Au procès de Goldman, y a un flic qui est venu témoigner. Et la parole d’un flic, ça c’est quelque chose, c’est du sûr, du robuste, de l’assermenté. A la première audition, il déclarait que Pierre l’avait bousculé en sortant de la pharmacie, A la deuxième qu’il y était entré. A la troisième que la lumière y était allumée. A la quatrième, qu’il avait tenté de le ceinturer. Dommage qu’on l’ait pas fait parler davantage. Une autre audition et ce nouveau Tarzan aurait raconté qu’entrer en trombe dans l’officine, il aurait terrassé au moins trois complices avant de s’attaquer à Pierre qui, se sentant perdu, lui aurait alors lâchement tiré dans le ventre.
Assez de ces phantasmes de Zorro de ban­lieue, débile et glorifié, sur quoi se fonde notre justice ! Assez de ces borborygmes de justiciers-bidon, sur quoi délirent nos juges et nos jurés ! Et, pour terminer, un mot de cet Inconscient - pour ceux ou celles qui seraient sensibles aux charmes analytiques de ces nouveaux Tarzan de l’ordre, bénévoles ou rétribués -, Monsieur Quinet déclare à l’audience que lors de la reconnaissance de Pierre, il a "désigné le numéro qu’on lui avait indiqué". Ce lapsus et ce "qu’on" sont pour nous la preuve discutable d’une machination policière et, de manière plus générale, du sens même d’une justice qui se veut et qui est popu­laire.