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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Motions du KAPD
Article mis en ligne le 15 octobre 2021
dernière modification le 30 août 2021

par ArchivesAutonomies

I [1]

Nous protestons avec une extrême fermeté contre la tentative de nous mettre dans le même sac que les Dittmann et les Serrati [2] au moyen de quelques citations abstraites de leur contexte. Nous ne méconnaissons pas un moment les difficultés dans lesquelles se trouve le pouvoir soviétique du fait du retard de la révolution mondiale ; mais nous sommes en même temps conscients du risque que de toutes ces difficultés ne résulte une contradiction entre les intérêts du prolétariat révolutionnaire mondial et les intérêts momentanés de la Russie soviétique — contradiction apparente ou réelle.

Dans une séance de commission il a été déclaré qu’il ne fallait pas considérer la 3ème Internationale comme un instrument du pouvoir soviétique, mais que ce dernier n’était que le plus fort bastion de la 3ème Internationale. Nous aussi, nous pensons qu’il devrait en être ainsi. Mais nous estimons que quand des contradictions surgissent entre les intérêts vitaux du pouvoir soviétique et ceux de la 3ème Internationale, c’est un devoir de s’en expliquer ouvertement et fraternellement à l’intérieur de l’Internationale.

En ce qui concerne la solidarité pratique envers la Russie soviétique, nous avons toujours accompli nos devoirs car ils allaient de soi. Par exemple, la célébration de l’anniversaire d’Octobre par des manifestations, la participation la plus importante à l’assistance aux soldats de l’Armée Rouge emprisonnés, la préparation d’ une action de solidarité en août 1920 (celle-ci ayant échoué par la faute de l’USPD et du Parti Communiste). La manifestation de notre solidarité avec la Russie soviétique fut un des motifs déterminants de notre parti lorsqu’il décida d’adhérer à la 3ème Internationale, malgré ses très graves appréhensions en ce qui concerne la tactique de cette organisation.

Nous resterons sur cette ligne, mais partout et toujours nous opposerons la plus dure résistance quand nous constaterons que la politique de la Russie soviétique a pour effet une pratique réformiste de la part de la 3ème Internationale. Nous sommes convaincu qu’un tel réformisme contredit autant les véritables intérêts de la Russie Soviétique elle-même que ceux du prolétariat mondial.

II [3]

1/ Les 21 conditions du 2ème congrès sont encore moins capables à l’avenir que jusqu’ici de créer une quelconque garantie contre la putréfaction réformiste.

2/ Après la création et l’admission de grands partis de masse, la 3ème Internationale a besoin plus que jamais de la présence d’une opposition révolutionnaire purement prolétarienne.

3/ Une telle opposition ne sera efficace que si elle n’est pas écrasée par l’appareil et l’électorat d’un parti qui veut à tout prix (et par principe) unifier les masses derrière lui et qui ne peut être ainsi que nécessairement opportuniste et réformiste.

4/ Le parti Communiste Unifié (VKPD) en particulier reste aujourd’hui quant à ses principes sur le terrain de Paul Lévi. L’aile gauche [4] elle-même est dans le meilleur des cas prisonnière d’une auto-tromperie fatale.

5/ En conclusion, il se forme à l’heure actuelle dans tous les partis du Komintern des courants apparentés au KAPD, mais ils ne peuvent continuer à se développer dans l’intérêt de la révolution prolétarienne et de l’Internationale que si le KAPD peut subsister en tant que parti indépendant à l’intérieur de l’IC.

Pour toutes ces raisons nous proposons :

Que le congrès décide le maintien de l’appartenance du KAPD à l’IC en tant qu’organisation sympathisante.

III [5]

Les thèses présentées au vote du 3ème Congrès sont la continuation conséquente et même intensifié de la ligne fondamentale du 2ème congrès, ainsi que de la politique suivie jusqu’ici par le Comité Exécutif. Elles laissent aux intelligentsias traîtres des opportunistes et des réformistes de tous les pays un champ d’action illimité dans leur travail de mystification, en particulier si on met ces thèses en rapport avec les thèses sur la situation économique mondiale. On introduit une confusion qui contredit l’idée même de révolution. Toute ligne de démarcation claire d’avec les Hilferding est effacée ; on abandonne tout rapport organique avec la réalité de la lutte de classes moderne.

La soi disant gauche du Congrès [6], poussée par les ouvriers révolutionnaires qui se trouvent derrière elle, a entrepris de faibles tentatives pour corriger les thèses tactiques. Ces tentatives ont été repoussées avec droit par la majorité comme inconséquentes. Nous aussi, nous ne les avons pas appuyées. Elles témoignent certes d’une bonne volonté d’élever l’activité révolutionnaire ; mais elles ne tiennent pas compte des conditions concrètes de la lutte ; elle n’attaquent ni le fondement bourgeois parlementaire des 21 conditions, ni la tendance globale des thèses que ce fondement sous-tend ; ces tentatives sont devenues par là un obstacle à tout éclaircissement ultérieur.

La préparation de la victoire de la révolution prolétarienne dans les pays capitalistes ne peut se faire que dans les luttes elles-mêmes. Ces luttes naissent nécessairement du fait des attaques économiques et politiques du capital. Le parti communiste ne peut pas déclencher ces luttes ; il ne peut pas non plus refuser le combat, autrement il sabote la préparation de la victoire. Il ne peut obtenir à la longue la direction de ces luttes que s’il oppose à toutes les illusions des masses la pleine clarté du but et des méthodes de lutte. Ce n’est qu’ainsi qu’il peut devenir. par un processus dialectique, ce noyau de cristallisation des combattants révolutionnaires qui, dans le cours de la lutte, obtiennent la confiance des masses.

En nous opposant — comme conséquence de cette déclaration — à l’adoption sous toutes les formes possibles des thèses sur la tactique, nous renvoyons aux thèses que nous avons présentées sur le rôle du parti dans la révolution prolétarienne [7].

IV [8]

La délégation du KAPD a soumis à un nouvel examen les résultats du Congrès ; aussi bien en ce qui concerne la décision qu’elle doit prendre vis-à-vis de la décision du congrès qui exige de façon ultimative la dissolution du KAPD dans le VKPD qu’en ce qui concerne nos rapport avec la 3ème Internationale. En pleine conscience de la gravité des responsabilités qu’elle prend, la délégation, à l’unanimité, fait les conclusions suivantes :

La lutte tactique contre le KAPD pendant le congrès s’est accomplie dès le début sous les formes d’une lutte contre un adversaire dont les arguments ne doivent pas être appréciés quant à leur fond et dont l’existence comme facteur politique doit être anéantie sous le prétexte de la discipline :

A cela correspondent les faits suivants :

1. On a donné aux participants du congrès, depuis plusieurs semaines, une image complètement faussée du KAPD, par des articles dénaturants dans la presse russe, dans l’"Internationale Communiste" et dans le journal du Congrès. Tandis que nos exposés de fond et nos rectifications n’étaient pas imprimées.

2. La manière dont a été conduit le congrès a fait que nous avons été obligés en permanence de ne donner qu’une expression fragmentaire de nos positions. Que cette tactique était mûrement réfléchie, cela ressort de façon particulièrement claire dans le fait qu’on ne nous a même pas donné la possibilité de rédiger un compte-rendu ou tout simplement un compte-rendu complémentaire sur l’affaire qui nous intéresse directement, la question du KAPD. Ce qui nous a contraints à refuser de parler pour ne pas nous faire les complices involontaires d’une bouffonnerie.

3. Comme fondement de l’ultimatum qui nous a été adressé, on a porté à la connaissance des congressistes une soi disant résolution du Comité Exécutif. Et ceci bien que la Comité Exécutif ne se soit à aucune de ses séances occupé de cette affaire, bien qu’il ne nous ait pas entendu et qu’il n’ait, à plus forte raison, pas pu prendre une décision sur ce problème.

4. Pendant des semaines on avait considéré la question du KAPD comme l’une des dernières questions de l’ordre du jour, et comme un sujet à envisager de manière autonome ; or elle ne fut même pas seulement discutée en particulier avec nous en vue du rapport du Comité Exécutif [9] (deuxième point de l’ordre du jour) ; elle fut réglée par une "décision". On arriva ainsi au résultat escompté : prévenir le jugement du congrès avant qu’il ne risque de prendre connaissance de nos positions au cours des débats sur les questions de principe.

L’aspect formel de ce comportement est en rapport étroit avec la ligne politique dans laquelle évolue la 3ème Internationale sous l’influence déterminante des camarades russes. Le cours du congrès l’a montré : la ligne politique de Paul Lévi l’a emporté, la reconnaissance formelle de l’"Action de Mars" s’est révélée comme "liberté de révolution" (Revolutionsfreiheit).

Le parti tchécoslovaque fut admis comme section de pleine exercice, mais sans aucune garantie réelle et sur la base de promesses vides. On a peureusement ménagé son chef opportuniste Sméral. Pour ce qui est du Parti Socialiste Italien, qui vient de conclure un accord avec les fascistes [10], on s’est conduit de façon obligeante et en se perdant dans les détails. La participation de principe au parlement bourgeois a été maintenue, malgré les tristes expériences qui ont été faites en Allemagne, en Autriche, en France, etc. et bien qu’on ait vu à l’œuvre les caricatures de ce soi disant parlementarisme révolutionnaire. En réaffirmant la politique funeste du travail dans les vieux syndicats, on s’est incliné, en dépit de toutes les phrases, devant Amsterdam [11], on a soutenu la duperie capitaliste du parlementarisme économique. Le congrès a supporté sans broncher jusqu’à l’idée ridicule de la révolutionnarisation des coopératives de consommation.

Tout cela témoigne que l’on continue de suivre le chemin entamé au 2ème congrès, que l’on continue de faire fausse route : de la révolution au réformisme, de la sphère de la lutte à la tactique de la diplomatie, aux traficages et aux maquillage illusoire des contradictions. Tous ces exemples justifient la protestation contre l’adoption des thèses sur la tactique que nous avons donnée à publier dans les procès-verbaux.

Ce sont des faits que l’on doit avoir en vue quand on considère la résolution exigeant notre dissolution dans le VKPD, et l’on doit reconnaître que cet ultimatum est totalement irrecevable pour le KAPD. Cette réunification signifierait se subordonner à la discipline d’un parti en décomposition, dans lequel le réformisme a pris le dessus sous l’influence du congrès. Nous serions bâillonnés par un appareil organisationnel (presse, finances, cliques dirigeantes) qui est monté contre nous ; tout espoir d’avoir une influence salvatrice dans un tel parti serait privé de fondement réel. L’attitude de la délégation découle d’elle-même de tous ce faits. Même sans ordre spécial de la part du parti :

Elle repousse à l’unanimité l’ultimatum qui la somme de fusionner avec le VKPD.

Nous ne déclarons pas la sortie du KAPD de la 3ème Internationale, bien que nous ayons tout pouvoir d’agir au nom de notre parti. Nos camarades parleront d’ eux-mêmes. Ils donneront leur réponse à la prétention qu’on a eu de les faire marcher avec d’autres sur le chemin du réformisme et de l’opportunisme. Le prolétariat international entendra cette réponse.

Notre décision a été prise en pleine conscience de sa gravité. Nous sommes pleinement conscients de notre responsabilité envers les travailleurs allemands, envers la Russie Soviétique, envers la révolution mondiale. La révolution ne se laissera pas ligoter par une résolution de congrès. Elle vit, elle va son chemin ; nous allons avec elle, nous suivons notre chemin, à son service.

Signé : Délégation du KAPD.