Présentation [1]
Nous vivons toujours, en cette fin du XXè siècle, au cœur des temps maudits de l’exploitation, de l’oppression et de la guerre.
Nous vivons les temps maudits du libéralisme si plaisants pour les classes dirigeantes et les transnationales. Mais si difficiles pour les perdants des sociétés industrialisées. Si tragiques pour les milliers de morts quotidiens du reste du globe, par manque de médicaments et de nourriture, ou victimes des charognards-tueurs à gages à la solde des nantis.
Le machinisme, le développement industriel, la croissance indéfinie de la production, présentés par les idéologies des groupes dominants comme porteurs d’un avenir d’émancipation humaine, n’ont pas tenu leurs promesses d’extinction du paupérisme, de réduction des antagonismes sociaux, d’effacement progressif des privilèges : la pauvreté s’étend parmi toutes les populations laborieuses de la planète avec la précarisation du travail et l’extension du chômage. Alors que, dans le même temps, les puissants s’enrichissent encore et renforcent leurs passe-droit par la spéculation, la concussion, la prévarication et l’outrance de la corruption.
Nous vivons les temps maudits de l’oppression où la fallacieuse démocratie parlementaire et les illusoires droits de l’homme ― comme naguère la prétendue démocratie soviétique ― ne sont que les oripeaux propagandistes du pouvoir de fer des propriétaires de parts du capital et de leurs mandataires, ainsi que le moyen le plus sûr de faire collaborer les masses à l’édification de leur propre prison.
Nous vivons les temps maudits de la guerre perpétuelle que le capitalisme et les Etats mènent contre le genre humain : les résistances au droit de propriété capitaliste, les quelques franchises locales survivant du passé, les particularités des individus et des peuples ont été et sont mitraillées, bombardées, carbonisées, broyées, annihilées afin que s’instaure le règne sans frein de la société spectaculaire-marchande.
Nous sommes quelques-uns d’entre ceux qui refusent de se résigner. La lutte révolutionnaire, pensons-nous, doit s’aiguiser, se renforcer, prendre de l’ampleur, gagner des milliers, des dizaines de milliers de consciences. Notre souhait est de participer à ce combat.
Nous nous reconnaissons dans le syndicalisme révolutionnaire et anarcho-syndicalisme, courant en germe dans l’Association internationale des travailleurs et la Commune de Paris, présent et fondamental dans les révolutions russe et espagnole. Parce que les principes, les pratiques, les propositions collectivistes et communistes que les militants de la CGT française des origines et de la CNT espagnole mirent en œuvre, avant qu’ils soient réduits à l’impuissance par l’action conjuguée des tenants de l’ordre bourgeois et du marxisme-léninisme, s’affirment aujourd’hui comme la seule voie possible vers la libération de l’humanité.
La revue que nous vous présentons trouve son origine dans une décision du Congrès de Lyon de la CNT de France, en novembre 1996 : il s’impose, à l’évidence, de reprendre le débat à propos de la stratégie et de la tactique du mouvement syndical révolutionnaire, de publier des analyses, d’échanger des expériences et des points de vue sur les luttes actuelles et passées. Ainsi, peut-être, comprendrons-nous mieux l’évolution du monde, et nos luttes pourront se révéler plus tenaces, plus soutenues, plus efficaces.
Nous souhaitons que les syndicalistes nourrissent cette revue, par essence pluraliste et ouverte. Nos pages s’offrent à tous ceux qui sont proches de nos inquiétudes anticapitalistes, de nos espoirs libertaires et autogestionnaires.
Nous savons que nous nous engageons sur une route difficile, après bien d’autres, inconnus ou illustres. L’un de ces derniers, Buenaventura Durruti, a résumé notre programme à quelques mots écrits en lettres de feu :
"Notre mission, en tant que révolutionnaires conscients, consiste à être comme des détonateurs, une fois, deux fois, vingt fois si nécessaire, jusqu’à ce que se déclenche l’explosion collective qui, seule, peut conduire la révolution jusqu’à son véritable objectif : changer en totalité la vie des êtres humains."
- Pour la fiche technique, voir le Bianco
- Quelques textes des Temps Maudits ont été traduits en espagnol sur le site Libértamen.
[1] Il s’agit de l’article "En guise de présentation" publié dans le n°1 des Temps maudits du mois de juin 1997.