … ;

C : Il y a même des Allemands, hier qui m’ont dit qu’ils seraient d’accord pour venir à ce rassemblement ; des Allemands !

X : Alors c’est des interventions que j’ai eu à plusieurs reprises, parce que justement ça a été productif, notre voyage à Paris, parce que j’ai retenu pas mal des enseignements qu’ont a eu. J’en ai d’autres que j’ai recueillis à Marseille et dans les environs ; j’ai été à Avignon et tout ça. Alors quand j’ai dit quand on nous demande ce qu’on peut faire pour nous aider (interruption inaudible) … Alors je redis toujours la même chose : d’abord redresser l’information, car je pars du principe que l’information est mensongère. C’est la première chose, comme on sait qu’on a affaire à une épreuve de force, il faut donc qu’on puisse déployer une puissance en face du gouvernement. Il est donc indispensable de réinformer à nouveau de la façon la plus claire possible pour augmenter.

C : Je l’écharpe ce type …


notre soutien. Mais ensuite on me demande ……… Je dis aussi : il faut multiplier les comités de soutien et, presque à chaque coup, il y a des gens qui se sont fait inscrire pour former un comité de soutien partout où j’ai passé. Parce que je suis partie du principe que si les gens de la base de la CGT, et j’en ai rencontré souvent, ne suivent pas leur confédération, ils ne viendront certainement pas à la CFDT et qu’ils viendront probablement dans un comité de soutien. C’est possible.
Maintenant, il y a un gars qui m’a ouvert les yeux d’une autre façon en me disant : “Oui, mais voyons, il y a 3 millions de syndiqués en France, et puis il y a plus de dix millions d’ouvriers. En admettant qu’il n’y ait que la moitié de la CGT qui ne vienne pas avec nous, ou même toute la CGT, si on pouvait récolter avec nous, en admettant qu’il y ait 8,5 millions de personnes qui ne sont pas de la CGT, si on pouvait récolter les 8,5 millions de personnes, qu’est-ce que ça peut foutre qu’il en reste que quinze cents.

A : Il est optimiste quand même.

X : Non pas, qu’il reste un million et demi de gars de la CGT

B : Oui si tu avais déjà huit millions de personnes pour toi.

Q : (?)
Il y a beaucoup de gens inorganisés, non syndiqués, qui sont beaucoup plus à gauche que les syndicats.

X : Ben oui.

Q : Et qui sont dégoûtés par les syndicats. Comme toi.

C : Comme tous, enfin comme nous.

X : Je pars aussi du principe qu’en mai 68, parce que ce qui serait utile de recréer ce serait un mai 68, c’est pas parti des confédérations, c’est parti de la base.

B : Je suis d’accord jusqu’à un certain point, parce que en mai 68, il y a eu une connerie immense qui a été faite et puis qui justement fait notre force, nous, ça fait notre force parce qu’on l’a évité, c’est justement qu’en mai 68 chacun était enfermé dans sa boîte, on ne savait pas ce qui se passait à l’extérieur. Il y a eu des évènements à Paris, nous on les a connus, oui, mais quinze jours après. Alors que dans notre conflit à nous, ce qui a fait justement notre force, c’est qu’on s’est préparé assez efficacement dès le début pour éviter ce qui s’était passé en mai 68. Parce que moi, j’ai vu, par exemple, un jour où j’ai été assez étonné parce que j’étais peu habitué -en fait c’est très normal- mais paysans. Alors qu’en 68, les paysans ils étaient dans leur coin, les étudiants dans l’autre etc…..

Q : C’est aux barricades qu’ils étaient ensemble.

X : Justement et raison de plus si ça a pu démarrer comme ça en mai 68 c’est encore bien mieux maintenant.

C : Oh ! ben c’est sûr

X : C’est certain. C’est ce qu’on dit.

B : Ca peut être dix fois mieux.

C : Parce que en mai 68, on s’est fait drôlement hum, hum, on s’est fait castrer à, hein, à la base.

Q : Et ben, dis le, par les organisations syndicales.

X : Oui, mais alors là, justement encore une victoire, parce que j’estime que c’est une victoire, on a obligé la CGT à se dévoiler, parce que c’est le travail qu’ils font partout depuis longtemps et puis, maintenant c’est officiel.

B : Ah oui maintenant. Il y a beaucoup de gens qui, avant, pouvaient en douter, mais maintenant s’ils regardent, ils voient. Parce que quand on a vu, par exemple, les problèmes qu’il y a eu dans l’organisation de la marche, à savoir où on mettrait le groupe paysan, où on mettrait ci, où on mettrait ça, ben ils en avaient déduit que le plus facile c’était de pas les inviter, ou alors ils venaient, mais comme ça, c’est tout. On peut pas dire qu’ils ont travaillé pour organiser cela.

Q : Tu parles de qui là ?

B : Des syndicats. Les syndicats ils n’ont jamais essayé de rapprocher les ouvriers-paysans dans le problème LIP. Il y a des ouvriers-paysans qui sont venus, ils ont été bien reçus dans la mesure où ils amenaient du gruyère ou une vache à couper en petits bouts. Mais ils ont jamais eu vraiment des contacts avec les syndicats. Les contacts vraiment amicaux qu’ils ont pu avoir, c’est avec des gars du CA qui s’intéressaient à leurs problèmes, qui les comparaient aux nôtres. C’est ça.

X : Pour la marche effectivement, ce sont, comme disait D.M., les esclaves du CA qui ont fait la marche avec les bonnes volontés du personnel, mais qu’on peut aussi classer parmi les membres du CA -pour contrer ce que disait M. Vito, enfin ce monsieur Roland Vito à Marseille, en disants que les gens du CA étaient réduits à une dizaine de personnes qui y croyaient.

C : Vito, il paraît qu’il a fait une belle boulette à Marseille avec le CA. On s’est disputé avec lui.

X : Le CA c’est beaucoup de gens, c’est le restaurant, c’est la production, c’est la paye, c’est toute la structure. Mais pour la marche, c’est le C.A, le comité de coordination qui a fait la marche. On avait prévu un certain nombre de choses, entre autres on avait pas voulu évincer les organisations politiques d’extrême-gauche surtout. Et on avait prévu un immense stand de presse où tout le monde pourrait s’exprimer, déposer leurs journaux, enfin leurs brochures et tout ça, s’expliquer. Et puis ça nous a été absolument refusé par la CGT qui a dit : “Ce sera un stand de presse syndicale“. Alors on a éclaté de rire et on a dit “ Vous allez voir ce que vous allez voir“. Effectivement, on a bien vu. D’ailleurs quand je me suis trouvé à Nantes dans le courant de la semaine, je me suis retrouvé avec des gars d’extrême-gauche, et ils m’ont demandé s’ils auraient quelque chose et je leur ai dit : “Vous n’aurez rien, mais je compte sur vous“, et ils m’ont dit : “Tu peux compter sur nous“. Et j’ai été satisfait…

Q : Faudrait pas que les organisations d’extrême-gauche remplacent les syndicats qui, eux mêmes, remplacent le patron. C’est un peu une tendance, faudrait pas que ça devienne une nouvelle religion.

X : C’est absolument pas ça

Q : Non c’est dans…
C’est des magouilleurs aussi

X : C’est absolument pas ça, parce que d’ailleurs Piaget a dit : “On s’attendait quand même pas à voir l’UDR venir à la marche“. Maintenant, de la même façon, je pense qu’on est devenu des révolutionnaires pour la seule raison qu’on a fait des actes de révolutionnaires. D’avoir vendu des montres et accepté le pays sauvage. Ce sont des actes révolutionnaires. On est donc révolutionnaires de fait, puisque… Il est parfaitement évident que les organisations d’extrême-gauche, on est tout près d’eux. Maintenant j’ai jamais vu personne intervenir officiellement pour dire aux gens de … Ce qu’ils ont fait, c’est dire “Tu viens avec nous à tel endroit, tu viens avec nous à tel endroit, tu t’expliqueras“. Mais il n’y en n’a jamais eu aucun qui ont fait pression sur moi pour me dire : “Tu vas dire ceci, tu vas dire cela“. D’ailleurs je ne suis pas tout seul. On est allé à Milan avec J.. Ils ont été d’une correction parfaite et puis j’ai dit ce que j’ai voulu. C’est à dire, on a fait mieux que ça, on a fait un texte en commun. On a dit exactement ce qu’on a voulu, il n’y a eu aucune pression.

C : Non, mais c’est pas ça qu’il veut te dire.

Q : Ca ne fait rien.

B : Ca ne fait rien, mais il faut quand même reconnaître un truc, c’est que depuis le début du mouvement, des évènements, il y a énormément de gens qui sont venus nous voir, moi je n’en ai jamais vu un qui me cassait les pieds pour me faire admettre ses idées. Dans les gens qui ont fait vraiment le boulot, forcément, il y a eu des bricoleurs qui sont venus distribuer des tracts, là-devant, et puis qui nous ont fait des petites vacheries après.

Q : Est-ce que vous pouvez nous parler du fameux tract rose, quand tu disais là que tu leur casserais la gueule, s’ils venaient là. Parlez librement.

C : Le tract situationniste, il a déplu absolument aux gens.

Q : Explique-nous ça.

C : Je ne sais pas t’expliquer.

Q : En quoi il a déplu.

B : C’est des gens qui, comme d’habitude, critiquent tout. Ils ont critiqué le mouvement qui n’était pas développé chez LIP à leur façon.

C : Ils ont dit par exemple cette phrase là : “Si vous voulez vous battre pour continuer de travailler, nous on vous suivra pas, faut pas compter sur nous.“ Eux c’est plus bon, glandouiller, rester dans les bistrots et puis attendre je ne sais quoi. Je ne sais pas ce qu’ils ont à nous proposer. Ils nous ont critiqués parce qu’on voulait rouvrir notre boîte.

B : Ils avaient du mal à admettre que des ouvriers se battent pour garder leur travail, alors que le travail, c’est ça qui les tue. On avait déjà eu un jour cette discussion avec un gars du même genre qui nous disait : “mais les montres, c’est de la merde, le jour où vous supprimerez les montres, vous serez plus heureux.“ Alors nous on lui a répondu : “Ca c’est possible que sans notre boulot on serait peut être plus heureux, si on pouvait vivre autrement, mais dans une société comme celle qui existe pour le moment, nous ce qu’on réclame surtout c’est de travailler dans des conditions normales. On n’a jamais demandé à pouvoir vivre autrement, mais dans une société comme celle qui existe pour le moment, nous ce qu’on réclame surtout c’est de travailler dans des conditions normales. On n’a jamais demandé à pouvoir vivre vraiment sans rien faire. Parce qu’à ce compte là, si c’est de la merde, la montre, elle peut peut-être servir au boulanger qui fait cuire le pain et à qui il faut, vingt minutes après arrêter son four. Nous on n’était pas arrivé à … défendre le travail parce qu’on aimait le travail, mais on avait seulement compris un truc, c’est que, dans la société dans laquelle on vit, pour arriver à vivre, il faut bosser. Et ce qu’on réclame, c’est qu’on nous laisse du boulot, qu’on travaille dans des conditions normales et pouls qu’on arrive en faisant une journée normale à gagner notre croûte pour vivre normalement, c’est tout. Alors qu’eux, ce qu’ils proposaient, c’était de ne rien faire quoi !

X : Ca mène pas à grand chose. C’est comme les cadavres… les Cathares, dans la lutte occitane qui ne voulaient pas se reproduire. Alors ça tombe de lui même, c’est exactement la même chose ; à partir du moment où on veut plus travailler, il n’y a plus de société possible, bon. Il n’y a plus de Robinson Crusoé. C’est des fous, ces mecs-là.

Q : Je prêche peut-être pour le diable, quand même il y a quelque chose dans… dans ce qu’ils disent que je ressens moi qui bosse différemment de vous, mais qui bosse, c’est que ce qui me fait chier dans le boulot, c’est qu’on a n’a pas le contrôle de ce qu’on fait.

B : Alors là, d’accord avec toi.

Q : On travaille pour les autres, on travaille pas pour nous.

B : Là je suis d’accord avec toi.

C : Il y a des métiers aliénants qui ne plaisent pas. On est là à notre place, encroûtés.

B : Oui, mais ce qui fait le métier aliénant ; regarde dans le temps un horloger, par exemple, il pouvait aimer son métier d’horloger, quand il le pratiquait, comme on pratiquait vraiment l’horlogerie. Pourquoi on l’appelle travail aliénant maintenant. Pourquoi ? Parce qu’il y a des gens qui sont nos patrons qui, pour tirer un plus grand profit de la production des ouvriers, va décomposer leur travail d’une façon vraiment dégueulasse. A un point que le travail il arrive à avoir plus du tout d’intérêt pour le gars. Mais moi je pense qu’un mécano ou un horloger, il peut aimer faire de la mécanique à partir du moment qu’il a conscience de faire un bon boulot, s’il a un bon boulot qui lui permet de vivre vraiment bien et moi je crois qu’il peut aimer son boulot.

X : Toi, tu crois que c’est possible maintenant ? Les gens sont spécialisés de plus en plus. Ca n’a plus rien d’intéressant… Même dans une société socialiste, je ne crois pas qu’on puisse revenir en arrière là-dessus. Parce que effectivement, la production est plus importante quand même comme ça. Mais c’est démoralisant effectivement, c’est ….

B : Elle est plus importante, elle rapporte un plus gros profit au patron. Si en décomposant le travail on arrive à faire plus de montres et que ça permette de donner plus de loisirs aux gens il y a beaucoup de gens qui accepteraient qu’on décompose un peu plus leur boulot parce qu’ils auront autre chose dans la vie que ce but : leur boulot pour gagner leur croûte. Et ils auront assez de loisirs pour vraiment vivre comme des bonshommes normaux. A partir de ce moment là personne serait contre.

X : Oui, mais sur le plan professionnel…

C : On va demander à Charles (Piaget) ce qu’il pense de ça. Charles, j’aimerais bien savoir ce que tu penses du travail dans l’avenir, par exemple à travers ton parti politique ?

Charles Piaget : Très rapidement, il me semble que ce que tu viens de dire est l’essentiel. Ce qu’il faut c’est arriver à être motivé. Finalement, on comprend facilement qu’un militant ou qu’un gars qui a des responsabilités dans son quartier ou qui a des responsabilités dans la vie autres que professionnelles, on comprend qu’il supporte de faire un boulot un petit peu con, un boulot parcellisé parce qu’il a quand même autre chose. La voie ce serait :
Premièrement, de motiver les travailleurs beaucoup plus qu’ils ne le sont maintenant. C’est à dire de ne pas les laisser neuf heures de travail sans qu’on puisse se rencontrer, sans que chaque travailleur puisse admettre, comprendre ce qui se passe dans l’entreprise globalement, où il va, pourquoi on travaille, qu’est-ce qu’on apporte dans la société. Il faut donc que la société soit le reflet de cette aspiration. Ah ça…
Et puis alors on ne peut pas revenir en arrière, mais on peut évoluer. On peut avancer, on peut rendre le travail plus intéressant tout en maintenant un niveau de production tel que, si tu veux -les gens n’accepteraient pas une baisse du pouvoir d’achat - mais si tu étais capable de rendre le travail plus intéressant, donc, peut-être, de freiner une certaine façon de faire des capitalistes de décomposer sans arrêt le travail tout en maintenant quand même une certaine production qui sera peut-être suffisante pour que les travailleurs l’admettent et puis également la rotation des tâches. On pense, mince alors, qu’on doit être capable de changer ! Qu’il y ait des gars qui passent à la responsabilité, qu’il y ait des responsabilités qui tournent. Quand on a des responsabilités, il semble qu’il y a une ouverture qui se fait, et on peut accepter beaucoup d’autres choses à partir de ce moment-là ; si on a compris pourquoi, ben, on peut accepter bien d’autres choses.

B : Et bien tu vois Charles, ce qui arrive aussi, c’est qu’en travaillant comme ils travaillent nos patrons… A partir du moment où tu as une responsabilité, tu as donc automatiquement un peu plus de connaissance de l’organisation du boulot et du service. Te te rends déjà plus compte de ce que rapporte ce service. Et si tu as à peine les yeux ouverts, et ben ça te dégonfle encore plus. Ou alors tu vas tourner à avoir des responsabilités qui vont t’emmener à devenir le petit gars vachement ambitieux qui veut monter en grade - ou alors ça va te mener au gars qui, plus conscient parce que mieux renseigné, sera encore plus dégoûté de bosser pour un patron parce qu’il s’apercevra qu’il fait travailler trente copains pour le gros profit. C’est tout.

Piaget : Quand on dit planification démocratique, on ne peut pas démocratiser l’entreprise sans transformer profondément la société. Il est impossible de démocratiser et …

(brouhaha)

Q : Ce que tu as dit pour le travail, ça devrait aussi être vrai pour les luttes.

Piaget : Oui, on dit que ça doit être vrai pour les luttes. On ne dit pas qu’on arrive à le faire constamment. Hélas, on subit. D’abord, premièrement, on arrive tous dans la lutte avec notre peau de travailleurs conditionnés, etc… Et c’est pas vrai qu’on se déconditionne complètement ; on y arrive plus ou moins, mais on se déconditionne pas …

X : Si après six mois.

Piaget : Même après six mois, on se rend compte qu’on n’est pas déconditionnés complètement.

C : Tu parles de ton cas à toi.

Piaget : Non, non

C : Moi, je trouve qu’en six mois, j’ai drôlement évolué.

X : Moi je ressemble pas du tout à ce que j’étais il y a six mois, c’est fini.

C : Tu ne penses pas que, maintenant, les gens ils ont pris conscience un peu plus ?

Piaget : Je vais te prendre un exemple, on n’est pas déconditionné complètement puis qu’on a eu l’habitude d’obéir à la boîte. On a eu l’habitude de faire un travail parcellisé. On au eu l’habitude de ne pas avoir tellement de responsabilités et puis ça se ressent encore maintenant dans la lutte. Il y en a encore beaucoup qui n’essayent pas tellement d’avoir des responsabilités ? Enfin disons que c’est peut être nous aussi qui savons pas nous organiser…

X : Il y en a quand même qui en prennent.

Piaget : Quand des fois tu te rends compte qu’il y a un travailleur qui vient te voir simplement pour discuter de cinq cents kilos de charbon. Comment qu’il faut faire pour les avoir et tout alors que chaque gars est capable de prendre des décisions et de le faire sans s’occuper de réunir un aréopage pour savoir comment on va faire pour savoir comment on va faire pour avoir 50 kilos de charbon. Ils en sont à la nature du chef. On va aller voir le chef syndicaliste parce que c’est lui qui va nous débloquer 5 kilos de charbon ? C’est lui qui va nous sortir la signature, etc…

C : Est-ce que tu crois que c’est encore pas eux aussi, un petit peu, justement à cause de … c’est l’appareil syndical aussi qui les a rendus comme ça, parce que vous avez toujours été… vous les aviez toujours habitués à prendre les responsabilités pour eux.

X : Ca d’accord

Piaget : On recopie le même système en essayant de ne pas tomber dans les mêmes travers, un peu moins.

X : Tu cites quand même un ou deux exemples ; il semble quand même que, dans le tas, il y en a qui les prennent leurs responsabilités. D’autres choses que je voudrais dire en plus de ce qu’il a dit tout à l’heure, mais ça tombe un peu en retard, dans la description qu’il a faite d’une société possible. Effectivement, c’est un idée. Ca demanderait à être étudié peut-être plus profondément, on a pas encore eu le temps de le faire tellement, mais il y a une chose qui est très importante, à mon avis, c’est le fait de se rendre compte, dans la société, qu’on est utile, le fait de prendre conscience de certaines choses. Ca, à partir du moment où les gens se disent : “bon, ici, je ne sers à rien, mais ici je suis utile à quelque chose“, ça c’est énorme. Et si je me suis lancé à fond dans l’affaire LIP, comme membre du C.A., c’est parce que je me suis rendu compte qu’on avait une grande utilité, parce que c’est un espoir pour toute la société future, l’affaire LIP… Je risquerais même ma peau s’il le fallait. C’est uniquement parce que là, c’est quelque chose qui tient debout, c’est quelque chose qui … On se rend compte que ça c’est non seulement utile, mais c’est fondamental. Et si on pouvait créer une nouvelle société où les gens se disent : “mais là, je sers à quelque chose“ parce qu’on leur a montré qu’à cet endroit, ils sont utiles, qu’ils ont pu discuter de leur truc, qu’ils ont pu dire, bon, mais. Là oui, c’est une société utile, mais alors c’est un truc qui est très difficile. On n’a pas encore eu le temps de prévoir la société future. C’est quelque chose qu’il faudrait… Alors je suis d’accord avec Piaget, seulement c’est pas fini son truc, c’est une esquisse…

B : Mais moi je suis pas tout à fait d’accord quand même. Tu vois là, il y a un petit… Parce que quand on dit : “il y a encore pas mal de gens qui ne prennent pas d’initiatives“, c’est un peu vrai, mais il faut reconnaître que ceux qui en prennent, quand ils prennent une initiative et que cette initiative, coup de pot, arrive à faire quelque chose de bien, il y a tout de suite une organisation syndicale ou autre que le récupère le truc. Mais si jamais le gars qui a pris cette initiative arrive à faire une erreur, et quand on fait quelque chose, ça arrive toujours de faire des erreurs, à ce moment-là, on lui tombe sur le dos. Et là, on ne le traite pas en tant que responsable, on le traite en tant que dissident qui a voulu à toutes forces faire quelque chose et qui s’est trompé, et là, on est sans pitié pour lui. Et c’est pour ça …

Q : C’est remarquable que Piaget soit parti juste au moment où on posait des problèmes concrets.

B : C’est pour ça qu’il y a aussi des gens qui n’osent pas prendre des initiatives. Parce qu’ils ont peur, ils ne sont pas habitués. Ils ont peur un petit peu des conséquences, parce qu’ils se disent :“Oui, mais si je ne réussis pas, qu’est ce que je vais me faire passer.“ Par qui ? Par des gars qui n’ont pas plus de droits que lui. Seulement, ils sont d’une façon ou d’une autre supérieurs à lui parce qu’ils font partie de la société. La société elle est comme ça. Il y a énormément de gens qui prendraient des initiatives s’ils n’avaient pas la trouille que ça leur retombe sur le dos. Par l’intermédiaire, justement, des copains qui les encouragent à en prendre.

X : A partir de moment où, comme nous, parce que je pense qu’on est à mettre dans le même panier, on n’a plus peur de grand-chose, à partir du moment où on prend nos responsabilités. Tant pis pour la suite, pour les conséquences que ça peut avoir. C’est à dire qu’on les prend peut être pas… en inconscients comme on a l’air de nous le faire dire, mais en personnes conscientes… Et puis il y a quelque chose qui me frappe justement. Ca fait trois semaines que je vadrouille sur les routes de France, et même d’Italie. Et puis j’ai pas été en contact avec les gens du C.A. Et puis il y a quelque chose d’extraordinaire, j’ai rencontré Monique Piton à Marseille (?) j’ai rencontré Ragunès, j’ai rencontré des gars.

C : T’as vu (?)

X : Toi aussi

C : Non pas moi

X : Oui. Et puis qu’on a toujours la même ligne de conduite. Et pour quelle raison ? Parce qu’elle est extrêmement logique, c’est, c’est, on ne s’est pas consulté à partir du moment où il y a eu un recul de la CFDT au sujet du compromis de Dijon. On ne s’est pas consulté. On a toujours les mêmes idées. Aussi bien l’un que l’autre. Est-ce vrai ou non ? Bon alors c’est même pas la peine de se consulter maintenant, car on a une ligne de conduite qui saute tellement aux yeux … Effectivement, sans savoir on est du même avis.

B : Il y a une chose aussi qu’il ne faut pas oublier, c’est que toi tu as gardé ton objectif. Moi aussi et pas mal de copains. Mais nous on a essayé de se rendre un petit peu imperméable aux pressions extérieures. Tu es resté avec ton idée, parce que, au départ, il y a six mois, tu es rentré dans la bagarre pour pas qu’on démantèle la boîte pour garder tes avantages acquis et qu’on vire pas des copains. Et ton idée, elles s’est encore renforcée au bout de six mois. Parce que tu as lutté avec ces mêmes copains et puis tu te dis, et c’est un petit peu la réflexion que j’avais déjà faite l’autre jour : toi tu es dans une partie mécanique que tu penses qui peut disparaître, moi il se trouve que je suis dans une partie horlogerie que je pense qui, au contraire, risque d’aller en expansion. Ca c’était le début du conflit. On s’est bagarré ensemble pendant six mois et puis maintenant tu voudrais, enfin pas toi, certains voudraient que, parce qu’ils ont subi la pression des centrales syndicales, nous on change d’opinion. Alors que notre opinion, elle s’est renforcée. Justement avec les contacts qu’on a eus avec l’extérieur. Les contacts qu’on a eus même ensemble. On se connaissait, mais toi tu étais mécano et moi horloger. On discutait comme ça : “Salut“, c’est tout quoi. Mais là, pendant six mois, on a vécu quand même quelque chose là. Et puis on en a tiré un truc, c’est que le gars qui subit une pression extérieure, qui lui dit : “Vous, et bien maintenant, vous allez un petit peu loin“, il arrivera à se ramollir. Alors que le gars qu’était vraiment dans la bagarre et puis qu’était honnête depuis le départ et puis qui y est resté tout le long, ben pour lui, maintenant, c’est pas possible de revenir en arrière. Parce qu’il ne peut plus laisser tomber son copain qui s’est bagarré avec lui pendant six mois. C’est ce qui explique la différence et puis la réaction des gars du C.A, comme tu dis toi, qui est resté avec son truc depuis le départ, qui s’est renforcé au cours de la lutte. Il en rencontre même à 600 kms de Besançon qu’il n’a jamais revus depuis, mais qu’il sait qu’il est en train de se bagarrer à 600 kms. Quand ils se rencontrent, comment veux-tu qu’il dise : “Ben dis, ben pour le moment, moi je reprends ma place, moi j’ai bien envie de te laisser tomber, hein ! parce que moi j’ai ma place, elle est sauvée, toi tu continueras tout seul. Ou bien on te retrouvera autre chose“. Ca ne te vient même pas à l’idée à toi.

X : Ca ne te vient pas à l’idée. D’ailleurs je pense que j’étais quand même dans les 159. Mais même si je n’y avais pas été, il n’y aurait pas de problème, j’aurais fait comme D. qui est resté dans la lutte alors qu’il avait un place à Ornans, hein. Moi je ne rentrerais pas de toutes façons.

C : D’ailleurs depuis le début des luttes, on nous a dit : “Non aux démantèlements, non aux licenciements, maintien des avantages acquis“. Moi je reste là, c’est tout.

Q : Je voudrais poser des questions, si vous voulez, plus personnelles. C. tu disais tout à l’heure à Piaget : “Moi j’ai complètement été transformée par cette lutte. Dis nous en quoi.

C : Dire cela est un petit peu exagéré. Parce que moi j’étais déjà quand même pas mal évoluée, parce que j’ai fréquenté d’autres milieux que le milieu ouvrier ; j’ai fréquenté des intellectuels, des gens comme ça. Je ne dis pas que c’est le pied non, ni sensationnel mais j’ai eu des contacts avec des gens qui m’ont permis de comprendre pas mal de choses. Alors j’étais pas mal dans le coup. Mais moi j’attendais, j’attendais toujours qu’il arrive quelque chose. Depuis des années, je me disais on ne va quand même pas rester toutes nos vies à rester croupir comme ça. Il va arriver quelque chose, c’est obligé, il va… Je ne sais pas moi, j’attendais toujours - et puis la lutte est venue - et c’est de là que je me suis transformée - parce que j’ai rencontré encore d’autres personnes - j’ai eu des contacts avec les gens, ça m’a apportée vraiment, je sais pas je suis peut-être en train de dire des bêtises, ça m’a apporté pas mal de choses. Je ne sais pas moi - le contact avec les gens - je trouve déjà ça - je trouve que c’est primordial de pouvoir discuter, alors que quand on était à l’usine on ne pouvait pas, on arrivait, on avait notre petit train train de la journée - on rentrait. Tandis que maintenant, on a fait aussi des choses concrets. On a pris des responsabilités on nous a demandé aussi d’en prendre. On s’est aperçus quand même qu’on existait. Moi je me suis aperçue là que j’existais alors qu’avant je me disais : “ben et bien t’existes pas. T’es comme un parasite qui vit aux dépens de la société, tu gagnes ta petite croûte et puis c’est tout - Vraiment tu sers pas à grand chose, t’es inutile“. Tandis que là, dans la lutte je me suis vraiment sentie utile à quelque chose à plusieurs reprises - comme en ce moment je me sens utile à quelque chose que je discute avec toi - même si je dis pas mal de conneries. Ah, ah, ah ! Même si ne sais pas toujours m’expliquer c’est quand même une chose que je ressens profondément. Mais j’ai eu aussi des contacts, même avec des camarades de travail que j’ai parlé avant d’ici que je ne connaissais pas non plus. Et d’autres personnes avec qui j’avais jamais parlé depuis 16 ans. Maintenant je connais ces gens là, et, quand on sera rentré, on se dira : “Salut“, alors qu’avant on se regardait même pas… Je trouve que tout ça c’est vachement important pour nous. C’est une des choses qui m’a transformée, celle là aussi. Je te dis ce qui compte pour moi, c’est les contacts que j’ai eus avec les gens. C’est encore plus important que d’avoir sauvé mon emploi, qui n’est pas encore sauvé - hein ? Tu vois … on c’est enfin senti utile à quelque chose… il me tarde de rentrer pour voir comment ça va se passer tu sais, maintenant, entre les gens. Et il me tarde de voir les réactions que le personnel aura avec les chefs. Ca c’est une expérience qu’on va encore faire et ça va être quelque chose de formidable. Moi ça va être tout ou rien, pour moi. J’ai comme même peur, je dois dire, j’ai peur que ce soit rien. - On aura du mal à trouver un patron qui nous comprenne, ça sera difficile (rires)

B : Il faudra en fabriquer un. (rires)
Je crois que maintenant ce sera difficile d’accepter qu’un chef passe en disant : “dites-donc, vous avez laissé vos godasses, allez-vite mettre vos pantoufles“. On n’acceptera plus ce genre de choses d’un mec que tu sais qu’il gagnera quatre ou cinq cent mille francs par mois pour aller faire des réflexions comme ça : Ou alors qu’il te dise de pas parler, de pas bouffer, ou plutôt si, tu peux bouffer, mais à neuf heures moins dix, pas à neuf heures moins douze, ou supporter qu’un gars se lève à midi dix-huit ou dix-neuf pour regarder si les gars vont pas être déjà prêts avant midi vingt à se lever de leur place pour aller à la cantine. Je crois ça, que les gens auront du mal maintenant à le supporter. Moi, tu vois, je le supportais déjà pas, mais je crois maintenant ça va être encore pire. Moi, je crois que j’aurai du mal à supporter ça. Supporter le commandement, ça va être vraiment affreux. Je te dis, moi, je ne le supportais déjà pas avant, alors qu’est-ce que ça va être maintenant…
Toi, tu disais que tu ne voulais plus rentrer du tout. (rires)

X : J’ai dit pas mal de choses (rires) dans le film. Mais je leur ai dit que ce n’était pas tout à fait vrai. J’ai dit qu’avant je dormais, mais maintenant que je vivais. Ce qui est un peu vrai. C’est justement pour parler de la transformation que j’ai dit que j’étais complètement transformé. Faut dire que depuis longtemps, la société, comme elle est, elle me plaçait pas tellement. J’ai eu un tas d’ennuis d’ordre familial, d’ordre professionnel, enfin de toutes sortes. J’étais parti comme une vedette et je suis arrivé comme un pauvre type. Alors j’ai trouvé que la société, que la société de consommation ne me plaisait pas du tout. Je regardais ma tocante de temps en temps, j’allais fumer une cigarette aux w.c. et puis je m’en allais dès que possible. Mon boulot ne m’intéressait absolument pas. Il est vrai qu’on s’est bien arrangé pour que ça ne m’intéresse pas du tout… J’ai eu un certain nombre de …

C : Il y a encore ici une personne qui dit qu’elle a été transformée par la lutte. C’est l’assistante sociale qui avait des contacts avec beaucoup de gens de la direction, qui les a bien connus, mieux que nous, qui les a vus agir très souvent. Et maintenant elle peut parler.

F : Laisse-le finir

C : Il a déjà assez parlé. C’est la démocratie là, tais-toi ! (rires)

X : La démocratie consiste à laisser parler les gens, faut les laisser parler. Non, écoutes, n’exagérons rien. Oui, alors, je disais, il n’avait rien de passionnant dans tout celà. Je n’aimais pas la société comme elle était, mais ma foi, je la supportais, je ne pouvais pas faire autrement. Puis un jour j’ai découvert autre chose. Puis un jour j’ai découvert d’abord un esprit de camaraderie que j’avais connu, si, pendant la guerre. J’étais pas dans le maquis, j’étais dans la marine et j’ai trouvé un esprit de camarades au combat, que j’ai retrouvé un peu là. Avec cette différence qu’il y avait des femmes et que les femmes, elles, se sont trouvées d’excellentes camarades comme les hommes savent le faire dans certaines conditions, les femmes aussi. Et en plus de cette camaraderie, j’ai découvert quelque chose d’autre, c’est-à-dire un idéal, que je ne pensais jamais trouver.

C : Gagner

X : Gagner non, mais quelque chose qui vaille la peine qu’on s’y donne. Il y a très longtemps, j’ai eu des discussions d’ordre syndical et politique mais j’ai jamais, j’ai toujours refusé de faire partie d’aucunes organisations politiques parce que j’en ai jamais trouvé une seule qui me convienne. J’ai même eu des discussions avec des gars du parti communiste, entre autres avec un gars qui m’en voulait parce que je refusais de faire des petites grèvotes d’une demi-heure. J’ai pensé que ça servait à rien, et puis on s’était engueulé assez durement. Et puis je lui avais répondu : “le jour où on trouvera quelqu’un dans la rue, ce sera moi et non pas toi.“ C’est ça. Et j’ai découvert dans la lutte de LIP quelque chose qui ressemblait à ce que je rêvais depuis longtemps et c’était la raison pour laquelle je m’y donne à fond. Et on m’a reproché d’avoir dit, je crois à Marseille, que même si je me cassais la gueule dans la lutte, je ne regretterais rien, parce que justement j’ai gagné au lieu d’avoir perdu.

F : Moi je voudrai vous poser une question qu’elle nous a posée C… Comment de Mai 68 à la lutte actuelle vous avez changé. Je me souviens en mai 68, on s’était trouvé à la cafétéria et vous sembliez mal dans votre peau à ce moment-là. Vous auriez voulu entrer dans la lutte de mai 68 et il semblait que vous vous défendiez d’agir. Et en réalité, vous étiez en dualité. J’ai l’impression même que vous souffriez un peu à ce moment-là. Et vous pouvez nous expliquer la différence entre ce que vous avez vécu en mai 68 et la lutte actuelle ?

X : J’ai toujours refusé d’être embrigadé. C’est peut-être un esprit d’indépendance idiot, mais c’est comme ça. J’étais autrefois un militant syndical. J’ai quitté, profondément déçu par les luttes syndicales qui ne m’apportaient rien du tout. C’est une bagarre conditionnée, c’est quelque chose qui ne mène pas à grand chose. J’estime que le syndicalisme est utile en temps de paix mais qu’il est inutile en temps de guerre. Enfin non, mais qu’il a besoin d’être appuyé par quelque chose d’autre : c’est-à-dire que les troupes de choc c’est pas ça, c’est quelque chose de différent. Effectivement, je suis incapable de me bagarrer en sous-ordre. J’adore la lutte et de quelque façon qu’elle soit. Quand je prends la route en bagnole, je prends les routes difficiles où il n’y a pas trop de voitures, c’est-à-dire que je prendrais les routes de montagnes plus facilement que les routes nationales. Dans la lutte c’est la même chose, je prendrai la voie la plus difficile, mais à condition de le faire conscients et organisés. Je refuse absolument d’obéir à un ordre strict, sans même savoir pourquoi je le fais et comment je le fais. Quand on se trouve dans n’importe quelle organisation, qu’elle soit syndicale ou politique, c’est exactement ça. On te dit : “tu vas faire ça“. D’accord ou pas ça n’a pas beaucoup d’importance. J’ai trouvé dans le comité d’action quelque chose d’autre : le comité d’action, il n’existe pas, il n’a pas de structures. Il n’y a rien du tout. On en a souvent discuté, on a même essayé de faire un embryon de structure qu’on s’est empressé de détruire parce que ça gasait pas. Et puis maintenant, quand on vous parle de dissoudre le comité d’action, c’est extrêmement difficile, parce que le comité d’action n’existe nulle part. Ah, ah, ah ! Le CA c’est nous c’est tout le monde. Ah, ah c’est des gens qui se battent et qui savent pourquoi. La lutte comme ça, elle me plaît vraiment. Alors qu’en mai 68, on n’était pas dans l’action. Il y avait des délégués syndicaux qui prenaient les décisions, qui discutaient. C’était totalement différent. On criait : amen, nous.

C : T’avais rien compris quoi !

X : J’avais rien compris du tout. Alors on criait amen. Un point c’est tout.

F : Je crois que vous exagérez un peu. En mais 68 on a vécu quand même un peu différemment. Il y avait quand même des commissions, par exemple sur la rémunération. Et moi je trouve là, les femmes avaient quand même réagi. Elles ont pris conscience qu’il fallait changer le mode rémunération. Elles avaient discuté. (inintelligible, C. ne semble pas être d’accord avec cette idée de rémunération, on l’entend dire) : Oui, mais le coût de la rémunération, ça été apporté par les syndicats.

X : Oui, mais enfin, disons que j’exagère peut-être, mais c’est un peu ça.

B : Effectivement on était un peu moins motivé en 68. Au départ, au départ, quel but on avait ? Alors que là, quand on est partis, le but il était important. Et alors, ce qui s’est produit …

C : Mais en 68, il y avait un déblocage, tout n’était pas raté.

X : Non, je n’ai pas dit que c’était raté, j’ai dit que ça n’avait rien de passionnant, disons. Alors que maintenant, c’est différent. D’abord, on est partis devant un truc énorme, parce que s’attaquer à une firme comme …

LES FEMMES …

Q : L’autre jour tu as dit à la tribune, vendredi dernier, en AG, que ce sont les femmes qui sont en pointe dans le mouvement. Tu te souvient quand il a dit ça et à propos des inscriptions au car pour aller à Paris.

B : Moi j’estime que ça c’est une connerie qu’il a dit là ! Moi, j’ai l’impression que là … je ne vois pas beaucoup de différences entre les femmes et les hommes. Il y a des femmes qui font des trucs et il y en a qui foutent rien. Il y a des bonshommes qui foutent rien (bruit). De toutes façons il y a des femmes formidables, mais il y en a aussi qui ne valent pas grand-chose.

C : C’est comme les hommes.

X : Oui, c’est comme les hommes, d’ailleurs je me suis insurgé. D’ailleurs j’ai une grande amie et qui est une féministe à tous crins. Je l’ai souvent engueulée. Un jour elle m’a dit ceci : on parlait d’envoyer un certain nombre de gens du CA, enfin quatre, aux négociations, et elle a dit : “ deux hommes et deux femmes“. Alors je dis : “Pourquoi pas trois femmes et un homme ? Pourquoi pas trois hommes et une femme ? Quelle importance ?“. Je ne suis pas contre l’égalité de l’homme et de la femme, mais je ne suis pas pour la domination de l’un ou de l’autre. C’est-à-dire que moi, je considère les femmes à égalité avec nous. Mais je ne vois pas pourquoi elles nous seraient supérieures ou elles nous seraient inférieures. Dans le cas du car, il y avait plus de femmes que d’hommes. Mais, dans d’autres cas il y a plus d’hommes que de femmes. Quelle importance après tout ? Alors il y a d’autres problèmes …

C : Excuse-moi d’interrompre, mais à la tribune de LIP, à part la chèvre de M. Seguy, on ne voit pas beaucoup de femmes.

X : On en a pas à la tribune, mais il n’y a personne du comité d’action à la tribune. Il y a un moment où je voulais prendre le micro, mais on me l’a toujours refusé. Puis un jour il y a Mme Q…, on a eu un problème…

C : Tu te laisses faire comme ça toi ? (rires)

X : Ben… Enfin je préfère gueuler depuis la salle, c’est beaucoup plus efficace. On avait un problème de répression à dire. J’ai dit : “Moi, je ne veux pas aller parler à la tribune, on va me refuser le micro“. Elle m’a dit : “je veux y aller“. Je lui ai dit : “Oui, mais tu parleras une fois, tu ne parleras pas deux“ (rires). Elle m’a dit : “Mais si, moi, ils me donneront le micro“. J’avais raison, elle a parlé une fois, elle n’a pas parlé deux. (rires)

C : Mais si, elle a parlé deux ou trois fois. (brouhaha)

Q : C disais que les femmes en lutte, ça n’a rien à voir. Explique-moi ça.

C : Oh, moi, je ne peux pas t’expliquer.

Q : Allez, mets les pieds dans le plat. On est entre copains.

C : Les femmes en lutte ça ne m’intéresse pas. C’est des mouvements, tous les mouvements féminins, je ne les aime pas …

Q : Explique, explique pourquoi. J’aimerais comprendre pourquoi.

C : Parce que moi j’estime que - Bon. On a dit : “les femmes elles sont toujours chez elles, derrière leurs casseroles, il faut les en sortir, gna, gna, gna.“ Moi je ne crois pas que c’est en créant des comités de femmes qu’on les sortira. Il faut les amener à discuter avec des hommes et pas faire des comités de femmes. Parce que c’est pas comme ça qu’on les sortira de leurs casseroles. C’est pourquoi je suis pour la mixité partout et contre la création de mouvements féministes quels qu’ils soient.

X : Je voudrais apporter de l’eau à son moulin.

Q : Tu crois toi en tant que femme que vous êtes, vous les femmes, suffisamment représentées.

X : Je voudrais dire quelque chose pour ajouter.

C : Tu le diras après.

X : Mais non, parce qu’après sa tombe à faux. Enfin, bon dieu, tu comprends pas que …

Voix féminine - il veut être protecteur - allons laisse-le jouer son rôle de protecteur.

X : Ce que je voudrais essayer de faire comprendre aux gens, c’est que quand tu arrives une semaine après pour répondre à une question, ça tombe à côté.

C : Bon, alors vas-y.

Y : Attends je veux dire … c’est que si tu étais dans un groupe de femmes tu n’avais peut-être pas ce problème là. C’est à dire qu’il ne te couperait pas la parole et tu pourrais le dire. Et puis ce serait une femme qui te répondrait. Ah, ah.

X : Mais non, mais non, c’est dans cet ordre d’idées. On va changer de …

Y : Ce que disent les femmes elles le disent entre femmes. Elles disent qu’elles n’ont pas les mêmes problèmes que lors qu’il y a des hommes qui leur coupent la parole. Elles ont peut-être raison…

C : Ah bon, ah bon si elles en sont encore là, alors.

F : Et bien écoute, C, oui. Il y a toujours des gens qui sont plus en avance que d’autres. Et je crois que toi tu es en avance sur d’autres (le reste est couvert par X).

X : C’est même pas du tout ça, non ce que je voulais dire. C’est que par exemple on allait changer de sujet et j’avais quelque chose à dire sur ce sujet là précisément. Et quand je vais me pointer dans dix minutes pour revenir sur sujet-là, ça va tomber tout à fait à côté. D’ailleurs maintenant, je ne sais plus ce que je voulais dire. (rires)

Y : Tout à l’heure, toi et l’autre qui était en blouson, là dehors, vous avez eu l’air de mettre en doute le fait que sur beaucoup de gens de LIP, le mouvement ait eu l’effet dont tu parlais toute à l’heure, c’est à dire l’effet personnel au niveau de la vie. Alors est-ce que tu crois pas que c’est sous-estimer des changements mineurs qui apparaissent de façon différente chez d’autres gens, des changements que toi, tu vis, que lui il vit, et que d’autres gens aussi en pointe vivent ?

C : Peut-être. C’est certain. Oui, c’est vrai. T’as raison.

X : Je sais ce que je voulais dire (rires). Je voulais dire - Effectivement c’est pour revenir à la façon de faire de la CGT qui réunit les syndiqués hommes CGT, après les femmes CGT, les chiens CGT, tu vois.

Y : Les cadres CGT … Surtout que nous on est de l’extérieur on veut toujours plaquer des images : alors est-ce que les femmes luttent plus, est-ce que les hommes, est-ce que ceci … Mais on eu a la démonstration chez LIP, enfin de compte que sitôt qu’il y a une lutte il n’y a plus ces problèmes là. C’est à dire les choses sont claires.

Voix de femmes (désignée par S) : Je ne suis pas d’accord parce que, voilà la preuve c’est qu’à travers sept mois de luttes beaucoup de femmes disent elles mêmes qu’elles ont eu l’occasion de parler qu’elles n’avaient jamais eu avant. Mais ça veut dire quand même qu’avant elles ne pouvaient pas parler.

Y : Oui mais dans la lutte il y a égalité.

S : Il leur a fallu sept mois et la conscience s’est développée, dans ces sept mois - ça prouve bien qu’au départ c’est pas du tout évident - les femmes ne parlaient pas.

Y : C’est pour ça que je dis nous de l’extérieur par exemple il était nécessaire d’étudier les femmes dans les luttes tout ça - sitôt qu’il se trouve un combat véritable ça prend un certain temps - mais très vite, quand même, on retrouve les gens qui se trouvent en égalité.

Q : C’est pas du tout ce que les copains et copines disaient cet après-midi. C’est pas du tout l’égalité - Il y a les liders et il y a les autres.

Y : Moi je crois que c’est pas vrai … les habitudes

Q : C’est pas ça que vous disiez toute l’après-midi ?

Voix féminine : Mais il y aura toujours des liders.

C : On ne voulait pas des différences entre les hommes et les femmes. … (Brouhaha).

Q : Il n’y a pas d’égalité.

F : Sans parler des liders …

Y : J’ai remarqué cette chose et même pas à propos de problèmes des femmes à Paris au cours de réunions, tout ça, qu’il y avait des gens, des délégués, des gens des partis, des gens très divers qui venaient et qui posaient des questions à LIP. Ils posaient des questions et ils voulaient absolument que la chose de LIP corresponde a certains tiroirs. Qu’il y avait ça, qu’il y avait tel problème, tel problème, tel problème à la mode : les femmes, les ceci les cela. Et en face ils avaient des gens pour qui les choses étaient beaucoup plus claires que ça.
(Passage incompréhensible, on entend : problèmes à la mode, etc.) Beaucoup plus clair, des gens qui avaient des positions un peu diverses. Il y avait des problèmes - opposition entre la CFDT, la CGT entre les (brouhaha) il y a des problèmes du jour, les problèmes de la lutte.

F : Quand il parle des problèmes à la mode, des problèmes de femmes, là tu permets je m’insurge violemment.

C : T’as beau t’insurger, on nous a posé des questions comme ça.

Voix de femmes (S) : Le problème des femmes ce n’est pas un problème à la mode. Il correspond à un besoin. Les bonnes femmes elles en ont ras le bol de se faire castrer par les mecs.

Y : On en est d’accord mais c’est pas en se mettant à côté que, il faut qu’elles …

S : D’accord mais ce n’est pas un problème à la mode.

Y : Mais je veux dire des groupes de femmes …

B : Mais c’est un problème d’actualité.

Q : Ecoutez on n’est pas venu à Besançon pour couper la parole aux gens de chez LIP quand même.

C : Ce qu’il dit c’est vrai, moi on m’a posé … Il parle certainement du meeting qu’il a eu avec nous LIP à Vitry. Mais c’est vrai on nous a posé des questions. Vraiment il y a des femmes qui ont eu des questions, comme il dit, à la mode. Moi je me suis insurgée contre un cas et j’ai parlé…

B : Je suis d’accord avec toi puis … C’est aussi parce qu’on s’explique mal, là - parce que quand tu dis qu’au bout de sept mois il y a des femmes qui se sont aperçues que maintenant elles pourraient s’exprimer, eh bien - tu vois que le problème il est pas pareil pour le bonhomme ? Moi je connais des gars qui auraient jamais voulu prendre la parole devant vingt personnes - il y a des femmes pareil. Et moi je crois que le problème des femmes il se posait de la même façon pour les hommes.

X : Puis ce qu’on était ensemble à Paris - on était avec L, laquelle a dit moi j’ai jamais parlé en public je ne vais jamais y arriver, c’est pas possible. Et on était justement avec les femmes en lutte - ne t’en déplaise. Tu n’y étais pas toi, et L elle est partie comme en quatorze et mon dieu. C’était …

C : Mais c’était pas : “Nous les femmes“.

X : Non, non, non, non.

Q : Qu’est-ce qu’elle a dit, tu te souviens ?

X : C’était une discussion … On n’a pas discuté, on n’a pas dit : “Nous les femmes“.

B : Par exemple le gars qui dit : “Moi je suis pas raciste, hein, j’aime bien les arabes“. Et puis quand il vit un bicot, il dit “pauvre bicot, va“. A partir de ce moment-là il l’est déjà quand même un peu hein. Et si on parle des femmes en les mettant comme des êtres qui sont tout à fait différents. Moi je sais que je serais bonne femme j’aimerais pas. C’est ça qu’elle ressent elle. Parce qu’elle, elle estime qu’elle avait des droits et elle les fait valoir et elle comprend pas qu’on les remette en cause.

X : Oui, mais, oui mais - on fait pas ça nous.

B : Nous non, moi.

C : On remet toujours en cause la femme dans la société …

B : Qu’elle est ton impression dans la société ?

C : En créant des comités de bonnes femmes. Moi j’ai horreur de ça. C’est tout qu’est-ce que tu veux que je te dise.

X : Oui, mais nous on ne fait pas partie de comités de luttes de femmes (rires).

C : Non, mais on parle pas de toi en ce moment (brouhaha).

X : T’es embêtante.

C : Tu ne te vois pas. A chaque fois qu’il y a des discussions, il y a quelqu’un qui te dis : “Tu parles trop“.

X : Mais c’est toi… (rires)

C : Tu parles de toi en ce moment, on parle des mouvements de femmes. On ne parle pas de ta réaction à toi, on parle des mouvements de femmes.

X : Bon.

Q (il réussit enfin à intervenir) : Concrètement pour la réalisation du projet dont vous parliez dehors on va bien voir.

C : Oui.

Q : Qui est-ce qui va empêcher qui de faire quoi.

C : Voilà, on verra.

B : Par exemple : depuis le début du conflit on a vu par exemple quand il y avait l’organisation de relancer la production, fabriquer des montres et les vendre. Et ben là il y a des femmes qui sont rentrées depuis le début dans le coup et puis qu’ont fait vraiment leur boulot, et des bonhommes aussi. Mais il y en a aussi qui sont restés en dehors. Ca forcément il y a peut-être plus de femmes que d’hommes qui se trouvent face à des problèmes de ne pas discuter…

Y : Non mais à propos de ces difficultés : les difficultés ne sont quand même pas les mêmes pour un homme que pour une femme d’accepter les mêmes trucs, c’est à dire qu’on est dans une société… par exemple les discours, les discussions, c’est pas vrai que c’est aussi difficile pour un homme que pour une femme de rentrer, c’est à dire que les discours, c’est presque toujours, au départ, des discours d’hommes et les femmes qui arrivent à s’exprimer dans une société, à s’exprimer dans une assemblée, sont presque toujours des femmes qu’acceptent de passer par le discours des hommes. C’est pas aussi simple que ça.

Q : Et l’action des hommes ?

Y : Et il se trouve que pour un certain nombre d’hommes il soit difficile aussi d’arriver à des discours d’hommes, la différence elle est quand même là.

C : (dans le Brouhaha) Je ne suis pas d’accord avec ça.

Q : Explique pourquoi tu n’est pas d’accord.

C : On en revient toujours au même. Pourquoi que tu dis des conversations d’hommes, des discours d’hommes.

Y : Parce que c’est une réalité … C’est à dire que, pour une femme, y a un truc qui lui est moins naturel à agir, parce que la plupart des discussions ayant été menées depuis des siècles par des hommes entre eux, ils ont acquis entre eux un certain nombre d’habitudes et de manières de parler, qui sont des discours qui sont pris en charge par des hommes. Et pour une femme le pas est plus grand à … Plus grand à sauter pour y arriver. Je dis pas qu’il est impossible de je dis pas que les hommes y arrivent directement. Je dis que c’est pas la même chose.

E femme : C, il y a encore un fait bien plus simple qui prouve que la situation de la femme n’est pas pareille que l’homme. Elle est pas payée le même salaire pour un travail égal.

Homme : Oh si, si, chez LIP.

E : Ah écoute, moi je sais pas, mais j’ai discuté tout à l’heure avec des femmes, elles m’ont affirmé que c’était pas vrai. Et quand il y avait, entre 2 postes, quand il y avait la possibilité entre un homme et une femme, comme par hasard c’était toujours l’homme qu’on prenait. Ca, c’est quand même une preuve flagrante que la situation de la femme n’est pas la même.

Voix : Ah, ben bien sûr.

C : Je dis, c’est le formes d’action qui sont faites pour les en sortir, de ça. Moi ce que tu dis je le sais très bien.

Y : Oui, mais s’il y avait d’autres femmes qui ont besoin de ces formes pour s’en sortir ?

C : Je le sais très bien, mais c’est comme disait B tout à l’heure : Si tu vois un Arabe et puis que tu lui tapes sur l’épaule en lui disant “Mon pauvre ratou“, moi je trouve que c’est pas bien. Ben c’est ce qu’on fait avec les femmes. Viens dans les comités de lutte, viens discuter avec des femmes.

Y : Oui, mais c’est comme si tu dis à un travailleur immigrant que de toutes façons ils ont pas plus de problèmes que …

Voix de femme F : Moi je suis de l’avis de Mme. L’autre fois, au moment de la perquisition de l’usine, les femmes ont réagi, et l’après-midi, Y voulait absolument les complimenter en leur disant : “Oh ben vous savez, vous avez été sensationnelles, bien, et cetera…“. Mais j’ai vu un moment où les femmes allaient lui foutre sur la gueule. Parce qu’elles avaient lutté, parce qu’elles avaient envie de lutter. Et leurs réactions personnelles elles ne demandaient pas du tout d’être sublimées par la suite et complimentées. Et de fait il est parti à temps, mais je sentais que l’agressivité montait en disant “mais dîtes, mais enfin“.

X : Mais en somme, c’est pas la première fois qu’il fait des conneries.

F : Mais je ne juge pas justement ça. Je juge une réaction d’hommes, et la réaction des femmes en groupe par la suite.

X : Bon. Maintenant ce n’est pas la première fois que des femmes se conduisent comme ça, parce que la première fois que les flics sont venus à l’usine pour délivrer les administrateurs provisoires, c’est aussi les femmes qui les ont accueillis.

Voix d’homme : C’était quelque chose.

C : Elles ont pas eu besoin d’être inscrites dans des comités de femmes (rires) ni au M.L.F.

F : (dit une phrase incompréhensible).

Q : Qu’est-ce qui s’est passé ce jour-là ?

X : Je ne sais pas j’y étais pas. Qui c’est qui y était ?

B : T’avais des flics qui roulaient des mécaniques, t’avais des gars qui voulaient cogner et qui étaient conscients qui pouvaient pas trop cogner, les bonnes femmes qui …

Y : Les femmes dans un (?) étaient plus virulent que les hommes.

B : Peut-être pas plus virulents. C’était une façon différente de se manifester. Si les hommes avaient franchi le pas que les femmes ont franchi, eh ben les hommes … (inaudible)

Voix : Les hommes, hein, étaient moins violents que les femmes.

Q : Comment vous expliquez ça, vous ? C’est étonnant.

Voix d’hommes : Non, c’est pas étonnant, c’est un tempérament plus …
Je sais pas, comment ça peut s’expliquer.
Ca s’explique pas, c’est la nature. Disons que l’homme sait peut-être mieux se contenir que la femme, c’est peut-être ça ….

C : Je voudrais bien les voir exploser un peu, les hommes chez LIP, moi. Oh lala, la la ! Encore l’autre jour, là, j’aurais bien voulu qu’ils explosent.

Homme : … Si les hommes avaient franchi le même pas que les femmes, y aurait sûrement eu de la bagarre. Les hommes ont été plus réservés que les femmes, dans l’ensemble.

Homme : Est-ce que ça n’est pas parce que les hommes pensaient que ça serait plus grave s’ils explosaient, que si les femmes explosaient ? Autrement dit, les femmes explosant ça n’entraînait pas la bagarre, les hommes explosant ça entraînait la bagarre. Est-ce que ça n’est pas … ?

C : Mais moi je l’ai senti, ça. La femme a réagi … (inaudible)

Homme ( ) : Je suis tala. On va vous accueillir le 13. Vous venez faire une … Maintenant moi, je comprends très bien votre réaction. Vous parliez tout à l’heure. J’ai l’impression que dans la société capitaliste telle qu’elle est, eh bien vous n’aviez avant qu’une vie d’esclaves. Et il est certain que cette explosion de chez LIP vous a donné conscience de votre personnalité, de votre action, de votre réalisation. Ca c’est net. En vous entendant parler…

X : Enfin pour en revenir aux femmes - parce que je pense que j’ai droit à la parole (rires) - pour en revenir aux femmes moi je suis parfaitement d’accord, moi je fais pas la différence dans le cas de…

Y : C’est facile à dire.

X : Je te jure que je fais pas la différence, et que je me trouve avec un camarade ou avec une camarade, je me comporte de la même façon avec l’un ou avec l’autre. Je serai peut-être plus gentil avec la fille, c’est possible, mais …

Y : Et tous les hommes disent ça. Tous les hommes disent “Moi une femme ou un homme, c’est pareil, je fais pas de différence“. Tous les hommes, 25 millions de français. Et ou en arrive quand même à une situation …

C : Mais ils jouent quand même pour ainsi dire le rôle de protecteurs.

Y : Et tac !

X : Oh non, pas moi. Ca je te jure. Enfin je l’ai fait pendant un certain temps, ça m’a valu d’être foutu à la porte de chez moi, et maintenant je le fais plus (rires).

Y : C’est quand même de nier un problème en disant “oh c’est pareil“…

X : J’ai pas nié le problème, j’ai parlé de mon cas personnel. Mais si je me suis insurgé contre M, c’est parce qu’elle est trop féministe. J’ai dit “Moi je vois pas le problème de cette façon“. Je suis ni féministe ni rien du tout, je suis … je considère que la société elle est fait d’hommes et de femmes qui travaillent.

Q : Je vais te poser une question concrète. Vous êtes 3 mecs de chez LIP, vous étiez là ce jour-là, pourquoi vous avez pas explosé comme dit C ?

Voix d’homme ( ? ) : Moi j’étais pas là.

Q : T’étais pas là ? (rires)

E ( ? ) : J’étais à Marseille.

DE LA DEMOCRATIE EN A.G. …

Q : Dites-nous ce que vous avez vécu. A posteriori, plusieurs semaines après, …

B : Ah ben moi j’étais pas en état d’avoir de la …. J’avais quelque chose de tout à fait (inaudible).

Q : Alors un qui était pas là, un qui était malade.

Homme : Moi j’étais là, mais enfin … Pourquoi j’ai pas explosé … J’ai hurlé quand il fallait hurler, j’ai résisté un peu quand il fallait résister, mais enfin …

(interruption par A) : Moi de toutes façons je suis pas tellement pour la violence habituellement, alors … Et puis comme je pars du principe que de toutes façons en conflit on aura toujours perdu, hein, je suis resté là. Oh ben non, sur le moment j’ai pas réfléchi. Je me suis comporté comme je me comporte habituellement.

Y : C’est à dire, la différence entre, hein …, la différence entre la démocratie réelle assez importante qu’y avait dans les … qu’il y a quelque temps, et celle qui est complètement formelle maintenant qui consiste à laisser parler pendant la moitié du temps une partie des gars à la tribune, au micro, et qui représentent à peu près un dixième de l’audience de la salle.

Voix : Ha ha ha !

( ? ) : … représente un dixième de la salle, d’après vous. Je vous ai pas tellement suivi

Y : Y a des gens qui parlent et qui ( … ) ne recueillent l’assentiment que d’une très faible partie de la salle, pendant que l’autre l’écoute avec attention pendant un certain temps, et qu’au bout d’un certain temps bien visiblement les gens en ont marre. Et y a un conflit qui se met à ce moment-là, c’est à dire qu’y a des gens dans la salle qui ont envie de parler, et y a Piaget qui dit “ Laissez les parler, laissez les parler“, ils continuent à causer, ils causent la moitié du temps, alors que les gens ont pas envie de les écouter et que les gens ont envie de parler.

(homme) : Bon, ben moi je peux vous répondre. Je ne suis pas syndiqué ni CGT ni CFDT, si bien qu’au départ de l’action j’avais 2 syndicats. J’applaudissais les deux, parce qu’ils parlaient le langage que j’attendais. Il se trouve que depuis quelque temps la CGT, puisque c’est de lui qu’il s’agit, parlait plus le langage que j’attendais. Si bien que maintenant quand ils me disent quelque chose qui me plaît pas, eh ben je me manifeste.

X : En tout cas, si ça tenait qu’à moi y a longtemps qu’on leur aurait fermé leur gueule. La preuve c’est qu’un jour je suis sorti, comme ça, pour mon plaisir.

B : Moi je vais te dire un truc. C’est que moi, au départ, déjà, moi, quand on parle démocratie et puis qu’on met une scène avec un micro disponible pour 10 personnes, c’est déjà pas démocratique.

F (femme) : Oui mais écoutez. Rappelons-nous quand même de l’ambiance quand on était dans l’usine. Et en juillet, par exemple, quand on était tous autour de cette table, on vivait différemment, bien sûr. Là tout le monde s’exprimait. Je crois quand même que Piaget on peut pas le déplorer, hein, c’est Lux.

B : Oh moi je dis pas qu’ils sont tous pour ça. Mais moi je pense que les AG, maintenant, faudrait qu’on les transforme. Parce que moi j’ai vu, par exemple, quand on était à Orsay, y avait des gars qui nous avaient reçus, qu’ont l’habitude, eux, de discuter, dans un amphi … Ben leur premier souci, ça nous a prouvé que vraiment, eux, ils recherchaient ça, qu’ils nous ont demandé. Ils nous ont donné le choix. Vous voulez une estrade avec des micros ou est-ce que vous voulez vous mettre dans la salle ? On a dit “dans la salle“ automatiquement, nous. Mais suite de ce truc-là, ben, y a eu des discussions qui auraient sûrement pas existé si on avait été sur une scène, où on se sentait mal à l’aise…

C : (inaudible …) c’était un meeting à Genève, c’était affreux, mais affreux. J’ai pas pu dire un mot parce que j’étais sur une tribune, on était surélevés d’au moins 4 mètres, il y avait un grand espace, puis après les gens, or j’étais avec Piaget et puis un autre mec à côté, du comité d’action, et puis des syndicalistes de LIP. J’ai été incapable de dire quoi que ce soit.

B : Moi je pense que maintenant, le problème ça serait de trouver un local qui le permette, parce qu’on peut pas leur reprocher, ça, y a une scène au Lux et on n’a que ce local. Dans la salle on peut pas circuler entre les sièges. Alors ça il faut bien reconnaître, c’est pas de leur faute. Mais moi je pense que l’AG elle peut être 10 fois plus intéressante si elle pouvait se faire sous forme d’une discussion comme celle-là, par exemple.

Y : Est-ce qu’il y a pas moyen de transformer la salle du Lux ?

Voix : Non, c’est pas possible, parce que …

Y : Il faudrait transformer …

X : Moi je pense qu’il faudrait essayer de trouver une combine.

Y : La Mutualité par exemple.

Q : Si on peut pas dévisser les chaises, ont peut trouver un gymnase, ou un truc. En rond.

Voix : En rond oui.

Voix : Ca a une grosse importance

…. Brouhaha …

F : C’était beaucoup mieux. Tout le monde pouvait s’exprimer. Le vendredi on arrive à la salle des fêtes, les gars sur la tribune et les gens en rang d’oignons. Quand je suis arrivée dans cette salle il m’a semblé que tout était foutu et qu’on nous manipulait et j’ai eu une sensation d’angoisse terrible, et d’un changement, disons …. bon tu vois, c’est vrai. “C’est donc plus la démocratie“, j’ai dit. De toute ma personnalité j’ai ressenti ça. Oh c’est sûr que les conditions de la salle y sont pour beaucoup.

X : De toutes façons le comité d’action a cessé de monter à la tribune.

F : Y a pas que ça. Faut pas non plus être obnubilé, le CA il est partout. Moi …

Y : Je crois que tu te trompes, F, d’accuser les choses matérielles. Parce que, comment c’est possible que des gens, donc la CGT, qui a des choses à dire, et je pense que c’est normal que les gens l’écoutent dans la mesure où elle représente un certain nombre de choses - comment ça se fait qu’elle réussit à monopoliser la discussion pendant à peu près la moitié du temps, pour dire des choses avec lesquelles environ un dixième de la salle est d’accord. Hein, pour pas dire grand-chose …

C : Parce qu’il y a pas de démocratie.

Y : … et pour répéter d’une fois sur l’autre les choses. Ce qui est grave, moi, c’est - je l’ai senti ce matin, je sais pas si vous l’avez senti comme ça - ce qui est grave c’est que, donc Piaget dit : “Laissez-les parler, démocratie, etc …). Alors soit dit entre nous, j’en ai parlé tout à l’heure avec Piaget, qui effectivement s’est posé des questions. Je sais pas … Alors, il dit, à partir de ce moment-là, dans la salle les gens ont une certaine agressivité vis à vis de la CGT. Le fait qu’ils puissent pas dire des choses, c’est à dire que peu de gens dans la salle puissent sortir une phrase assez longue qui veuille dire quelque chose, proposer quelque chose, ça fait que, comme les gens ont envie de s’exprimer dans la salle, eh bien ils s’expriment de manière super agressive. C’est à dire que c’est même des insultes, des grossièretés, qui ben, je veux pas dire que ça veut rien dire, mais qui vraiment n’apportent rien du tout. Tout simplement on se soulage. Mais est-ce qu’il serait pas ? … Je sais pas si c’est possible de démystifier ça. La démocratie, c’est pas de laisser parler n’importe qui pendant … pendant le temps voulu. Il y a des gens dans les groupuscules gauchistes qui sont spécialistes de ce genre de choses. C’est à dire, des types, je ne nommerai pas les groupes en questions, qui arrivent seuls dans une assemblée de 50 personnes, qui parlent pendant 1/2 heure. Et s’ils vont dans un endroit où les gens sont suffisamment, entre guillemets, démocratiques, ben ils arrivent à causer pendant 1/2 heure. Et s’il y a 50 personnes, ils monopolisent 25 heures d’écoute.

B : Pompidou et le Pape, tu es obligé d’écouter.

Dans des voix : Y a longtemps que ça me gêne, moi.

F : C’est une question à voir.

X : Ca me gêne beaucoup, moi.

C : La CGT … contesteront pas quand Piaget dit “Bon, ben laissez-la parler“. Ca c’est pas démocratique. C’est à la salle de s’exprimer. C’est la salle qui doit dire s’ils sont …

F : Mais moi j’ai trouvé très bon, aujourd’hui. C’est ce que je disais à CA, ils avaient été écrabouillés, c’est ce qu’il fallait.

X : Ils sont écrabouillés depuis combien de temps ?

Y : Y a rien qui part de la salle.

C : Tous les jours elle est écrabouillée. Mais elle a toujours dit “Je reviendrai debout“. C’est vrai. Comme de Gaulle : “Je mourrai debout“.

F et B parlent simultanément.

Y : … De toutes façons ça m’est égal, je sais que j’ai raison.

Voix (A) : Ah ! T’as laissé entendre qu’y a qu’elle qui est intelligente.

B : Bon, moi je pense qu’il faudrait qu’on propose une réunion pour gens intelligents et une autre pour les ballets - Alors là les gens intelligents vont pas se bousculer - Comme ça on pourraient donner le local là-bas …

Voix ( ? ) : A qui elle s’adressait ? Elle reprendrait les questions …

X : Ca n’est pas une assemblée pour les chômeurs - Ils n’ont qu’à aller au 11de la rue Batan, puisque c’est là qu’ils sont.

C : Voilà il y a ça aussi. (rires)

B : Faut arriver à le dire.

C : Ce matin il y a des gens qui ont posé la question : “Puisque la section syndicale CGT s’est inscrite au chômage est-ce que vous pensez qu’ils ont encore quelque chose à voir à la tribune“. Et bien, tout de suite Piaget à fait taire toute le monde en disant : “Oh oui, en ben on ne va pas parler de ça“.

B : Il y aussi un truc qu’il faudrait aussi qu’on fasse ressortir : c’est qu’au début du conflit dans tout ce qu’on a fait il y avait du positif et puis du négatif. On faisait une réunion, on essayait de regarder ce qu’il y avait de négatif pour l’éviter la prochaine fois. On essayait d’utiliser au maximum tout ce qu’on avait fait de positif.

B : Alors maintenant ce qui faudrait qu’on arrive à faire ce serait peut-être pas démocratique mais enfin ça serait dans le sens du mouvement qu’on a lancé. Si quelqu’un vient ici pour uniquement faire ressortir ce qui est négatif et démobiliser les gens on lui demande, Hr.., d’aller se démobiliser tout seul. Il ira au bistrot pour se remonter le moral à coup de rouge si il veut, mais dans la salle si quelqu’un prend la parole c’est pour faire quelque chose de constructif.

Y : Moi je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais moi je l’ai senti comme ça quand elle parle, Mme Darteville, moi je pense que ce qu’elle fait en ce moment c’est de la provocation et me demande même si elle ne le fait pas exprès. (interruption : oui, oui, …) Vous l’avez vu avec son chewing-gum, c’est déjà quelque chose, avec son sourire ironique, je pense qu’elle attend d’être visée, qu’elle attend effectivement que des gens l’empêchent de parler et ce sera sa victoire - Vous voyez, chaque fois quand Piaget dit “laissez-la parler, taisez-vous“, elle sourit avec l’air de dire : “Vous voyez, vous n’êtes pas démocratiques“. Et de temps en temps elle a des réflexions du genre : “Mais si c’est ça la démocratie …“ Je pense donc que c’est marcher dans son jeu, et l’aider que de pas lui permettre de parler ou de dire : “Les gens qui sont inscrits au chômage, ils ont pas le droit de parler“. Moi je pense qu’il serait beaucoup plus efficace et beaucoup plus révélateur en plus de dire, je ne sais pas comment le présenter sur le plan pratique, d’arriver à faire en sorte que, de leur dire : “Vous avez droit au temps de parole que correspond à votre audience dans cette salle“. En plus ce serait rigolo parce que si on arrivait à minuter ça, ça aurait un … je ne sais pas, je dis des choses très théoriques.

B : Là ça veut dire, ce que tu veux dire là, ça veut dire leur faire fermer leur gueule. Oui. Parce que s’ils ont autant de parole qu’ils ont d’audience, ben il faudra qu’il ferme la sienne.

Y : (on entend le mot démocratie, etc) Il y a des gens, moi je ne sais pas, ce matin j’étais peut être mal placé, j’ai vu à côté de moi des gens qui applaudissaient chaque fois qu’elle parlait et qui …

( ? ) homme : C’étaient des gens qui ont de mauvais habitude ça. Ils écoutent pas et puis ils applaudissent.

F : La claque.

Y : Il était une quinzaine. Les quinze du car.

B : Ah mais c’est toujours les mêmes. Il faut les parquer dans un coin. Une réunion pour eux (Brouhaha)

F : … Je t’amène pour le car ( ? )

B : Je ne pense pas, non.
(nombreuses conversations inaudibles)

F : Mais là c’est une suggestion en effet pour faire modifier la lutte le mouvement, la façon de réagir - c’est à retenir.
Moi ce qui m’a frappé, je l’ai dit tout à l’heure. Une fois un meeting LIP auquel j’ai assisté à Paris, il y avait - c’était un ( ? ) meeting, c’est à dire qu’il y avait des questions - beaucoup de gens qui étaient intéressés. Il y avait deux LIP qui étaient là - puis la discussion s’établissait, c’était très chouette. A un moment, il y a un type qui est intervenu et a posé des questions un peu oiseuses du type : “Mais est-ce que vraiment ça sert à quelque chose de faire des réunions comme ça ?, des réunions comme celles de ce soir“. Le genre de truc très philosophique qui n’est pas inintéressant en soi, c’est-à-dire que c’est une question digne d’intérêt, mais il se trouvait qu’il y avait deux LIP qui étaient là et cent personnes qui s’étaient dérangés pour savoir effectivement ce qui se passait à LIP pour pas être obligé de passer par la télé, par la radio, par la presse, ils s’étaient dérangés, ils voulaient avoir des informations, discuter vraiment avec les LIP, et il y avait ce type là comme ça …. La salle l’a écouté parler et en plus il ne posait pas vraiment une question. Il parlait et vous savez des trucs, des questions qui sont longues comme ça et qui finissent par un point d’interrogation au bout d’un quart d’heure. Il parlait puis bon. Au début les gars écoutaient comme ça, puis au bout d’un moment il y avait des mouvements dans la salle. Surtout qu’il est intervenu une deuxième et même une troisième fois. Et alors le type qui dirigeait le débat il agissait un peu comme Piaget : “laissez-le s’exprimer c’est normal…“. Et les gens réagissaient pas. C’est à dire effectivement quand on dit : “soyez démocratique …“, en général on est tellement, on est un peu attaché à cette démocratie formelle, alors on se dit : “on va le laisser parler…“. Et ce type là, il a réussi à … C’est une question d’efficacité. C’est à dire que pendant un quart d’heure ou vingt minutes, je ne sais pas exactement, il a empêcher les cents personnes qui étaient venues là, et qui étaient venues un soir, qui travaillaient le lendemain et qui devaient se coucher à une certaine heure, enfin il y a des problèmes pratiques, de discuter avec des LIP qui étaient venus là, qui avaient fait un meeting à 18 heures et qu’en faisaient un le lendemain matin.

Q : Je voudrais poser une question aux copains et copines de LIP, là, parce que les gens du 18ème nous ont demandé de les contacter avec la lettre là. Si vous voulez venir au comité de soutien du 18ème pour faire un meeting, comment vous voudriez que ça se passe ce meeting ? Qu’on puisse rentrer à Paris demain et qu’on puisse leur dire : “Voilà ce que vous voulez …“ Comment voudriez-vous que ça se passe ?

C : Comme ça, comme ça.

B : C’est l’idéal.

Q : Qui ce soit dans une salle de quelle importance …

B : … L’importance … pas pour un auditoire trop nombreux.

C : Ca dépend des gars.

Q : Une salle, non je parlais des chaises comme on disait tout à l’heure, vous voulez des chaises …

C : Au milieu des gens.

Q : Au milieu des gens ?

X : Oui bien devant, on a fait des choses qu’étaient pas si mal que ça.

B : Dans une salle de cinéma, on ne monte pas sur la tribune on s’assiet devant comme ça, à la bonne franquette.

X : Un micro voyageur que chacun puisse s’exprimer.

B : … ou deux.

X : Ca dépend combien il y a de personnes. On n’a pas besoin de 2 micros au dernier on était combien là ? Il y avait une centaine de personnes ? Une centaine de personnes, on discutait… il nous refile les micros ça nous emmerdait plutôt qu’autre chose, on a laissé tomber comme ça.

Q : On passe un film, ou on passe pas de film. Ils voudraient savoir, les gens à Paris. On voudrait que ce soit vraiment vous.

X : Si vous voulez.

C : Qu’est-ce que ça donne les films dans les meetings.

X : Le film … qui l’intéresse.

B : Je ne sais pas.

Voix : Le film il peut donner des idées…

X : Amener à poser des questions pour discuter. Il facilite les choses pour s’expliquer. Il situe la lutte de LIP jusqu’au mois d’Août. Mais il est un peu monotone. Il n’y a pas d’action. C’est simplement des explications. Pour s’expliquer, ça va. Mais alors, le film du CREPAC il est engagé. C’est un film qui intéresse vraiment les gens ça.

Voix : Il conteste la CGT celui-là, il conteste trop ( ? ) (brouhaha).

C : Pourquoi il conteste ce film ?

X : Parce qu’il est engagé, parce qu’il relate les bagarres à Palente. Il y a quand même des gens comme nous qui parlent et qui s’expliquent, même parfois violemment. En particulier justement sur la répression, sur les bagarres à Palente, où … où la CGT était absolument contre, et ne voulait pas qu’on en parle. Où nous nous avons dit : mais non il faut en parler. Alors il y a eu une séquence où justement c’est des gens … des gens, enfin c’est Monique Piton et moi et comment qu’ils s’appelle … l’horloger … sa femme. Effectivement de toute façon ce qu’ils disent …

C : Elle s’exprime bien elle.

Q : Je vais leur faire entendre ça parce que c’est la meilleure réponse à leur question.

F : Il y a aussi cette séquence extraordinaire où Giraud est arrivé le premier jour où il est arrivé à Palente, où Piaget était parmi nous. Il avait été sensationnel Piaget. Faut quand même reconnaître hein. Il était dans la salle, il réagissait … la salle réagissait en même temps que Piaget … en disant “Mr Giraud nous sommes chez nous“ La salle a applaudi en … presqu’un peu avant. C’était extraordinaire.

X : C’est une des meilleures … une des meilleures réunions qu’on a eues.

F : J’en garde un souvenir … et le soir et quand il insistait sur le côté humain. Une entreprise ce sont des hommes, ce ne sont pas des capitaux etc ; .Et ce Giraud qui était, lui alors, il était au-dessus, tu vois, entouré de tous les journalistes, de toutes les pontes tu sais. C’était, mais alors c’était lui le grotesque, tu sais.

Voix : … ? les administrateurs précédents.

F : J’en garde un souvenir extraordinaire.

C : Il n’était encore pas dépassé par la lutte, alors Piaget. (elle répète cette phrase deux fois.)

F : On voit ça alors dans le film ( ? ). Oui ça avait été bon. Il faudrait qu’on retrouve ce ……

B : Moi je pense que ces trucs là il faudrait les réentendre quand ils sont fatigués, les gars comme lui justement … Comme ça et tu était comme ça oh ! oh !

X : Par exemple il y avait un truc utile c’est d’avoir un micro dans la salle parce que ce qui avait fait une très nette impression c’est Piaget avec sa sono dans la salle et puis qui interpellait Giraut depuis la salle. Alors on peut plus le faire.

Q : Pourquoi on peut plus ? Qui t’empêche de prendre une sono et d’exiger un micro dans la salle, baladeur, dans les assemblées générales, qui empêche, dis-moi qui ?

(Pendant cette phrase on entend des ah oui, il faudrait pendant …)

C : Le matin des les A.G.

(On entend ici dans le brouhaha : A.G. etc ………. baladeur ……..etc.)

C : Comme tu dis, à part de crier : “salopes“.

X : Il y en a beaucoup qui l’ont réclamé. Piaget l’a rappelé il n’y a pas si longtemps, il disait : “il faudrait qu’on trouve un micro“.

Q : Un mégaphone, ça se trouve, nom d’un chien.

Voix d’homme : Et le gars qui se baladait là toute la matinée.

B : C’est pas un micro baladeur qu’il y a c’est un micro qu’ils te passent quand ils veulent bien te le passer.

X : Il l’avait réclamé qu’on en installe un.

(Brouhaha …)

F : Oui ça, à l’oeil. (on entend le mot “cordon“)

Q : Il partage son privilège.

Y : Il n’y a que la ….. pour faire ça parce que lui il s’en fout alors. C’est pas ça, mais personne ne le fait ….

X : Mais si, moi j’ai essayé.

F : Personne dans le vrai sens du mot

X : J’ai essayé de le faire, mais on me dit qu’est-ce que tu veux dire, non, tout à l’heure ; on veut pas me le donner.

C : On nous fait fermer notre gueule tout le temps.

B : Il faudrait une sono qui se balade.

X : Oui il faudrait une sono comme on en avait dans le temps, mais il y en a plus je crois.

B : Si il y en a une là, il y en a une.

C : Ils disent tu sais quoi : “Taisez-vous, vous parce que vous produisez des réactions épidermiques“.

A : A un moment donné, il y en avait cinq sonos, mais il y en a quatre que les flics nous ont piquées.

C : Réactions épidermiques, les gens du comité d’action.

Q : A Paris il y en a tant qu’on veut, vous n’avez qu’à demander on vous en amène …

X : Il y a un truc formidable, tu sais le meeting avec Georges Séguy et Edmond Maire. Alors il faudrait le faire réentendre à Séguy. Il a dit :

Y : …. qu’est-ce qu’il a dit …. (quelques mots inaudibles).

X : Ah oui au meeting à Besançon.

C : Au palais des sports.

Y : Et à Paris aussi et à la Bourse du Travail, il a dit des trucs qui ne seraient peut-être pas cons de lui faire réentendre.

Q : Qu’est-ce qu’il a dit ici ?

 : Il a parlé de la lettre de LIP. De la lutte de LIP.

 : Exactement ces paroles, moi je ne sais pas.

 : Le disque pour lui rappeler. Il n’y qu’à l’écouter ce soir.

B : On finira par lui envoyer.

Brouhaha

 : Sur le disque le passage de Mme Dartevelle.

X : Faudrait l’envoyer à Mme Dartevelle.

B : Je vais l’écouter ce soir. Enregistrer une réunion comme ce matin et lui envoyer le disque, en disant : “Compare toi-même, c’est toi qui jugeras.“
(on entend : c’est les gosses …)

X : Même Edmond Maire, il aurait intérêt à réentendre.

B : Tous.

X : Même Piaget, oui, tous.

B : Dire qu’on a fait comme ça pour que les gens gueulent ( ? )

X : Tous oui, même Vito

F : Oui mais n’allons quand même pas dans les boucs émissaires, hein ? Ping, ping, ping. C’est à nous à réagir, après tout il a raison.

B : Moi ce que j’en pense, c’est qu’il faudrait tous …

F : Faudrait faire aussi notre, comment, autocritique …

Y : … C’est relativement facile de dire : oh oui mais c’est difficile d’avoir le micro … C’est aussi une question de volonté qui est peut-être moins facile.

F : C’est la faute à celui-ci, c’est la faute à celui-là.

Y : Ah oui faudrait qu’on le fasse, qu’on change quoi. Avant de changer les autres faudrait peut-être un peu changer soi même.

F : On est peut-être un peu fatigués aussi.

B : Moi je ne vois pas moi.

X : Est-ce qu’on ne pourrait pas demander qu’au lieu de se mettre sur la scène, ils se mettent dans le bas du balcon par exemple …

B : Voilà

X : Pour avoir des gens derrière eux.

B : On l’a déjà demandé ça.

X : Derrière eux sur le balcon, mais les gens du bas vont …

(voix de femme) : Faut occuper la scène.

X : Non, non mais les gens du bas vont tourner le dos. Ca ne va pas ça.

C : Enlever ( ? ) la salle et puis occuper la scène. Foutre des tables des chaises sur la scène. Enlever les tables, mettre les micros par terre et puis entourer les délégués.

F : Oui, c’est possible et je vois que ça tournerait assez bien

Y : Moi je crois que ce qui est possible pour ne pas faire trop d’un coup, pour en bas, c’est au niveau des premiers rangs en bas devant la scène, mais au bas de la scène essayer de trouver si on ne peut pas mettre quelque chose qui soit une petite estrade qui aille sur les premiers rangs, des tables, ça suffirait.

B : Ah oui, mais voyez l’installation….

Y : C’est pas énorme …

B : Ah si quand même.

Y : Des bouts de bois et des tréteaux.

B : Faut trouver les gens.

(Diverses voix se croisent ; on entend : ça ne changerait rien, la lutte pour le LIP…)
… sur la scène fait que les gens veulent qu’ils reviennent dans la salle. A partir de … je suis sûre que vous n’êtes pas les seuls. Il y a beaucoup de gens - moi j’ai parlé cet après-midi avec des gens et toute la journée - ben elles étaient absolument d’accord. Donc il suffit qu’il y ait un certain nombre bien décidé de dire : “non il faut retourner dans la salle“, ça passera. C’est pas la peine d’agencer la salle encore. Il faut seulement faire, imposer son désir.

Ecoutez quand on voit ici, on voit cette salle de restaurant avec … je ne sais pas ça avait l’air d’être en rond et ça a l’air d’être beaucoup plus propice aux dialogues.

X : Ah oui bien sûr !

F : Ah très nettement.

B : A un moment donné on mettait un carré de tables et les gens se mettaient tout autour, c’était vachement bien.

F : … une fatalité. On se dit eh bien on n’a que cette salle à l’heure actuelle, c’est bon, on accepte cet apport extérieur ( ? )

B : A partir du moment où on a eu le Lux, ça allait comme ça.

X : Non mais il y a aussi cette chose qu’ils voulaient absolument plus… Combien de temps on est resté avant de poser des questions à l’A.G. Parce qu’on a bien dit jusqu’au début d’août, on pose des questions à l’A.G. et c’est l’A.G. qui est souveraine. Mais il a fallu attendre ces derniers temps justement pour que nouveau on pose des questions à l’A.G. Parce qu’ils en avaient une trouille incroyable et justement pour la CGT surtout, mais pour la CFDT aussi, c’est un truc qui leur permettait de parler et de parler seuls. Alors maintenant vous allez leur demander de parler démocratiquement, et bien c’est que ça n’intéresse plus et surtout la CGT parce qu’ils ne pourront plus parler d’abord.

B : Moi je crois qu’avant de dire, faut leur poser la question, faut poser la question. C’était un truc pour couper les ponts avec le C.A. qui avait peut-être trop tendance à trop s’exprimer.

X : Bien sûr.

 : Alors que là, il y avait les délégués.

X : Pourquoi est-ce qu’il n’y a jamais eu que deux micros justement sur les tables, parce qu’ils auraient très bien pu en mettre un troisième. C’est uniquement parce qu’il y avait un micro pour la CGT et un pour la CFDT, que les gens qui voulaient parler, ils étaient obligés d’emprunter le micro, en l’occurrence pour le C.A. le micro de la CFDT. Puis quand les gens venaient parler pour la CGT, ils se mettaient de l’autre côté. Bon. Bah, ça a été très vite très facile d’empêcher les gens de parler parce que quand tu t’amenais … quand on était en dernier sur l’estrade, on venait s’asseoir à trois ou quatre là. On disait “Tu nous passes le micro“. “Attends, attends, tout à l’heure, tout à l’heure“ et j’ai eu un coup le micro au moment où ils disaient : “la séance est levée.“ Tu vois …

Q : Il y a cent ans que ça se passe comme ça, depuis la commune de Paris.

C : Ca y est voilà Q. qui revient.

Q : Je commence à en avoir marre.

C : Il a raison, il a raison.

X : Oui, mais moi aussi vous inquiétez pas.

C : Oui, mais il le sait, il a beaucoup lu.

B : Ah ben moi je pense qu’au lieu de penser qu’automatiquement ils refuseront, il faut poser la question ? Moi je suis d’accord de le faire par exemple demain matin.

Q : Il y a une A.G. demain matin ?

X : Non, il n’y a jamais d’A.G. le samedi et demain c’est encore plus tard ….

(discussion pour savoir si le lendemain est vendredi ou samedi, on entend aussi : le droit de parler … à la place de la base)

B : Qu’est-ce que t’en penses ? Bah ça nous a déjà mené, encore un truc que j’avais oublié de dire, tiens. Ben dans le temps, quand je faisais neuf heures dans la boîte, une heure avant de sortir j’en avais déjà bien marre et j’étais pressé de m’en aller. Puis maintenant on arrive à y passer nos samedis, nos dimanches … Et puis on trouve toujours que ça va trop vite (rires). On arrive à samedi soir et on croit que c’est vendredi.

X : Il y a longtemps que j’étais parti quand j’étais à l’usine. A c’t’heure-ci plus de X à l’usine. Eh ! eh ! (rires).

B : Il y a longtemps que tu avais rangé les outils hein ?

X : Oui.

B : Ben moi le plus que je suis resté dans l’usine, c’est deux jours et une nuit. J’ai trouvé que j’étais fatigué, oui, mais j’ai trouvé que c’était passé tellement vite que j’en étais étonné oui.

X : Depuis il m’est arrivé de bosser jusqu’à trois heures du matin, quand je faisais partie de l’équipe de LIP-Unité. On avait été faire du machin jusqu’à trois heures du matin, hein ?

C (Simultanément avec X ) : Je vais parler de l’histoire. Demain on a une réunion avec les …. à ( ? ). Là je vais parler de mon idée, là, de la marche sur Paris. C’est lui qui va m’aider …

F : Mais justement ça, ça vient de ce qu’il y a des horaires flexibles, à la carte. Moi j’avoue que j’étais privilégié à l’usine : je ne suis pas matinale et je pouvais rester le soir assez tard. Et vraiment on travaille beaucoup mieux selon le rythme que l’on a choisi. Il y a des gens qui sont du matin, il y a des gens qui sont du soir.

X : Surtout, si on choisit le boulot (rires : bien sûr etc …)

B : (inaudible)

F : On aurait déjà l’horaire flexible, l’horaire à la carte, ce serait déjà un gros pas, une grosse modification quant au redémarrage.

B : Mais là on a des gars … Quand on parle du gars qui a choisi son boulot et puis, ça va bien. On a le gars qui est horloger qu’est au fort, qu’a mangé au fort à midi, c’est la cuisine qu’il fait lui, c’est le chef cuissot qui remplace un professionnel, hein, et qui fait son boulot de première, de chef professionnel de quand il était à la cantine dans l’usine. Vraiment il sait y mener son boulot. Tu vois un gars comme R., mais c’est un gars qui est tout le temps, tout le temps sur la brèche alors qu’avant il était comme tout le monde hein. La journée finie, il était tout content de se barrer à la campagne. Mais c’est lui qui a choisi le boulot, s’pas, c’est pas nous qu’on lui a imposé. Alors on peut dire qu’il le fait avec plein de bonne volonté hein.

X : Oui, le boulot qu’on fait, on l’a bien choisi nous mêmes… c’est personne qui m’a imposé d’aller me balader à Marseille, d’aller me balader à Paris, d’aller me balader à Milan.

B : Tu peux venir le samedi, tu peux venir le dimanche, hier il était tout seul. On est resté là exprès, parce qu’on était venu faire un tour, parce qu’il n’y avait vraiment pas beaucoup de monde. Mais le gars, il s’était fixé …

Responsable de Publication : Jean LOPEZ Pour toute correspondance écrire à :
J-LOPEZ
Imprimerie spéciale : JUSSIEU 18 R.Favart
75002 PARIS

ERRATA

NOTE 1

Q : Tu saignais du nez

C : Oui, je saignais du nez, tu vois. Alors tu vois, c’est pas la première fois que les gens de la CGT tapent sur les travailleurs. Ca fait la troisième fois chez LIP, qu’on connaît. Moi, et puis il y a même la femme de M. pendant la marche sur Besançon, qui a fichue une calotte au médecin qui était venu à l’antenne médicale en lui disant que c’était l’affaire de la CGT, préparer l’antenne médicale. « Vous avez rien à foutre ici, vous n’avez qu’à vous en aller. » Et puis il s’est un peu énervé, il lui a dit : « Ecoutez, fermez-la ». Elle lui a sauté dessus et elle lui a flanqué deux grandes claques dans la figure. Alors, tu vois, s’il y a eu jusqu’à maintenant des troubles, des coups d’échan… même pas d’échanger parce que jusqu’à présent personne ne s’est jamais retourné, c’est venu uniquement des gens de la CGT, jamais des gauchistes comme ils disent, jamais des hordes sauvages. Les incidents ça a été par la CGT.

NOTE 2

… Moi je te dis, on en arrivera là de toute façon, tu verras un jour on va se retrouver qu’un petit groupe et puis c’est tout.