par ArchivesAutonomies
Les premiers fantasmes désirs-espoirs. les premiers regards jetés par les adultes sur leur divin enfant à peine pondu sont dirigés sur son entrecuisse, c’est-à-dire sur son appartenance de classe sexuelle. Une certaine différenciation anatomique le fait déjà maître ou esclave pour toute sa vie. Il pourrait au cours de celle-ci renier les intérêts et les espoirs de sa classe sociale, mais sûrement pas renier son corps (et pour cause) et le pouvoir ou non-pouvoir qui s’y rattache dans le contexte présent de la société patriarcale capitaliste ou socialiste d’ailleurs. Pour qu’il perpétue sa classe sexuelle, il va être éduqué dans la tradition. Le conditionnement s’installe, déterminant, et s’exprime tout-puissant de la couleur de ses premières layettes à la violence de ses premiers jeux. L’éducation directive, puis les diverses institutions oppressives lui font prendre de gré ou de force la forme du moule "bon citoyen". Ce conditionnement va prendre toute son expression au sein du couple.
Nous ne ferons pas de distinction, car il n’y en a pas, entre le couple marié légitimement, le couple légitimement pas marié et l’union dite "libre". Le couple, c’est le noyau de base de la famille, elle-même cellule de base de la société ; la nécrologie du couple précède la nécrologie de la famille (voir le n°1 de MARGE),
Comme la famille, te couple est la poutre maîtresse sur laquelle repose l’oppression. Le jeune couple, à peine la lune de miel éclipsée, est réduit au duo morbide. La dame est reléguée à n’être qu’un objet de consommation sexuelle, une bonne, une productrice de travail et d’enfants, une éducatrice, une "mère". Le monsieur se complaît déjà dans son rôle de maître possesseur et oppresseur, patriarche pantouflard.
Ainsi soit-il du banc public au caveau conjugal.
En fait, la hiérarchie et les rapports de pouvoir étaient déjà créés et installés avant même que les partenaires ne se connaissent ; en se rencontrant, ils n’ont fait que pérenniser la société patriarcale Les notions de pouvoir et de dépendance ne peuvent que ressortir dans le couple même animé des meilleures intentions. Les valeurs amour-amitié criées à tue-tête ne sont que des parodies affectives, des anesthésiques ; le véritable rapprochement passe par la complicité et une certaine solidarité spontanée.
Dans nos sociétés, la communication est fondamentalement faussée à tous niveaux ; ces difficultés générales de communication reprises dans les rapports privilégiés des deux partenaires sont potentialisées et parviennent à un degré d’acuité telle que le couple n’est pas viable : un seul couple existe dans ces conditions, c’est le couple maître-esclave, ainsi, le couple : c’est deux merdes.
Ce discours peut apparaître outrancier à ceux qui espèrent encore trouver quelques îlots de pureté dans le quotidien intime ; à ceux-là nous répondons que ce discours ne peut être que radical et incisif car une arme émoussée ne fait qu’attirer les coups sans pouvoir les rendre et annonce la défaite.
Par ce texte, nous contribuons à la lutte contre les institutions couple/famille/travail/patrie. Mais aussi, nous entamons notre propre remise en question, c’est-à-dire la lutte contre nous-mêmes avec notre passé, notre présent de mecs et d’oppresseurs. La lutte contre la société patriarcale, contre l’exploitation de l’être par l’être (qui aboutit à deux "ne pas être") doit passer par la remise en question des mecs quant à leur quotidien et leurs désirs. Si nous voulons parvenir à une société libérée, les mecs devront un jour ou l’autre se couper les couilles ou lutter dès aujourd’hui pour que celles-ci ne soient plus leur principale référence.
Le couple ne sera plus le couple morbide lorsqu’il naîtra à partir de deux individus s’étant chacun libéré dans une société libérée.
Article paradoxalement écrit par deux mecs.
Les deux signataires ne sont pas un couple d’auteurs, mats deux co-auteurs.
Où sont passées nos pantoufles ?
Pierrot - Daniel Ladovitch.