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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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La 3è Internationale en France - Boris Souvarine
Bulletin communiste n°1 - 1er mars 1920
Article mis en ligne le 5 avril 2020
dernière modification le 11 mars 2020

par ArchivesAutonomies

Pendant les quelques semaines qui séparent le Congrès de Leipzig du Congrès de Strasbourg, la fraction socialiste française adhérente à l’Internationale Communiste n’a cessé d’accroître son importance et d’étendre son influence. A la veille de la réunion de Strasbourg, il est certain qu’elle groupera au Congrès plus du tiers des mandats. Dans le prochain Bulletin Communiste, nous pourrons, avec les résultats précis et le détail des votes sous les yeux, tirer pour notre propagande les enseignements de la consultation du Parti. Mais nos commentaires n’étant pas subordonnés au succès ou à l’échec numérique, nous avons le devoir de considérer dès maintenant nos certitudes de victoire prochaine et les faiblesses de notre propagande, qui éloignent cette victoire.

Nous avons déterminé au sein du Parti, un puissant mouvement d’opinion, dont le mot d’ordre est l’adhésion immédiate à la 3e Internationale, et nous avons impulsé un tel courant avec de médiocres moyens d’expression. Contre tous les journaux quotidien, du Parti, contre la plupart des hebdomadaires, contre la quasi-unanimité des élus, contre tous les fonctionnaires des organisations centrales, nous avons lutté avec succès, grâce aux seules tribunes de la Vie Ouvrière et du Journal du Peuple, grâce à quelques milliers de brochures et de feuilles volantes. Et la victoire du Comité de la 3e Internationale est principalement révélée par l’attitude du Centre, des Reconstructeurs, qui ont été contraints pour garder le contact de la masse des socialistes, d’affirmer leur prétendue volonté d’adhérer à la 3e Internationale. Cette audacieuse assertion d’hommes qui cultivent les erreurs passées au lieu de les répudier, et qui osent envisager leur adhésion à l’Internationale Communiste tout en refusant de rompre avec les contre-révolutionnaires, ne contribuera pas peu à la confusion prochaine de ces auteurs : mais il est bon de l’enregistrer aujourd’hui comme un témoignage du prestige exercé sur les masses par la 3e Internationale que nul n’ose plus dénoncer, alors que six mois auparavant, les Reconstructeurs affectaient d’en mépriser l’importance.

Ces constatations faites, — et nous pourrions les mettre en relief par mille détails significatifs, — il nous sera permis de conclure que notre thèse triomphera aisément quand il nous sera possible de la diffuser mieux et plus que nous l’avons fait jusqu’à ce jour. En d’autres termes, la première tâche du Comité de la 3ème internationale est de créer l’organe qui exprimera ses vues, formulera ses doctrines, et surtout précisera ses conceptions en serrant de près les grandes questions de principe et de tactique insolubles pour les militants mal éduqués. Le Comité unanime l’a parfaitement compris, et a décidé la publication de ce Bulletin Communiste documentaire, en attendant de pouvoir créer un journal qui atteigne et pénètre plus facilement les masses ouvrières.

Nous pourrons alors remédier aux faiblesses, c’est-à-dire à l’insuffisance de notre propagande passée. Trop de camarades sont enclins à voir, dans les deux Internationales, des maisons rivales se disputant une clientèle : nous leur montrerons que l’Internationale de Berne correspond au régime qui meurt, et que celle de Moscou est celle de la société nouvelle, que la Deuxième est auxiliaire de la Bourgeoisie et que la Troisième est sa mortelle ennemie. Trop de camarades ont renoncé à choisir eux mêmes entre les solutions qui leur sont présentées, et se fient aveuglément à leurs "chefs" : nous leur montrerons que la plupart des chefs ont failli, que tout militant doit s’élever lui-même à la hauteur des problèmes qui le sollicitent, et que la force d’un Parti est faite, non de la docilité de l’ensemble aux injonctions des chefs, mais de la conscience de chacun. Trop de camarades parlent en révolutionnaires et agissent en réformistes, consciemment ou non : nous mettrons en lumière les contradictions et presserons les socialistes de choisir, entre la Réforme et la Révolution. Trop de camarades, enfin, sous-estiment la valeur de leur effort individuel préparant l’action des masses, et se bornent à "libérer leur conscience" à l’occasion de chaque Assemblée du Parti : nous les convierons à s’adonner de toutes leurs forces à la tâche pré-révolutionnaire, en leur montrant que, demain, pour accomplir une Révolution sociale, il ne suffira pas que les conditions historiques et économiques soient d’ordre révolutionnaire, il faudra encore que les hommes soient révolutionnaires.