par ArchivesAutonomies
"Le soir, dans la rue, on n’ose plus sortir, on a peur". Voilà comment s’expriment des jeunes immigrés de Nanterre et des villes voisines. En réponse, il existe cette déclaration de Poniatowski faite en juin 1974 : "c’est un principe démocratique que tout gouvernement se doit de respecter : qu’un citoyen soit empêché de sortir ou de rentrer le soir chez lui... est une atteinte à la liberté". Le soir, les immigrés ont peur de la police.
Ils savent ce qui leur en coûte de se faire arrêter par la police : ainsi l’affaire Khétib [1] à la fin avril 1975. De nombreux témoignages ont déjà été publiés au sujet des violences policières (Libération en mai 1975 et Politique Hebdo en juin de la même année). Tout récemment un ouvrier algérien portait plainte contre des policiers du commissariat de Nanterre. Un dossier sur les violences policières va bientôt être publié. Depuis juin 1975, un contre-pouvoir s’installe qui oblige la police à changer de méthodes. A cause des expulsions ou encore des pressions sur l’employeur, les immigrés savent qu’il est impossible de porter plainte contre la police. Cette arme juridique est réservée aux Français, et encore...
Alors, en plus des actions dont on ne peut parler, il se trouve que des voitures de polices sont "abîmées", que des interventions se font dans les commissariats, comme à celui de Bezons, lors de l’arrestation de jeunes enfants immigrés. Il se trouve que les gens n’ont plus peur de dire les perquisitions violentes, les tabassages au commissariat de Nanterre, de Colombes ou d’ailleurs. On a vu une manifestation de 500 personnes sur le quartier, des meetings, une information sur les policiers en civil qui tabassent. Petit à petit nous avons été étonnés d’apprendre que la police à Nanterre frappait moins et même plus du tout les gens du quartier. On s’est étonné du changement de poste d’un "Jersey", de la présence épisodique du "Tunisien" [2].
La "Maison Peinte" est devenue le crieur public de ce que la police voulait cacher. Les jeunes commencent à connaître l’attirail juridique et la police qui le sait fait attention : ainsi il arrive que les jeunes gardés à vue au- delà de 24 heures voient un médecin afin d’autoriser la garde à vue : avant cela ne se pratiquait pas.
La police ne peut et ne doit pas perdre ainsi son pouvoir. Un nouveau système s’est mis en place : des jeunes en Honda, le "civil" devient loulou ; des inspecteurs invitent des jeunes à boire et veulent discuter de leurs problèmes : "le civil" devient éducateur ; enfin, des "civils" sont garagistes. Beaucoup de nouveaux personnages dans le quartier, oreilles d’un commissaire jeune cadre. Plus grave, on demande à certains jeunes de travailler avec la police. Pour couronner ce nouveau statut, Poniatowski attaque Politique Hebdo en diffamation pour un article fait sur les violences policières à Nanterre, et puis, les expulsions sont toujours là.
Ce nouveau système n’a pas encore été démoli, bien que tout le monde se montre du doigt les "travailleurs" du commissariat, et tout le monde commence à savoir pourquoi ils sont là. Il est vrai que le système policier crée la délinquance, au même titre que l’école. La police voudrait bien justifier sa présence dans le quartier en se prévalant de cette délinquance. Mais certains pensent au contraire de plus en plus quelle doit exister comme un droit, comme existe le droit de grève.
N.B. - les partis politiques et les syndicats soutiennent les actions lancées, mais sont rarement à l’origine de ces actions.