Présentation [1]
Serge Livrozet, après 9 ans de détention à Melun, arrive au G.I.P. pendant l’été 72. Avec d’autres ex-détenus, il veut créer un mouvement de prisonniers et susciter une prise en charge des ex-détenus par eux-mêmes. Le G.I.P., dont le but était de donner la parole aux prisonniers, va alors laisser la place au C.A.P. (Comité d’action des prisonniers).
Le C.A.P., qui se veut être un mouvement révolutionnaire dans une perspective anarchiste rompt avec la pratique de l’extrême gauche en proclamant que "seuls les taulards peuvent parler de la prison".
Le C.A.P. porte son analyse sur les causes économiques et sociales de la délinquance : "l’acte délinquant est un acte politique conscient ou non". Pour eux, la lutte pour l’abolition de la prison passe par un changement de société. Le C.A.P. ne veut pas être une association de réinsertion, ni un simple organe de défense ponctuelle des revendications des détenus, même s’il est amené à la soutenir dans l’immédiat.
Le C.A.P. a été une valeur de symbole pour les uns, ou de scandale pour les autres, en devenant un acteur dans le monde judiciaire. En effet, il participe dès 73 au congrès du Syndicat de la magistrature, puis aux "Dossiers de l’écran" et à de très nombreux débats. Le C.A.P., "journal de ceux qui ne s’expriment jamais, de ceux qui, pour en appeler à la population, sont obligés de se suicider, de se mutiler, de faire la grève de la faim ou de se révolter" est présent quotidiennement aux portes des prisons où ses militants sont arrêtés.
Le C.A.P. se prononce clairement contre toute forme de prison et n’accepte pas la guillotine même pour "le pire des fachos", son principe était de soutenir tous les détenus, "d’Agret à Mémé Guérini". Il se fera toujours l’écho des événements en prison, la chronique des grèves de la faim, des suicides, des révoltes...
Les mouvements dans les prisons vont continuer avec l’arrivée de Giscard en 73, puis en 74 avec plus de violence (fin de l’été 74, 7 détenus sont tués au cours d’une émeute).
En 1974, le C.A.P. mène d’ailleurs quelques actions spectaculaires dont une marche sur la prison de haute sécurité de Mende.
Puis en 75, suite aux émeutes, l’Etat a trouvé comme réplique une soi-disant libéralisation des conditions générales de détention, tout en créant parallèlement les célèbres Q.H.S. (Quartiers de haute sécurité). Il s’agit de distinguer 2 sortes de prisonniers : les "normaux" et les "fortes têtes et meneurs", qu’il faut éliminer.
Jusqu’en 75, les révoltes dans les prisons avaient suscité chez les militants du C.A.P. des espoirs de mobilisation... puis avec la répression et le décalage entre le discours révolutionnaire du C.A.P. et la réalité sociale, culturelle et politique des taulards, ces militants s’essoufflent, commencent à douter et se retrouvent isolés.
Le C.A.P. va alors réorienter son action vers la justice en s’appuyant sur "l’ensemble de ceux qui subissent l’injustice des tribunaux et de la société actuelle". Une nouvelle phase s’ouvre avec le combat contre les Q.H.S. mené de l’intérieur par Agret, Debrielle, Knobelpiess... Le C.A.P. soutient ces combats individuels, mais cette lutte est trop personnalisée pour susciter un mouvement de masse de détenus ou d’ex-détenus, sans oublier que l’Etat et son système pénitentiaire savent s’adapter et trouver des réponses à ces cas individuels sans que cela fasse tache d’huile.
A la fin des années 70, le C.A.P. n’échappe pas au mouvement général de baisse du militantisme. Il n’échappe pas non plus aux conflits internes et aux rivalités de personnes. L’équipe tourne sur elle-même et va finir par éclater. En février 80, son fondateur, Serge Livrozet le quitte en déclarant : "En fondant le C.A.P., nous avions escompté un peu naïvement que l’existence particulière des prisonniers leur permettrait d’éprouver une solidarité à la mesure de leurs souffrances et leurs épreuves... J’avais espéré autre chose, une grande marée d’ex-détenus place de la Concorde par exemple, pour protester contre les Q.H.S., la justice, la prison, la peine de mort".
En avril 80, le C.A.P. se dissout. Le C.A.P.-J. (Comité d’action prison-justice), animé par J. Lapeyrie qui était le responsable de la publication du journal du CAP, lui succédera sur des bases nouvelles en agissant dès l’entrée dans le processus judiciaire, ayant constaté qu’il était trop tard après pour se battre, et illusoire de faire un mouvement de masse d’anciens détenus.
[1] Texte extrait de Courant alternatif n° 48, Été 1985 qui fait suite au texte sur le GIP.