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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Le Socialiste (1885-1921)

Présentation [1]

Bref historique du Parti Ouvrier Français (P.O.F.).

Le Parti Ouvrier Français a, pour parents, le mouvement ouvrier renaissant aux lendemains de la Commune et le marxisme qu’introduisent au sein de la classe ouvrière quelques intellectuels, Jules Guesde et Paul Lafargue en particulier. Mais l’enfantement est long, difficile. Le Congrès de Roanne, à l’automne 1882, achève de séparer, après trois années de cohabitation, le jeune parti guesdiste du reste de sa famille socialiste.

Jusqu’en 1889, le Parti Ouvrier se réduit à une petite secte messianique, rassemblant quelques centaines d’évangélisateurs. Les années 1890-1893 constituent une phase de transition : la secte se mue en parti, le premier parti français de type moderne (avec une organisation relativement stable et hiérarchisée, un programme national), s’insérant dans la vie politique nationale. Les guesdistes ne bornent plus leur activité à la seule pédagogie du marxisme. En partie sous leur direction, les masses ouvrières enrichissent leur expérience ; expérience des luttes revendicatives avec les 1er mai 1890 et 1891, expérience politique avec les compétitions électorales victorieuses de 1892 et 1893. Les guesdistes élargissent ainsi singulièrement leur audience et deviennent la plus forte école socialiste française.

Dans ses années d’apogée ; de 1893 à 1899, le messianisme révolutionnaire, caractéristique de la période d’enfance du Parti Ouvrier, s’estompe. L’idéologie révolutionnaire du guesdisme tend à s’effacer derrière un réformisme électoral, parlementaire, et son internationalisme recule devant un patriotisme qui confine parfois au chauvinisme.

De nombreux facteurs expliquent une telle mutation : d’abord, la croissance même du parti fait que, après avoir vécu dans un monde où prime "l’idéal", les guesdistes doivent tenter de colleter la réalité, de répondre concrètement aux aspirations des masses. Ils abandonnent ainsi leur vieille intransigeance à l’égard des réformes. Les succès électoraux grisent les guesdistes qui croient voir s’ouvrir les perspectives d’une révolution pacifique. Par ailleurs, ces victoires font affluer nombre d’éléments issus des classes moyennes, dont beaucoup viennent des eaux radicales ou boulangistes ; ces hommes, par leurs positions locales, leur indépendance relative, leur instruction, fournissent au parti les candidats en apparence les meilleurs aux élections et aux postes dirigeants des groupes et des fédérations. Ainsi se modifie, au détriment de ses éléments prolétariens, la composition sociale du parti et surtout de ses cadres. Il faudrait, enfin, mettre l’accent sur les incertitudes doctrinales du P.O.F., son incomplète et imparfaite assimilation du marxisme. Les questions doctrinales sont posées, le plus souvent, sous l’empire des circonstances, pour se défendre contre des attaques ou pour essayer de répondre aux exigences d’une activité plus complexe. Or les guesdistes, à l’exception de Paul Lafargue, répugnent aux études théoriques, tombent facilement dans le pragmatisme. Ne retenant du marxisme qu’un certain nombre de formules, ne l’utilisant que fort peu comme instrument de recherche, ignorant pratiquement la dialectique, ils ne tentent pas d’analyser les conditions spécifiques de leur pays et de leur époque (notamment le passage à "l’impérialisme", les débuts d’une nouvelle phase, etc.) ; leur marxisme tend à se réduire à un schéma simpliste, passe-partout, à une série de dogmes plus ou moins inertes.

De 1899 à 1905, le P.O.F. tente, mais en vain, de ressaisir la direction révolutionnaire du mouvement ouvrier français. Les modifications de l’échiquier politique (notamment le millerandisme, la constitution du Bloc des Gauches, l’essor du syndicalisme révolutionnaire) posent des problèmes nouveaux et complexes : dans quelle mesure et comment le socialisme révolutionnaire peut-il soutenir la bourgeoisie républicaine, radicale ? Quelle attitude doit-il adopter devant les progrès du "révisionnisme" et du syndicalisme révolutionnaire ? Comment répondre au profond désir d’unité des masses socialistes et socialisantes et sur quels fondement doctrinaux, politiques, faut-il réaliser l’indispensable, l’inévitable et la féconde unité socialiste ?

Les guesdistes amorcent un redressement doctrinal et politique, tentent de puiser à leurs sources révolutionnaires. Contre les "ministérialistes", ils constituent, en 1902, avec les vaillantistes, un parti socialiste révolutionnaire unifié, le Parti Socialiste de France. Mais cette correction de trajectoire, tardive et qui ne repose pas sur un approfondissement, même pas sur une assimilation moins dogmatique du marxisme, n’est pas suivie par les masses ouvrières et socialisantes. Les guesdistes font figure de "diviseurs", de "sectaires". Ils ne réussissent donc pas à constituer la fraction dirigeante de l’unité socialiste enfin réalisée en 1905. Et cette sclérose marque encore plus de son sceau le guesdisme lorsque, après la création du Parti socialiste unifié (S.F.I.O.), il survit sous forme de courant.

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Annexe

Nous proposons les lectures suivantes :

  • Claude Willard : Les Guesdistes, Editions sociales, 1965
  • Correspondance Engels-Lafargue en trois tomes, Editions sociales, 1956
  • Maurice Dommanget : L’introduction du marxisme en France, Editions Rencontre Lausanne, 1969
  • Biographie de Guesde par Compère-Morel, Librairie Aristide Quillet, 1937
  • Présentations des journaux L’Egalité et Le Socialiste, Editions Hier et Demain 1974
Notes :

[1Extrait de la présentation de la collection complète des journaux L’Egalité et le Le Socialiste par Claude Willard. Pour se reporter au texte complet de C. Willard, ainsi que ceux de Jacques Girault sur le guesdisme après 1905 et sur Paul Lafargue ; sur Jules Guesde de Justinien Raymond, consulter l’annexe.

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