par ArchivesAutonomies
Voici déjà un an qu’a été fondée la Troisième Internationale à Moscou. Cet événement d’une importance colossale eut lieu dans une salle modeste du Kremlin, où une quarantaine de délégués composés de Russes pour la plupart et d’émigrés politiques en Russie se réunirent. Il y avait longtemps déjà que les révolutionnaires de tous les pays attendaient impatiemment la naissance de la nouvelle Internationale. Malgré cela, aucun représentant officiel du prolétariat des pays latins ou anglo-saxons de l’Europe Occidentale, et de l’Amérique ne se présenta à ce Congrès, qui fut salué par le rire méprisant de la bourgeoisie mondiale et de ses valets serviles — les renégats de la Deuxième Internationale.
On aurait pu croire que la Russie, mise en pièces, affaiblie, anémiée par les trois ans de combats impérialistes et par les deux années de guerre sociale, étouffée entre les tenailles de fer des armées contre-révolutionnaires, se trouvait alors à son agonie. Et soudain, cette révolution russe à demi-morte ose appeler d’autres nations à la révolution sociale ! Quelle bêtise ! Quelle folie !
À Londres, à Paris, à New York, les feuilles bourgeoises et les journaux soi-disant "socialistes" riaient aux larmes, en racontant la puérile incartade "de la petite poignée méprisable d’extrémistes" réunis à Moscou. Ils annonçaient à qui voulait les entendre que ce n’était qu’un simple bluff de l’invention de Lénine, la dernière manœuvre politique des bolcheviks en perdition. Partout, dans le monde entier, la bourgeoisie, ivre de la victoire militaire, entreprit de rétablir l’ordre, c’est-à-dire d’écraser le mouvement révolutionnaire et de soumettre à jamais les ouvriers et les paysans à la domination des capitalistes. Les social-traîtres, forts de l’appui de leurs gouvernements respectifs, annonçaient que la Deuxième Internationale ne serait jamais renversée.
Pendant ce temps, les membres du Congrès de Moscou, qui restaient au beau milieu du cyclone politique pleins d’ardente foi, posaient bien tranquillement des bases à cet édifice sous la protection duquel le prolétariat international doit précipiter la destruction économique et sociale du régime capitaliste.
Parmi ses thèses indestructibles, l’Internationale Communiste démontrait à la bourgeoisie orgueilleuse de tous les pays de l’Entente, qu’elle dansait sur un volcan, qu’elle ne pouvait même pas dire, à l’instar de Pyrrhus : "Encore une victoire comme celle-là et je suis perdue" ; qu’elle était condamnée à une mort certaine, à sa perte inéluctable sous les ruines amoncelées par sa guerre victorieuse.
Et l’Internationale Communiste démontrait aux nations vaincues, aux nations des petites puissances, créées des débris de l’empire tsariste, ainsi qu’aux nations des pays neutres — à tous les esclaves et à tous les vassaux — qu’elles ne pouvaient libérer leur force productive, ravie par l’Entente, et arriver à l’indépendance et à la liberté qu’en s’unissant en une confédération mondiale de toutes les nations et que le seul chemin qui y conduit sûrement est celui de la révolution sociale.
Elle démontrait au prolétariat du monde entier que pour sortir de l’état d’anarchie et de barbarie où la guerre l’avait précipité, que pour s’arracher à l’étreinte mortelle de la famine et de la misère, il doit abolir tous les privilèges, supprimer la propriété capitaliste et prendre entre ses mains le pouvoir, de vive force.
Elle démontrait aux socialistes et aux syndicalistes que l’œuvre grandiose d’édification de la construction socialiste serait impossible jusqu’au moment où les ouvriers se débarrasseraient de la tutelle de leurs traîtres de chefs qui admettent en paroles la tactique révolutionnaire, mais, dans la réalité, continuent à mener la politique de la collaboration des classes et apparaissent ainsi des soutiens fidèles de la bourgeoisie.
Un an a passé.
Malgré la guerre acharnée avec la réaction mondiale que la Russie Soviétiste fut forcée de subir, - la révolution russo-ukrainienne est maintenant plus puissante que jamais. Elle a vaincu tous ses ennemis. Elle a détruit peu à peu tous ses adversaires — au nord, à l’est et au sud.
Elle ne ressemble plus à une forteresse assiégée. La voici arrivée à une liberté de mouvements presque entière. Si elle est quelque peu menacée encore, ce n’est que du côté de l’Occident. Elle est sortie victorieuse de la lutte, bien que ses ennemis fussent tout d’abord dix fois plus forts qu’elle, et bien qu’elle-même fût cent fois plus faible qu’à présent. Et, dans l’avenir, elle saura avoir raison — et ceci avec une tension de forces infiniment moins grande — de tous les adversaires : Polonais, Roumains, Hongrois, que les gouvernements de l’Entente poussent contre elle, tout en faisant semblant de vouloir entrer en pourparlers de paix avec elle.
Ces bandits peuvent, évidemment, occasionner de nouvelles souffrances aux populations de la Russie et de l’Ukraine. Ils peuvent momentanément entraver la besogne compliquée et ardue de l’édification du nouveau régime social, en forçant inopinément les citoyens-soldats de la Russie et de l’Ukraine à transporter derechef leurs armées de travailleurs sur les champs de bataille. Ils peuvent, par des victoires éphémères, suspendre la marche triomphale de la Révolution. Mais, empêcher sa victoire finale, arrêter le cours de l’histoire, cela, ils ne le peuvent point. Ils sont condamnés à mort, désormais.
Malgré le blocus, malgré des états de siège et des conseils de guerre, malgré des arrestations et des exécutions en masse, - la nouvelle Internationale, par ses écrits et par la parole de ses propagandistes allume l’incendie partout dans le monde. Grâce à l’Internationale Communiste, la conscience des grandes masses prolétaires est dorénavant éveillée. Les ouvriers se sont libérés des illusions sur la valeur de la démocratie bourgeoise et parlementaire, et sur l’action bienfaisante du réformisme et de l’opportunisme. Ils ont compris que la libération des ouvriers ne se fera que par les ouvriers eux-mêmes. Ils ont compris également,, et ceci est peut-être le point le plus important, que dans l’état révolutionnaire de l’Europe il faut agir sans retard. Vivement et méthodiquement à la fois, ils mobilisent et organisent leurs forces, en se préparant à la lutte décisive avec la bourgeoisie. Partout, ils s’approprient le mot d’ordre de l’Internationale Communiste : la dictature du prolétariat et le pouvoir des Soviets.
Nonobstant leur défense désespérée, et malgré tous leurs faux-fuyants, les chefs de la Deuxième Internationale, les Scheidemann, les Kautsky, les Renaudel, les Longuet, les Henderson et les Mac Donald perdent définitivement la confiance des masses. Après être rageusement partis en guerre contre la Troisième Internationale, la plupart d’entre eux sont forcés maintenant de reconnaître en paroles son programme et, humblement, de lui demander pardon pour avoir péché contre elle. Mais, il est déjà trop tard, pour que ces messieurs puissent jamais conduire les ouvriers qui les chassent maintenant loin d’eux et les marquent du nom de traîtres.
"La petite poignée d’extrémistes" réunie à Moscou au mois de mars 1919 devient une armée puissante qui force le respect de tout le monde.
Les partis communistes de Russie et d’Ukraine, de Lettonie, d’Estonie, d’Arménie, le parti Social-Démocrate de Norvège, les Partis Social-Démocrates de gauche de la Suède et du Danemark, le Parti Socialiste Italien, les Partis Communistes d’Autriche et de Hongrie, le Parti Communiste Bulgare, le Parti Communiste Hollandais, le Parti Communiste de Yougoslavie, les Groupes Communistes de Géorgie, d’Azerbaïdjan, de Turquie, de Perse, de Chine, de Corée et de Grèce, le Parti Communiste Polonais, le Parti Communiste d’Amérique, le Parti Socialiste Britannique, le Parti Communiste de Galicie, le Parti Communiste de Bohème, etc. les uns après les autres, adhèrent à la Troisième Internationale.
Après une année seulement d’existence, l’Internationale Communiste a renversé l’Internationale Jaune — ce colosse aux pieds d’argile ; sa perte est tellement sûre que même les traîtres-mencheviks l’ont quittée, tels les rats d’un vaisseau qui sombre.
Le seul parti important cloué jusqu’ici à la Deuxième Internationale, comme le larron sur sa croix, c’est le Parti Social-Démocrate allemand majoritaire, parti de Scheidemann et de Noske. Cette union avec les assassins de Karl Liebknecht et de Rosa Luxembourg que rien n’a pu rompre, assassins qui, encore à présent, ont les mains souillées du sang des ouvriers, couvre d’un opprobre indélébile la Deuxième Internationale en démontrant aux travailleurs jusqu’où est tombée cette organisation si fameuse naguère. Ce cadavre se décompose à mesure que la Troisième Internationale se fortifie de plus en plus. Sous son drapeau s’était déjà massée une armée de millions de prolétaires, toute l’avant-garde du prolétariat mondial.
Née d’une union merveilleuse entre la Révolution et le Parti Communiste russe, notre jeune Internationale à l’heure présente, est un géant. Elle a mis à mort, par sa foudroyante agitation, le réformisme et l’opportunisme, en éveillant dans les cœurs de tous les prolétaires l’esprit de révolution. La bourgeoisie ne rit plus maintenant. Elle tremble. Elle sent passer au-dessus d’elle le souffle de la mort.
L’armée innombrable des exploités s’arme sur toute la surface de la terre. Elle essaie ses forces dans des grèves, de plus en plus larges et nombreuses, dans des collisions avec la police et avec les armées gouvernementales. Le jour est proche où, à son tour, elle commencera l’offensive. Que de sombres nuages obscurcissent les horizons de la Russie et de l’Ukraine — qu’importe : ils ne peuvent plus nous cacher les aveuglants rayons du soleil éclatant qui se lève à l’Occident et qui éclaire et réchauffe nos cœurs, en nous apportant la certitude de la victoire et la promesse d’une prompte réalisation de tous nos espoirs.
Par leur combat héroïque long déjà de trois années et plein de tant de sacrifices, les révolutionnaires de Russie et d’Ukraine ont assuré l’avenir des ouvriers de tous les pays du monde. Aussi, les travailleurs de tous les pays vont bientôt montrer activement qu’ils le comprennent et l’apprécient. Ils cesseront de ne faire que pleurer leurs morts : ils viendront en aide aux vivants. Ils vont montrer également que la solidarité internationale du prolétariat n’est pas un vain mot, et, par leur intervention puissante, assureront à jamais l’avenir de la révolution russe et ukrainienne.
Gloire éternelle à l’Internationale Communiste qui, au moment historique où les événements imposèrent au prolétariat une bien lourde tâche : prendre le pouvoir, sut lui indiquer la route qui menait à sa mission historique, l’organiser et le conduire au combat, - et ainsi sut préparer la victoire finale de la Révolution Sociale Universelle et le salut de l’Humanité entière.