par ArchivesAutonomies
Message révolutionnaire des Amis de Durruti
Avant-propos de Daniel Guérin
L’étude de Georges Fontenis me paraît une contribution utile, et je dirais mieux : précieuse, non seulement à une meilleure compréhension de la révolution espagnole de 1936-1937, mais aussi à une interprétation plus extensive de la notion même de communisme libertaire.
L’usage de ces deux mots gagnerait certes à ce qu’ils soient distingués clairement de deux autres versions, affublées des mêmes vocables, à savoir, d’abord l’utopie, propagée par Kropotkine et ses disciples, d’un paradis terrestre sans signe monétaire, où tout un chacun, grâce à l’abondance, puiserait dans le tas ; ensuite l’idylle enfantée au sein de la CNT espagnole, dès avant 1936, par l’imagination d’Isaac Puente, d’un puzzle de "Communes libres". A la veille du putsch franquiste, cette douce rêverie préparait fort mal l’anarcho-syndicalisme espagnol aux dures réalités d’une révolution et d’une guerre civile. Fontenis, s’il souligne certains aspects positifs du congrès de Saragosse de 1936, me semble passer à côté de ceux qui me paraissent éloignés du réel.
Dans la première partie de son étude, l’auteur retrace avec exactitude la dégénérescence, les capitulations successives des leaders anarchistes de la CNT-FAI, mais peut-être ne descend-il pas avec assez d’insistance au coeur du problème. A savoir, l’anarchisme traditionnel, idéaliste et désintégrationniste, n’était-il pas voué fatalement à l’échec dès lors qu’il se trouverait confronté à une lutte sociale implacable, à laquelle il n’était pas le moins du monde préparé ?
Car ce ne sont pas tant chez ses leaders l’infidélité aux principes, les défaillances humaines, les inexpériences ou naïvetés qui les ont fourvoyés, mais, bien davantage, une incapacité congénitale à déjouer les embûches du pouvoir (dont ils s’accommodèrent faute d’avoir pu le biffer d’un trait de plume). De ce fait, ils étaient voués à s’enliser dans le ministérialisme, à s’abriter sous l’aile trompeuse de la démocratie bourgeoise "antifasciste" pour finalement se laisser prendre en remorque par le stalinisme contre-révolutionnaire.
En revanche, ils étaient diablement bien préparés à l’autogestion économique de l’agriculture et, dans une moindre mesure, de l’industrie, et la collectivisation libertaire, qui reste un modèle pour le futur révolutionnaire, a sauvé l’honneur de l’anarchisme. On peut regretter que l’étude de Fontenis ne puisse qu’effleurer cette page glorieuse de la révolution espagnole. Il serait fondé, certes, à rétorquer qu’elle n’est pas moins absente des écrits qu’il analyse.
Le mérite de ces textes réside ailleurs, dans le domaine politique. Ils révèlent un aspect trop méconnu de l’avant-garde libertaire ibérique, le bref essor des "amis de Durruti", ainsi nommés en mémoire du légendaire Buenaventura Durruti, tombé au front dès le 20 novembre 1936. Ils sont issus des leçons tirées, un peu tard, de la cruelle défaite de mai 1937 à Barcelone. De même qu’en France le babouvisme avait été le fruit attardé des sévères répressions de germinal et prairial 1795, la lucidité de ces communistes libertaires a été avivé par la tragédie catalane de mai.
A travers les quelques numéros de leur éphémère organe, l’Ami du Peuple, que Fontenis a passionnément dépouillés et traduits, on voit ces militants se refuser à attendre, pour faire la révolution, d’avoir gagné la guerre, comme le prétendaient les anarchistes réformistes ainsi que les staliniens, et affirmer que l’on ne peut dissocier l’une de l’autre. Et de proclamer qu’il est possible de se battre contre l’ennemi fasciste sans renoncer pour autant aux idéaux libertaires. Et de dénoncer l’asphyxie engendrée par la machine étatique. Et, enfin, d’affirmer que sans théorie révolutionnaire les révolutions ne peuvent aller de l’avant, que celle du 19 juillet 1936 a échoué faute d’un programme conséquent.
Georges Fontenis, dans son effort pour parvenir à un tel programme communiste libertaire, le rédigera, en France, en 1954 et, j’ajoute qu’il le rénovera, en juillet 1971, à Marseille, au congrès constitutif de l’Organisation communiste libertaire auquel j’ai participé. Je termine en précisant que je me trouve aujourd’hui à ses côtés, dans l’UTCL, Union des Travailleurs Communistes Libertaires, qui s’inscrit dans la tradition léguée par la Première Internationale dite anti-autoritaire.
INTRODUCTION
Mai 1937. A Barcelone paraît le premier numéro de l’Amigo del Pueblo, organe des "Amigos de Durruti". La répression policière de l’État républicain vient de s’abattre sur les combattants des barricades qui ont répondu aux exactions des staliniens en reprenant la voie révolutionnaire. Mais alors que les combattants de la révolution l’emportent sur les troupes staliniennes et les corps de répression de la Généralité de Catalogne et de l’État central, les "leaders" anarchistes de la CNT-FAI devenus ministres du gouvernement bourgeois demandent aux vainqueurs des barricades de baisser les bras, de faire confiance aux "chefs" pour apaiser le conflit et ramener l’unité dans le camp anti-franquiste. Le résultat ne se fait pas attendre : des milliers de combattants des barricades se retrouvent en prison et une censure plus brutale que jamais musèle la presse. Le premier numéro d’Amigo del Pueblo est caviardé férocement. Mais enfin il paraît et il va tenter d’être le point de ralliement de tous ceux qui à travers la lutte contre Franco ne veulent pas oublier les tâches de la révolution, ces tâches qui précisément donnent tout son sens à la guerre contre les militaires et leurs alliés.
Les Amigos de Durruti et, plus largement, les travailleurs libertaires d’Espagne vont échouer. Pourquoi ? Et en fait, quel fut leur combat ?
Près d’un demi-siècle après ces événements, rien de bien solide n’est encore paru en réponse à ces interrogations. Les leaders du mouvement anarchiste "officiel", traditionnel, toujours préoccupés de dissimuler les défaillances et les inconséquences, d’estomper les responsabilités, d’éviter les problèmes théoriques fondamentaux, se sont toujours dérobés à la discussion ou se sont satisfaits de quelques confessions et regrets tardifs... mais on attend toujours une autocritique de fond, une analyse rigoureuse des événements. Tout a été fait pour étouffer les critiques les plus radicales, en particulier celles des Amigos de Durruti, et tenter de les effacer à jamais.
Pourtant, eux, les Amigos de Durruti, ont plus qu’esquissé cette analyse rigoureuse et vigoureuse dont nous avons besoin, et ils l’ont fait au coeur même du combat.
C’est pourquoi il nous a paru indispensable de publier leurs principaux écrits, encore inédits en Français.
Pour contribuer au débat, que nous souhaitons clarificateur, nous y ajoutons une brève étude sur l’évolution du mouvement libertaire et de la révolution espagnole et aussi, nécessairement, les commentaires que les textes et les faits inspirent aujourd’hui aux camarades qui poursuivent le lutte pour le communisme libertaire.
Cela dit, notre travail n’est pas une histoire de la révolution espagnole qui, à notre sens, reste à écrire. Nous avons d’ailleurs délibérément laissé de côté l’immense chapitre des réalisations économiques et sociales, des collectivisations et socialisations, sauf lorsque ces faits s’intégraient dans notre étude. Là-dessus, les travaux de Gaston Leval et de F. Mintz, que nous citons en bibliographie, font autorité. Nous avons tenté seulement d’éclairer, d’un point de vue révolutionnaire, la période du printemps et de l’été 1937, période qui nous est apparue comme décisive.
1ère partie
LE CAMP "ANTIFASCISTE"
Il est indispensable - les amis de Durruti ont tenté de le faire - de trouver la voie qui pour les révolutionnaires permet, sans compromission et sans tomber dans un frontisme antifasciste sans principes, une pratique de lutte unifiée des forces prolétariennes contre les coups de force de la réaction, du militarisme, du fascisme. On comprend pourquoi les amis de Durruti donnèrent toute son importance au prétendu choix "guerre ou révolution".
Mais il nous faut bien, avant d’aborder les faits et leurs analyses brosser un tableau, aussi succinct que possible, des forces en présence dans le camp "antifasciste" ne serait-ce que pour faciliter au lecteur non averti son voyage à travers ce qu’un auteur a appelé "le labyrinthe espagnol". La bibliographie que nous donnons permettra d’ailleurs de trouver une information complète.
ESPAGNE ET CATALOGNE.
La poussée des autonomismes régionaux dans l’Espagne unifiée imposée par le pouvoir central, remonte fort loin et elle se poursuit aujourd’hui, sur le plan des institutions (il existe, dans les diverses régions, des pouvoirs bénéficiant d’une autonomie limitée) ou de l’action subversive (c’est le cas au pays Basque). Dans les années 30, elle n’impliquait guère que deux régions, d’ailleurs les plus développés économiquement, la Catalogne et le pays Basque. La république leur avait accordé des institutions particulières. En Catalogne, région qui va jouer un rôle de premier plan dans la révolution, il existait donc un pouvoir régional : le Gouvernement de la Généralité de Catalogne, un parlement régional et des forces d’ordre public : les gardes de la Généralité (Mozos de escuadra). Les partis et organisations y avaient souvent une physionomie particulière, comme nous allons le voir.
LES PARTIS CATALANISTES
Il existait en Catalogne des organisations sans liens institutionnels ou historiques avec les partis et groupes qui se retrouvent dans tout le reste de Espagne. Citons les plus importantes :
La "gauche catalane" (la Esquerra) sera à la tête de la Généralité de Catalogne. Elle rassemble une partie des travailleurs mais surtout des éléments de la petite bourgeoisie "de gauche", des intellectuels. C’est la parti du Président de la Généralité, Companys.
L’Union des Rabassaires (métayers, petits exploitants agricoles) est d’une orientation voisine.
Le parti de l’État catalan (l’Esta Català) est franchement séparatiste, d’un nationalisme fascisant.
LES RÉPUBLICAINS FÉDÉRALISTES
L’esprit fédéraliste s’est manifesté en Espagne au cours du 19ème siècle par l’existence d’un fort courant au sein des républicains. Un certain nombre de ces républicains se sont reconnus très proches des idées fédéralistes du courant anti-autoritaire de la 1ère Internationale. Les républicains fédéralistes recrutent surtout dans certaines couches paysannes et dans la petite bourgeoisie libérale.
En 1936, il existe au parlement de Madrid (les Cortès) une étonnante extrême-gauche parlementaire. Ce sont les républicains fédéralistes qui la constituent.
Il y a parmi eux notamment des avocats qui défendent les militants anarcho-syndicalistes et anarchistes au cours des procès.
Ces libéraux ne désirent nullement bouleverser les fondements de la société bourgeoise mais ils ont un discours radical, assez proche des déclarations des révolutionnaires. La CNT les ménage et même les soutien, en dépit de son anti-parlementarisme.
LA GAUCHE ET L’EXTRÊME-GAUCHE
Le parti socialiste (Parti socialiste ouvrier espagnol) est un parti réformiste composé surtout d’intellectuels de la petite bourgeoisie et de fonctionnaires mais il s’est constitué une assise ouvrière à travers une organisation syndicale, l’Union Générale des Travailleurs (U.G.T) dans la mesure où les rouages du parti et des syndicats s’interpénètrent. Un bon exemple : le leader socialiste Largo Caballero -qui sera longtemps un pur réformiste et un ministre répressif- est secrétaire général de l’U.G.T. Les leaders de l’U.G.T combattent ouvertement les syndicalistes de la CNT mais il existe cependant à la base, en maintes circonstances, un désir d’unité de la classe ouvrière.
Les communistes sont divisés et peu nombreux, leur stalinisme est outrancier. Mais leur influence grandira vite pendant la révolution, nous verrons pourquoi. En Catalogne, le parti stalinien prendra le nom de PSUC, parti socialiste unifié de Catalogne, né de la fusion du petit parti communiste et d’un parti socialiste catalan.
Les trotskistes constituent seulement quelques groupes dont l’activité est avant tout théorique. leur militant le plus connu, Andrès Nin se rallie au POUM. C’est à tort que ce "parti ouvrier d’unification marxiste" est considéré comme trotskiste : il est la forme que prend à partir de 1935, le "bloc ouvrier et paysan", essentiellement catalan et composé de communistes en rupture avec Moscou. C’est un parti qui jouit d’une certaine influence, à Barcelone notamment, mais qui est sans cesse tiraillé entre le soutien aux catalanistes et l’internationalisme, entre l’électoralisme et l’appartenance d’un certain nombre d’adhérents à la CNT, entre les dénonciations des dirigeants de Moscou et une admiration proclamée pour le régime de Staline. dans le jargon trotskiste, c’est un parti ouvrier "centriste".
LE MOUVEMENT LIBERTAIRE
Venons-en maintenant à la Confédération nationale du travail. sans entrer dans les détails de son histoire, nous devons nous étendre davantage sur ce qu’est cette CNT puisque les "Amis de Durruti" en sont membres.
Elle a été fondée en 1911 sur la base de groupements ouvriers et libertaires qui se sont maintenus comme héritiers de la Fédération espagnole de la 1ère Internationale. S’inspirant du syndicalisme révolutionnaire français, alors à son apogée, elle adopte la forme d’organisation et de lutte du syndicat ouvrier mais elle définit son objectif final comme étant le communisme anarchiste dont elle voit la réalisation à travers le syndicat comme structure fondamentale. C’est donc une organisation anarcho-syndicaliste de masse qui atteindra en 1936 près d’un million d’adhérents.
Son histoire est fort complexe, traversée de nombreux conflits. En son sein existent deux courants souvent opposés : d’une part un courant purement anarcho-syndicaliste qui considère que la CNT suffit comme organisation et qui estime superflue ou inquiétante l’existence de groupes anarchistes organisés extérieurement à la "Confédération", d’autre part, le courant inspiré par les militants se considérant d’abord comme anarchistes révolutionnaires adhérant à une confédération syndicale où ils ont mission de combattre toute tentation réformiste. Le conflit s’aggrave lorsque les groupes anarchistes, jusqu’alors faiblement réunis dans une Fédération aux liens très peu serrés, constituent en 1927 avec des groupes portugais la célèbre FAI (Fédération anarchiste ibérique). Nous sommes alors devant le problème des rapports entre l’organisation de masse et l’organisation d’avant-garde. Même si les rapports entre FAI et CNT ne sont pas des rapports mécaniques de sujétion, il se trouvera des militants adversaires de la FAI, des militants anarchistes pourtant, pour condamner "la dictature de la FAI". En fait si un certain nombre de responsables de la CNT appartiennent à la FAI, il s’agit non à proprement parler d’une dictature mais d’une influence idéologique dominante. Le conflit qui atteint son point culminant en 1931, à l’occasion du congrès de la CNT tenu à Madrid, opposera les militants partisans d’une analyse réaliste et d’une action très réfléchie aux militants qui veulent, sans attendre, lancer des soulèvements révolutionnaires. Les premiers rédigent un manifeste recueillant 30 signatures (on les appellera les "Trente" et leur tendance s’appellera le "trentisme"), manifeste dans lequel ils dénoncent les analyses superficielles, la conception simpliste et catastrophique de la révolution, le culte de la violence pour la violence, qui leur paraissent être les caractéristiques des militants de la FAI [1] Bien que tous les membres de la FAI soient loin d’être des énergumènes, il est bien vrai que des tentatives révolutionnaires aventureuses ont eu lieu ou auront lieu par la suite, à l’instigation ou avec l’appui de certains groupes de la FAI, tentatives vouées à l’échec et qui se soldent par une répression féroce. Par contre, les "trentistes" qui se disent prudents mais non moins révolutionnaires pour autant, ont parmi eux incontestablement des militants inclinant vers le réformisme. Un de leurs chefs de file, Angel Pestana va par la suite fonder le "parti syndicaliste" et sera député aux Cortès.
Les militants et les syndicats qui se rallient au manifeste des Trente sont exclus de la Confédération et constituent des "syndicats d’opposition" dont l’influence en certaines régions est loin d’être négligeable. Si bien qu’ils seront réintégrés dans la CNT cinq ans plus tard au Congrès de Saragosse.
L’on verra bientôt, dans le gouvernement central à Madrid et dans celui de la Généralité de Catalogne, à Barcelone, des ministres d’origine e "trentiste" mais aussi des militants de la FAI ou des intransigeants ayant combattu le trentisme, comme Garcia Oliver et Federica Montseny. Et en septembre 1937, Pestana rejoindra la CNT [2].
Si l’on veut dresser un tableau rapide mais assez complet des courants en présence dans l’ensemble du mouvement libertaire espagnol, on peut distinguer :
— une petite frange révisionniste qui, avec Pestana, aboutit au parti syndicaliste ;
— un courant "trentiste", qui se veut révolutionnaire mais réaliste, avec un Juan Peiro qui a combattu durement pour la création de Fédérations d’industries dans la CNT et qui a dénoncé les pratiques aventuristes de certains groupes de la FAI ;
— une composante traditionnaliste regroupant de nombreux responsables syndicaux qui ne voient pas toujours l’utilité (ils en combattent parfois l’existence) d’une organisation spécifique réunissant les groupes anarchistes. Ces militants se considèrent comme anarchistes mais pour eux les groupes anarchistes devraient être simplement des centres de réflexion et de propagande générale. C’est un point de vue très courant chez les anarcho-syndicalistes [3].
Les FAIstes, par conséquent, sont loin de rassembler tous les anarchistes et pour lesquels les syndicats ne répondent pas à toutes les tâches. Encore faut-il distinguer les FAIstes d’origine ouvrière, d’abord anarcho-syndicalistes, comme Garcia Oliver ou Durruti, des anarchistes d’origine intellectuelle, comme Federica Montseny.
Les jeunesses libertaires qui, surtout en Catalogne, défendent la pureté de l’idéal "acrate" [4] et jouent un grand rôle sur le plan culturel et éducatif. A ce propos, il faut dire que le mouvement libertaire espagnol tout entier est très porté vers l’alphabétisation, l’éducation (d’où la création de nombreuses écoles modernes, inspirées de la pédagogie de Francesco ferrer, et la multiplication des "athénées" sorte d’universités populaires, très vivantes).
Les "Amis de Durruti", tous membres de la CNT, membres également de la FAI pour la plupart, constituent à partir de 1937 un courant particulier.
A partir de juillet 36, les liens entre la CNT et la FAI seront si étroits que les deux sigles apparaîtront le plus souvent mêlés (on dira "la CNT-FAI"),. Même un "mouvement libertaire" réunira les trois branches : CNT, FAI, FIJL (Fédération ibérique des jeunes libertaires) mais, au sein des difficultés de la guerre, on verra à partir de mai 1938 se manifester une opposition entre la direction de la CNT, sacrifiant tout à l’idéologie de la "résistance à outrance" et se soumettant aux orientations du gouvernement Negrin et le comité Péninsulaire de la FAI s’efforçant tardivement de sauver l’honneur en dénonçant l’avance de la contre-révolution.
Pour en terminer avec ce rapide panorama, il convient de signaler que la FAI, constituée à l’origine de "groupes d’affinité" pratiquement clandestins, en tout cas en marge de toute législation, est numériquement limitée, environ 30000 affiliés en juillet 1936. Pratiquant une activité publique à partir de ce moment, elle se transforme en juillet 1937 en une Fédération de groupes locaux et de quartiers, nettement plus ouverts aux adhésions que les groupes d’affinité, mais où les pouvoirs de décision des comités sont accrus. Ainsi "l’organisation spécifique" la "Especifica" comme disent les Espagnols, se transforme en parti de type courant, visant à devenir une "organisation spécifique de masse". On peut sans doute considérer que les groupes d’affinité ne correspondent plus à la période qui s’est ouverte en juillet 36, mais par contre, comment ne pas voir la pauvreté et la confusion de la base théorique qui tient en une déclaration de principes de quelques lignes [5] ?