La mise à mort
{Marge}, n°8, Octobre-Novembre 1975, p. 6.
Article mis en ligne le 16 juillet 2013
dernière modification le 18 novembre 2013
par ArchivesAutonomies
II était seul,Tout seul, il était nu,Enfermé Dans le sous-sol d’angoisse.Il attendait,Oppressé,Ne pouvant respirer,Frissonnant de peur.On l’avait jeté là.Il savait Qu’un malheurAllait lui arriver.Mais quel malheur ?Ils ne vont quand même pasMe tuer ?Et s’ils me tuaient ?...Soudain, la porte s’ouvre en criantEt dix brutes rouges d’alcoolEt sombres noiresSe ruent sur lui.Il ne peut même pas se défendre.Il est frappé.Matraqué,Aveuglé,Renversé.Il tombe Sur te ciment de son tombeau."Tu l’auras voulu, fumier !"Mais voulu quoi ?On le roue de coups de piedsSur le corps,La tête, les flancs, le ventre, les jambes.Il ne peut plus appeler au secours,Souffle coupé.Etouffé,AssomméDéchiréPar la violence de l’ombre et de la haine."Pas de cadeau, les gars.Il faut le laisser sur le carreau."L’un des monstresSadique hirsute,Œil exorbitéAperçoitLe sexe encore épargné sans défense.Son regard s’allume, il écarte ses voisins.Lève le talonEn ricanantSauvagementEt l’écraseEntre les cuisses de l’homme évanoui.Hurlement atroceRâle révulséComa pourpre,Eclair de néant.Derniers soubresauts,PalpitationsDe l’homme à l’agonieTénèbres plongées dans l’abime infini.Les bêtes nocturnesFascinéesExcitéesRientFixentL’amas de chairsBroyées Sanglantes,Le corps démanteléEcartelé TorduPar le spasme de l’abîme.Puis ils lèvent les yeux.L’un d’eux demande :"Qu’est-ce qu’on fait ?"Un autre répond :"C’est lui qui a frappé le premier."Un troisième ajoute :"Bien entendu. Mais, et ça ?"Un quatrième, violet de jouissance :"Un mauvais coup de tataneDans la bagarre, quoi !"On dit que ce sont des hommesQui font l’amourQui boiventQui mangentQui fumentQui dorment Sans remords.Ils ont une femme et des enfants.Ils vivent.
Jacques Lesage de La Haye.