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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Résolution sur le passé de l’OCR et ses perspectives
Communisme n°8 - Mars 1946
Article mis en ligne le 6 juin 2014
dernière modification le 15 mai 2018

par ArchivesAutonomies

1. Depuis plus de 4 mois une crise sévit dans l’O.C.R., sur tous les plans : politique, technique, financier, organisationnel. La cause principale de cette crise est politique. Le premier remède réside donc dans un éclaircissement politique. Cet éclaircissement politique doit, selon nous, porter essentiellement sur 2 points : a) une autocritique du cours opportuniste de l’O.C.R. depuis sa fondation, b) une délimitation par rapport au courant bordighisant dans l’O.C.R.
La région T. déplore de ne pouvoir utiliser, le plus souvent, comme documents sur la crise dans l’O.C.R., que des rapports oraux des camarades de passage. Les textes qui nous sont parvenus sont infimes. Il est vrai que c’est là justement la preuve et la conséquence de la gravité de la crise.

DES TENDANCES OPPORTUNISTES DANS L’O.C.R. ET LE R.K.D.

2. Les fautes opportunistes de l’O.C.R. et des R.K.D. dans le passé sont assez nombreuses et se ressemblent suffisamment pour qu’on puisse parler de tendances opportunistes chez les C.R. De plus, on peut constater sans parti pris, concernant ses fautes opportunistes, le R .K. porte une responsabilité spéciale : souvent c’est lui qui a eu l’initiative de la faute, et, en général, à l’égard de ses fautes, il s’est moins montré capable d’autocritique que l’O.C.R. française.
Cet opportunisme se rapporte à 4 points politiques : la question du parti, certains points tactiques et stratégiques, les perspectives, l’importance de la théorie scientifique.
3. C’est une tendance constante chez les R.K.D. que d’improviser le parti avec des blocs se détachant, sur des bases très diverses, d’organisations plus ou moins proches (P.C.I., G.C.I.), et après des discussions et des contacts manifestement insuffisants. L’O.C.R. française s’est constituée avec 2 groupes dissidents du P.C.I. , encore superficiellement et inégalement influencés par le R.K., et qui n’avaient eu entre eux et avec le R.K. que quelques heures de discussion à peine. La base du groupe le plus important n’avait même jamais lu la plate-forme du R.K. Cela a abouti à la crise Gasp. d’abord, à la crise actuelle quelques mois après. La discussion sur la déclaration de principes aurait dû se placer à l’époque de la formation de l’O.C.R. : à cette date, elle aurait beaucoup servi ; aujourd’hui, elle a démoralisé les militants et discrédité l’Organisation au dehors.
Même attitude à l’égard des néo-bordighistes. Sous prétextes qu’ils consentaient à faire de l’agitation, on est passé du jour au lendemain sans discussion préalable, sans réviser officiellement l’appréciation du bordighisme comme centrisme, à une collaboration étroite (tract commun, aide réciproque indéfinie). Sur ce 2ème point, l’O.C.R. a fait son autocritique.
Dans le même sens va l’attitude du R.K a l’égard du cloisonnement. Bien avant les bordighisants, c’est un représentant du R.K. qui préconisait les assemblées générales et la suppression de tout cloisonnement entre professionnels. Ces suggestions ont été aussi condamnées par l’O.C.R.
4. Les R.K.D. ne se sont jamais délimités nettement d’un certain nombre de thèses de Lénine qui apparaissent aujourd’hui, à la lumière de l’expérience historique, comme opportunistes. Par exemple, les thèses de Lénine sur la question nationale et coloniale, et diverses questions tactiques. C’est ainsi qu’on a pu dire, émanant d’un militant R.K., une contre-déclaration de principes strictement léniniste où figuraient un certain nombre de thèses que la direction C.R. désavouait (par exemple, "La maladie infantile" était proclamée texte fondamental, accepté sans réserves).
5. D’une façon générale les R.K.D., et, dans une large mesure aussi la direction de l’O.C.R., est très "optimiste" dans ses perspectives. Non pas par idéalisation de la situation objective (économique), non par idéalisation de la conscience du prolétariat et par sous-estimation des capacités de la bourgeoisie pour mystifier le prolétariat et canaliser ses actions de classe. Ainsi, en 1943, "Fraternisation prolétarienne" ne voyait pas que les maquis ouvriers anti-déportation pouvaient être canalisés et dirigés par la bourgeoisie.
En 1945, l’O.C.R. française et les R.K.D. déclaraient que la révolution avait éclaté en Allemagne et continuait en Italie. A la même date environ, un représentant des R.K.D. affirmait qu’entre l’effondrement du nazisme et la révolution prolétarienne, il n’y aurait pas en Allemagne de stade politique intermédiaire (analogue aux gouvernements Lvov et Kerensky en Russie) car le prolétariat allemand était trop conscient, avait aussi trop bonne mémoire pour donner dans le panneau démocratique et réformiste. Ces illusions spontanéistes, outre qu’elles discréditent l’organisation lorsqu’elles se traduisent en pronostics faux, signifient la sous-estimation du rôle du parti.
6. Enfin, il apparaît que jusqu’ici, ni le R.K., ni l’O.C.R. n’ont eu vraiment conscience des obligations scientifiques qu’impose le fait d’être révolutionnaire prolétarien. Quoique en meilleure position sur ce point que les bordighistes et les trotskystes par exemple, les C.R. n’ont jusqu’ici fait aucun travail scientifique (par exemple d’économie politique) approfondi. Evidemment, le temps, les compétences ont manqué plus encore ; mais la conscience de la nécessité de cela plus encore ; et c’est cela que nous critiquons. Depuis plus de 20 ans, aucun travail scientifique analogue aux livres de Lénine, Kautsky ou Luxembourg n’a été fait. Aujourd’hui, c’est aux C.R. qu’il incombe de rattraper ce retard. Mais jusqu’ici les C.R. semblent avoir cru que leurs tâches scientifiques consistaient surtout à rabâcher un certain nombre des conclusions de ces auteurs. Là aussi, le rôle du parti révolutionnaire est gravement sous-estimé.

LE LIQUIDATIONNISME DES BORDIGHISANTS.

7. Tirant argument des fautes opportunistes des C.R. dans le passé et de leur propre incertitude politique, les bordighisants affirment que l’O.C.R. n’a pas et n’a jamais eu de base politique véritable. C’est faux, à notre avis. Par exemple à l’égard des bordighistes et des trotskystes, l’O.C.R. avait une position définie sur les questions stratégiques fondamentales et sur les perspectives. Par contre, sur certaines questions stratégiques et tactiques importantes (question nationale, syndicats, programme d’action), l’O.C.R. n’a pas de position. Mais c’est là le cas de toutes les organisations à leur origine. Mais ce stade ne doit pas s’éterniser et doit être rapidement dépassé ; les 3 questions mentionnées sont à notre avis très importantes. Et même les plate-formes et les programmes se révisent au cours de la vie d’une organisation révolutionnaire sans que cela atteste chez elle une inconsistance politique profonde.
8. Le travail d’élaboration programmatique peut et doit s’effectuer à l’intérieur de l’organisation C.R, dans le cadre des principes qui ont jusqu’ici été approuvés par la majorité des camarades. C’est du moins ce qu’a fait la région T. à l’égard de la déclaration de principes. Dans cette élaboration, nous pensons utile de nous servir des textes des organisations proches (bordighistes surtout), et aussi d’avoir avec eux des discussions organisées et nombreuses. Mais il n’est pas question de dissoudre l’organisation en la transformant en cercles d’études et de discussion, travaillant constamment en assemblée générale avec d’autres organisations.
9. L’O.C.R. ayant une base politique définie, elle doit, parallèlement à son travail d’éclaircissement politique publier des textes d’agitation et de propagande. Le P.O. doit être soumis à l’approbation d’une commission large reflétant les principales tendances de l’organisation. Le travail d’élaboration programmatique se fera au grand jour dans "COMMUNISME". Dans ces conditions, la sécurité de l’organisation reste toujours et le cloisonnement doit être maintenu.
10. Dans la mesure où ils mettent en doute plusieurs principes fondamentaux C. R. (ceux sur lesquels il y a divergence avec les bordighistes), et où ils préconisent une politique organisationnelle qui aboutit à la dissolution de l’organisation, les bordighisants doivent être exclus de l’organisation tant qu’ils maintiendront leur position.