par ArchivesAutonomies
I
La révolution universelle est inéluctable. Car l’impérialisme de toutes les nations, impérialisme universel, est également nuisible à tout le prolétariat.
C’est pourquoi le prolétariat international doit s’unir dans le but d’examiner l’impérialisme universel.
Mais l’impérialisme ne peut être exterminé sans que le capitalisme le soit aussi.
Voilà pourquoi est devenue inéluctable la révolution sociale qui a pour but d’exterminer le capitalisme et d’organiser le socialisme.
II
Hors de l’impérialisme, le capitalisme ne peut subsister. Aussi l’impérialisme est-il sans issue pour le prolétariat.
Le capitalisme impérialiste a divisé tous les peuples de l’univers en deux groupes qui se donnent pour but de conquérir le monde.
Trois puissantes nations : l’Allemagne, l’Angleterre et les États-Unis sont à la tête de ces deux groupes en lutte.
Mais à l’époque où nous vivons, la solution pacifique de leur différend est impossible.
Car ces trois puissances, et tous les peuples liés avec elles, prétendent chacune dominer le monde, ou seuls, ou avec leurs groupes.
La guerre est l’unique moyen de régler leur litige.
Il est vrai que la bourgeoisie et avec elle les réformistes, les social-patriotes, les pseudo-marxistes cherchent d’autres solutions, mais inefficaces ; ces dernières ne servent qu’à aveugler et à asservir le prolétariat du monde entier.
Ni l’arbitrage obligatoire, ni la « ligue des nations », ni la paix mondiale, ni le droit des nationalités, ni le désarmement, ni la démocratie, ni les autres moyens préconisés ne peuvent faire sortir le capitalisme des contradictions intérieures où il s’est enlisé.
Ces moyens ne lui permettent pas d’éviter l’accumulation formidable de la plus-value, d’enrayer la tendance à l’expansion — qui en est la conséquence —, les conquêtes, qu’il est obligé de faire, les guerres qui en découlent, l’autodestruction, qui sera la conséquence de ces faits.
L’accumulation colossale de la plus-value et sa destruction, ainsi que celle de ses sources vives et de ses sources matérielles — tel est le conflit inextricable, dans lequel tombe le capitalisme.
Cette accumulation infinie et la lutte pour l’expansion, constituant l’essence même du capitalisme, se sont trouvées en conflit dans une insoluble contradiction.
Les prolétaires ne peuvent plus supporter cette lutte. Ils doivent se révolter pour s’affranchir des terreurs de l’asservissement et de la tuerie en masse.
Mais ce n’est qu’après avoir anéanti le capitalisme qu’ils pourront éviter l’impérialisme.
De cette façon, leur insurrection, leur lutte se transforme inévitablement en révolution contre le capitalisme universel, en révolution sociale du prolétariat du monde entier, en révolution universelle.
III
Et cette révolution est possible.
Elle est réalisable et possible pour les raisons suivantes :
Le capitalisme est mûr pour le socialisme.
La guerre a préparé le terrain au socialisme. Le capitalisme est forcé de passer au socialisme (au socialisme d’État, bien entendu).
Ainsi le prolétariat agit dans le sens du progrès général de l’humanité.
Et les conséquences, tant matérielles que morales, de la guerre sont si désastreuses pour le prolétariat qu’il est inévitablement amené à la révolution.
L’anéantissement des forces productrices et matérielles, le malheur, la haine, la famine, la tuerie sanglante sans fin, tout concourt à amener le prolétariat à la révolution pendant ou après la guerre.
Et cette révolution peut avoir lieu parce que le prolétariat international est, dans ses organisations, assez fort pour la mener à bien.
Le programme qui, d’après nous, doit être admis par le prolétariat international est le suivant :
Le prolétariat doit :
Prendre en mains le pouvoir d’État et le pouvoir législatif :
Garantir un minimum de moyens d’existence à tous les ouvriers et à tous ceux qui doivent leur être assimilés ;
Prendre en mains l’administration de toute la production, du commerce et du transport ; la répartition des produits ;
Décréter le travail obligatoire pour tous ;
Annuler les dettes de l’État ; confisquer les bénéfices de guerre, n’imposer que le capital et les revenus, et de cette manière aboutir à la confiscation du capital ;
Exproprier les banques ;
Exproprier les grands établissements industriels ;
Socialiser la terre ;
Prendre en mains toutes les prohibitions et tous les tarifs douaniers ;
Abolir le militarisme et armer le prolétariat.
En se basant sur ce programme, le prolétariat international peut rallier à sa cause et unir tous les ouvriers, toutes les classes laborieuses et asservies.
Ce programme doit le conduire à la victoire.
IV
Et devant le prolétariat du monde entier l’exemple de la révolution apparaît déjà.
La Révolution russe est pour le prolétariat universel un symbole rayonnant.
Car elle a montré qu’il n’y a que deux moyens de vaincre : l’unité du prolétariat nationale et international et l’unité dans la révolution.
Si l’accord manque dans le prolétariat d’une nation, il reste l’esclave de sa bourgeoisie ; si l’accord manque dans le prolétariat international, il reste l’esclave de la bourgeoisie internationale.
Si le prolétariat ne lutte pas pour la révolution complète, pour l’anéantissement total de la société capitaliste et s’il ne soutient pas cette lutte jusqu’à la victoire définitive, il n’y a point de salut pour lui et pour les autres classes opprimées ; et il ne peut entraîner après lui tous les ouvriers et toutes les autres classes opprimées.
Mais la révolution russe nous a appris davantage encore.
Elle a trouvé la forme grâce à laquelle le prolétariat peut remporter la victoire ; ce sont, dans chaque village, dans chaque région et dans tous les pays, les soviets.
Les soviets ouvriers, auxquels appartient tout le pouvoir économique et politique.
Ce sont ces soviets qui détruisent le capitalisme et créent le socialisme ; ce sont eux qui exproprient le capitalisme et transmettent tout le pouvoir et toute la richesse au socialisme ; ce sont eux, en un mot, qui créent le socialisme économiquement et politiquement.
Les soviets ouvriers représentent la forme et l’essence de la nouvelle société, de la nouvelle humanité.
Ces soviets ne comprennent pour le moment que le prolétariat en lutte, le prolétariat victorieux, mais ils sont appelés à embrasser l’humanité tout entière.
Les soviets du Travail, du Travail et rien que du Travail, deviendront avec le temps, les groupements plus hauts, les groupements sacrés de l’humanité.
L’unité du prolétariat au sein de chaque nation.
L’unité du prolétariat international.
L’union, l’organisation du prolétariat en soviets ouvriers.
Tels sont les trois grands principes que la révolution russe enseigne au prolétariat mondial.
Quand le prolétariat de l’Europe occidentale, de l’Amérique du Nord, du monde entier sera uni, quand il créera une nouvelle Internationale, celle de la Révolution universelle, quand il sera un dans la révolution, quand il s’organisera en soviets des travailleurs et leur donnera tout le pouvoir économique et politique, la révolution universelle vaincra.
Nous voyons déjà, non dans un lointain avenir, mais près de nous, la nouvelle Internationale, embrassant les soviets ouvriers de tous les pays.
Nous voyons déjà plus près encore le soviet central des ouvriers du monde entier.
Nous voyons déjà devant nous les soviets internationaux, précurseurs de la nouvelle humanité libre, de l’humanité communiste.