par ArchivesAutonomies
Nom de dieu ! encore deux pauvres bougres, les époux Bouvet, qui crèvent comme des chiens.
Le mari, âgé de quarante-six ans, était sans place depuis longtemps. La maladie avait usé ses forces et les patrons, qui ne voient dans les prolos, ouvriers ou employés, que des machines à produire, ne se soucient pas de dépenser de la galette pour des machines en mauvais état.
A elle seule, la femme ne pouvait soigner le malade et trouver du boulot pour deux.
Aussi ont-ils pris un parti désespéré. Le matin, le gérant de l’hôtel meublé où ils perchaient aperçut de la fumée sortant de leur piaule. Il frappe : pas de réponse ; pour lors, il enfonce la porte et que voit-il ? les deux déchards étendus morts sur leur pieu, pendant qu’un réchaud de charbon achevait de s’éteindre à côté.
La pauvre femme, avant de tourner de l’œil avait bâclé la babillarde suivante :
"Mon mari, malade depuis six mois, est incapable de travailler.
Criblés de dettes, sans ressources, plutôt que de mendier, nous préférons mourir. Nos derniers sous serviront à acheter le charbon qui nous est nécessaire. La vie a été plus que dure pour nous. Les souffrances que nous avons endurées ne peuvent se dire. Nous partons sans regret."
Et combien d’autres partent comme ceux-là !
Pendant ce temps, les bourgeois donnent des fêtes et les badauds vont devant l’église Saint-Philippe-du-Roule voir passer le duc de Luynes qui, après avoir fait une vie de polichinelle, épouse pour se recaler les millions de Mlle d’Uzès.
Et parmi les grelotteux, les ventre-creux qui voient passer le cortège tout flambant, pas un n’a eu l’idée de foutre une pierre dans le carrosse.
Allons ! du nerf, foutre ! montrez un peu à ces sales aristos qui font la noce en se foutant de vous que vous n’êtes pas les derniers des couillons.