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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Éditorial : Mitterand, marche à l’ombre !
Sherwood N°1 - Printemps 1985
Article mis en ligne le 14 janvier 2024
dernière modification le 2 janvier 2024

par ArchivesAutonomies

La campagne de criminalisation, faite de scoops bidons et d’informations volontairement diffamatoires visant la communauté des réfugiés italiens, s’intensifie depuis plusieurs mois.

Face à ces attaques précises relayées par la presse à grands coups de "La France a peur", il nous est apparu urgent de réagir. Sherwood en est l’expression et se veut l’amorce d’une stratégie offensive articulée sur trois points : contre-information, solidarité active, internationalisme.

Après les Basques et les immigrés, c’est maintenant au tour des Italiens d’être happés par la spirale sécuritaire. L’Etat français, en établissant une distinction entre "bons" et "mauvais" Italiens, prouve ainsi sa bonne volonté à ses partenaires européens tout en proférant de timides balbutiements humanistes sur le droit d’asile.

Notre Monsieur PROPRE national n’hésite pas à déclarer : "Oui, j’ai décidé l’extradition sans le moindre remords d’un certain nombre d’hommes accusés d’avoir commis des crimes. Je n’en fais pas une politique. Le droit d’asile sera toujours respecté" (Mitterrand à Rennes, le 1er février 1985). "L’orateur parlait depuis peut-être 20 minutes... Rien ne changea de sa voix, du contenu de ce qu’il disait...Ce qui était impressionnant, c’est qu’il était passé d’une ligne politique à une autre, exactement au milieu d’une phrase, non seulement sans s’arrêter mais sans même changer de syntaxe." (Orwell, 1984, p.257-258, Folio.)

"Tout crime de sang sur lequel on nous demande justice justifie l’extradition, dès lors que la justice française en décide. Tout crime de complicité évidente dans les affaires de sang doit aboutir aux mêmes conclusions." (Mitterrand après les entretiens avec Craxi, le 22 février 1985.) "La liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force" (1984).

Que sont ces crimes que l’Etat jette en pâture aux charognards de la grande presse ? Vingt ans d’antagonisme radical débouchant sur un quasi état de siège, l’émergence de nouvelles pratiques de conflictualité, la réappropriation de l’espace social ! Nous nous reconnaissons dans ce mai rampant de près de deux décennies qui s’est propagé de l’usine au quartier, rejetant la domestication syndicale, systématisant l’absentéisme, généralisant le sabotage, les occupations, auto-réduisant les loyers, les factures, les transports...
Au printemps de leurs désirs, l’Etat répondit par l’hiver de la raison. 4.000 prisonniers politiques, 16.000 inculpés, la torture, les lois spéciales sur les repentis, la détention provisoire, etc.

L’homogénéisation des pratiques répressives et l’extension du fait de l’espace judiciaire européen menacent l’ensemble des réfugiés politiques dans leur identité et leurs choix. Contre l’Europe de la répression, installons l’Europe des antagonistes. Proclamons notre solidarité active avec tous les pestiférés des démocraties bourgeoises : Italiens, Basques, Allemands, Irlandais... Le droit de se soustraire à des législations arbitraires ne se demande pas, il s’impose par un rapport de force que nous devons construire. Pas un résistant ne doit croupir dans les cellules française ; pas un militant, "coupable ou innocent", ne doit être extradé vers ces pays où sévissent encore et toujours les versions anciennes ou nouvelles des bourreaux franquistes ou des lois mussoliniennes. Extrader un seul réfugié signifie virtuellement les extrader tous.

L’organisation d’une solidarité active est l’échéance décisive qui permettra de s’opposer à toute extradition, expulsion, enfermement. Nous savons que face à une Europe disciplinaire en pleine élaboration, nous n’avons aucune clémence à attendre des gouvernements. Ne comptons que sur nos propres forces pour construire un regroupement capable de multiplier les initiatives : meeting, contre-information, présence aux tribunaux, agit-prop, occupations..., toute apparition publique qui montre à l’Etat notre opposition radicale à la campagne qu’il mène actuellement contre les camarades italiens.

Seul le poids de notre détermination permettra de combattre la logique de la raison d’Etat.


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