
Présentation [1]
Le Flambeau est l’organe mensuel du Comité de libre pensée et d’action sociale de l’Ouest ["puis" organe périodique régional de libre pensée (Bretagne, Basse Normandie, Maine, Anjou, Vendée) "puis" organe mensuel d’éducation, de libre pensée et de combat]. - 1er juin 1927 (1re année, n° 1)-[...] - Brest : [s.n.], 1927-1933. - n° ; 56 x 38 puis 60 x 44 puis 56 x 38 cm. Mensuel [2]
A l’appel de la Fédération nationale catholique qui regroupe 2,5 millions d’adhérents , des milliers de catholiques (environ 130 000) venus de tout le Finistère convergent , le 24 avril 1927, vers la basilique du Folgoët. Ils sont venus réclamer justice et liberté pour leur école, leur famille et leur religion qu’ils pensent menacées par la France athée.
Cette manifestation produit un choc immense sur les organisations laïques.
Une vingtaine de libertaires qui ont fait de leur combat contre les religions une pièce maîtresse de leur philosophie décident alors de lancer un nouveau journal, Le Flambeau. Il se désigne comme l’organe mensuel du Comité de libre pensée et d’action sociale de l’Ouest. Dès le premier numéro, en juin 1927, le journal affiche la devise "Ni dieu, ni maître !" Il est domicilié à la Maison du peuple de Brest. Le ton est donné par l’éditorial de Joseph Chapin, jeune conférencier enthousiaste de 24 ans : il y délivre un message anticlérical très violent à l’allure quasi-mystique :
"Et, toi, Flambeau, ô mon Flambeau, grandis, grandis sans cesse, deviens la torche qui mettra le feu au bûcher, péniblement édifié et sur lequel nous jetterons pêle-mêle, pour les carboniser, tous les Dieux, tous les Maîtres, toutes les iniquités ! Flambeau, Flambeau, Flambe bien ! Purifie et éclaire le monde ! Fais que la lumière soit !"
Si l’anticléricalisme est donc présent, l’antimilitarisme et la lutte sociale s’installent également au cœur du journal. Dès le premier numéro, René Martin, le gérant, parle de l’action directe et un dessin montrant un soldat cassant son fusil illustre ce numéro.
Une commission du journal assure la ligne éditoriale et la gestion du titre : José Le Breton, René Martin, Jean Tréguer, Paul Gourmelon, Auguste Gauguenot, René Lochu la composent. En 1928 Auguste Le Lann et Louis Prigent rejoignent la commission. Jean Marie Soubigou vient aider Jean Tréguer à tenir une chronique juridique.
Le petit nombre de rédacteurs oblige à utiliser des pseudonymes : outre les textes sous leur nom, Gourmelon écrit sous ceux de Paulus et de "Mahurec, chauffeur auxiliaire", Le Gall sous celui de "Bihannic, gabier breveté", Martin devient Nitram, Lochu signe Charles Butor, Jacques Lalouet prend le pseudo de Germinal et de Jacques Misère. On trouve également un Némo et un Georges Withoutname ! .
L’un des enjeux du journal est de fédérer les groupes libertaires présents dans l’Ouest de la France. Dès le départ, une page est consacrée aux informations sur ces groupes. Les appels de l’UACR sur le droit d’asile sont relayés dans le journal. En avril 1928, les références du journal deviennent explicites : union anarchiste, CGT-SR, nouvelles expédiées par le Bureau International Antimilitariste.
L’excès d’anticléricalisme amène René Martin à laisser publier une information mensongère et diffamatoire envers un évêque. Cela lui vaudra deux mois de contrainte par corps fin 1928 et conduira Jean Tréguer à devenir le gérant de la publication. Mais cette affaire entraîne une relative envolée des abonnements et de la vente au numéro, même si éditer un journal anticlérical et anarchiste en pays catholique est difficile ; le tirage de décembre 1927 est de 3 500 exemplaires et les abonnés sont environ 400.
Le décès de Gourmelon et la "volte face" de Chapin qui fournissaient beaucoup de copie sont peut-être à l’origine de l’arrivée de nouveaux rédacteurs : Maurice Imbard, Defèche, Hem Day, Victor Spielmann (Alger), Désiré Delamarre (Oran), Marcel Dier dit Libertarios, Ch. Boussinot, Jeanne Lègre, E. Grandguillotte, A. Lapeyre... qui prendront peu à peu la place des finistériens.
La souscription reste décevante, le réseau de correspondants traîne des pieds et l’argent entre difficilement posant de façon de plus en plus pressante la question de la survie du journal, qui cesse de paraître en août 1933. En octobre, le Comité de rédaction tente de relancer le journal qui est au bord de l’asphyxie mais réussira à survivre jusqu’en juin 1934 malgré de fortes divergences internes sur l’attitude à adopter face au péril hitlérien.
Après juin 1934 le journal Terre libre qui est l’organe mensuel de l’Alliance libre des anarchistes de la région du Midi (ALARM), accueillera le Flambeau. A partir du numéro 6, octobre 1934, Terre libre publie des éditions régionales qui sont rédigées et administrées selon le principe de la décentralisation fédéraliste [3]. Dans ce numéro 6, Le Flambeau explique que le journal disparait pour des raisons financières. Puis que "les camarades de Terre libre (...) nous ont offert de compléter leurs efforts émancipateurs par les nôtres, en publiant à l’usage de cette France de l’Ouest qu’il convient particulièrement d’arracher au joug des prêtres, une édition spéciale placée sous notre responsabilité rédactionnelle et administrative." René Martin sera responsable de cette édition, d’octobre 1934 à août 1936 et collaborera à l’édition parisienne de 1936 à 1937. Lorsque Terre libre devient l’organe de la Fédération anarchiste de langue française en septembre 1936, la page du Flambeau disparaît.
[1] Le texte suivant est très largement inspiré, avec l’autorisation de son auteur Jean-Yves Guengant, d’un chapitre du livre Nous ferons la grève générale - Jules Le Gall, les anarchistes à Brest et en Bretagne - Editions Goater.
[2] Fiche technique du site Archives départementales du Finistère. La numérisation a été réalisée par les Archives à partir des microfilms jusqu’au numéro 74.
[3] Voir page 1 de Terre libre n°6.