par ArchivesAutonomies
Tout groupe qui cherche à réfléchir sur sa pratique révolutionnaire actuellement est amené à redéfinir des mots tels que : révolution, militantisme, etc. du fait de leur emploi pléthorique.
Nous essayons de nous situer par rapport à deux tendances qui nous semblent les plus manifestes :
- Les nostalgiques du grand soir, qui attendent d’un retournement complet de fa machine sociale au cours d’une sorte de feu d’artifice, l’instauration d’une société idéale. Cette conception mythique du processus historique avançant par bonds, comportant des moments pleins et des moments creux de la lutte, c’est cette théâtralisation de l’histoire qui bute sur des impasses en pratique et aboutit à des fixations régressives sur des moments tels que 35, la Libération, Mai 68 dont on fait des psychodrames collectifs, gommant ainsi toute ia dynamique sociale et contribuant à leur récupération par le capital.
- Les bureaucrates réformistes, professionnels de la vie politique, qui prétendent organiser les masses pour les discipliner mais ne leur font faire que des marches répétitives selon un rite qui bloque toute initiative [petite grève, petite fête annuelle, petite élection) permettant aux "porte-paroles" de la classe ouvrière de réitérer une rhétorique attardée et réduisant ainsi les masses à l’état de singes inhibés sans une pratique et un discours autonomes.
Ces deux attitudes aboutissent à des effets identiques et sont voués à l’immobilisme. Le capitalisme n’est pas remis fondamentalement en cause par ces remous et ces ronrons qui les cautionnent en anesthésiant les potentialités révolutionnaires.
En face de ces comportements qui font le jeu de la bourgeoisie, nous considérons qu’il faut détruire les mythes et les médiations et plonger ici et maintenant dans te combat livré à l’idéologie en place. Pour cela, il n’est pas de lieux ni de moment privilégiés ; la lutte des classes s’est infiltrée dans tout le tissu social et soumet chacun de nous à une pollution idéologique, à l’assujettissement paralysant aux modèles régulateurs de l’institution bourgeoise. Militer. ce sera repérer, détecter, débusquer les différents modes d’aliénation dans les structures qui tes organisent, les moyens que l’institution bourgeoise emploie, les représentations intériorisées qu’elle impose. Cette analyse des conditionnements doit déboucher sur une pratique individuelle et collective qui, radicalement et à chaque instant, par sa dynamique subversive, rende impossible toute régression et toute récupération. Pour nous, la lutte révolutionnaire ne peut plus être enfermée dans la problématique du besoin ni n’implique un esprit de sacrifice mais trouve sa force libératrice dans la levée de toute censure castratrice qui bloque l’émergence du désir révolutionnaire, ce dernier parcourant tout le champ social et impulsant partout des mouvements de vie. La répression est avant tout répression du désir qui prend des formes multiples : répression de la sexualité [répression sexuelle, censure du corps], répression de l’affectivité (déviation et annulation de toute forme de tendresse], répression des langages (discours aliéné ou interdits). Cette répression se joue à chaque instant et à tous les niveaux ; les machines sociales capitalistes et socialistes bureaucratisées utilisent des institutions qui produisent des modèles personnifiés (le père, le proviseur, le général, le pape, le patron, le psychiatre, l’artiste. la vedette) auxquels l’individu s’identifie et qui ne sont, en fait, que des relais répressifs.
Cette intériorisation de la censure renforce la répression extérieure puisque chacun de nous devient son propre flic et celui des autres. Ces institutions multiples correspondent à une prise e ;i charge d’un individu parcellisé, atomisé, classé selon : - L’âge : famille, école, armée, profession, hospice de vieillards... :
- Une division du travail : spécialisation à outrance, pyramide hiérarchique... ;
- Une séparation du loisir et du travail aliéné : organisation des loisirs...
Ces institutions ont pour fonction de noyer Se désir là où il risque d’émerger en dehors des codes et des stéréotypes ; l’individu est cloisonné dans l’institution, fragilisé vis-à-vis du monde extérieur, ne se reconnaissant que dans les jeux du triangle familial (œdipianisation ; possession, autorité, fidélité), et dans les jeux de l’institution scolaire et du métier (respect de la hiérarchie, valorisation de la compétition). En échange, il fait l’apprentissage de toutes les valeurs archaïques et rétrogrades telles que ia notion du bien, la modestie, la pudeur, la valorisation du travail, la valorisation de la culture. Tout cela renforce la validation de la notion centrale du système capitaliste qui est Irj propriété privée avec son versant idéologique : culte du moi, individualisme. Tout fonctionne en s’enchaînant pour convaincre l’individu qu’il est bien là où il est : tout le monde il est beau... (même l’O.S. peut trouver quelqu’un à matraquer : sa femme, ses gosses, l’arabe). Ainsi, le contact avec la réalité du monde extérieur est toujours le résultat des tensions, lie heurts et d’angoisse, tout devient sujet d’inquiétude. de panique ; et l’individu ne peut plus que se raccrocher à toutes les formes institutionnelles du fait de leur côté sécurisant et il entretient avec les autres des rapports sadomasochistes et de culpabilisation constante. Ainsi s’opère la coupure du désir et son intégration dans les zones de récupération de l’idéologie dominante ; là où il croit saisir son "moi", il est toujours producteur de phantasmes, de fausses fenêtres et de bonne conscience. L’écrasement du désir réel condamne l’individu à se tourner vers des besoins compensatoires qu’alimente sans cesse la surconsommation d’objets matériels et culturels ; une perception réifiante de l’individu permet sa manipulation en tant qu’objet consommable ; toute la machine sociale est devenue un immense souk où chacun se prostitue, dans l’intériorisation de ce qui fait de lui et des autres des pièces compétitives sur le supermarché de la consommation des mythes.
MONCEF.