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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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La femme et la société - Corinne
L’Exploitée N° 1-an1 – 1er Mai 1907
Article mis en ligne le 11 février 2025
dernière modification le 8 février 2025

par ArchivesAutonomies
Ah ! quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse,
Nous voulons, ô Société !
Trouver contre le vent qui passe
Un abri dans l’Égalité !
Comme les heureux et les sages
Nous voulons, sous les verts ombrages,
Écouter le chant d’un oiseau,
Nous faire un bonheur sans mélange
Et nous aussi dans de beaux langes
Endormir nos fils au berceau

Clovis Hugues

La femme est une éternelle persécutée, une sacrifiée. En remontant des stades les plus anciens de l’histoire et de la civilisation jusqu’à nos temps modernes, nous ne l’avons jamais connue que comme une esclave ou une servante. Elle était méprisée sous les théocraties orientales, et les livres sacrés la définissaient une nature de corruption, de débauche et lui attribuaient tous les vices. Les mythes bibliques l’accusent d’avoir perdu le genre humain. L’infériorité de la femme est admise et sanctionnée dans toute l’antiquité orientale, grecque, romaine ; la femme ne vécut jamais que dans la contrainte. Soit enfermée au harem, soit dans le gynécée, elle vit dans une situation dégradée. Méprisée et avilie par le christianisme (Jésus ne répondit-il pas durement à sa mère aux noces de Cana : "Femme, qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ?") elle passa de la domination religieuse sous la servitude juridique et politique. Tous les législateurs, soit grecs, soit romains, la déclaraient un être inférieur et accordaient à l’homme un pouvoir absolu sur elle.

Et il en est resté ainsi jusqu’en nos jours. Encore aujourd’hui, toutes les législations frappent de condamnation l’avortement — souvent commandé par la misère et la détresse — alors qu’elles ne protègent pas la filiation naturelle ; tous les codes condamnent la prostitution tandis que les pères dans la plupart des cas échappent à toute responsabilité.

Qui ne connaît le douloureux martyre des filles-mères qui, la plupart du temps, ont succombé pour avoir de quoi vivre pendant quelques jours. Exploitée misérablement dans les usines, s’exténuant pour un salaire de quelques centimes par jour à un travail dégradant ; exploitée par la Société, les mœurs et la morale publique, la femme vit sous l’arbitraire le plus cynique, sous la dépendance la plus servile.

Jeune encore, on l’arrache aux affections familiales, aux joies enfantines, aux illusions de l’adolescence pour la livrer seule et sans appui aux contre-maîtres grossiers, aux patrons lubriques et flatteurs.

Mariée, elle devient non pas la compagne aimée, chérie, protégée, mais l’objet, la chose du mari auquel elle doit, dit la loi, entière obéissance et soumission. "Femmes, soyez soumises à vos maris", enseigne la religion.

Victime des préjugés, esclave de la maternité, elle engendre dans la douleur, ne procréant pas librement et volontairement, imposant à ses flancs meurtris une torture continuelle, abandonnant son corps aux déprédations des enfantements successifs. Et à la servitude interne s’ajoute la servitude externe, la domestication des bras et des forces physiques au travail de l’atelier.

Ainsi passèrent des générations et des générations de femmes sacrifiées, martyrisées, qu’une tradition barbare a liées, dès les origines de l’humanité, aux chaînes de la soumission et du travail, aux étreintes de la douleur.

Eh bien ! nous voulons nous affranchir de la domination maritale pour ne plus rester que l’épouse aimante, la digne compagne, la libre mère ; nous voulons nous libérer des préjugés sociaux pour ne plus devenir que la bonne sœur ou la douce amie.

Avec notre frère et notre compagnon, l’homme, nous voulons combattre les injustices sociales, supprimer la misère, briser les entraves à la liberté. Aux rangs des combattants nous sommes, aux rangs des insurgés nous serons !

Créant l’être, nous le voulons joyeux dans l’enfance, heureux à l’âge adulte, paisible et reposé dans la vieillesse.

Nous voulons une société meilleure, nous travaillons aux Temps Nouveaux, nous combattons pour la liberté de tous, partout.