par ArchivesAutonomies
Au cours des dernières A.G. de CAMARADES, (sept., oct. 76) s’est trouvé abordé, de façon d’abord inopinée, le fonctionnement de la revue. Des critiques, des remarques, nos relations à des autonomies organisées, l’émergence de nouvelles autonomies, l’apparition de l’idée même d’autonomie dans certaines luttes forcent à une redéfinition de la pratique de CAMARADES, de sa place dans le mouvement et de ses liens politiques.
L’unanimité est faite sur l’impossibilité pour CAMARADES, d’être une simple revue politico-littéraire dans le ciel déjà encombré de Paris, un Libé plus politique, une "boite aux lettres" à bilans et à informations aussi ponctuelles qu’anonymes. La simple question : "On sait ce que vous dites mais qu’est-ce que vous faites ?" exclut un tel choix ; de même la demande de groupes autonomes de rencontrer à l’intérieur de leur propre lutte des militants de l’A.G., de les connaitre mieux qu’à travers des reportages ou des textes théoriques jugés par ailleurs intéressants. CAMARADES doit être une revue militante de l’autonomie.
Sans doute le bilan d’un an d’activité de la nouvelle série n’est pas négatif. Un point de vue théorique relativement global de l’autonomie, des expériences diverses (à travers interviews et contributions) ont circulé assez largement et ont eu un écho positif dans de nouvelles initiatives telles la lutte des femmes mauriciennes. La revue a permis à des militants de se rencontrer pour participer à la tenue du meeting du Comité de Coordination des Sonacotra (23 oct. 1976). A cette occasion, et ce n’est pas la seule (la manif pour l’Espagne du 27 octobre en est une autre), des rencontres ont eu lieu entre des militants de divers mouvements autonomes.
Pourtant on est encore loin d’un front des autonomies. S’organiser après Lénine n’est pas chose simple ; rien à attendre ici du syndicat, du réformisme ou de leurs appendices trotskystes.
Certes, dans le contexte actuel de sauvegarde de l’économie nationale et de montée de la gauche, l’organisation autonome des prolétaires est la seule à prendre en compte la violence et l’offensivité des luttes et des comportements, mais les lieux manquent encore pour rompre l’isolement, retrouver un point de vue général, et pour que la cohérence objective des différents secteurs de l’autonomie se concrétise dans la lutte au cours d’actions ou de débats. Les expériences pratiques manquent aussi.
Ici s’impose la nécessité de rendre plus présente la perspective politique de CAMARADES : la convergence des autonomies. Il n’est pas question de lancer un processus d’agrégation ou même de rencontre autour de la revue. Par définition, l’autonomie n’est pas homogène, le besoin qu’ont ses composantes de se rencontrer s’exprime dans des moments et des lieux particuliers, de façon inégale et discontinue. Aucun appel public, una- nimiste et formel ne peut recouvrir cette multiplicité. CAMARADES contribue sans doute à préparer une meilleure rencontre, une plus grande homogénéité des militants à l’autonomie, mais n’en est qu’un aspect spécifique avec sa propre démarche et ses propres limites.
A partir de ces considérations, le débat a permis d’avancer sur deux axes dans la perspective d’un rapprochement des groupes et des militants de l’autonomie :
1) La revue doit être un outil pratique qui fournisse des adresses, des lieux d’échange et de lutte où des situations particulières puissent en rencontrer d’autres. Elle doit, mieux qu’elle ne l’a fait, populariser toutes les initiatives de l’autonomie en se donnant si besoin est des formes plus souples que la parution trimestrielle. Dans ce sens, CAMARADES doit plus s’ouvrir à la province (lutte des immigrés dans le sud, autonomies régionales, luttes étudiantes, groupes autonomes, situations ouvrières, presses parallèles, etc...) où les niveaux de violence, de détermination, et les objectifs semblent, même dans des situations très locales, échapper davantage au contrôle syndical et réformiste parfois à l’intérieur même du syndicat.
2) Une fois précisés les rapports entre la revue et les initiatives actuelles de l’autonomie, quelles sont les tâches précises du moment ? La revue doit fonctionner comme un pôle d’animation des militants ; elle doit être plus "vivante", éviter les articles "pavés", simplifier les idées, enrichir la pratique
- En répondant aux besoins politiques exprimes par des mouvements en lutte, c’est à dire en étant présent dans les débats qui intéressent l’autonomie, en participant à leur organisation, en rencontrant certains groupes ou mouvements en province par exemple.
- En continuant de. clarifier le débat politique général sur les échéances institutionnelles et leurs différents acteurs.
- En se donnant un local, des permanences, un lieu de rencontre vivant c’est-à-dire une présence et un mécanisme militant qui sortent CAMARADES de l’ère des fantômes. Il faut un support d’action pour les militants de l’autonomie qui veulent s’arracher à l’isolement, une possibilité pour les mouvements spécifiques qui le désirent de trouver un soutien concret dans la lutte, c’est-à-àdire de mettre en commun des objectifs, des préoccupations, des moyens.
Il s’agit là de réponses concrètes (et urgentes) mais elles engagent un fond un débat sur l’organisation, sur ce que signifie agir dans et pour l’autonomie. Ou et comment capitaliser les acquis du mouvement, quels supports proposer à l’exigence de sortir du localisme et de se rencontrer dans l’action et non sur un vague consensus idéologique. Peut-on enfin vertébrer quelque chose sans retomber dans le centralisme léniniste ? Il y a là tout un débat autour d’un "que faire ?" de l’autonomie pour renvoyer dos à dos les idéologues ultra-gauche et les nostalgiques de la grande famille de l’Union de la Gauche.