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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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La dislocation de la majorité - Varine
Bulletin communiste n°22 - 5 août 1920
Article mis en ligne le 11 avril 2020
dernière modification le 29 mars 2020

par ArchivesAutonomies

Nous publions dans ce numéro la déclaration faite par Marcel Cachin et Frossard devant le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste, et sur la foi de laquelle les deux délégués majoritaires ont été admis au 2e Congrès communiste international, avec voix consultative. Quoique l’Humanité se soit abstenue de publier cette déclaration, nous avons pu lui donner une publicité assez large pour que l’opinion du Parti en soit saisie. D’autre part, le télégramme laconique de Cachin et Frossard où se trouvait la phrase : "Personnellement, nous pensons l’adhésion nécessaire..." a suscité déjà d’intéressants commentaires, où se dessinent deux courants dont nous ne devons pas négliger de noter les manifestations.

Ce télégramme a été commenté d’abord par le directeur intérimaire de l’Humanité, Léon blum, qui s’est évertué à en atténuer la portée, et qui a désavoué avec force euphémismes et circonlocutions Je véritable directeur de l’Humanité et le secrétaire du Parti. C’est là un conflit qui ne manque pas d’intérêt. Il confirme nos observations antérieures suivant lesquelles la prétendue "majorité" du Parti n’est nullement majorité, et prouve que Cachin et Frossard, non seulement ne représentent pas en Russie le Parti, mais encore ne représentent même pas leur fraction.

Leur fraction est une coalition hétérogène et immorale d’éléments très divers, sans doctrine commune et sans programme, et qui s’est constituée avec l’unique objectif de faire obstacle à la véritable majorité du Parti, c est-à-dire la tendance du Comité de la 3e Internationale. Si, lors du Congrès de Strasbourg, chaque fraction avait défendu loyalement ses conceptions propres, il n’est pas douteux que la nôtre eût aisément triomphé. Mais le centre est parvenu à donner le change et à tromper certaines fédérations en se déclarant, en paroles, d’accord avec la 3e Internationale, et en pratiquant, en fait, la politique de la 2e Internationale : ainsi s’est constituée cette soi-disant majorité, groupant des éléments de gauche et de droite avec ceux du centre, et vouée à une impuissance totale dans l’action.

Nous avons toujours dit que cette "majorité" se disloquerait au premier contact d’un problème sérieux : nous assistons aujourd’hui à la dislocation. Tant qu’il lui fut possible d’éluder les difficultés et d’esquiver les responsabilités, elle a pu conserver en apparence un aspect intact, et à la condition de se placer sous l’hégémonie réformiste. Mais dès que l’Internationale Communiste a mis en demeure deux représentants du centre de se prononcer sans feinte sur des questions précises, la débâcle s’accomplit.

A la suite de Léon Blum, c’est Bracke, c’est Paul Faure, c’est Mayéras, qui ont formulé en langage plus ou moins franc leur réprobation de l’attitude des deux ambassadeurs centristes. On peut sans témérité prévoir que leur point de vue sera celui des élus de la Haute-Vienne et du Nord, celui de Longuet et des autres interprètes du réformisme. Quant aux approbations de l’opinion de Cachin et Frossard, on peut les compter : seuls, Renoult et Paul Louis, le premier avec netteté, le second, dans un style mystérieux, se prononcent dans ce sens.

Nos camarades du Comité Exécutif de Moscou ont certainement surestimé la valeur représentative des deux délégués centristes, et leur admission au Congrès, même à titre consultatif seulement, ne s’explique que par la déclaration qu’ils ont faite et dont nous donnons plus loin le texte. La preuve sera bientôt éclatante que seul, le groupement du Comité de la 3e Internationale, participe de l’idéologie et de l’action communistes. Car rien ne permet de croire que la déclaration des mandataires de la majorité sera approuvée, même par Renoult et Paul Louis, qui avaient donné leur avis avant la publication de ce document. Au surplus, le Congrès posera certainement des conditions formelles à l’admission de nos majoritaires, pour qui ces conditions seront évidemment inacceptables.

En effet, la coalition majoritaire n’a été cimentée que par le sentiment de co-responsabilité, de complicité, qui unit des hommes dont la politique fut commune pendant la guerre politique de "défense nationale", c’est-à-dire de soumission au capitalisme, d’abandon total de la lutte de classes, et dont l’expression de hardiesse suprême fut l’adhésion à l’hypocrisie wilsonienne. On ne voit pas comment cette coalition se purifierait elle-même en éliminant certains de ses éléments constitutifs.

La condition essentielle du ralliement à l’Internationale Communiste est la reconnaissance et la répudiation honnêtes des fautes commises depuis le 4 août 1914. Nous n’avons cessé de le déclarer, et nos adversaires n’ont cessé de se refuser à cet acte nécessaire de contrition, sans lequel les militants qui se sont lourdement trompés pendant la guerre ne peuvent plus aspirer à la confiance des masses.

L’action du Comité de la 3e Internationale reste donc la sauvegarde de l’idée communiste en France et doit être poursuivie avec plus d’activité, plus de ténacité que jamais. A ceux qui se réclament sincèrement de l’Internationale communiste d’y collaborer.