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Fragments d’Histoire de la gauche radicale
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Le 18 mars 1871
Le Père Peinard N°10 - Série3 – 18 Mars 1900
Article mis en ligne le 1er février 2020
dernière modification le 25 janvier 2020

par ArchivesAutonomies

Encore un 18 Mars de plus à la clé, nom de dieu !

Ce chouette anniversaire se ramène et nous voici plus éloignés d’un an de cette riche matinée de mars 1871 où le populo en rebiffe et en plain accord avec les troubades, foutait la gradaille et la gouvernance en déroute.

Quand donc revivrons-nous pareille époque ?

Je ne sais, mille marmites !

Ce ne serait pourtant pas du luxe : y a besoin que ça vienne, — et vite, mille pétards !

Y a besoin que ça vienne pour déblayer la situation, car on mijote dans la mistoufle que c’est un vrai beurre !

Les capitalos sont d’un rapia faramineux et la gouvernance fait leurs trente-six volontés avec une souplesse de larbin. Quant aux galonnards, ils deviennent de plus en plus pétardiers, insolents et sanguinaires ; ils prennent la France pour une succursale du Soudan. Et avec ça, la clique noire, l’engeance cafardière, les malfaiteurs de la "Croix", se fout à pulluler de sacrée façon et s’aligne pour absorber tout le patelin et masturber radicalement le populo.

C’est pourquoi, un petit coup de trafalgar, — kif-fik le 18 mars, — serait une opération bienfaisante et salutaire.

Ça éveillerait les esprits endormis, ça secouerait la torpeur d’un tas de bons bougres qui s’ankylosent, et surtout ça nous aiguillerait enfin vers un avenir meilleur : il y a si longtemps qu’on poirotte après le bien-être et la liberté  !

Mais voilà, quand ça viendra-t-il ?

Y a pas mèche de savoir !

Il y a des choses si drôles et si renversantes  : c’est peut-être près... c’est peut-être loin... Ça peut venir demain, comme aussi ça peut tarder bougrement.

Le mieux est, pour ne pas être pris au dépourvu, — d’être constamment à l’œil, comme si ça devait venir demain.

Et c’est pourquoi il n’est pas mauvais de ruminer, de temps à autre, sur les façons de faire des gas d’attaque qui nous ont précédé, afin d’en tirer les leçons et des exemples pour les chambards prochains.

* * *

Le 18 mars 1871 commença chiquement : les jean-foutre de la haute voulurent faire un tour de crapules, désarmer Paris et lui barboter ses canons, afin de pouvoir ensuite, sans risque de pétard, serrer la vis au populo.

Les bandits trouvèrent à qui parler !

En un rien de temps, malgré l’heure matinale, tous les bons bougres se trouvèrent debout et la scélératesse gouvernementale avorta.

Les galonnards, qui avaient profité de la nuit pour amener des chiées de troupes dans Paris et les installer sur les boulevards et sur les places, voulurent leur faire canarder le peuple.

Les soldats ne marchèrent pas ! Ils virent le crime et, refusant d’assassiner leurs frères et leurs copains, ils levèrent la crosse en l’air.

Dès lors, il n’y avait plus à barguigner : la réaction était en déroute et la Révolution triomphait.

* * *

C’est à Montmartre, sur la place Saint-Pierre, que se déroula l’incident le plus dramatique de cette journée  : un galonnard, le général Lecomte, s’entêta à commander à ses soldats de tirer sur le peuple et, pour les y forcer, il menaça de faire fusiller les récalcitrants.

Ah ! malheur ! Le salaud aurait mieux fait d’avaler sa langue que de baver ainsi.

Jusque-là les troubades s’étaient bornés à désobéir en chinant la crapule galonnée. Ses menaces leur firent monter la moutarde au blair ! Ils empoignèrent le général, le firent prisonnier et le conduisirent au secteur de la rue des Rosiers, en haut de la Butte.

Un peu après, un autre bandit venait — contre son gré ! — tenir compagnie au général Lecomte : le général Clément Thomas.

Celui-là, c’est des gardes nationaux qui l’avaient arquepincé : c’était d’ailleurs une vieille connaissance des Parisiens, le monstre avait gagné ses premiers galons en fusillant les insurgés de juin 1848.

Le sort de ces deux culottes de peau fut vivement réglé : le général Lecomte fut fusillé par ses propres soldats et les gardes nationaux déquillèrent Clément Thomas.

Cette double exécution ne s’opéra pas sans récriminations et jérémiades de la part d’un tas de révolutionnaires à la flan qui rêvaient de faire des omelettes sans casser des œufs. Beaucoup plus farcis de générosité que de tempérament révolutionnaire ces types-là auraient voulu que les deux culottes de peau fussent épargnées.

— A-t-il épargné nos pères en 1848 ? répliquèrent les gardes nationaux en montrant Clément Thomas.

— Ne nous ferait-il pas fusiller pour refus d’obéissance s’il nous tenait à la caserne ? Objectèrent les soldats du 88e de ligne, à propos de Lecomte.

Les larmoyeurs en furent pour leurs frais et, pour une fois, le populo révolté négligea d’être sentimental.

* * *

Le mouvement paraissait engrené : on était sur le velours, et il n’y avait qu’à avoir de l’audace et à marcher de l’avant sans barguigner.

Ah, ouiche ! Va te faire foutre. La journée n’était pas finie que le Comité Central — où y avait pourtant de riches fieux — fichait un croc-en-jambes à la Révolution : il se fendait d’un manifeste pour désapprouver l’exécution de Lecomte et de Clément Thomas.

On ne pouvait pas être plus andouilles !

Le Comité Central n’avait qu’à rester coi : il n’avait ni à approuver ni à blâmer !

Mais voilà, à l’époque, on avait encore le dada de l’autorité, et le Comité Central se poussait du col et affichait illico la prétention de remplacer le gouvernement en déroute.

Mille tonnerres, au lieu de commettre la gaffe de blâmer un acte révolutionnaire, le Comité Central aurait bougrement mieux agi en prenant l’initiative de marcher sur Versailles illico.

Il n’y avait pas à barguigner, nom d’un pétard  : il fait opérer vite et donner le coup du lapin à la Réaction, avant qu’elle eût le temps de reprendre ses sens.

Quand, dans la journée du 18 mars, les scélérats de la gouvernance, Thiers, Vinoy et d’autres crapules, connurent le triomphe du populo, ils furent pris d’une chiasse insensée  : ils foutirent le camp à Versailles et, pendant quarante-huit heures, ils ne démarrèrent pas des chiottes.

Ils étaient bons à faire, mille marmites ! On les aurait pigés sur le trône et il n’y aurait eu qu’à leur fiche la tête dans la lunette.

Mais le populo n’était pas assez dessalé !

Certes, il y avait des bons bougres qui avaient conscience de la besogne à faire ; ceux-là comprenaient qu’il n’y avait pas à lanterner et que, pour foutre en complète capilotade la Réaction, il fallait aller la relancer dans son nid de Versailles avant qu’elle ne s’y fût installée et avant qu’elle ne fût revenue de sa grande trouille.

Seulement, ceux-là mêmes qui se rendaient le mieux compte de la nécessité d’une marche rapide sur Versailles manquaient d’initiative.

Ils attendaient les ordres !

Si c’était aujourd’hui, m’est avis qu’en pareille circonstance on s’alignerait autrement : ceux qui auraient idée de la chose communiquerait leur projet à d’autres bons fieux, et appel serait fait aux bonnes volontés. Nul ne serait forcé de faire partie de l’opération — ne marcheraient que ceux qui auraient compris l’utilité du coup à tenter.

Et foutre, ce n’est pas les volontaires qui manqueraient !

Et ils n’auraient pas manqué en mars 1871... ils ne manquèrent d’ailleurs pas quand — trop tard ! — on tenté la marche sur Versailles.

* * *

Ce fut une sacrée faute que de s’endormir sur le rôti, au 18 mars, au lieu de foncer carrément sur les réacteurs.

Et il n’y eut pas que cette boulette de commise, — il y en eut des chiées d’autres !

La plus faramineuse fut de respecter la Banque de France.

Pauvres niguedouilles que ces Communards ! On pourrait presque dire d’eux qu’à aucun moment ils ne furent à la hauteur de la situation, — ils n’eurent pas le nez assez creux pour assurer le triomphe de leur cause.

Ils ne furent chouettes que sur les barricades, lorsqu’il fallut se faire casser la figure.

C’était insuffisant, nom de dieu ! Ils auraient mieux fait de rendre les barricades inutiles en frappant la bourgeoisie au cœur.

Rien de plus simples ! Il leur suffisait de foutre le grappin sur la Banque pour couper la chique à la réaction versaillaise.

Ils ne le firent pas.

Bien loin de vider cette maudite baraque, kif-fik un œuf à la coque, ils collèrent des gardiens aux portes et ils laissèrent filer à Versailles les millions enfermés dans les caves de cette turne. Cette belle galette ne fut d’ailleurs pas perdue pour tout le monde  : Thiers l’utilisa pour faire la guerre aux Parisiens.

* * *

Il y aurait encore bougrement à rengainer sur ce qu’on ne fit pas en 1871, — mais il faut que j’abrège !

Le vieux Blanqui avait l’habitude de dire que, pour rendre toute reculade impossible, il faudrait, dès que la Révolution serait en train, que le populo s’aperçoive illico du changement ; que, dans les quarante-huit heures, il constate que son sort s’est amélioré, qu’il bouffe mieux, qu’il est mieux logé, mieux frusqué, etc.

Il avait raison le Vieux !

Malheureusement, rien de tout cela ne fut tenté pendant la Commune  : on ne songea même pas à déménager les purotins des pioles infectes où ils croupissaient pour les installer dans les turnes vides et potables qui abondaient dans tous les quartiers.

Et c’est justement cette négligence du côté social qui a rendu le triomphe des Versaillais plus facile.

La Commune ne sembla être qu’un gouvernement nouveau, — avec peut-être des fioritures et des sentiments plus humanitaires que le précédent, — mais elle ne donna pas au populo inconscient la sensation d’un régime de bien-être pour tous.

Et c’est justement ce qui devrait donner à réfléchir à ceux qui s’imaginent que la Révolution se fera par la prise de possession des Pouvoirs Publics, — qui rêvent du "quatrième Etat".

On ne peut pas souhaiter être gouvernés par des hommes plus intègres, plus désintéressés que les membres de la Commune  ; ces gas-là n’étaient pas ambitieux pour eux-mêmes et n’avaient qu’un dada, — le triomphe de la Révolution.

Ils furent pourtant impuissants, tout comme l’on été les gouvernements passés et comme le seront ceux qui nous faudra encore subir.

C’est que le salut ne peut pas venir de l’Etat, — pas plus que de Dieu  !

Le salut du peuple ne peut sortir que du peuple lui-même.

Et c’est cela qu’il faut nous ancrer dans la cafetière si nous ne voulons pas, au prochain chambardement, être victimes de déceptions et de défaites aussi cruelles que celles qu’on eues à subir [nos] ainés.