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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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A bas la guerre ! Vive la Révolution ! - A. P.
L’Espagne nouvelle - Nouvelle série - N°3 – 1er Mai 1937
Article mis en ligne le 13 décembre 2020
dernière modification le 9 décembre 2020

par ArchivesAutonomies

"La guerre est la continuation par d’autres moyens de la politique du temps de paix" a proclamé le grand théoricien militaire Clausewitz. Ces "moyens" sont la militarisation de la nation et la destruction de la force principale de l’ennemi. Faire la guerre, c’est donc chercher à tuer le plus possible. En ce sens, il est exact de dire que Franco fait la guerre au peuple espagnol. Il a proclamé lui-même que la force principale de ce peuple, les travailleurs organisés de la ville et de la campagne, devaient être massacrés jusqu’au dernier et il a fixé à "trois ou quatre millions" le nombre des condamnés à mort qu’il se proposait d’exterminer avant de remettre l’épée au fourreau.

A cette "guerre" — dont l’instrument est l’armée espagnole, renforcée de contingents italiens, allemands, irlandais, africains, etc. — le peuple espagnol a répondu par une "révolution". Cette révolution est encore fragmentaire, incomplète, elle a été temporairement détournée de plusieurs de ses principaux objectifs ; mais elle n’a pas été brisée et elle constitue pour le peuple espagnol la seule chance de salut.

Quelle différence y a-t-il entre une guerre et une révolution ? Toutes deux, en se heurtant, utilisent la force des armes. Mais la guerre a pour but de tuer. La révolution a pour but de "changer la vie".

En Espagne, des forces armées sont en présence depuis le 19 juillet 1936. Les unes ont pour but de "continuer la même politique par d’autres moyens" (l’extermination des adversaires). Les autres tendent à transformer le système des relations sociales et, par conséquent, l’intimité individuelle de l’homme, en s’attaquant aux fonctions, aux institutions, qui présentement la corrompent et la dénaturent. Les guerriers veulent tuer les corps ou les âmes — par le massacre, par l’humiliation imposée aux vaincus, par la discipline de cadavre. Les révolutionnaires (les socialistes libertaires) veulent vivre et faire vivre. Leur but n’est pas de soumettre la masse, mais de la convertir à une nouvelle existence, en lui frayant un passage par leurs armes, vers l’égalité et la liberté.

Que cette grandiose entreprise de conversion soit en route actuellement dans l’Espagne Républicaine, c’est ce que démontre, entre mille exemples, l’adhésion spontanée de cent mille paysans aragonais au Communisme Libertaire. Ces paysans, avant le 19 juillet, votaient en masse pour les partis de droite. Les guerriers de Franco sont venus, portant avec eux le pillage et le massacre. Puis, les anarchistes sont venus, avec Durruti et la proclamation de la liberté pour tous. Et les anarchistes ont gagné l’enjeu de la partie : le cœur et le cerveau de chaque travailleur aragonais. Aujourd’hui, cette terre à semi-désertique verdoie de la plus belle espérance de récolte qui ait jamais réjoui la vue d’un homme. Et une nouvelle humanité fleurit là où le régime de la propriété foncière entretenait la mort et la désolation.

En mourant, Miguel de Unanumo a dit aux militaires et aux cléricaux de la vieille Espagne monarchiste cette parole désespérée : "vous vaincrez, mais vous ne convaincrez pas".

La Révolution vaincra la Guerre par rayonnement moral qui domine dans son sein l’emploi de la violence. La fraternisation des bataillons italiens et des rebelles espagnols passant à nos milices sur le front de Guadalarama et de Penarroya est le signe de cette victoire de l’humanité sur la guerre — par la Révolution Sociale.

En ce jour du Premier Mai 1937, l’âme des foules ouvrières doit être aux côtés de ceux qui en Espagne, au poing et le fusil en bandoulière, se font les créateurs d’un monde nouveau. Ils luttent, comme a dit Karl Liebknecht, pour les portes du ciel. C’est par eux que la grande parole des révolutions : "Guerre aux châteaux, paix aux chaumières" plane désormais au-dessus des adversaires eux-mêmes, et sème dans leurs rangs les idées du socialisme et de la liberté. Demain peut-être les captifs du fascisme international qu’on expédie vers Cadix menottes aux poings pour servir l’immonde Franco, rapporteront dans leur pays, au lieu du faisceau et de la croix gammée, le drapeau de la libération humaine.

A vous, foules ouvrières, de permettre qu’il en soit ainsi en barrant la route aux tentatives d’étouffement contre-révolutionnaires de vos gouvernants et de vos dirigeants, et en leur criant, avec la ferme volonté de passer à l’action :

Place à l’Espagne libertaire !

Bas les pattes devant les créateurs d’un monde nouveau !