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Recherches libertaires (1966-1972)

Le bulletin Recherches Libertaires est lié à l’origine au désir formulé par le Congrès de la Fédération anarchiste de 1964 de voir se mettre sur pied des "groupes de recherches" destinés à jouer le rôle d’espace de réflexion et de discussions sur l’anarchisme et ses différentes formes d’expressions, à travers la traduction de textes, la présentation de travaux universitaires, la diffusion de textes théoriques et l’organisation de débats.
Ce souhait resta lettre morte à l’exception de quelques initiatives individuelles et d’un groupe parisien, la "Tribune d’action culturelle". Plusieurs articles furent publiés dans Le Monde Libertaire tandis qu’un bulletin, baptisé Recherches Libertaires, était diffusé à partir de décembre 1966.
Au Congrès de Bordeaux en 1967, les groupes participant à la publication du bulletin ou sympathisant avec lui quittent la FA. En septembre de la même année, le groupe parisien passe la main à des militants anarchistes strasbourgeois qui publierons quatre numéros avant de mettre fin à l’aventure.

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Documents sur Recherches Libertaires

Pour en savoir plus sur la genèse de la revue, nous vous invitons à lire deux articles de René Forain, publié dans Le Monde Libertaire :

Ces articles ont d’abord été mise en ligne sur le site PlusLoin.org. Le site propose aussi une série d’articles publiés dans Le Monde Libertaire entre 1966 et 1967 par des contributeurs des Recherches Libertaires.

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Extrait du mémoire de Cédric Guérin, intitulé Anarchisme français de 1950 à 1970 et qui revient sur la création et l’orientation de la revue :

"La fin de l’année 1966 voit l’apparition de la revue culturelle Recherches libertaires, édité par la Tribune d’action culturelle en rupture avec la FA. A la lecture de ces numéros, on peut y déceler une nouvelle approche de l’anarchisme et une nouvelle élaboration théorique. On peut "ranger" également RL dans la même optique de rupture avec la FA que les mouvements étudiants précités.
La revue se place dans un dépassement de la théorie anarchiste classique pour permettre aux militants de saisir la complexité de leur activité et aux masses une prise de conscience plus grande et détaillée de leur asservissement. C’est donc un cri d’alarme pour l’anarchisme et ses militants qui ne peuvent se permettre de négliger l’apport scientifique et des sciences humaines en particulier : "Peu importe qu’elles sont encore loin d’avoir atteint leur maturité. La sociologie, la psychologie, l’ethnologie ont modifié l’idée que les hommes se font d’eux-mêmes et de leur liberté. Dans ce domaine aussi, de nouvelles techniques ont pris corps : elles pourraient soutenir notre liberté, elles sont utilisées surtout pour notre asservissement. Négliger l’apport des sciences de l’homme, c’est une grave erreur sur le plan de l’intelligence et de l’efficacité." Les auteurs classiques et fondateurs de l’anarchisme doivent être pris avec considération, mais sans oublier que leurs réflexions sont "trop nettement tributaires d’un esprit dépassé". Ainsi, il s’agit "de “remettre à flot” leur pensée dans les courants qui l’ont porté ou contre lesquels elle a lutté." En outre, l’évolution et les progrès techniques ont fécondé des situation nouvelles, qui doivent alors inciter les militants à une actualisation des théories : "Cela veut dire, non seulement que l’anarchisme est à repenser en fonction des conditions nouvelles, mais que bien des problèmes restent à poser et à penser. C’est une absurdité de vouloir simplement adapter au présent des formules passées." La revue se trouve alors dans un état d’esprit qui est caractérisé par les réflexions de Noir et Rouge. C’est dans cet état d’esprit que la revue se refuse à accomplir un travail d’érudition ou d’analyse de texte. En effet, les aspects de la société contemporaine lui semblent bien plus importants pour préparer la lutte présente : "Notre souci, c’est le devenir de l’anarchisme, et l’élaboration, la clarification théorique que nous cherchons, ont pour but une intervention plus efficace dans le devenir social, la capacité d’agir à bon escient et de comprendre à temps ce qui, dans la pensée et l’action, constitue une manifestation nouvelle de l’esprit libertaire."
On peut déceler dans les sujets abordés par RL des thèmes peu souvent évoqués dans les différentes publications libertaires traditionnelles, comme les rapports entre la révolution et la sexualité, entre l’anarchisme et la psychologie ou les relations entre Marx et l’anarchie. La révolution est une nécessité qui doit englober "tous ceux que le système opprime" . La revue y inclut les travailleurs et fait nouveau, les femmes "que le système ravale au rang d’objet, machines produire des enfants en série" et tous "ceux dont les goûts sexuels ne correspondent pas à ce qu’exige la “morale” et les “bonnes mœurs”." Il se constitue avec cette revue une contestation généralisée et globale de la société dans ses fondements idéologiques, moraux, politiques et économiques.
Théoriquement et idéologiquement, la revue va se faire une place particulière par ses études englobant le marxisme, le socialisme de conseils et leurs perspectives libertaires. Dans les deux premiers numéros, deux longues études sur Karl Korsch semblent confirmer ces propos. S’ils admettent la critique de Korsch de la révolution russe par son caractère national, son centralisme et la méfiances des théoriciens soviétiques, ils y voient deux oublis : le rôle de l’économie dans l’évolution russe et la négligence des théories marxistes pour les aspects individuels de l’homme. se réclamant de W.Reich, dont le nom et l’audience semble renaître pendant les années soixante, ils citent : "La révolution a fait faillite au niveau des superstructures idéologiques parce que le porteur de cette révolution, la structure psychique de l’être humain, est restée inchangée."
RL semble décidé à franchir le rubicond et affirme la nécessité pour les libertaires de prendre contact avec certaines théories issues du marxisme : "Karl Korsh, auquel nous devons associer Lukacs (avant ses reniements), Otto Rühle, Gorter et Pannekoek, fait partie de cette école marxiste que nous ne pouvons ignorer et qui, partie d’une critique radicale du marxisme de Kautsky, Bernstein et Lénine, est arrivée, par une élimination du centralisme, de l’autoritarisme et un retour à la spontanéité ouvrière, à ce que nous appellerons le “socialisme de conseils." Devant l’apparition d’une nouvelle classe technocrate, les anarchistes se trouvent désabusés. Ainsi, la revue constate que personne n’avait prévu les facultés d’adaptation du capitalisme, qui a réussi à faire perdre cette conscience de classe par une orientation de la production et une orientation de la consommation.” Aussi, le rôle des révolutionnaires de maintenant s’en trouve considérablement changé : "Notre rôle n’est donc plus seulement de lutter contre la classe dirigeante avec les moyens traditionnels car, ainsi, nous resterons toujours un petit groupe minoritaire, il nous faut également trouver le moyen de faire prendre conscience aux masses de leur situation réelle, car, seule, une organisation de masse peut faire la révolution. Avant, le problème était d’organiser les travailleurs pour faire la révolution. Aujourd’hui, il faut, de plus, qu’ils sachent contre qui lutter et pourquoi."
L’apport théorique et pratique des étudiants et des jeunes anarchistes, au même titre que le travail entrepris par Noir et Rouge, est un des éléments à classer dans les signes avant-coureur de mai. Si on ajoute à cette remarque l’influence certaine des situationnistes ou de Socialisme ou Barbarie, il semble bien, à la veille de 1968, que le mouvement anarchiste et l’esprit anarchiste se divisent en deux pôles qui s’accordent sur les principes libertaires et qui s’opposent sur les conceptions et modalités d’action et de tactique. De ces divisions, on peut remettre en question dans une certaine mesure la notion de tendance."

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