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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Non à la répression
Supplément à Front Libertaire des Luttes de classes, n°107, 24 Mars 1979, p. 4.
Article mis en ligne le 18 décembre 2013
dernière modification le 7 février 2023

par ArchivesAutonomies

AU PALAIS

Flicaille en pagaille pour le procès en flagrants délits des "casseurs" le lundi 26 mars. CRS en nombre au Chatelet, à l’Hôtel de Ville, à St Michel et tout autour du Palais du Justice. Dans le palais, devant et dans la 23e chambre correctionnelle, une bonne centaine de gendarmes arrogants. Malgré tout, quelques uns réussissent à entrer dans la salle du tribunal, j’en suis, les autres, nombreux, restent dehors.
Toute la grande presse est là, les avocats sont en nombre. Avant les "émeutiers", quelques "droit commun", ils ont de la chance, à cause de la presse le procureur est d’une générosité rare, ils s’en sortiront bien mieux que d’habitude. La justice-pourrie a intérêt à montrer sa générosité pour mieux taper ensuite sur les méchants "incontrôlés".
On passe aux "casseurs", pour l’essentiel des ouvriers, des employés, des chômeurs, des jeunes prolétaires quoi, des lycéens et étudiants aussi. Le procureur Malibert fait des déclarations en faveur de la liberté syndicale mise en danger par les provocateurs, tout le monde rigole. Quand on connaît la jurisprudence et sans remonter trop loin : condamnation à de fortes amendes des délégués CFDT pour la grève de Renault en juin 78, expulsions des grévistes des PTT, des assurances, de la Bourse, il faut dire que c’est quand même un peu gros.
À part quatre gars inculpés de vol ou pillage qui acceptent le jugement immédiat, tous les autres demandent le report, c’est remis pour le début avril. Ceux qui sont jugés de suite écopent dur, d’abord deux jeunes chômeurs immigrés, 19 et 20 ans : 6 mois dont 4 avec sursis, pour avoir ramasser deux pantalons et deux chemises sur le trottoir ; un coursier de 27 ans qui sortait du boulot : 1 an dont 6 mois avec sursis pour avoir pris de bijoux de fantaisie dans la vitrine presque vide de Burma ; un égyptien de 31 ans : 6 mois dont 3 fermes pour une lampe esquintée de chez Lancel.
Les avocats réclament systématiquement la mise en liberté provisoire, tout aussi systématiquement elle est refusée, pour le principe la justice se doit d’être dure. Il n’y a que trois mises en liberté provisoire : la seule fille : Agnes Lutman, un ouvrier métallurgiste des Ardennes : Daniel Grive, et un jeune d’origine immigré inculpé de vol et qui pris d’un malaise le matin du procès est à l’hosto : Mohamed Chatti.
Un cas exemplaire le gars de Longwy, Roger Marin, magasinier au chômage 29 ans. Le procureur refuse la mise en liberté, il explique : "Hier, sur coup de téléphone de la CGT Longwy, j’ai remis en liberté Mazzucoteli jeune sidérurgiste d’Usinor Longwy, je comprends l’angoisse de ce jeune homme qui risque de perdre son emploi et de voir sa région mourir, Marin, lui n’a pas d’excuse." Si un gars parmi d’autres n’était pas en taule, il y aurait de quoi mourir de rire : Marin n’est pas sidérurgiste c’est vrai, mais... sont père est sidérurgiste, son frère aussi, et aussi son beau-frère, quand à son emploi il l’a déjà perdu.
Viennent après 12 camarades de la fédération anarchiste, interpellés apr les CRS alors qu’ils se rendaient à la manifestation avec leurs drapeaux, et pour certains un matériel d’auto-défense minimum. Cette arrestation préventive est suivie d’inculpations similaires à celles des autres inculpés. Cette fois-ce cependant, ce ne sont plus des individus isolés pris au hasard qui comparaissent, mais douze militants d’une organisation donc très solidaires, face à ce rapport de force différent, à la pauvreté du dossier, procureur et juges doivent céder et ordonner la mise en liberté provisoire de dix inculpés, aussitôt ceux-ci exigent la libération de leurs deux camarades et demandent à partager leur sort, peine perdue. Le proc essaye aussi de séparer les "militants responsables" des "casseurs autonomes", peine perdue aussi, dans un tract du 27, la fédération anarchiste qui si elle n’avait pas appelé à la manif était représentée par de nombreux de ses militants, la F.A. donc exige la levée de toutes les inculpations, dénonce les procédures d’exception, affirme le lien étroit entre les affrontements du 23 et les actions directes des travailleurs en lutte (Longwy, Denain, etc...) lien concrétisé par la participation de nombreux travailleurs de régions en crise, en particulier sidérurgistes aux affrontements du 23 aux côtés des autonomes.

LE PRIX D’UNE JOURNÉE DE PRISON
Pour demander que celui qui avait pris pour 2000 frs de bijoux soit plus durement condamner que ceux qui n’avaient pris que deux chemises et deux pantalons, le procureur s’est appuyé sur la différence de valeur. Soyons logiques si 2000 frs valent six mois fermes, combien de siècle de taule valent les escroqueries comme la Garantie Foncière, ou les casses comme ce lui de Spaggiari à Nice, sans parler du vol légal qu’est le profit réalisé par les patrons sur les travailleurs. Deux poids, deux mesures.
Au fait, comment ça se fait que la quasi totalité des prisonniers en France, comme ailleurs viennent des classes exploitées. Les bourgeois seraient plus honnêtes que les autres. Non, mais eux ils ont le droit de voler, ils ne font que ça.

UN JUGE
Entre deux réquisitoires, le procureur discute avec un collègue, sourires, clin d’oeil, quest-ce qu’ils se disent ? Je ne peut pas entendre, mais j’imagine "Vous dinerez ce soir chez moi, cher ami, bla bla bla". Entre le caviar et le foie gras qui sont déjà dans sa tête il réclame de la taul pour des jeunes travailleurs. Gorge serrée, j’ai des envies de tuer


LIBÉREZ NOS CAMARADES

À la suite des émeutes du 23, le pouvoir a choisi de frapper de manière sélective ; sur l’ensemble des interpellés il a gardé pour l’essentiel des inorganisés à l’exception des 2 militants de la FA. Il a surtout voulu éviter la mauvaise affaire d’avoir parmi les inculpés des sidérurgistes ; il n’y a d’ailleurs pas complètement réussi. En effet dimanche, il y a avait encore en tôle 3 cas dangereux : un militant CFDT d’Usinor Longwy, un jeune métallurgiste des Ardennes et un jeune chômeur de famille sidérurgiste de Longwy ; ceux-là s’en sont sortis ou s’en sortiront rapidement, en effet la mobilisation est telle en Lorraine que tout condamnation d’un gars du pays risquerait de provoquer une véritable insurrection. Il s’agit pour nous de bien comprendre cela, c’est en fonction d’un rapport de force encore à créer sur Paris que nous pourrons imposer la libération de tous les inculpés. Pour cela il ne sert à rien de faire des appels du pied aux organisations de gauche dites ouvrières et démocratiques, il faut développer partout les luttes dans les entreprises, lycées, quartiers sur nos objectifs de lutte, pour nos besoins mais aussi à un niveau de masse pour la libération des prisonniers politiques, otages du pouvoir.

LIBÉRONS NOS CAMARADES