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1986
Lorsque parait le premier numéro de Réflexes en juin 1986 (tirés à 300 exemplaires), beaucoup pensent que ce sera le dernier. L’édito pourrait être repris dix ans plus tard : "Les dernières mesures sécuritaires du gouvernement libéral Chirac font de chacun d’entre nous un suspect en puissance. Insécurité croissante pour les étrangers, mais aussi pour les jeunes, répression contre les réfractaires à l’armée, droit d’asile de plus en plus bafoué, politique d’enfermement visant à détruire toute identité individuelle et collective... font de la France un "pays" qui n’est plus celui des droits de l’homme". Souhaitant coordonner différents comités et groupes d’individus, les vingts piges tapées à la machine passent en revue les différents axes de lutte : luttes contre les lois sécuritaires, antifascisme, luttes antiracistes et antimilitaristes, appel au soutien pour le réfugié italien Orestino Dominichelli. Dès ce premier numéro, l’ouverture européenne est déjà présente avec un article contre la lutte contre le recensement en Allemagne. Les autres numéros de l’année se déclinent de la même manière, publiant de nombreux communiqués d’associations diverses. Le numéro 4 de décembre 1986, enrichie de 8 pages se branche (déjà !) sur les mouvements sociaux, c’est à dire la lutte contre le projet Devaquet, tout en espérant que ce mouvement élargisse ses cibles "l’ouverture progressive du mouvement à d’autres champs de lutte (...) tels le code de la nationalité, le plan Chalendon, la remise en cause du remboursement de l’IVG, etc., confirmant (...) que les préoccupations de ce que l’on a appelé "la nouvelle génération" d’étudiants et de lycéens ne se limitent pas à la culture du look et du vidéo-clip". Apparaissent dans ce numéro les premiers récits et analyses "Violences, provocations et répression dans les manifestations étudiantes" et la première interview, celle de l’Anti-fascist Action anglais (en fait une traduction de Searchlight déjà !!!). A noter l’initiative de demande pour les femmes du statut d’objecteur (sic) de conscience.
1987
L’année 1987 sera prolifique. Huit numéros (de 32 à 40 pages). En janvier apparaît en Une l’autocollant vedette de Réflex des premières années "Cet homme est dangereux !!!" diffusé à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires et qui eut comme effet de saturer une ligne téléphonique du ministère de l’Intérieur. Les premières enquêtes sur l’extrême droite sont présentes sous la forme d’un article sur la Fédération Professionnelles Indépendante de la Police (une de-nos têtes de Turcs favorites) et sur l’extrême droite universitaire (une autre de nos têtes de nœuds...), la maquette est toujours aussi approximative mais déjà l’ordinateur avait fait son apparition. On sent quand même dans ces numéros un intérêt pour les luttes de l’immigration, surtout pour les initiatives autonomes (collectif "j’y suis, j’y reste..."), l’autre préoccupation majeure étant la police (en particulier sur les violences policières), l’antifascisme n’apparaissant qu’à l’occasion d’interview de collectifs antifascistes locaux Urgence de Lyon (dans le n°7 d’avril 1987), dossier sur Marseille et Lyon (n°8 de mai), le Comité de Résistance Antifasciste et Antiraciste de Lille. À noter aussi l’apparition à partir de mai 1987 des dessins de Gil, qui signera les couvertures de Réflexes pendant des années dont cette année-là "Révisionnistes toujours plus cons !. Les Juifs n’ont jamais existé !" et "Ma grippe est espagnole, mes chiffres sont arabes, mes capotes sont anglaises, mes godasses sont italiennes et mon berger est allemand... J’ose même pas ouvrir le gaz pour en finir : il est soviétique !". Dans-le numéro de novembre 1987, publication de deux communiqués, à savoir celui de l’organisation basque "IPARRETARRAK" et de "l’ex-FLNC" pour protester contre les poursuites intentées contre U Ribombu et contre un magazine basque du Nord Abil : "Nous pensons que le fait de publier des textes émanant de groupes ayant choisi la lutte armée comme outil politique ne peut en aucun cas être assimilé à une acceptation ou à un soutien (à) ceux qui publient ces textes. La liberté d’expression et d’information ne peut être restreinte au motif que la publication de textes émanant de ces groupes est une apologie de leurs crimes, sinon nous risquons bientôt de n’avoir à publier que les communiqués ou textes émanant d’officines ministérielles ou institutionnelles". L’année se termine par un numéro spécial (n°12) de quarante pages présentant la Coordination Nationale Antisfasciste créée en novembre à Lyon et rassemblant des collectifs de Lyon, Toulouse (Scalp), Lille et Paris. Les initiatives de solidarité se continuent avec des campagnes pour la libération de Jean-Philippe Casabonne "Otage français à Madrid" ou Robert Gemignani (militant italien menacé par une extradition). Plus de douze pages sont consacrées aux luttes de. l’immigration et en particulier à l’initiative "Mémoire fertile".
1988
L’antifascisme prend de plus en plus de place dans Réflexes : quatre Unes sur sept sont consacrées à Le Pen et il ouvre quasi systématiquement le journal. Interview d’un Redskin, de collectifs Scalp Bordeaux et Nantes, Lille, Reims, textes d’analyses comme celui d’Alain Bihr (eh oui !) dans le numéro 18 de septembre 1988, "Derrière le vote Le Pen, le remodelage des rapports de classe", ou sur "l’implantation du Front national chez les dockers Marseillais" (n°14 mars 1988) mais aussi comptes rendus des nombreuses initiatives antifascistes locales, nationales ou européennes (Congrès antifasciste, antiraciste et antisexiste de Berlin). Les skins (que l’on n’appelait pas encore en politiquement correct boneheads) font leur apparition sous la rubrique "Skinhead (aid) : offrez leur un cerveau !". Les luttes des jeunes issus de l’immigration sont aussi très présentes ainsi que les luttes de libération nationale (que l’on appelait pas encore en p[olitiquement] c[correct] "résistances identitaires"), Kanaky, Corse et Pays Basque. La police tient bien la corde en particulier dans le numéro de juin 1988 avec l’Affaire Black War, une opération policière visant à criminaliser le mouvement radical qu’il soit politique ou musical. Un deuxième septennat mitterrandien ne bouleverse pas d’allégresse la rédaction de Réflexes : "La victoire de Mitterrand a réjouit les immigrés d’après Libération. Pour les Kanaks, elle signifiait au moins une pose (sic !) dans l’engrenage de la guerre coloniale entreprise par Pons. Et pourtant ! Mitterrand dans le débat avec Chirac a été on ne peut plus clair : il n’y aura pas de changement dans la politique menée vis-à-vis de l’immigration et en ce qui concerne l’affaire d’Ouvéa. lui même a donné son accord pour la prise d’assaut, même s’il avait demandé comme lors de l’assassinat d’Eloi Machoro que cela se fasse avec le moins de morts possible... Mitterrand a dit qu’il était en accord avec les lois Pasqua, même s’il voulait revenir sur certaines dispositions...
1989
L’année démarre sur une campagne pour la libération de Pantxoa. guitariste du groupe KGB, condamné à quatre ans de prison pour avoir jeté deux cocktails Molotov sur les volets d’un policier responsable de l’expulsion de son ami Luis, chanteur du même groupe. et qui passe son deuxième Noel en prison. Les lignes de force du journal varie peu : antifascisme qui garnit souvent les premières pages, luttes de libération nationale, luttes de l’immigration et antimilitarisme. A noter une ouverture de plus en plus grande aux perspectives européennes, à propos de l’extrême droite mais pas seulement puisqu’on trouve de nombreux articles sur la question de l’asile. Un numéro spécial est consacré à l’Europe : "Pour une Europe ouverte et solidaire. Contre une Europe de l’exclusion du racisme et du fascisme". "Cette Europe en construction, si elle ne fera pas disparaître les États nationaux entraînera néanmoins un certain nombre de modifications dans notre vie quotidienne, en terme de droit et de liberté. En effet, l’Europe en préparation est celle du contrôle social et de la répression. Au centre de ce processus se trouve la question de l’harmonisation des législations entre les différents États liée à la question de la disparition des barrières douanières et, plus largement, des frontières. Or cette harmonisation se prépare dans un climat social globalement désastreux : crise économique, développement de la précarisation, restructuration, chômage... Ces facteurs sociaux se répercutent politiquement par une montée généralisée de l’extrême droite au niveau européen, et plus largement par une dérive droitière de toutes les formations politiques" (Ouf !!). Ce numéro débute par le récit de l’expédition de la délégation de Réflexes au congrès antifasciste de Berlin : "Vous prenez cinq militant de Réflex (ce qui donne deux chevelus, un rasé, un créteux et une caution présentable) que vous mettez dans une voiture convenable (...) Vous choisissez un itinéraire vous permettant de passer un maximum de postes frontaliers, afin de tester au mieux l’homogénéisation des coutumes douanières (...) Après avoir parcouru deux milles kilomètres et surtout passé près de huit heures aux seuls postes frontières, vous avez enfin constaté que les sondages (des voitures aux frontières NdLR) sont à la mode et l’approfondissement systématique aussi. Vous en êtes presque à souhaiter que l’harmonisation des législations fasse que la prochaine fois, les premiers qui fouillent vous donnent un bon de passage à remettre au poste suivant..." N’ayant peur de rien, REFLEX et le Scalp Paris organisent une manifestation le 22 avril "Pour une journée européenne antifasciste, antiraciste et antisexiste", manifestation qui rassemblera Place de l’Europe, à 5 minutes du siège du Front national quelques deux cents personnes. L’autre campagne qui mobilisera une grande partie des Scalp en France sera la tournée Geronimo à laquelle participera entre autres Laid Thénardier, Dirty District, ND, Brigades, Washington Deads Cats, les Kamioners du Suicide... On trouve toujours des enquêtes sur le PNFE, les skins. la FPIP
1990
Changement de format, Réflexes passe en A4, d’abord plutôt modestement, puisque le n°27 ne compte que 14 pages et n’est servi qu’aux abonnés. La période vache maigre s’étant aggravée, on ne notera dans ce numéro que la marche caravane pour la libération de Jean Philippe Casabonne qui se termina à Paris début février par une maigre manifestation. Après plusieurs années de mobilisation antifasciste, un bilan était nécessaire d’autant plus que, loin de diminuer, les scores du Front national et le racisme ne faisaient que croître. D’où un numéro bilan réalisé avec la revue anarchiste Noir et Rouge, intitulé "Antifasciste pourquoi ?" (n° 28/29, 60 pages). Le bilan est sévère pour l’antifascisme libéral mais pas seulement. Ainsi Vanina (du collectif Noir & Rouge) conclut son article "Antifascisme remède ou poison ?" par la remarque suivante : "Parler d’"antifascisme" pour désigner la dynamique lancée contre un mouvement du type FN est impropre (...) et peut même se révéler gênant dans la mesure où l’appel aux références historiques ne reçoit guère l’écho de l’opinion publique. De plus, comme elle permet de ratisser large, cette étiquette peut masquer l’absence de contenu politique dans le message "antifasciste" (...). La nécessité d’une clarification politique, aussi réelle soit-elle, n’est pas seulement le propre de cet "antifascisme", qui fonctionne actuellement comme un groupe de pression, c’est celui de l’extrême gauche en général, en mal d’alternative et de stratégie politiques (...) ainsi que de nouvelles formes de militantisme. (...) La clarification politique est nécessaire à court terme, sous peine d’essoufflement, parce que le fonctionnement sur des signes de reconnaissance et des slogans ne fonctionne jamais bien longtemps (...). L’antifascisme radical, lui, doit se structurer comme un mouvement politique, s’il veut se développer réellement. Il doit aussi veiller à ne pas se "ghettoiser" en conservant une attitude défensive ou en se laissant confiner (...) en marge de la société il doit au contraire "sortir de sa réserve" en adoptant une autre démarche vis-à-vis de l’extérieur. (...) Il faudrait songer à établir de nouveaux réseaux permettant de reconstruire le tissu social et d’éviter à chacun de rester dans sa bulle, autrement dit recréer un autre militantisme, en particulier dans les grandes villes, pour impulser une plus grande dynamique. Réinvestir les quartiers favoriserait une intervention sur la politique du logement, par exemple". Le collectif Réflex tire également le bilan dans l’article "L’Antifascisme radical, quesaco ?") : "La notion de travail local continue de poser problème. Elle a vécu jusqu’alors sur une dynamique de développement et il s’agit maintenant de consolider celui-ci sur la base des acquis mais aussi en fonction de perspectives à créer. Deux hypothèses se dégagent :
— soit le travail de terrain est considéré comme une occupation en termes idéologiques, une affirmation de son existence, et alors cet objectif a été atteint ;
— soit le travail de terrain se comprend en termes d’occupation idéologique, mais indissociablement liée à une occupation politique et sociale : être capable d’initiatives, de peser dans un rapport de forces politiques, de créer des réseaux de sociabilité-convivialité. Bref, être incontournable sur le terrain (thèmes et lieux) choisi, que ce soit en terme de mobilisation (quantitatif) ou d’analyse et de perspective (qualitatif), condition sine qua non d’une véritable autonomie politique." Réflexes continue toujours ses enquêtes sur l’extrême droite (FPIP, PNFE. Nouvel Ordre Européen et un petit nouveau, le KKK français) et développe ses contacts à l’étranger (Dossier sur la Grande-Bretagne, dans le n°31 de l’été 1990). L’appel de Gilles Perrault "Le temps de la contre-offensive est venu" est publié (n°31 été 1990) mais l’initiative de "l’Appel des 250" est très vite critiqué (n°32 octobre 1990) : "Poser le problème de la lutte antifasciste de façon structurelle : unité, front .uni, front républicain, n’est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs ? La proposition des 250 de collectifs unitaires reposant sur de simples agrégations d’organisations n’est-elle pas un échec consommé depuis de longues années ? C’est une des raisons qui avait vu le Scalp apparaître à Toulouse en 1984 et c’est l’absence totale de réactions face au Front national et aux fascistes qui a donné naissance depuis trois ans à des Scalps dans toute la France... L’affirmation d’un discours alternatif et radical sera-t-il noyé par les machineries politiciennes ? Il ne tient qu’à nous qu’il en soit autrement."
Cette année se termine par un dossier sur le rock alternatif qui entretient des liens avec le mouvement antifasciste radical explicité dans I’édito du dossier : "Chaque mois, nous organisons un ou deux concerts où musique et politique se mélangent pour former un cocktail détonnant. Les groupes que nous invitons ont tous en commun d’avoir une autre démarche vis à vis de leur public, d’instaurer de nouvelles règles du jeu où le fric ne serait plus maître... Dans ces concerts, les groupes ne sont pas là pour attirer les gens dans le giron de quelques officines politicardes, mais parce que leurs préoccupations convergent avec les nôtres."
1991
Vache maigre pour le magazine (deux malheureux numéros), mais néanmoins une très forte activité militante. Cela était dû à la tentative de REFLEX et d’autre individus et collectifs comme Noir & Rouge de créer des collectifs "Guerre à la guerre" qui publieront un hebdomadaire pendant un mois, l’objectif n’étant rien de moins que "de briser cette machine de guerre qui n’a d’autre fonction que de renforcer la misère sociale que connaissent les peuples du tiers monde et aussi certaines couches sociales en Occident". Le numéro 33 de février 1991 tourne autour des questions du contrôle social et de la répression alors que le dossier principal "East side story" s’inquiète de la montée des nationalismes dans les anciennes démocraties dites "populaires". Le numéro suivant "De Le Pen à Cresson : France terre d’exil" (n°34, été 1991) tourne autours de la situation en banlieue, de l’antifascisme, de la police et de la guerre du golfe.
1992
L’année démarre pour Réflexes par la publication avec l’équipe animant l’émission de radio Parloir Libre d’un numéro spécial : l’État assassine. Meurtres racistes et sécuritaires. Ce numéro actualisait une brochure éditée à la fin de l’année 1986. Un premier article reprend l’ensemble des affaires mettant en scène un flic ou un gendarme ayant tiré sur des personnes, avec pour chaque meurtre les suites judiciaires. La simple chronologie de 1972 à 1991 qui s’étend sur une quinzaine de pages montre l’impunité dont bénéficient les forces de "l’Ordre". La brochure analyse ensuite le rôle de la justice et celui des associations. Après ce numéro spécial, Réflexes reprend ses habituelles enquêtes sur l’extrême droite (les Cercles du Front national, Nouvelles résistances, skins, Nouvelle droite) mais aussi réflexion sur le Front national, "Fascisme ou réaction", concluant que "le FN n’est pas un parti fasciste, au sens historique du terme, car il n’a pas pour vocation de proposer "un ordre nouveau", ayant des finalités totalitaires, motivé par des penchants révolutionnaires ; au contraire, il œuvre plutôt pour un retour des "valeurs traditionnelles", et ce pour endiguer la décadence dans laquelle évoluerait actuellement la société française ; il est donc un parti réactionnaire ou ultra réactionnaire" (...) "Le problème est bien la montée des idéologies et politiques autoritaires et sécuritaires, pendant des logiques d’exclusion sociale ; le FN représente un courant qui prône ce type de choix politiques, et surtout il a permis l’ouverture d’espaces idéologiques les légitimant, mais pour l’instant il n’est pas au pouvoir ; c’est bien le Parti socialiste qui depuis plus de dix ans gère l’économie et la société de façon à satisfaire les besoin du Capital, donc qui met en place cette société d’exclusion porteuse en effet d’ordre sécuritaire et donc autoritaire". Le collectif s’engage aussi sur la double peine, c’est-à-dire "l’expulsion appliquée aux étrangers après leur peine de prison", d’où de nombreux articles, en fait depuis 1991. Les questions internationales prennent elles-aussi de plus en plus d’importance dans le magazine ce qui est parfaitement logique dans un contexte de globalisation : "Nous refusons la constitution du monde en trois pôles économiques dominants : les États-Unis, le Japon et l’Europe. C’est un monde où s’exacerbera la concurrence entre ces trois blocs, et ce sur le dos des pays du Sud et des victimes de l’exclusion sociale au Nord comme au Sud. À cela nous devons opposer les valeurs de solidarité, d’égalité, de liberté, au Nord comme au Sud, mais aussi militer pour la libre circulation des êtres humains et des idées" (édito du n°37 de l’été 1992). À partir de ce numéro est créée une rubrique au centre du magazine intitulée "Réflexes Europe", ou parfois "Réflexes étranger". À noter à partir de novembre de cette année la parution régulière de No Pasaran ! qui veut "reconstituer un réseau de lutte contre l’extrême droite, les politiques sécuritaires et autoritaires" ; ce mensuel sera régulier (ce qui n’est malheureusement pas le cas de Réflexes) et reprendra en fait petit à petit l’un des rôles originels de Réflexes : participer à la contre-info et rendre compte des initiatives de collectifs de luttes. À bien des égards, No Pasaran a finalement joué le rôle de liaison entre des luttes autonomes qui était le but premier de Réflexes. La principale différence porte sur le fait que Réflexes n’était finalement que le journal d’un collectif, parisien de surcroît, alors que No Pasaran essaie d’offrir une vision nationale des luttes puisqu’il est le journal du réseau national du même nom.
1993
Réflexes peine à trouver sa formule, et sa périodicité est toujours aussi erratique (trois numéros pour l’année). Le n°38 de février 1993 tente la formule du dossier en ouverture qui déroutera nombre de lecteurs. Ce premier dossier voulait tenter "de traiter de quelques aspects de la citoyenneté. (...) Force est de constater que les avis divergent entre les différents auteurs : Alain Bihr propose d’apporter des "éléments pour répondre à la crise d’identité nationale", Luc Bonnet définit "la citoyenneté comme un outil globalement négatif" et JC tente de réfléchir sur ce que pourrait être une "citoyenneté active"". Le reste du journal est essentiellement consacré à l’extrême droite, qu’elle soit internationale ou française. La formule dossier est abandonnée dès le numéro suivant qui revient à une formule magazine qui est encore actuelle : l’ouverture reste aux enquête sur l’extrême droite, "Les anciens fachos qui nous gouvernent" et le début d’une longue enquête sur l’extrême droite à l’université, puis dans le n°40 une enquête sur les mercenaires néo-nazis en ex-Yougoslavie et sur le PNFE. On trouve également dans ce numéro 39 un supplément Europe, un article sur la police et l’immigration ainsi qu’une interview du groupe de rap français Assassin pour la rubrique contre-culture, suivi de celle du musicien antifasciste allemand "J" dans le n°40. À noter toujours dans le n°40 un article d’humeur, "Nous ne mangeons pas d’antispécistes pour ne pas tuer d’animaux", qui fera couler beaucoup d’encre (qui n’est pas encore seiche !!) et nous vaut toujours de solides inimitiés, de Lyon à Paris. Réflexes sera même à l’époque l’objet d’une campagne de pétition et de boycott. Pourtant le ton polémique de l’article mettait le doigt sur une lente dérive d’une partie du mouvement radical : "l’antispécisme va plus loin que la simple dénonciation des mauvais traitements infligés aux animaux, et sous couvert de bonnes intentions, invente une nouvelle forme de sectarisme, créant une communauté d’où les "viandistes" sont exclus et considérés comme la cause de tous les maux de la planète".
1994
Le magazine continue son bonhomme de chemin, les couvertures et la maquette s’améliorent d’un numéro sur l’autre. Les enquêtes sur l’extrême droite sont de plus en plus pointues, au grand dam de certains de nos lecteurs qui nous reprochent de savoir lorsque Le Pen a un pet de travers..., enquêtes sur les châteaux du PNFE, sur le NSDAP-AO et l’opération Werwolf, les NR de SOS Bosnia, Jimmy Goldsmith, etc. Mais un espace de réflexion s’ouvre également dans le magazine avec des articles sur "La société duale : issue ou impasse ?" d’Alain Bihr (toujours lui...) ou "Postface de À visage découvert" d’Oreste Scalzone. Très impliqué dans le mouvement anti-CIP de mars et avril 1994, le réseau No Pasaran décide la publication d’un numéro hors série "On a toujours raison de se révolter", qui tire le bilan du "joli moi de mars". Dépassant lé simple horizon du CIP, le dossier essaie de présenter un panorama des analyses sur le travail et sa fonction : "Il paraît évident qu’en soi, les luttes contre le chômage (exiger le partage du travail ou œuvrer pour la création d’emplois) ne sont guère porteuses de perspectives. Elles doivent obligatoirement s’articuler avec celles portant sur tous les aspects sociaux. En fait, il faut inclure la lutte contre le chômage dans la lutte contre les exclusions, contre la dualisation de la société. Lutter contre l’exclusion, c’est aussi militer pour l’ouverture des frontières, pour la libre circulation des hommes, des femmes et des idées : c’est prôner la multiculturalité, qui doit aussi participer à l’élaboration de la conscience de classe". Le dossier aborde aussi les situations locales à Nantes, Paris, Rennes, Grenoble, Lyon, Tours, Poitiers et Angers puis l’attitude des syndicats, de la police et même de l’extrême droite. À la fin de l’année universitaire, un groupe local du Scalp de l’université de Nanterre est au centre (avec nos camarades de la CNT-FAU) d’un micro-cyclone, "l’affaire Watzal", qui est en fait l’expulsion par des étudiants d’un intellectuel militant de la droite extrême allemande d’un meeting organisé par un professeur de Paris X, Michel Korinmann sur le thème "Germanophobie. Germanophilie, l’Allemagne en question". L’affaire prend rapidement des proportions insensées, en grande partie à cause de la campagne de presse qui se développe contre les militants antifascistes locaux aussi bien dans le Monde et le Figaro que dans le presse d’extrême droite. Le soutien qu’apporteront les mandarins de l’Université à Watzal et Korinmann poussera même la direction de l’université à envisager durant un moment la réunion d’un conseil de discipline afin de prononcer des exclusions de l’université. Cette affaire trouve un écho dans Réflexes n°44, "Quand les liaisons se font dangereuses". Également très important dans ce numéro est le compte-rendu de la campagne de solidarité menée en faveur d’antifascistes allemands poursuivis pour le meurtre d’un militant néo-nazi.
1995
L’heure des restrictions budgétaires touche le magazine qui ne parait plus que sur 28 pages et seulement trois fois cette année-là, alors que No Pasaran compte 11 numéros et passe de 16 à 24 pages. Ceci est annoncé ironiquement dans l’éditorial du n°45 : "Après Libé,Réflexes ! À la nouvelle formule de 80 pages, nous répondons par une offre plus alléchante encore : 8 pages de moins pour le même prix ! Nous parlons peu de nous dans nos éditos, mais les variations qu’a connues notre journal, tant au niveau du contenu et de la maquette qu’au niveau de la périodicité, méritent une explication. Nous essayons depuis longtemps de concilier les impératifs financiers et rédactionnels ainsi que les exigences des délais, tout en tâchant de ne pas réduire la qualité du journal". Il y est également promis la fin du "Réflexes-Arlésienne". Les enquêtes (le FN et l’argent, le Gud, les intégristes, la FPIP, les skins, les Hooligans en Europe) côtoient les interviews sur les Roms avec Claire Auzias, sur l’Affaire Guingouin avec Michel Taubmann, sur la Yougoslavie avec Patrick Lecorre mais aussi Raymonde et les Blancs Blecs. On trouve toujours dans le cahier Europe des articles traduits de Searchlight ou de l’Antifa Info Blatt.
1996
Deux numéros pour les premiers mois de cette année et un numéro spécial "Face au sexisme, au machisme, au patriarcat..." réalisé par des militant(e)s du réseau No Pasaran. Selon ses géniteurs, ce hors-série est "entièrement consacré à l’antisexisme. Depuis un certain temps, des débats sur le sexisme, le machisme, le patriarcat, l’homophobie, traversaient nos groupes. De la lutte contre les cathos intégristes à la volonté d’installer entre nous des relations égalitaires, du ras-le-bol des gogos machos dans les concerts à la lutte des femmes algériennes. chiapanèques ou tibétaines, la nécessité de développer nos positions et une réflexion plus approfondie se faisait sentir. Nécessité de développer nos position et une réflexion plus approfondie se faisait sentir. Nécessité également de connaître l’histoire des luttes féministes, de s’interroger sur l’ordre patriarcal et son rapport avec la société dans laquelle nous luttons". Après cinq mois d’attente paraît le n°49 consacré à "La xénophobie au pouvoir" qui analyse la législation anti-immigrée française. Une double enquête dans ce numéro, l’une sur le MIL et sur la police intitulé "Le clan des Marseillais". Ce numéro 50 devait donc paraître en septembre 1996. Las...
LE BEST OF...
Les mauvais jeux de mots, les calembours, les palimpsestes et les contrepèteries ont toujours constitué le lot commun des différents numéros de Réflexes. Ne nous leurrons pas : ce sont eux qui, en fin de compte. ont assuré le véritable succès de la revue et non pas toutes ces enquêtes, interviews et autres dossiers dont on peut maintenant vous révéler qu’ils n’étaient qu’un prétexte pour placer un maximum de titres vaseux. Contrairement à ce que peut imaginer E. Ratier, Réflexes n’a jamais été soutenu par le grand lobby judéo-maçonnique mais bien par l’Empire du mauvais goût. Morceaux choisis :
Sur l’extrême-droite en général - Nouvelles Résistances mais vieilles guenilles... [37]. Jeu de mot sur la création de NR. - Châteaux cachés et bottes de cuir [41]. Accroche d’un article sur la propriété du PNFE. Le titre d’un autre article consacré au même sujet est quant à lui un palimpseste d’un livre de Céline : PNFE. D’un château l’autre [42].
— Le nouveau catalogue des trois fats [43]. À propos du petit commerce de C. Cornilleau. - Le MIL a plus d’un tour dans son SAC [49]. - Goldsmith-de Villiers : roi des vils et rat des chouans [44]
— De Villiers : le vicomte à dormir debout [44]
Sur le FN et Le Pen en particulier - Ras le Front ! [34]. Jeu de mot créée bien avant l’organisation du même nom,.. - GTDE : Ali Le Pen et les 40 voleurs [42]. Ce palimpseste sert d’accroche à un article sur les avantages tirés par le FN et ses amis du financement européen. Le vrai titre est tout aussi mauvais : GTDE : Le Pen parle et ment européen [42]. Sur le même sujet, FN : l’œil de Strasbourg [43] et Les faux fils de Strasbourg [43].
— Skinheads ou le Le Pen prolétariat [47]. Très mauvais jeu de mot sur l’origine sociale des skinheads (le lumpen prolétariat) pour le titre d’un article sur quelques figures du milieu bonehead en France.
— Le GUD fait son trou au sein du Front [46]. Référence explicite au symbole du GUD, à savoir le rat noir...
Sur les fascistes étrangers
— Eugène veut sa terre blanche [42]. Article sur l’Afrique du Sud et référence au nom du chef de l’AWB, Eugène Terreblanche.
— Allemagne : les fils de Rudolf baissent [43]. Jeu de mots avec Rudolf Hess, ex-dauphin d’Hitler.
LE MEILLEUR (avis personnel) Les fous de la messe [46]. Cette superbe contrepèterie ouvrait le numéro 46 consacré aux intégristes. Indépassable !