En guise de présentation [1]
Une nouvelle revue, à la vérité un bien modeste bulletin, voit le jour qui s’adresse à l’avant garde politique du prolétariat. De par le monde un certain nombre de publications de haute tenue théorique paraissent, très souvent en plusieurs langues. Certaines, aux lointaines traditions d’organisation et d’expériences de lutte, se rattachent à une continuité de formulations programmatiques. D’autres plus récentes, apparues grâce à l’irruption de Mai 68, se réclament des apports successifs du prolétariat dont elles ont essayé d’en tirer l’essentiel de l’enseignement. Avec un sérieux esprit révolutionnaire, elles œuvrent à une constante investigation. Organes de courants, groupes et noyaux, elles contribuent à faire la lumière sur les problèmes affrontés par le prolétariat.
Qu’elles soient donc saluées pour avoir défendu les armes des principes quand les partisans de la lutte pour le sauvetage de la démocratie face au péril fasciste, franchissaient le Rubicon pour rejoindre leurs aînés en trahison : social-démocrates et staliniens. Qu’elles le soient pour avoir su se maintenir fermement ancrées sur la conviction de l’inévitabilité de la crise quand divers novateurs, croyant les contradictions du capitalisme disparues pour toujours, déblatéraient dans de luxueuses revues, de l’intégration du prolétariat au système désormais éternel.
Toute la force du mouvement ouvrier moderne réside dans sa capacité théorique. Engels remarquait que l’état dans lequel se trouvait celle-ci, la qualité de son contenu et le champ de son rayonnement, représentaient le véritable bulletin de santé du prolétariat. Classe rejetée de la société civile, celui-ci n’a pas hérité d’un patrimoine de bien-fonds ni d’institutions matérielles. Son seul acquit est théorique, politique et organisatif. C’est ce dernier que l’ennemi de classe s’est acharné, depuis Babeuf, à pervertir et à détruire.
Comme chaque fois que le mouvement prolétarien entre dans une période de lutte historique, apparaissent journaux, revues, bulletins révolutionnaires. Pour sa part, JALONS se réclame du fonds d’idées et des vues générales des Fractions de la Gauche Communiste Internationale. Cependant, l’apport d’autres courants internationalistes, Gauche germano-hollandaise, anglaise, etc. qui firent preuve d’une profonde intuition politique sur bien de problèmes cruciaux, inspire fortement son orientation. Dans leurs rangs elles comptèrent certains des esprits les plus clairs du socialisme international, dont on ne peut passer sous silence l’énorme contribution.
L’idée force qui anime ce bulletin, c’est de diffuser les principes communistes, d’étudier les luttes du prolétariat mondial, de prendre part aux débats qui traversent le camp révolutionnaire. Ses colonnes seront ouvertes à l’analyse du présent ; la polémique n’en sera pas absente. Il affirmera ce qu’il pense être la voie juste en s’efforçant de s’exprimer le plus clairement possible. Sans doute, reviendra-t-il sur certains pronostics et diagnostics dès lors que le cours réel des choses leur apportera un démenti évident. Alors, il recherchera les causes cachées de ses erreurs pour accéder à une connaissance nouvelle, plus solide. Marx et Engels, plus tard Lénine, tous n’ont pas craint d’affirmer "Nous nous sommes trompés".
Le bulletin veut et tend à s’instruire constamment ; la paresse intellectuelle lui étant étrangère. Cet effort à acquérir une connaissance historique objective de la réalité n’est pas un simple intérêt pour la théorie en soi. Ce sont les nécessités pratiques de la lutte qui y poussent toujours plus fort. A ses yeux, ce qui compte c’est de faire avancer l’intelligence des choses du monde à partir de jalons fermement plantés sur le chemin du communisme.
JALONS devrait paraitre 6 fois par an, consacrant une large partie de son sommaire à d’anciens textes peu ou pas connus. D’autre part, il accueillera, pour les publier, toute critique et collaboration inspirées de motivations révolutionnaires sur la base et dans l’esprit de la solidarité communiste devant présider et régler les rapports entre camarades d’un même camp.
Le souci général n’est pas d’incarner une orthodoxie rigide, non plus qu’une innovation à tous crins. Comment concilier le marxisme, théorie de la praxis sociale avec une attitude sombrant dans l’immobilité de l’idée fixe ? Inversement, comment faire avancer l’approfondissement en traitant de "chiens crevés" les pionniers qui ont ouvert la voie ? Ces deux attitudes symétriques, en opposition totale avec les besoins de la recherche et de la continuité, ne trouveront aucun écho ici.
Ce dont le bulletin veut se garder comme de la gale, c’est cette affligeante manie de prétendre être investi de la sapience marxiste. C’est la présomption à se croire seul révolutionnaire au monde, la vanité à se donner pour interprète exclusif du marxisme qui est à refuser. Toute cette haute opinion de soi amène à déconsidérer le travail fourni par d’autres éléments communistes, apport indéniable.
Avec une force infime et bien d’insuffisances, commence un travail de publication. Certains déploreront l’existence de JALONS. D’autres, oracles, lui prédiront stérilité et fin prochaine et lui dénieront toute légitimité. Ce n’est pas contre ces censeurs que le bulletin existe, mais pour affirmer et contribuer à faire vivre l’étude et la pensée marxistes. Il est et sera un témoignage de la vie de la classe appelée à donner assaut du vieux monde.
Sommaires de la revue Jalons (1984-1988)
2 articles écrits par Marc Chirik :
[1] Le texte qui suit est l’éditorial du numéro 1 de Jalons intitulé "Perspectives de travail".