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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Le camarade Lucain (FBGCI) au camarade Bergeron
Le Prolétaire n°2 – feuilles de documentation et de discussion- Janvier-Février 1947
Article mis en ligne le 20 novembre 2023
dernière modification le 30 octobre 2023

par ArchivesAutonomies

Camarade,

Nous avons été jusqu’ici dans l’impossibilité de répondre à ta lettre que tu nous as envoyée et où tu exposes ton point de vue sur l’Etat. Les remarques que nous y avons trouvées nous ont été la preuve qu’il y a eu de ta part un effort sérieux d’investigation. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir qu’enfin un camarade français fait un effort pour sortir de toutes ces couillonnades actuelles qui empêchent tout travail sérieux. Nous avons par exemple beaucoup à dire sur la position RKD-CR sur la Russie. Il nous semble étrange que ces camarades dénoncent la Russie comme un pays capitaliste depuis 1921 alors qu’ils ne font que répéter le contenu de "l’Etat et la révolution" de Lénine. Nous pensons que la marche des évènements en Russie ne procède pas d’une "trahison" de Lénine - le mot commode celui-là - mais résulte de l’application intégrale de la formule "Etat bourgeois sans bourgeoisie", qui "impose" le droit bourgeois. Il est vrai que cette conception de Lénine est en opposition formelle avec le restant de son bouquin. Mais il nous semble étrange que les CR-RKD opposent à l’évolution de la Russie la répétition de "l’Etat et la révolution" alors que celui-ci est à la base de la déviation russe. Nous pensons (pour résumer notre pensée là-dessus) que les grands cris et les affirmations suffisantes seront de mise le jour où l’on aura pu aller plus loin que la théorie de Lénine. Tant que cela n’a pas été fait, on ne raconte que du vent.

Ne te laisse pas frapper par le silence de notre organisation.

Nous avons décidé de ne plus publier d’études ou de documents fragmentaires, envisageant seulement un des aspects des deux grands problèmes théoriques que nous avons à solutionner (décadence du capitalisme et Etat).

Nous livrerons à la critique sur ces deux problèmes des ouvrages complets. Il est en effet apparu notamment avec les monts de sottises qui ont été racontés et qui continuent à l’être sur la "disparition" du prolétariat, ... am ..., stram ...gram, ...que nous avons affaire à des gens qui ne se rendent pas compte que nous sommes des organisations qui ne peuvent avoir à l’heure actuelle des solutions théoriques définitives sur des problèmes qui ne sont pas encore définitivement déterminés par l’histoire. Jusqu’ici la méthode de travail que nous avons eue, a été de charger un camarade de fournir sur un aspect donné du problème un rapport qui doit servir de base de discussion et nous avons commis l’erreur de publier ces rapports. Il est arrivé des dizaines de fois que de tels rapports ont été rejetés, que le camarade même qui les a écrits a changé d’idée. Voyez le résultat, ... Cette méthode a été l’aliment de toutes les phases de ce "mal français" de l’avant-garde, qui heureusement semble donner des signes d’extinction.

Bordiga vient de faire paraître un ouvrage sur l’Etat en Italie. Nous en rédigeons un également. Mais nous ne le livrerons à la publicité que lorsque nous aurons fidèlement transmis les idées et éventuellement les divergences du groupe. Tant que nous ne pourrons présenter nos positions sous cette forme, nous préférons nous taire, parce que nous ne faisons qu’alimenter des bavardages qui empêchent tout progrès. Cette nouvelle attitude semble donner des résultats puisqu’elle a déterminé la pulvérisation des groupes qui ne disposant pas de bases propres s’en vont à vau-l’eau. Nous pensons qu’il serait de loin préférable que tout cela, toute cette élaboration théorique puisse se faire plus ouvertement, mais pour cela il faudrait pouvoir compter sur un minimum de bonne foi et de capacité d’apporter quelque chose, de chacun.

Tant que cela ne sera pas apparu, nous éviterons toute polémique de la façon la plus systématique. Sur le Comité de Coalition Antifasciste, par exemple, nous avons aussi notre mot à dire. Nous le dirons quand nous le ;jugerons utile. Sitôt que notre laïus sur l’Etat sera terminé, nous te le ferons parvenir.

Amicalement, salutations communistes.

Lucain - Fraction Belge de la GCI

(lettre non datée, reçue fin mai 1946)